Aslan aurait pu mourir, il ne s'en rendait toujours pas compte. Trois mois plus tard il constatait toujours les séquelles de la bataille. Au début il avait gardé une voix très rauque et cassée, mais elle s'était vite remise avec la seule contrainte qu'il ne devait pas parler. Pendant son coma, les médecins lui avaient dit qu'il avait fait un rhume qui aurait pu lui être fatal vu l'état de faiblesse dans lequel il était.

Quand il s'était réveillé, ses petits étaient venus, et si Aslan ne s'était pas rendu compte de leur présence, tellement il était à l'ouest, les médecins avaient constaté que cette visite des trois petits démons avait redonné du poil de la bête au Bêta père de famille.

Puis il avait été défiguré, aussi. Il avait perdu de sa superbe, de longues balafres parcourait son museau, du sommet de son chanfrein, traversant ses babines, jusqu'à son menton et à sa machoire inférieure. Une longue cicatrice parcourait son cou également, où on pouvait y discerner sans problème les traces de dents d'Arkadius. Heureusement pour son cou, sa crinière et son long poil dissumulaient de plus en plus les cicatrices. Ce qui était moins le cas sur ses pattes où les traces de morsures étaient bien mise en évidence.

Il avait repris ses activités, lentement. Ses muscles avaient bien évidemment fondu mais il ne pouvait reprendre l'entrainement intensif qui les maintenaient autrefois en forme. Quand il avait pu quitter la tanière des médecins, il devait éviter tout effort physique et tout risque inutile. Maintenant, deux mois et demi après son réveil, il pouvait reprendre des marches plus ou moins longue pour ré-entrainer son endurance et recommencer sur de bonnes bases. Une chose était sûre: Aslan n'était plus un grand guerrier.


Il s'était baladé près de la rivière. La saison des chaleurs avait été dure pour lui, émoustillé par toute ces odeurs, dont une en particulier, sans pouvoir aller trop loin. Heureusement à présent c'était fini et le clan avait retrouvé son état normal.

Il s'assit près de la rivière calme et pencha la tête au dessus de l'eau pour observer son reflet. Un élan de dégout lui parvint, il était devenu affreux... Il resta là il ne sut combien de temps, à regarder son visage lacéré. Concentré comme il l'était, il n'entendait pas Okazeh arriver furtivement derrière lui. Aussi quand elle bondit devant lui, il poussa un jappement, sursautant. Il ferma juste à temps les yeux alors qu'il se ramassait une gerbe d'eau immense qui lui trempa le visage.

Il se redressa, une lueur farouche dans le regard, puis le rire cristallin de la bêta raisonna et son regard s'adoucit en un instant alors qu'il posait les yeux sur elle. Il prit un air faussement affligé, ironique.


Il rit et décida de sauter dans l'eau à son tour, quitte à être trempé autant l'être jusqu'au bout. Il rejoignit Okazeh et posa sa truffe contre la sienne, tout sourire, déformant ses morsures. Puis il s'éloigna, et pencha la tête.


Il était affreux, et n'était plus attirant pour un sous. Il était clair que son égo en avait pris un coup et s'il pouvait se targuer d'avoir tué le loup meneur de la seconde attaque au désert, il lui semblait avoir perdu toute dignité. Malgré tout une pointe de jalousie naquit dans son estomac. Il s'assit dans l'eau, profitant de la fraicheur que la rivière lui apportait.

Il perçu l'air inquiet dans les yeux de la louve et une mine coupable embruma son visage, mais comment pouvait-il envisager les choses autrement, à présent? Il la regarda plonger son museau dans son poitrail et ne bougea pas, un grondement apaisant sortant de sa gorge. Mais s'arrêta bien vite, elle plongea ses yeux dans les siens et il se perdit dedans, sans rien dire, il ne savait quoi dire. Elle lui sourit mais il ne répondit pas, figé, cherchant un sens à ces paroles, n'en trouvant pas.


Il n'eut pas le temps de penser plus loin, elle bondit dans l'eau, il ferma les yeux juste à temps alors qu'il se retrouvait mouillé à nouveau, un petit sourire éclaira son visage, qui s'élargit quand elle jappa. Il lui répondit de la même façon et la rattrapa en quelques bons, cependant son esprit était occupé, un nouveau regard préoccupé, inquiet, assombrit son visage décharné. Il suivit Okazeh attentivement jusqu'à ce qu'elle s'arrête, alors il baissa la tête en tendant le cou vers elle.



Réellement inquiet, il se redressa, le visage crispé. Il ne voulait pas qu'elle se force, il ne voulait pas qu'elle passe à côté d'un bonheur, ce n'était pas comme ça qu'ils avaient envisagés les choses.


Ses yeux lui piquèrent, c'était tellement injuste. S'il avait su qu'elle avait pris cette résolution, il n'aurait peut être pas proposé la portée à Okazeh. Il ouvrit la gueule, avalant une grande goulée d'air, la parole coupée.

Elle ne réagissait pas, faisant monter la frustration du mâle, pourquoi était elle si paisible! Lui se torturait, non pas de savoir qu'elle le laisserait tomber, mais plutôt de savoir qu'elle ne le ferai pas quoi qu'il se passe. En un sens, la savoir privée de sa liberté le déchirait en deux.

Elle avait planté ses yeux dans les siens et il la fixait sans plus rien dire. Qu'attendait elle? Aslan sentait une épée de damoclès sur sa tête, pourtant il n'attendait pas grand chose. Il voulait juste qu'elle ne lui refuse pas ça, qu'elle accepte de s'en aller si le moment venait un jour. Les petits comprendraient, ils grandissaient si vite.

Puis elle sourit et inspira, alors Aslan redressa la tête en fronçant un sourcil et en relevant l'autre, perplexe. Que fichait elle ici alors? Il eut presque envie de l'engueuler, ce n'était pas auprès d'Aslan qu'elle devait être, mais auprès de son âme soeur, si elle l'avait déjà trouvé! Il se releva en battant furieusement l'air de sa queue.

Elle cligna de l'oeil, ce qui le rendit encore plus confus qu'avant. Pourquoi fallait-il elle complique tout ? Mais au lieu de dire quoi que ce soit, elle enfouit simplement sa tête dans le cou couvert de cicatrice de lu mâle. Il la sentit inspirer, et vit ses flancs se gonfler sous l'air qui entrait dans ses poumons. Lui, retenait sa respiration, attendant le verdict, c'était oui ou c'était non? Oui ou non allait elle partir et le laisser?

Le temps s'étirait, torturant le mâle, être aussi incertain de son avenirs le rendait fou, alors qu'il n'avait aucun mal à se jeter dans une bataille. C'était à en perdre la tête. La voix de la louve se fit faible, si faible qu'il ne répondit pas de suite, décryptant ses paroles, une à une.

Alors il s'écarta, éberlué. Il la regarda les yeux ronds, vraiment? Il fit encore un pas en arrière mais trébucha sur une pierre de la rivière, il tomba sur ses fesses, sans réagir, fixant bouche bée la louve devant lui.


Il cligna plusieurs fois des yeux, tout mou, sans rien saisir, le cerveau bourdonnant dans sa tête, il la regarda avec des yeux de poisson, penchant misérablement la tête, il ne comprenait pas, qu'avait elle dis?

Sa tête bourdonnait tant, il ne releva pas le rire de la femelle, il ne comprenait rien et il n'aimait pas ça. Si Aslan n'avait pas pour affection de tout contrôler, ne pas comprendre le frustrait, et cette situation encore plus. Il ne se préoccupait même pas de savoir qu'il était dans une posture ridicule lui ôtant toute dignité. Il ne comprenait pas, c'était tout.

Puis elle s'avança d'un pas en le regardant, elle n'était clairement pas dans son état normal, il pencha la tête en clignant des yeux, avait elle abusé du fleuve hibiscus? Mais elle parlait doucement, et il était tellement éberlué qu'il ne remarqua même pas sa plaisanterie. Toutefois, la fin de sa phrase le fit bondir sur ses pattes.

Hydromos! C'était culotté!

Bon, il était vrai, il était absolument magnifique et avait remit en doute l'orientation du mâle, qui encore aujourd'hui n'arrivait pas à se dire de quel côté il penchait. Mais Hydromos bon dieu! Oui Aslan était resté bloqué plusieurs fois devant lui, mais le paon faisait souvent cet effet! Et puis, merde, c'était un alpha, un être inatteignable et il y avait cette nomade, Cassiopée, il n'y avait rien pour l'instant, rien du tout, mais on pouvait parfois percevoir cette curiosité que l'alpha avait à l'égard de la blanche. Il secoua la tête, il n'avait toujours rien répondu. Il balbutia, s'il avait pu, il aurait rougit jusqu'aux oreilles.


Il pris un air penaud, la tête basse, les oreilles basses, la queue effleurant l'eau. La frustration laissant place au reste, il se sentait à présent crétin de ne pas réussir à comprendre. Pourtant, il sentait la solution poindre au bout de sa truffe. Non, il ne voulait pas partir, il ne voulait pas laisser ses petits, ni leur mère. Il ne voulait pas aller voir ailleurs, l'idée ne l'avait pas effleuré, même devant Hydromos, même s'il l'avait trouvé beau à en tomber. Et s'il avait pu dire au début à Okazeh, quand les petits n'étaient pas encore là, qu'elle devait se sentir libre et qu'elle pourrai partir si l'envie lui en prenait, lui n'avait jamais pensé à ça et n'en avait jamais ressenti le besoin.

Un coup de langue humide lui fit relever la tête, il regardait Okazeh sans la voir, les yeux dans le vague, bas.
C'était une blague, Aslan ne réagit pas.
Elle lui lécha à nouveau le museau et se mit à gémir, ce qui fit dresser les oreilles d'Aslan sur sa tête. Elle s'était fait mal??! Son regard se fit inquiet à nouveau jusqu'à ce qu'il constate qu'elle allait bien. Il l'écoutait attentivement, les oreilles droites. Il hochait lentement la tête à chaque fois qu'il comprenait un bout de phrase, de plus en plus soulagé.

Puis il secoua vigoureusement la tête, pris d'effroi. Non diable! Pour rien au monde il ne voudrai être ailleurs, jamais! Il aimait ses petits, plus que tout, et n'avait pas besoin d'autre chose. Les avoir, les sentir exister, était un cadeau très précieux qu'il savourait chaque jour. Il ne voudrai jamais les quitter, jamais, ni eux ni elle.

Ni elle.

Elle était heureuse, et lui aussi. Alors la louve lui sourit. Et un sourire large, béa, lui déforma le visage, tandis qu'il retombait une nouvelle fois sur ses fesses. Sa queue frappait la rivière, et sa langue se mit à pendre sur le côté, alors qu'il penchait la tête, l'air gamin, regardant la louve. Oui, il était heureux.

A tel point qu'il ne remarqua pas qu'elle s'éloignait subtilement. Mais par contre, son clin d'oeil le fit bondir à nouveau alors qu'il réalisait qu'en effet, il était glacé. Et de plus, l'absence de pouvoir était plus handicapante qu'il ne l'aurait cru. Il fut contre elle en deux bons, collé contre ses poils pour lui donner un peu de sa chaleur, alors qu'il l'escortait vers la rive. Puis, alors qu'il retrouvait son calme et son sérieux, il parla d'une voix particulièrement basse, comme un souffle.