Fin mai 269

L'hiver arrivait de plus en plus. La température ambiante devenait de plus en plus froide. Les pointes des sommets des plus hautes montagnes étaient devenues blanches. Lorsqu'elle avait demandé pourquoi à ses parents, ils lui avaient répondu qu'en hiver, le climat des montagnes changeait bizarrement, devenant froid, et que de la neige les recouvrait en partie ou pratiquement en totalité parfois. Pour la première fois de leur vie, Djama, Aymeric et Irina vont donc peut-être connaître la neige, si elle tombe jusqu'à eux. Djama n'était pas certaine de vouloir connaître ça, car vu les températures actuelles, si la neige s'amène, elles seront encore pire. Heureusement, elle pouvait compter sur le désert de Solar pour continuer d'apporter de la chaleur.

Aujourd'hui, son frère est venu la voir pour une exploration dans les montagnes. Il souhaitait qu'elle lui serve de guide pour qu'il sache se repérer bien plus en ce lieu. Il avait aussi pour but de découvrir le gibier s'y trouvant. L'apprentie messagère accepta. Elle apprécie passer du temps avec lui et si en plus c'est dans un lieu qu'elle affectionne, c'est d'autant mieux. Ainsi, le frère et la sœur sont partis après leur entraînement respectif.

La température ambiante faisait gonfler le pelage court de Djama pour l'affronter. Heureusement que son poil s'est épaissi pour lui conférer un petit manteau, mais ce n'était pas suffisant pour oublier le froid. Elle s'en accommodait à la longue et grâce aux mouvements de sa marche et de ses grimpes sur les rochers.
Les montagnes semblaient vides. Plus que d'habitude. Ce devait faire une demi-heure qu'ils se sont éloignés du campement, et aucune vie ne bougeait à l'horizon. Probablement qu'ils ne sont pas encore assez éloignés du camp pour espérer apercevoir du gibier. Son frère brisa le silence en râlant :

Non, sérieusement, on trouve vraiment rien !

La sœur s'arrêta et tourna la tête vers lui. Elle comprenait son agacement. Elle aussi aurait bien aimé trouver quelque chose. Elle n'avait jamais vu son frère chasser et n'avait jamais chassé avec lui hors de leur apprentissage inculqué par leurs parents. Ce serait une chose sympathique. Djama connaît les bases de la chasse, comme tous canins, mais depuis que papa et maman ont arrêté de l'y entraîner, elle n'a pas rechassé. Elle allait lui répondre en lui disant qu'il fallait continuer, mais l'attitude de son frère changea.

Aymeric s'était redressé et lui fit un signe de tête de le suivre. Probablement qu'il a senti l'odeur d'une proie. Elle le suivit sans rien dire, comme à son habitude. Il se mit à trottiner, elle fit de même. Il humait l'air : définitivement, il avait senti quelque chose. Après quelques mètres de plus, elle se mit aussi à renifler. Rien provenant d'un gibier, si ce n'est une vieille trace, mais elle perçut une odeur inconnue. Elle fronça des sourcils. Aymeric ralentit et elle fit de même. Elle renifla l'air avec insistance et l'odeur fut bien plus précise. Une étrangère était dans leurs montagnes. Comment une solitaire avait pu arriver jusqu'ici depuis les terres neutres sans se faire arrêter par une sentinelle ? Ok, c'est très grand, mais quand même ! A moins qu'elle vienne de l'autre côté des montagnes, ce qui est bien plus probable.

Prudemment, ils continuèrent de s’avancer et finirent par apercevoir l'inconnue. Celle-ci possédait les couleurs des loups du Feu. Peut-être en est-ce une ? De toute façon, elle ne fait pas partie du clan et elle n'a pas à être là. Elle n'avait pas l'air spécialement perdue en plus.

Qu'est-ce qu'on fait ? On donne l'alerte ?

Djama hocha positivement la tête. Il n'y avait personne de leur clan à l'horizon, mais probablement qu'il y en avait un ou deux non loin. S'ils donnent l'alerte, un adulte plus apte qu'eux viendra. L'apprentie messagère recula pour être totalement cachée et poussa le hurlement spécifique avertissant d'un intrus.

Fin mai 269

Aymeric se chargeait de garder un œil sur la rouge, tandis que Djama donnait l'alerte. A peine eut-elle finit de hurler, que cette inconnue était à présent devant eux. Un voile de cendres projeté dans l'air masquait la femelle rouge qui les menaçait. Entendant son grognement, l'apprentie messagère se recula derrière son frère en basculant ses oreilles, adoptant une attitude de retrait. L'inconnue cessa de grogner, mais montra ses dents tout en les fixant intensément. Oups... Pourvu que quelqu'un arrive vite ! Djama n'est pas faite pour le combat. Cependant, l'attitude de la rouge changea, adoptant un air plus calme et étonné.

Des… enfants ?

Djama ne réagit pas à cette question rhétorique et continua de l'observer du coin de l’œil en restant derrière son frère qui lui servait clairement de bouclier. L'étrangère observa les alentours et l'adolescente se détendit. Elle n'allait pas les attaquer finalement et heureusement !

Où sont vos parents ? Vos maîtres ?

Pourquoi est-ce qu'elle leur demandait ça ? Ils ne sont pas si petits que ça et puis ils n'ont pas besoins de leurs maîtres d'apprentissages. Djama s'était redressée, interloquée, sortant de son attitude recroquevillée.

Par le Soleil, n’y a-t-il donc aucun adulte apte de vous protéger proche de vous dans ses montagnes ? Il y a des ours vingt fois plus gros que vous de l’autre coté de ses montagnes.

Djama n'avait pas besoin de se faire protéger dans les montagnes. Elle les connaît, c'est son terrain de jeu principal, une extension du campement pour elle. De plus, elle court assez vite pour échapper à tout ! Elle connaît aussi les ours, comme tous loups du clan. Qui ne connaîtrait pas les ours ?

Je... J'ai jamais vu d'ours comme ça madame, vous venez d’où pour qu'ils soient aussi gros ?

Djama haussa un sourcil en entendant la voix de son frère devenue bien plus aigüe que la sienne.
Il est vrai que des ours faisant vingt fois leur taille, c'est beaucoup. Sans doute exagéré, du moins, elle l'espéra. Mais les ours ne sont pas les seuls dangers de ces montagnes : les serpents du Néant et les lamas néphilims sont aussi de sacrées bêtes. Bien qu'elle n'ait jamais vu de serpent du Néant.

Et puis, on a pas besoin d'être protégé : on connaît les montagnes et t'es chez nous.

Impossible que cette louve n'ait pas senti tous les marquages des sentinelles et/ou autres membres du clan arpentant régulièrement les montagnes. Elle les a directement repéré pour leur sauter dessus après tout. Les marquages urinaires et autres ne lui ont certainement pas échappé.
Leur interlocutrice observait, à présent, les environs d'un air méfiant. Quelqu'un avait vite répondu au hurlement d'alerte. En sachant la férocité dont pouvaient faire preuve certains membres du clan, l'inconnue avait plutôt intérêt à avoir une raison valable d'avoir franchi leur territoire... Les sentinelles sont assez intransigeantes avec ceux n'ayant pas un motif assez valable pour être sur leurs terres. Ces dernières sont d'ailleurs en route.

Fin mai 269

Encore un peu à tenir et l'étrangère sera face aux sentinelles. Il fallait qu'ils tiennent durant ce laps de temps. Il fallait qu'ils la gardent avec eux sans que la situation dégénère. Djama n'arrivait pas à savoir si l'individue était dangereuse ou non. (91/100) Certes, elle parlait avec calme, neutralité, légère sympathie pour eux, mais ils ne se connaissent absolument pas. La posture et le timbre de voix de l'étrangère sont donc rassurants. Seulement, il ne faut pas oublier qu'avant ce changement de comportement, elle leur a quand même grogné méchamment dessus et était prête à les évincer. Alors qu'elle n'est pas chez elle. Dans l'esprit de la petite louve farouche, ce comportement offensif était à rangée dans la case danger et par extension, cette Sorrigen aussi. Djama plissa les yeux et fronça le museau, la fixant. Après avoir réfléchit un peu plus sur son cas, elle prit sa décision. Méfiante de nature, l'adolescente ne sera pas dupée avec ces paroles posées et cette attitude attisant la gentillesse.

La situation était nerveuse et dure pour l'apprentie messagère. Si elle n'était pas au Désert, elle fuirait la rousse, reculerait sans la quitter des yeux. Auparavant, elle aurait également réagi comme cela même en étant au sein de son clan. Néanmoins, elle ne pouvait pas le faire. Elle ne pouvait plus le faire. Déjà parce qu'il y a son frère, mais à part ça, ce n'était tout simplement plus possible. Plus jeune, elle aurait pu et elle l'aurait fait, mais maintenant non. Même si ce n'était pas son rôle, elle devait tout de même être présente jusqu'à l'arrivée des renforts, car quand on est membre d'une meute, on ne laisse pas un potentiel ennemi ou même un simple étranger se gambader tout seul. Silfire lui reprochait sa tendance à fuir au moindre pet de travers. Il la travaillait sur cet aspect, pour qu'elle soit moins farouche et moins fuyarde. Une messagère trop farouche et trouillarde ne serait pas une bonne messagère. Alors, en cet instant, Djama prenait beaucoup sur elle. Son instinct lui disait de reculer, car elle ne faisait pas le poids en combat, surtout face à cette individue. Mais les enseignements de Silfire, ses paroles et sa responsabilité de membre de clan prenaient le pas sur ce qu'elle était.

Un tout proche hurlement retentit. Les sentinelles leur signifiaient qu'ils n'étaient plus très loin. Djama respira de nouveau. Sa crispation fut telle, qu'elle s'était arrêtée de respirer sans le remarquer. Elle se redressa un peu. Ça y est. La garde est arrivée. Ils sont sauvés.
L'étrangère à l'allure de renarde répondit aux sentinelles, signifiant qu'ils vont bien.

Allons à la rencontre de vos alliés. Ils doivent être mort d’inquiétude après avoir entendu votre appel.

Djama hésita à bouger. L'idée d'aller à la rencontre des sentinelles, diminuant la distance qui les sépare, est tentante. Ca leur permettrait de mettre fin à cette situation plus rapidement. Seulement, son frère était visiblement résolu à ne pas faire un seul pas. Alors, elle resta elle aussi sur sa position, suivant son attitude.

Les deux sentinelles trottèrent les derniers mètres, le pelage gonflé, le regard fixe sur la rousse. Djama choisit ce moment pour reculer et s'ébroua, relâchant sa tension et sa garde. Maintenant qu'ils sont là, il n'y a plus besoin d'être aussi alerte. Néanmoins, elle garda Sorrigen en joue du coin de l’œil.

Tu n'as rien à faire ici, étrangère. Retourne d’où tu viens.

Djama laissa les adultes régler cela. Aymeric et elle non plus rien à faire maintenant si ce n'est peut-être donner leur version des faits et divulguer les informations qu'elle leur a donné.

Fin mai 269

L'étrangère se présenta aux sentinelles et annonça le motif de son intrusion. De ce qu'elle dit, rien ne différait de ce qu'elle avait pu leur dire à eux. Les informations étaient semblables, se rejoingnant. Concernant cet aspect de la louve, Djama se disait qu'elle ne mentait pas. Elle restait tout de même méfiante envers elle, la considérant toujours dans la case "personnes dangereuses ou à se méfier". Elle exigea de voir leurs chefs. Après un petit temps infime de réflexion, les sentinelles consentirent. Après tout, il est préférable de l'emmener au campement, plutôt que de la chasser. S'il y a un danger qui peut potentiellement les toucher, le clan sera au courant comme ça.

Allez prévenir les alphas Hydromos et Ware de notre arrivée prochaine.

Djama hocha la tête, lança un regard à son frère, puis partit en suivant en courant. Elle prit une grande respiration lorsqu'elle s'éloigna d'eux, surtout vis-à-vis de la rousse. L'apprentie messagère dépassa bien vite son frère, elle fila sans se retourner, bien que plusieurs mètres après, elle s'arrêta pour voir où il était et l'attendre un peu. Néanmoins, elle ne put attendre qu'il soit de nouveau à sa hauteur, car ils ont un message à délivrer. Il faut que les haut-gradés soient au courant de l'approche des deux sentinelles avec l'étrangère avant qu'ils arrivent. Sinon, ce ne serait pas sérieux, alors qu'ils ont été envoyés en amont. De plus, Silfire allait lui passer un savon s'il apprenait qu'elle n'avait pas réussi à effectuer cette tâche. Elle n'avait pas envie de se louper alors qu'il s'agit de son premier message délivré à un bêta ou un alpha.

En arrivant, Djama alla en direction de la grotte servant généralement aux hauts-gradés et au conseil pour se réunir, faire des réunions, mais elle fut interceptée par un garde. Ne souhaitant pas insister, c'est à lui qu'elle délivra le message pour les alphas. Elle fut tout de même déçue de ne pas avoir pu parler directement à Aslan, Okazeh, Hydromos ou Ware. Ce sera pour une prochaine fois. Par la suite, elle repartit voir son frère pour continuer un brin de sa journée avec lui.