La plaine savane... Styx ne s'était encore jamais aventuré dans cette partie des terres, n'en voyant tout simplement pas l'intérêt. Seulement depuis la chute de la météorite et l'apparition de la faille, le nombre de lieux où il pouvait se rendre en toute tranquillité avait fortement diminué. Pire encore il avait perdue l'accès à sa tanière dans la Forêt Talaïala ! À cause de cette maudite faille, il lui était devenus impossible de rendre visite à ses frères et sœurs ! Retenant un grondement à cette pensée, il se remit en route. Il n'était pas venu ici sans raison après tout.

Sa tanière étant inaccessible pour le futur proche, il lui en fallait en établir une nouvelle dans les terres du Nord. Pour cela il lui fallait un endroit suffisamment vaste réduire les chances qu'un loup ne tombe dessus par hasard et, bien entendus, il lui fallait une source de nourriture. Pour cela la plaine semblait presque idéale. Le climat aride garantissait qu'il n'y rencontrerait que peu de loup et des traces qu'il avait remarquées dans le sol confirmait qu'il y avait bien du gibier même si très certainement moins prolifique que dans la forêt où il résidait usuellement. Le principal problème pour qu'il s'établisse ici allait être l'eau. Cela faisait une bonne heure qu'il marchait et pourtant il n'en avait pas encore trouvé la moindre goutte.

Agacé, épuisé et commençant à souffrir d'un léger mal de crâne à cause du soleil brulant, il décida qu'il était plus que temps de faire une pause et alla s'installer sous un l'un des rares arbres parsemant la savane. Une fois à l'ombre, il s'allongea et soupira de contentement, la fraicheur apportée par celle-ci faisant beaucoup pour atténuer sa mauvaise humeur. Vraiment, s'il trouvait de l'eau, il se voyait bien vivre par ici pendant quelque temps. La tranquillité lui plaisait et le paysage dégagé était un sacré changement comparé a la forêt.

Pendant un moment, il envisagea de faire une sieste, mais jugea rapidement que cela ne serait pas prudent. Bien que discret, les murmures étaient bien présents et actif. S'il dormait, il risquait encore une fois de se réveiller à des kilomètres de son emplacement actuel et de faire il ne savait quoi. Avec un nouveau soupir, de dépit cette fois-ci, il pivota sur son dos et entreprit d'observer les nuages pour passer le temps.

-Athanas-

La vie continuait après la chute de la météorite, mais elle était bien plus difficile. Leur groupe avait eu des blessés, des tanières effondrées, et par la bonté d'Eden Athanas s'en était tirée sans une égratignure. Mais depuis l'évènement, elle avait redoublé d'efforts pour soigner, avec sa soeur et Ghall, tant bien que mal. Leur temple s'était également effondré sur lui-même, mais la priorité n'était pas de le reconstruire pour le moment. Car il y avait bien pire : la tempête arrivait.

Athanas, elle, essayait de rester positive. Après tout, elle était loin de Gork, dans un groupe qui la protégeait. Mais l'instabilité avait accentué ses épisodes d'absence . Parfois pendant de longues minutes, elle ne se souvenait de rien, n'était capable de rien. Elle n'osait en parler à personne -que pourraient-ils faire ?- de peur qu'on lui dise que son corps, déjà maudit jusqu'aux os, était en train de la lâcher. Alors, elle se taisait. Restait positive, souriante, et endurait.

Alors, elle allait ramasser des plantes, faire des remèdes. Le ciel au dessus de la savane était encore beau, malgré les nuages noir venant du nord qui s'annonçaient depuis plusieurs jours déjà. Mais elle se concentrait sur ça, le ciel bleu, leur dernier bout de ciel bleu avant la tempête. Et alors qu'ellle s'était un peu éloignée de leur camp, une odeur inconnue vint la trouver : un loup était là, allongé, à regarder le ciel. Elle sourit :

Bonjour monsieur

Si observer le passage des nuages n’avait rien de bien passionnant, il ne pouvait nier que cela était fort relaxant. Il était bien dommage que ce temps n’allait pas durer au vu des sombres nuages qui s’accumulait au nord. Il ne savait pas combien de temps il leur faudrait pour arriver jusqu’a cette partie de la savane, mais il était clair qui ne devait pas perdre trop de temps à rester inactif. Ces nuages annonçaient un gros orage, peu être même une tempête. Il était donc impératif qu’il s’établisse un abri sous peu. Toutefois, il allait devoir s'occuper de ça plus tard, car il n’était plus seul.

"Bonjour monsieur"

Styx, ne put contenir un soubresaut de surprise. Il n’avait ni sentit, ni entendus venir la louve. Fortement agacé face à son manque de prudence, il se redressa pour faire face à l’inconnue et se figea complètement dès que ses yeux se posèrent sur elle. Des os, de très nombreux os dépassaient de son corps. Ces os si blanc, si pur... il les lui fallait ! Inconsciemment, il un pas en avant tandis que les murmures au fond de son esprit s’intensifiaient. Un autre pas puis un autre le rapprochèrent encore de la louve avant qu’il ne s’immobilise soudainement.

Un fin filet de sang se mit alors à couler de sa gueule. Pourquoi ? Il venait de se mordre la langue afin de reprendre le contrôle, étant bien décidé a ne pas se laisser dominé par son héritage familial. Honteux et furieux contre lui-même, il reprit rapidement sa place d’origine avant de s’assoir et d’enrouler fermement sa queue autour de ses pattes, comme pour s’empêcher de bouger. Baissant la tête pour ne pas croiser le regard de la louve, il s’adressa à elle de sa voix rauque et graveleuse.

"Navré, miss... je ne voulais pas..."

Il resta silencieux un moment, souhaitant presque que le sol l'engloutisse. De base, il n'était pas très doué sur le domaine social. Entre le triste exemple qu’était sa mère et les années qu’il avait passé a évité les autres, ce qui venait de se passer n’arrangeait vraiment pas les choses.

"Je... je suis désolé. Parfois, il m'arrive de ne plus être maitre de mes actes."

-Athanas-

Le mâle se releva, surpris par sa présence. Elle ne bougea pas -une habitude lorsque chaque mouvement pouvait engendrer des douleurs atroces- mais garda la queue basse malgré un regard soutenant le sien. Un instinct centenaire, celui de se soumettre, bravant l'envie de garder la tête haute et la curiosité. Mais alors, le mâle fait un pas vers la louve, puis un autre. (86) Est-ce à cause de la couleur du loup, ou de son regard écarquillé, peut-être de la marque en diamant sur son oeil ? Athanas se fige, et soudain, ses souvenirs lui échappent un instant.

Une seconde de battement, durant laquelle elle se retrouve hors d'elle. Gueule entr'ouverte, sans expression. Puis d'un coup, elle revient. Cligne des yeux, et remarque le sang, entend la voix coupable. Elle fronce légèrement les sourcils :

Vous êtes blessés ?

La douleur lancinante émanant de sa langue meurtrie se révéla surprenamment efficace pour noyer les murmures. En se concentrant sur celle-ci, il ne les entendait presque plus. Aussi triste cela puisse-t-il être, il semblait que la douleur soit la seule chose capable de le ramener à lui lorsqu'il commençait à se perdre.


"Vous êtes blessés ?"

Gardant la tête basse, autant pour ne pas croiser le regard de la louve que pour garder les os parsemant son corps hors de son champ de vision. Il n'était pas entièrement sûr de pouvoir la regarder sans risque de rechute.

"R... rien de grave mademoiselle. Je me... me suis juste mo...mordus la langue"

Il gratta légèrement le sol d'une patte avant de reprendre.

"Ai-je en... envahis votre t... territoire par mégarde ? Si c'e... est le cas je... je peux partir."

Il le pouvait, oui, mais en avait-il envie ? Il se le demandait. Il n'avait cessé de vivre en complète isolation depuis qu-il avait laissé sa mère pour morte. Autrement dit cela faisait pratiquement cinq ans qu'il vivait seul aussi bien pour se protéger lui que pour protéger les autres de ce qu'il était. À vrai dire, celle louve était le premier être vivant à qui il parlait depuis bien longtemps.

-Athanas-

Le mâle était gêné, visiblement, de plus en plus. La jeune louve ne savait pas bien comment le prendre : il était blessé, fuyait son regard ... Est-ce que c'était à cause de son apparence ? Peut-être qu'elle le dégoutait, ou lui faisait peur ? Elle fronce les sourcils, peinant à se concentrer, à regrouper ses pensées et ses souvenirs. A rester elle-même.

Non, non je ... Nous n'avons pas vraiment de territoire, on vit juste ici

Elle tourne légèrement la tête vers son chez-elle -la sécurité. Elle a cruellement envie de rentrer, mais également envie d'en savoir plus. Car si elle part toujours se réfugier chez les autres, quand est-ce qu'elle vivra pour elle hein ? So regard glisse sur le corps du mâle, s'arrête sur sa queue :

Qu'est-ce que vous avez, à la queue ?