PLOUF !

J'atterris dans l'eau fraîche en riant gaiement. Le Soleil était haut dans le ciel et il faisait chaud, alors autant se baigner ! Je bondissais joyeusement, éclaboussant les alentours, puis j'entrepris de remonter le courant. Plus dur que ce que je croyais ! Mais je n'allais pas m'avouer vaincu. Une rivière n'aurait pas raison de moi si facilement. Alors que je luttais, je sentis quelque chose glisser doucement de mon ventre jusqu'à mes pattes. Puis je me rendis compte que j'avais bien enlevé mon keffieh et mon bracelet, mais pas ma ceinture.

- NON !

Criais-je avant de me retourner brusquement et de plonger sous l'eau. Je voyais ma ceinture s'éloigner, horrifié. Certes, cet objet ne me servait à rien, mais j'y tenais ! Nageant aussi vite qu'un poisson, je rattrapai ma ceinture du bout de crocs avant de remonter à la surface, un sourire victorieux aux babines.

Bon, tout cela m'avait fatigué. Je remontai sur la berge, remis mon keffieh et mon bracelet, enfila ma ceinture puis m'allongea sur le dos. J'observais les nuages défiler. Quels étranges choses. Je me demandais bien comment c'était au touché, un nuage. Enfin... Je m'en fichais un peu, aussi. Ça devait être mou et doux de toute façon.

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Immobile entre les épaisses feuilles d’un buisson touffu, la respiration lente et maîtrisée, tu observes le minuscule animal gratter l’humus humide du bout de ses microscopiques griffes. Une légère brise fraiche qui descendait du nord agitée doucement ton pelage roux et blanc, t’amenant le parfum net et apetissant de ton futur repas. Tu fixes inlassablement la souris au poil grisâtre, elle était dodue et ses couinements te donnaient l’eau à la bouche. Néanmoins, tu ne bronches pas. Ton ventre se tord douloureusement, mais tu l’ignores en te reconnectant toujours. Je ne peux pas la rater. Le soleil commence à jaillir de dernière un amoncèlement de nuages noirs, venant agresser tes grands yeux violets que tu te vois obligée de plisser pour apercevoir ta proie. Tes muscles te font de plus en plus mal et la souffrance et de plus en plus insupportable. Tu décides alors de te détendre et tu clos les paupières en redirigeant l’attention de tes sens aux alentours bruissant. A plusieurs bons mètres de ta cachette entre les branches, tu perçois le clapotis d’une rivière et ton museau renifle le fumet de poules d’eau juteuse. Décidemment, ton estomac a pris le contrôle de ton cerveau. Tu pestes intérieurement et, finalement, dirigée par la faim tenace, tu reviens à la souris qui ne serait qu’une maigre récompense. Bien, concentre toi Mina, tu l’as déjà fait il suffit de reproduire les mouvements complexes que les nourrices enchaînes face aux futurs chasseurs. Tu te ramasses sur toi-même en prenant soin de ne rien heurter. Tu prends une grande et profonde inspiration pour te stabiliser et tu revois dans ta tête le parcours à effectuer. Bond, coup de croc et dégustation. Tu bondis. Mais tout ne se passe pas comme prévu. Au moment de t’élever dans les airs, les épines d’autres buissons adjacents au tien accroche ta fourrure dans un énorme fracas, et ton repas détale en direction du cour d’eau. Tu le poursuis, plus que déterminée après tant de patiente. Ton cerveau de dit d’arrêter, mais les gargouillements de tes intestins te disent d’accélérer. Puis tu la perds de vu progressivement, voyant une chance de survie t’échapper. Tu frênes brusquement avant de renverser la tête d’un geste brutal et de pousser un long et puissant hurlement de rage. Dans ce long son aux basses vibrantes, toute ta colère et ta frustration se fit ressentir. Suit à ça, tu te sens mieux, et tu te redresses en jetant un coup d’œil autour de toi. Tu avais atterri à la rivière, et tu n’es pas toute seule. Un grand loup mince et svelte se tient, allongé sur le dos, au bord de l’eau en admiration pour le ciel. Il possède un poil de plusieurs bruns différents et un museau fin et effilé. Il était charmant dans l’ensemble, et dégageait beaucoup de joie de vivre. Et ce fut peu après que tu te rends compte grâce à son parfum, il fait parti de ton clan, malgré que tu ne l’aies jamais vu auparavant.

« Qui es-tu Monsieur le rêveur ? » Grinces-tu en braquant un regard interrogateur sur l’intéressé.

Tu le reluques avec insistance et tu fais rouler tes muscles qui se nouent et se dénouent en te retirant de justesse un grognement que tu ravales.

« Qui es-tu Monsieur le rêveur ? »

Je sursautai, ne pensant pas trouver de la compagnie, puis commença à rire de ma propre bêtise. Ou alors juste pour rire. Puis, d'un geste vif, je me relevai pour me retrouver debout face à l'inconnue. Je l'observai un peu. Elle était plutôt mignonne ; en grande partie beige, et un peu de roux et de blanc colorait son pelage. Et vu son odeur, elle semblait faire partie du même clan que moi. Tout sourire, je lui répondis :

- Till. Et toi ?

Puis, d'un bond, je me retrouvai juste devant son nez et me laissa tomber sur mon postérieur, toujours en souriant. J'espérais qu'elle ne prendrait pas mal mon approche plutôt étrange. La plupart des loups me regardaient bizarrement quand je bondissais devant eux.

D'un coup, mon problème nuageux me revint à l'esprit. Qu'en pensait-elle, elle ? Peut-être qu'un avis extérieur m'aiderai à répondre à ma question. Penchant légèrement la tête sur le côté, comme quand je m'interrogeais, je lui demandai :

- Au fait, à ton avis, ça a quelle texture, un nuage ?

Il rie. Debout droitement face à toi, tu peux à présent mieux l’observer à ta guise. Le violet clair de tes yeux pétillant de petites étoiles de joie, tu détailles du regard le jeune loup. Il était gris beige en majorité et il possédait une mince fourrure un peu hirsute, une ceinture noire saillait ses hanche et un bandeau poussiéreux pendait à son cou. A première vue, on aurait pu le prendre pour un solitaire d’après ses allures négligées, mais son odeur ne trompe pas et tu sais pertinemment qu’il est de ton clan. Certes tu ne l’as jamais vu auparavant, mais s’il on considère le temps que tu as passé au sein de la meute, cela peu paraître normal. Au fond de son regard voilé de secret, une étincelle rêveuse règne et tu le trouves plutôt intriguant.

« Till. Et toi ? » Te répond le grand loup brun.

Sa silhouette était svelte, voir osseuse par endroit malgré qu’il a des épaules noueuses et un poitrail voluptueux. Vous vous fixèrent mutuellement. Il lève les yeux au vers le ciel, un air pensif au museau et les traits plissés, comme préoccupé.

« Au fait, à ton avis, ça a qu’elle texture un nuage ? » Te questionne-t-il sans détourner la tête de la Toison azure parsemée de ces fameux nuages.

Tu n’es pas surprise, ou du moins tu ne montres rien, tu restes de marbre face à sa demande déroutante. Tu renverses la tête à ton tour, réfléchissant à ses spéculations.

« Je pense qu’ils sont cotonneux et moelleux comme un lapin encore tiède après la chasse ou comme un lit de mousse. » Répliques-tu, énigmatique. « Moi… C’est Mina. »

Un mince sourire étire tes babines, un sourire de louve. Tes pupilles se dilatent et tu te détends en compagnie de Till. Une légère brise douce agite tes oreilles et les poils de ta queue rousse dressée dans le vent. Tu ne saurais dire pourquoi, mais ça te fait du bien de retrouver un membre de ta meute.

« Je pense qu’ils sont cotonneux et moelleux comme un lapin encore tiède après la chasse ou comme un lit de mousse. »

Quelle étrange louve. Je n’aurai jamais pensé avoir une réponse pareil. En général, les gens me regardaient bizarrement et me traitaient comme un gamin quand je posais des questions pareilles. Et elle avait raison. Moelleux comme un lapin tiède et cotonneux comme un lit de mousse. J’aurai adoré vivre sur un nuage.

« Moi… C’est Mina. »

Mina ? Jolie nom, je pensais arriver à m’en souvenir. Je profitais de ce moment pour l’observer à nouveau. Elle était à la fois fine comme une douce louve et musclée comme une chasseuse. Et ces yeux... Ces yeux étaient d’une étrange couleur. Violets. Je n’avais jamais vu d’yeux pareils.

Elle sourit.

D’un coup, j’eus envie d’aller nager, encore une fois. Pourquoi ne pas lui proposer une petite baignade ? Peut-être qu’elle accepterai de s’amuser un peu avec moi. Peut-être qu’elle gardait encore en elle une partie de son âme d’enfant.

- Dis, tu veux jouer ?

Un grand sourire aux lèvres, je continuai :

- Ça te dis une course ? Celui qui remonte le plus vite le courant jusqu’à la grosse pierre à gagné.

Malgré les flots déchaînés qui se précipitent à une ou deux queues de renard de toi, tu n'es pas anxieuse. Tu ne sais pas dire si c'est la présence de Till ou simplement un excellent self-contrôle, mais tu n'as bizarrement pas envie de partir. Tu en as conscience, habituellement, tu te serais enfuie toutes pattes à ton cou. Mais dès à présent, ce n'est pas le cas. Tu es même plutôt assez détendue dans la mesure du possible !  Un grand disque jaune pâle paraît haut dans le ciel est vous réchauffe le dos de ses puissants rayons de feu. Tu aimes le soleil. Il illumines le torrent en le rendant presque supportable à tes grands yeux violets légèrement plissés face à la lumière importante. Et tu détestes l'eau, en réalité, tu en as une peur bleue.

« Dis, tu veux jouer ? » Te propose-t-il, l'air avenant et un grand sourire narquois sur les babines.

Tu dresses tes fines oreilles rousses, soudain totalement à l'écoute.

« Ca te dit une course ? Celui qui remonte le plus vite le courant jusqu'à la grosse pierre a gagné. » Ajoute-t-il alors que son sourire ne faisait que grandir en même temps que le tiens disparaissait.

Merde. Ton cœur se met à cogner de plus en plus fort contre ta poitrine et tes pupilles se dilatent brusquement. L'eau. Des flash-back te reviennent comme une grosse gifle sur le museau et tu sens tes pattes prêtent à lâcher. Tu pestes, tu savais dès le début que tu n'aurais jamais du venir ici. Tu revois en image, ton corps flasque coulant progressivement au fond des vagues impétueuses qui t'engloutissent. Tu ressens à nouveau tes poumons qui te brûlent alors que le liquide visqueux te remplit la bouche. Le monde chavire autour de toi et, alors que tu recules d'un pas, tu faillis t'écrouler de justesse. Tu te souviens parfaitement, ton impuissance, ton pouvoir qui ne répond plus, comme abandonnée par la vie. Tu secoues la tête d'un geste vif pour chasser tout cela de tes pensées et revenir à la réalité. Hors de question que je joue à ce jeu stupide qui peut mal tourner !

« Non merci Till... » Répliques-tu d'un ton assuré voir pressant. « Ne prends pas ça pour toi, j'aurais adoré jouer avec toi.. ! »

Tu marques une pause.

« Mais c'est impossible !!! » Tu as la gorge nouée alors que ses mots te blessent la langue.

Tu affiches un mince sourire déçu, il avait l'air si gentil. Tu penches doucement la tête sur le côté, en signe d'excuse. Tu passes ta langue râpeuse sur les poils crèmes de ton poitrail un peu ébouriffé, tu aurais tellement voulu te cacher dans un trou de souris.

D'un coup, l'expression de la louve changea. Comme si elle avait... Peur ? Mais peur de quoi ? De l'eau ? Comment est-ce possible d'avoir peur de l'eau ? L'eau est la base de la vie, pourtant.

« Non merci Till... »

Elle était assurée, pourtant. Alors soit cette louve était complètement folle, soit elle était forte pour cacher la vérité.

« Ne prends pas ça pour toi, j'aurais adoré jouer avec toi.. ! »

Il était évident que je n'allais pas me vexer. Après tout, il y a plein d'autres choses à faire. Après une courte pause, elle continua :

« Mais c'est impossible !!! »

Elle semblait honteuse. Oh, mais il ne faut pas se tracasser pour si peu, voyons ! Je m'approchai un peu plus d'elle et lui souris gentiment, puis je lui répondis :

- Eh bien tant pis, on a qu'à faire autre chose.

Je voulais la réconforter, mais je ne savais pas vraiment comment faire. Malgré mon extravagance, je n'avais jamais su comment "bien parler" aux autres. En fait, en général, je me fichais bien des autres.

Till - « Et bien tant pis, on a qu’à faire autre chose. »

Shhhh. La mélodie du bruissement des feuilles murmure à tes oreilles. Schkroumf Schkroumf Schkroumf. Le son des dents d’un rongeur raclant la terre. Plic Ploc Plic Ploc Plic Ploc Plic Ploc. Le tintement de minuscules gouttelettes contre une flaque endormie. Inh, Fffff, Inh, Fffff, Inh,  Fffff. Tu fermes les yeux et écoutes ta respiration calme et profonde. Chaque expiration chasse un peu plus la peur qui paralyse ton corps et au fur et à mesure des minutes qui s’écoulent, tu te sens mieux. Tu écarquilles tes grands yeux roses pétillants d’intelligence, et tu bondis sans prévenir. Tes muscles se détendent tels des ressorts et tu couches les oreilles en plein vol, pour l’aérodynamisme du mouvement. Tu te replis sur toi-même pour encaisser le choc lorsque tu atterris sur Till, retroussant tes babines sur une rangée de longs crocs étincelants. Le sang afflue à toute vitesse dans tes veines et ton cœur pulse fort contre ta poitrine, l’adrénaline te fait virevolter dans tous les sens, insaisissable. Tu as l’habitude de faire ce genre de démonstration, mais cette fois-ci, quelque chose diffère. Tu passes au-dessus de lui, en dessous de lui, vos fourrure se frôlent et un incompréhensible quelque chose étrange t’interpelle. Alors que tu tournoies autour de Till dont les poils bruns accrochent les tiens, tu dérapes devant lui et emprisonnes son museau dans ta gueule béante. Tu presses doucement tes crocs aiguisés contre sa peau fine sans le blesser, et tu éclates de rire. Tu es secouée de tremblement tant tu ris fort, mais tu ne lâches pas Till, bafouillant dans la mince fourrure qui recouvre son nez.

Toi – « Che genre de jeu ? »

Hahahaha. Ton rire s’élève parmi les arbres et tu ne peux plus t’arrêter.

Elle reprenait doucement son calme quand, sans prévenir, elle me bondit dessus, me faisant tomber au sol. Je ris de bon cœur alors qu’elle m’emprisonnait le museau entre ses crocs.

« Che genre de jeu ? »

J’adorais me battre, mais j’étais loin d’être un as en la matière. Trop fin et léger pour faire le poids face à un loup à la musculature développée. Du coup, je devais compter sur ma rapidité et mon agilité. Mais... Bloqué sous une louve, toute l’agilité du monde ne sert à rien.

Profitant de son fou rire, je me renverse d’un coup, l’entraînant avec moi. En peu de temps, je réussis à passer au dessus d’elle. Pour l’immobiliser au sol, je pose ma patte sur sa poitrine, sans vraiment appuyer. De toute façon, elle pourrait m’envoyer voler d’un simple coup de patte.

Je ris de plus belle, content d’avoir trouvé quelqu’un avec qui jouer.

Spoiler:

Mes grands yeux roses scintillaient de minuscules larmes de rire qui commençaient à perler sur mes joues. Tout mon corps était secoué de tremblements singuliers qui faisaient onduler ma fourrure rousse et jaune. Mes coussinets qui s'appuyaient sans retenu sur son poitrail beige maintenait Till au sol pendant que je tentais de calmer ma respiration saccadée par mes gloussements incontrôlables. Il faisait chaud. Le soleil qui avait grimpé haut dans le ciel dépourvu de nuages déversait sans réserve ses puissants rayons ardents sur la forêt. La cime des arbres les plus élevés doraient considérablement et tranchait sur les branches verdoyantes qui poussaient à leur pieds. L'humus qui était d'habitude si humide et si frais semblait sec et desséché ainsi harcelé par le soleil qui se consumait furieusement. Till profita de la légère inclinaison de la pente qui menait à l'étroit ruisseau qui louvoyait en contre-bas pour rouler et m'emmener avec lui afin de reprendre le dessus. Sa technique fonctionna et je me retrouvais écrasée par le jeune loup brun.

« Tu pèses ton poids ! » Déclarais-je, amusée.

Je me tortillais sous le corps svelte et élancé qui me surplombait à tel point qu'il me cachait à l'astre flamboyant. Je réussis à me faufiler entre ses pattes en décontractent mes muscles et en me laissant glisser le long de son axe. Je me retrouvais libre et ris de plus belle, dressée de toute ma hauteur à côté de lui.

« Je meurs de soif ! » Bougonnais-je en chatouillant son museau du bout de mon épaisse queue auburn.

J’enjambais les quelques mètres qui me séparaient de l'eau courante avant d'y tremper la truffe et d'y boire goulument, rafraichissant mon gosier asséché. Je poussais un long soupire de bien être avant de me laisser tomber au bord du ruisselet dont le clapotis des eaux pures apaisaient le feu de l'adrénaline qui me quittait progressivement. J’observais la surface du fleuve étinceler sous le rayonnement solaire et le reflet des bois au fond des eaux.

« On est bien ici n'est-ce pas ? Tu vois les milliers de diamants qui flottent à la surface de l'eau ? » Murmures-tu en sachant pertinemment qu'il entendrait.

« Tu pèses ton poids ! »

Je souris, amusé par la situation. Cette louve était bien sympathique, une agréable compagnie. Sans que je ne m’en rende compte, elle m’avait filée des pattes, habile et rusée comme la meilleure des chasseuse. Je ris doucement, comme à mon habitude. Il fallait bien avouer que mon rire était étrange. Un petit « haha » qui semblait forcé mais que ne l’était pas.

« Je meurs de soif ! »

Dit-elle en passant sa douce queue sous mon menton avant de rejoindre le bord de la rivière en quelques bonds gracieux. Je me retournais, la suivant du regard. Après avoir bu quelques gorgées, elle se laissa tomber au bord de l’eau, observant sa surface brillante. Dans un murmure, elle me demanda :

« On est bien ici n'est-ce pas ? Tu vois les milliers de diamants qui flottent à la surface de l'eau ? »

Je ne répondis pas tout de suite et m’approcha d’elle pour me positionner debout un peu derrière elle. Je regardais l’eau par dessus son épaule. Le flot tumultueux de la rivière brillait à la lumière du Soleil et semblait presque vivant.

- C’est plutôt beau.

N’importe qui aurait trouvé cette situation romantique. Mais j’étais loin d’être quelqu’un de romantique, je crois. J’étais quelqu’un de chiant, gamin, têtu, impulsif, mais pas romantique. Je loupais peut-être quelque chose. Sur le moment, je n’en savais rien.

« C’est plutôt beau. » Réplique-t-il.

J’entends le bruit sourd et étouffé de ses coussinets qui s’enfoncent dans les feuilles sèches. Je sens son souffle chaud sur mon échine et bientôt sa petite tête beige apparaît au-dessus de moi. Je regarde son ombre s’étendre par-delà mon dos et m’engloutir en se projetant sur l’herbe cassante et rêche du bord de fleuve. Je fixe les yeux sur le courant déchaîné qui s’écrase contre la dent de pierre dressée au milieu des flots dans un clapotis tonitruant. Les vagues d’eau scintillante s’acharnent sur le rocher pointu en mourant sur son sommet, devenant simple mousse blanche qui crépite. J’aperçois le temps d’une demi-seconde la silhouette d’un animal poilu à quatre pattes qui avait filé entre de gros nuages de vert éclatant et de longues tiges qui poussaient de l’autre côté du tonnerre à la roche. Je bougeais dans tous les sens mes grandes oreilles rousses pour mieux capter les sons du potentiel gibier, mon ventre grognait.

« J’ai faim. » Déclarais-je d’un ton neutre.

Je me relevais sans me soucier de Till et nos fourrures se frôlèrent lorsque je fis un pas en avant, l’air désinvolte.

« Une petite chasse ? » Proposais-je en faisant demi-tour pour lui faire face.

Je dévoile dans un grand sourire malicieux tous mes crocs et j’hausse une à une mes épaules en sautillant sur place.

« J’ai faim. »

J’avais faim aussi. En fait, je ne savais pas depuis combien de temps je n’avais pas mangé. J’étais habitué à me nourrir très peu, simplement par flemmardise. Et mon organisme s’y était habitué aussi. Mais du coup, j’étais un peu plus faible et sujet aux maladies que les autres loups.

« Une petite chasse ? »

Une chasse ? Je supposais que chasser à deux serait plus simple. Et plus drôle, aussi. Elle se retourna et me sourit malicieusement. Je lui rendis son sourire et lui répondis :

- Pourquoi pas. Néanmoins, je pensais que c’était la moindre des choses de la prévenir de mon piètre niveau. Mais je ne suis pas vraiment doué en tant que chasseur.

Je crois que ce que je préférais dans cette discipline – et même si ça me faisait mal de l’avouer – c’était tuer. Je n’aimais pas le sang et ôter la vie ne me faisait pas grand chose, mais voir mes proies en pleine hallucination était quelque chose d’étrange. Et puis elles ne ressentaient pas la douleur, de toute façon. Mon pouvoir était bien utile.

Spoiler:

« Till , comment un loup peut-il ne pas être doué en chasse ? » M'écriais-je.

Je dressais mes grandes oreilles rousses en me tournant vers le loup brun qui affichait une mine interdite. Il s'était drôlement rembruni et une ombre triste flottait sur son museau, la honte était parfaitement lisible au fond de son regard morne. Je penchais légèrement la tête sur le côté en relâchant tous mes muscles, la chasse n'était visiblement pour pas tout de suite. Une lueur interrogatrice se reflétait dans mes yeux roses qui s'était voilé à la vu de mon ami que j'avais mise mal à l'aise.

« C'est instinctif non ? » Murmurais-je.

Je me rapprochais de lui comme pour supporter avec lui le poids de secrets qui lui oppressaient le cœur. Je pressais doucement mon épaule contre la sienne en affichant un gentil sourire de loup qui fit pétiller mon regard sucré. Quelque chose en moi avait compris une vieille douleur ancrée chez mon camarade, je ne savais ni quoi ni pourquoi ni comment, mais quelque chose cloché !

« Dis Till , d'où te viens ce dégoût de la chasse ? » Questionnais-je avec douceur.

Je donnais un délicat coup de museau dans le poitrail blanc de l'animal. Till avait le regard vide, dénué d'attention et il paraissait dangereusement ailleurs.

« Till , comment un loup peut-il ne pas être doué en chasse ? »

Eh bien, pour tout dire, je pense que que les grands bâtons qui me servent de pattes jouent beaucoup. Mais bon, j’étais mal à l’aise, moi. Je n’aimais pas beaucoup parler de mes faiblesses. Mina semblait l’avoir remarqué, si bien qu’elle se radoucit et chuchota :

« C'est instinctif non ? »

Je devais avoir un instinct peu développé alors. Elle se rapprocha de moi et pressa son épaule contre la mienne et m’offrit un sourire chaleureux.

« Dis Till , d'où te viens ce dégoût de la chasse ? »

Dégoût ? Ce n’était pas vraiment du dégoût... J’étais plutôt désespéré par mon manque d’habilité et ma flemmardise. Il faut dire que je préférais de loin me faire servir plutôt que me débrouiller tout seul. Mais bon, je n’étais pas incapable de me débrouiller en cas de problèmes. J’avais les bases quoi. Je réaportai mon attention sur la louve avant de répondre :

- En fait, la chasse ne me dégoûte pas vraiment. Je ne dois pas avoir  "l’instinct" comme tu dis. Enfin... Je ne suis ni très discret, ni très habile. Je ris doucement. Les proies me voient bien avant que je ne les repère.

Spoiler: