Cela faisait quelques jours que Liz partageait la tanière de sa soeur Djama. Elle avait toujours beaucoup de rancoeur en elle, envers son frère et surtout son autre soeur, mais elle tentait tant bien que mal de le cacher face à la messagère qui avait accepté de l'accueillir chez elle.

Elizabeth essayait de ne pas être un poids, ni ne pas être envahissante. Elle n'était pas à l'aise, pas encore. C'était une première pour elle, qui ne savait pas vraiment comment agir. C'était aussi la première fois qu'elle s'endormait avec quelqu'un dans la tanière. Avec les parents, elle s'endormait toujours seule. En un sens, l'apprentie juge était rassurée, et si sa première nuit fut des plus insomniaques, les secondes étaient rassurantes, plaisantes presque.

La perte de ses parents était encore dure à digérer, à vrai dire, elle n'avait pas vraiment réalisé, du moins c'était l'impression qu'elle en avait . Elle avait été touchée, au début. trop sans doute, sonnée par la nouvelle. Mais... Au final, elle ne connaissait pas ses parents. C'était deux loup qu'elle croisait parfois dans le camps, parlait un peu avec, quand avait de la chance. Mais... les avait elle connu?


Le soir tombait, elle avait fini sa journée au palais, aujourd'hui passée à nettoyer les sols et entretenir le jardin tropical. Elle avait apporté avec elle un cuisseau de mini meuh trop grand pour elle. Quand elle rentra, la tanière était encore vide, Elizabeth s'installa dans un coin, discrète, trop gênée à l'idée de déranger. Elle avait faim, aussi elle n'attendit pas le retour de Djama pour commencer son repas.

Alors qu’elle engloutissait un nouveau morceau de viande, sa sœur entra dans la tanière, s’approcha, mais ne pris pas de morceau du gigot d’Elizabeth. Cette dernière déglutit pour faire passer sa bouchée puis leva la tête vers Djama, Elizabeth n’était pas habituée à parler de ses journées, à vrai dire elle ne l’avait jamais fait jusqu’ici, papa ou maman rentrant trop tard pour ça…

A ces pensées la louve se sentit faillir à nouveau et elle se dépêcha de se reconcentrer sur sa grande sœur pour lui répondre.

Heu… bien, ils m’ont encore fait nettoyer la grande salle aujourd’hui

Comme si elle n’était pas déjà assez propre, on pouvait presque voir son reflet dans le sol de marbre, mais non, Liz devait la frotter, encore et encore. Il lui tardait d’avoir un apprenti rien qu’à elle pour lui refiler à son tour cette besogne tien.
D’une tape du museau sur le gigot, elle le poussa un peu vers Djama, l’invitant à s’en servir autant qu’elle en voudrait, avant d’en arracher un autre petit morceau et de le mâcher lentement.


Autant par politesse que par réel intérêt, Elizabeth retournait la question à sa sœur, elle se demandait ce que faisaient les messagers qui ne partaient pas en mission, s’ils s’entrainaient avec les autres ou s’ils pouvaient profiter de leur journée comme il leur plaisait. Peut-être avait-on confié une nouvelle mission à Djama ? En tout cas, Elizabeth ne remarqua pas la tension qui habitait sa sœur ainée.

Après quelques secondes de réflexions, Djama se pencha finalement vers le cuissot et pris un morceau de viande. La queue d'Elizabeth se secoua lentement derrière elle. Les moments, les repas qu'elle avait partagé avec sa famille étaient rares, mais elle se rendait compte qu'elle aimait ça, qu'ils étaient précieux. Un fin sourire vint éclairer son visage et à son tour, elle arracha un autre morceau.

Après avoir brièvement raconté sa journée cependant, Djama se fit presque mystérieuse et Elizabeth tourna ses oreilles droit vers elle, attentive, tandis qu'elle avalait son morceau mâché. Le début de la première phrase de sa soeur fit à nouveau remuer la queue de l'apprentie juge, elle aussi appréciait la cohabitation. Ses craintes au début s'étaient envolées et vivre avec sa soeur était bien agréable.

Mais la suite du discours de son aînée fit tourner les oreilles de Liz lentement vers l'arrière, tandis que sa gorge se serrait au fur et à mesure des paroles de la messagère. Elle lui avait menti... Elle disait avoir oublié, et si son fort intérieur la croyait, comment pouvait on oublier une chose pareille? Les oreilles d'Elizabeth étaient plates désormais, et sa queue avait retrouvé sa position inerte quasi habituelle, frôlant le sol.


Les pensées de l'apprentie juge s'embrouillèrent dans un vacarme silencieux, et elle recula d'un pas, hagarde. Djama allait aussi s'en aller.. Et Liz serait seule, après dix jours de désillution pour pas grand chose au final...

Il était tôt pour que Liz soit objective, ce qui arrivait à Djama était bien, et souhaitable pour tout le monde, mais dans l'instant, la jeune louvette avait de nouveau le coeur serré, la gorge nouée, l'air perdu. De nouveau mise à l'écart.

Néanmoins, Djama lui proposa de venir avec elle chez son compagnon, ou même de reprendre sa tanière. La seconde option fut mise de côté sans attendre, elle ne voulait habiter une tanière trop grande pour elle, qui lui rappellerait que Djama était partie une deuxième fois. Et Thildrill... Liz ne le connaissait pas, pas vraiment. Elle serait heureuse plus tard que sa sœur aie trouvé chez ce loup un compagnon idéal, mais dans l'immédiat, un sentiment profond de gêne et d'embarras naissait en elle quand elle s'imaginait partager leur tanière, elle dérangerait, elle le savait. Alors Liz secoua lentement la tête et balbutia.




Elle déglutit, la gorge extrêmement sèche, elle avait soif, elle avait la nausée, elle se sentait à nouveau seule.



Il y aurait bien une place quelque part pour elle, une place où elle pourrait rester pour de bon, où elle ne dérangerait pas. Elle secoua lentement la tête en sentant la terre tournoyer sous ses pattes.



La nausée ne passait pas, le vertige ne passait pas, la soif s’amplifiait, elle sortit lentement de la tanière, il fallait qu'elle boive, il fallait qu'elle prenne l'air. Elle regarda cependant un coup en arrière un instant. Elle savait qu'en sortant, elle ne serait plus capable ensuite de revenir sans se dire qu'on l'abandonnait à nouveau, cette fois-ci elle devait se prendre en main, comme elle aurait du le faire depuis longtemps. Il n'était pas encore très tard. La jeune louvette aurait encore le temps de se rendre au palais et de trouver un endroit où dormir là bas.

Elle aurait pu pleurer durant son trajet jusqu'à la rivière, mais à vrai dire, Elizabeth avait déjà probablement épuisé son stock de larmes.