- Effectué aux montagnes du Néant -

THILDRILL

Après la demande d'Okazeh, Thildrill avait très vite soumis à l'alpha une liste d'équipements, de matériaux, et de loups dont il aurait besoin pour l'assister dans sa tâche. Bien entendu, en tête de la liste se trouvait Djama. Son amie d'enfance, en effet, avait été formée depuis son plus jeune âge par ses soins à la recherche de métaux. Certes, son efficacité était bien moindre que celle du loup dragon, mais elle se débrouillait suffisamment bien avec des filons peu profonds où lorsque qu'il lui indiquait une zone où chercher.

Il s'était installé un petit atelier à côté de la forge pour pouvoir étudier au mieux son fonctionnement, et faire des tests avec les métaux qu'il possédait déjà. Il devait vérifier si les alliages qu'il faisait manuellement avec son pouvoir étaient bien réalisés de la même manière de façon thermique. Sur un rebord de mur, trônait le collier qu'il avait conçu pour la fille de l'alpha, il y avait maintenant un moment qu'il voulait lui offrir, mais il ne savait jamais trop comment s'y prendre.

Aussi depuis qu'il était fini, il le gardait ici, des fois qu'il aurait l'occasion de le lui donner. Mais il se perdait toujours dans son travail et à chaque fin de journée, il réalisait qu'il avait encore oublié. C'était la deuxième fois qu'il fabriquait quelque chose vraiment pour quelqu'un et pas pour lui. La première était le linceul pour sa mère. Il l'avait confié à Fraleth parce qu'il y avait plus de chance qu'elle soit près d'elle au moment fatidique que lui, surtout depuis qu'il devait concevoir la cloche géante.

Il avait étalé plusieurs pépites de métaux différents et essayait de concevoir une maquette avec un son satisfaisant. Pour l'instant il avait présélectionné deux prototype qu'il comptait montrer à Okazeh le soir même. Il travaillait sur un dernier essai, avec une couche d'étain pour donner un effet doré.

THILDRILL

Concentrer sur sa tâche il n'entendit pas la louve approcher. Son cœur manqua un battement et il se tourna vivement vers l'entrée de son antre quand elle le salua. Le contre-jour l'eblouit un instant avant qu'il ne reconnaisse Djama qui se tenait fièrement dans la lumière du jour. Elle avait attaché ses cheveux avec une barrette qu'elle avait trouvée quand il y avait eu une apparition étrange d'œuf surprises. Sa mèche ne venait donc pas se mettre devant ses yeux. Elle était jolie. Le regard du mâle se posa sur le collier qu'il avait conçu pour elle, mais il n'avait aucune idée de comment le lui offrir.

Djama, je suis.. Content de te voir.

Il avait un peu begayé, ce qui ne lui ressemblait pas. Toute cette histoire de cadeau ne lui ressemblait pas. Il gardait d'ordinaire ses créations pour lui même et le seul autre cadeau qu'il comptait faire à sa mère était pour envelopper son corps après sa mort, il n'aurait donc pas à affronter sa réaction.

Se rappelant la question de son amie, il reposa les yeux sur son choix de pépites. Avançait-il bien ? Pas autant qu'il l'aurait voulu, mais il pensait avoir trouvé le meilleur alliage possible pour réaliser la cloche dans la forge, s'il avait dû le faire lui même, il aurait sûrement fait un autre choix, mais c'était plus simple ainsi.

Euh oui, je pense, il faut encore que je fasse un test de résistance au choc sur le dernier alliage que j'ai développé, mais si ça marche on pourra commencer l'extraction et à travailler sur le moule.

Il avait envie de lui demander de l'aider dans cette tâche, mais encore une fois il ne se sentait pas sûr de lui. Pourtant il n'avait jamais eu de soucis pour parler avec elle jusqu'à présent. Pourquoi ce collier le rendait-il aussi nerveux ? Peut-être parce que - et il commençait à s'en rendre compte - Djama était devenue plus pour lui qu'une simple amie avec le temps, et ce présent était un moyen de le lui faire comprendre ?

THILDRILL

Je sais que des missions ouvertes à tous seront lancées quand tu auras trouvé le bon mélange. Je viendrai t'aider et aiguiller les chercheurs sur le terrain sur ce qu'il faut trouver. Sans me vanter, j'ai plutôt un très bon flaire pour les métaux maintenant ! Je t'en trouverai même si tu n'es pas à côté.

Thildrill lui sourit d'un air narquois; comme si elle avait appris ça toute seule! C'était en le suivant partout et finalement en gagnant sa confiance qu'elle avait obtenu qu'il lui transmette ce qu'il savait des métaux. Mais il ne regrettait pas qu'elle ait tenu à ce point à partager sa passion. Ils avaient ainsi construit une amitié solide et profonde, et il n'était pas plus proche de ses soeurs que d'elle, au contraire. Son regard se posa de nouveau sur le collier. Pourquoi avait-il aussi peur de le lui offrir? C'était objectivement sa plus belle oeuvre et elle serait à même d'en apprécier la qualité.

Il réalisa qu'elle venait de lui dire qu'elle se porterai volontaire pour la tâche que lui avait confié sa mère. Il était soulagé. Il n'avait pas pu passer beaucoup de temps en sa compagnie depuis qu'il l'avait acceptée, et il sentait bien qu'elle lui en voulait un peu, même si elle comprenait que c'était impossible pour lui de refuser.

Merci, je n'en attendais pas moins de ma meilleure apprentie.

Il se garda d'ajouter qu'elle était la seule, elle le savait déjà. Mais il s'attendait à ce qu'elle le lui fasse remarquer pour la forme. Il se cherchaient toujours un peu tous les deux, encore plus depuis qu'ils étaient adultes. En fait, si Thildrill devait se montrer parfaitement honnête, c'était depuis les jeux organisé par Okazeh que son regard sur la louve avait changé. Il avait réalisé qu'elle était devenue une louve accomplie et elle n'était plus la petite louvette qui le suivait partout, elle l'avait même battu. Encore une fois vers le collier. Il se morigéna intérieurement, il était un mâle adulte, un guerrier, et un Démonia, il n'allait pas avoir peur de faire un cadeau à la louve qui lui plaisait!

Hem... A ce propos... J'ai euh...

Il roula des yeux intérieurement. Puis se donnant une claque intérieure il prit le collier sur son étagère de pierre et le tendit à Djama. C'était un ras de cou d'environ 5cm de largeur, constitué de délicates plumes d'or blanc, entremêlées sur de fines branches du même métal qu'il avait mêlé de charbon, qu'il était allé récolter sur un arbre foudroyé, qui lui donnait un effet poudré de noir. Là où les deux parties du collier se rejoignaient, il y avait une petite médaille gravée d'une couronne de lys de feu qui encerclaient un dragon minuscule.

C'est pour toi, je l'ai fait quand j'avais un peu de temps libre...

Il n'osait pas la regarder.

THILDRILL

Djama resta interloquée et Thildrill risqua un regard vers elle pour voir sa réaction, n'osait-elle pas lui dire que ça ne lui plaisait pas du tout ? Elle papillonnait, le regard rivé sur le collier, sa queue s'agitant doucement. Cela voulait-il dire qu'elle l'aimait ? Le jeune Démonia était particulièrement perfectionniste et il n'avait jamais rien montré à son amie dont il soit parfaitement satisfait. Il trouvait qu'il avait réalisé un travail particulièrement exceptionnel cette fois, tout était d'une extrême délicatesse, et il avait en plus habilement dissimulé le fermoir derrière une plume d'or, il serait donc impossible, de l'extérieur, de savoir qu'il n'avait pas été directement conçu sur le cou de la louve.

Thildrill, je... Il...

Elle bégayait, et cette fois c'était elle qui n'osait plus croiser son regard. Pour une fois qu'il offrait une de ses créations, il était un peu déçu qu'il ne lui plaise pas. Mais sa queue se balançait de plus en plus fort et elle commença à danser d'une patte sur l'autre, comme quand elle était très excitée, et il comprit qu'il avait mal interprété sa réaction.

Il est magnifique !

Son coeur battit plus fort. Elle avait levé les yeux et leurs regards s'étaient croisés. Ses yeux verts cerclés de noir pétillaient de joie et après une hésitation elle fit un pas vers lui pour lui lécher la joue et frotter doucement sa tête contre lui. Il sentit son sang affluer dans son museau, émoustillé par la caresse de la louve.

Tu veux bien me le mettre ? Je ne voudrai pas le casser en essayant de l'enfiler...

Il déglutit et hocha la tête. Passant derrière elle, il souleva délicatement la plume qui dissimulait le fermoir et glissa le collier autour de son cou, soulevant ses épais cheveux noirs. Un petit clic se fit entendre, confirmant que le fermoir s'était bien refermé comme il le fallait, et il rabattit la plume d'or dessus.

La vue sur la nuque de la louve, sur la ligne de son dos, lui faisait un effet étrange. Ce n'était pas les chaleurs mais il avait tout de même envie de s'accoupler avec elle. La voir porter sa marque sur elle, son oeuvre comme un symbole d'appartenance l'émoustillait, en plus, maintenant elle aurait toujours l'odeur du métal sur elle. Il glissa son museau sur ses omoplates, la mordillant légèrement. Elle était si belle ainsi!

Réalisant ce qu'il était en train de faire, il redressa la tête d'un coup, se raclant la gorge.

Hem ! Euh... Je suis... Je suis content qu'il te plaise, c'est une de mes plus belles réalisations.

Il n'osait pas lui dire la signification du symbole sur le pendentif. Si elle ne partageait pas ses sentiments? Il recula d'un pas, il avait failli essayer de s'accoupler avec elle, et même si cet acte n'aurait eu aucune incidence biologiquement (il n'aurait pas risqué une éventuelle portée hors chaleurs) il aurait pu briser leur amitié. Et pourtant, il lui avait offert la preuve que pour lui elle était bien plus qu'une amie, les fleurs de lys de feu la représentaient elle, la fille du Desert, et le dragon emprisonné entre leurs pétales, c'était lui, le fils Démonia, les enfants des dragons.

THILDRILL

Il regretta instantanément le poids qu'elle avait reporté sur lui quelques secondes plus tôt. Il ne l'avait pas rêvé, si ? Elle s'était appuyée sur lui, enfin, il avait eu cette impression? Aaaaagh cette louve lui faisait complètement perdre ses moyens! Il avait toujours été sûr de lui, et voilà qu'il ne savait plus où se mettre !

Oui, ça se voit que tu as donné tout ce que tu avais ! C'est ta plus belle création. Merci de l'avoir fait pour moi, c'est le plus précieux cadeau que j'ai. Je le mettrai souvent !

Il sourit sincèrement, au moins elle l'aimait beaucoup. Voyant qu'elle avait essayé de regarder le résultat sur elle, il chercha dans ses outils s'il n'avait pas un lingot d'argent pur quelque part. Il en trouva un sous un tas de vieux fer et le façonna rapidement en une plaque lisse. Il ne s'encombra pas de lui faire une forme ou un décors particulier, il voulait juste une surface plane dans laquelle elle pourrait voir son reflet. Ce n'était pas parfait, mais elle aurait une idée du rendu. Il allait la lui tendre quand elle poursuivi.

Dit. Le motif de la médaille, c'est ta signature de forgeron ?

Il s'interrompit dans son mouvement, son coeur soudain glacé. Elle n'avait pas compris... Enfin, elle avait probablement compris la signification du dragon, mais pas celle du lys. Ou alors elle avait compris et elle lui offrait un échappatoire parce qu'elle ne ressentait pas la même chose que lui? Il resta quelques secondes comme ça, le regard perdu, le miroir d'argent suspendu entre eux, son cerveau s'activant à toute vitesse.

Il décida qu'il devait lui dire la vérité, il ne pourrait pas supporter de ne pas savoir seulement, quand vint le moment de faire sortir les mots de sa gorge, il resta la gueule ouverte, incapable de répondre. Il devait avoir l'air d'une carpe hors de l'eau, en train de faire une attaque.

Je... Euh... Je...

Il s'insultait intérieurement, comment pouvait-elle lui faire perdre ses moyens à ce point, lui, un Démonia! Nom des dieux! Il referma la gueule, lui tendant enfin le miroir. Il avait besoin de gagner un peu de temps, pour réussir à cracher le morceau, mais alors qu'elle le prenait, il tendit la patte pour toucher le médaillon. Il se concentra et la tige du Lys de feu se mit à se tortiller. La queue du dragon s'anima à son tour, et, se mêlant l'une à l'autre, elles formèrent un D majuscule, enchâssé entre le lys et la bête.

Pas ma signature...

Il ne parviendrait pas à en dire plus, si ainsi elle ne comprenait pas, c'était qu'elle le faisait exprès et donc qu'elle ne voulait pas de lui.

THILDRILL

Djama resta un moment à observer le médaillon, Thildrill aurait presque pu voir les rouages de son cerveau tourner à toute vitesse. L'attente ne fut que de quelques secondes, mais elle lui sembla durer des heures alors que son estomac faisait du trampoline dans son ventre. Finalement, le bruit de la plaque d'argent tombant au sol brisa le silence. Elle sursauta. Il eut envie de lui grogner de lui répondre, que l'attente le tuait, mais les mots étaient toujours coincés dans sa gorge.

Oh, Thildrill, je... Je n'avais pas compris...

Elle rit nerveusement. Enfin cette fois elle avait compris, sa queue s'était mise à s'agiter frénétiquement et elle respirait plus fort. Etait-ce parce qu'elle ressentait la même chose que lui ? ou parce qu'elle ne savait pas comment lui dire qu'elle ne l'aimait pas ? Il attendait que le couperait tombe enfin, quelque soit la réponse il serait soulagé, il saurait.

Je... Oui !

Une vague de soulagement le submergea, il eut froid, puis très chaud, son ventre lui semblait bourdonner d'un millier de papillons prisonniers. Il avait bien compris n'est-ce pas? elle lui disait qu'elle avait les mêmes sentiments pour lui ?

Moi aussi, je ressens la même chose. Et, ça fait depuis un moment maintenant. Je ne sais pas vraiment depuis quand j'ai commencé à ressentir d'autres choses en plus, ça s'est transformé naturellement, mais ça fait quelque temps que je sais ce que c'est.

Lui aussi savait depuis un moment, depuis les jeux Olympiques en fait. Son esprit de compétition aurait voulu qu'il soit très mécontent d'avoir eu de moins bons résultats qu'elle, mais il avait juste ressenti une fierté indicible. Il avait compris que c'était parce qu'à ses yeux elle était déjà à lui, sa louve, discrètement, il avait dissuadé certains mâles de se montrer trop entreprenants avec elle, mais il n'avait jamais été certain qu'elle l'aime de la même façon. Après tout, ils avaient grandi ensemble, il aurait été possible qu'elle ne l'imagine pas autrement qu'en ami, ou pire, qu'elle voit un genre de frère en lui.

Elle avança la tête contre son encolure, et il grogna de plaisir. Ses émotions étaient encore un peu trop fortes pour qu'il parvienne à parler, mais il huma profondément son odeur de lys, de soleil et d'or. Il enfouit sa truffe dans la fourrure épaisse de sa nuque, recommençant à la mordiller, sachant que cette fois il n'aurait plus à se contraindre, elle l'aimait.

Il se pressa contre elle, impatiente de gouter à ce dont il rêvait depuis plusieurs mois maintenant. Il voulait sentir sa fourrure dans la sienne, la caresse de ses plumes délicates sur son menton. Il fit glisser sa tête le long de son dos, ponctuant son passage de mordillement tendres mais insistants. Il la voulait toute entière, à lui, si un mâle s'approchait d'elle, il le regretterai.

Djama...

Sa voix n'était plus qu'un souffle, il avait l'habitude d'obtenir ce qu'il voulait, il était un Démonia. Mais il lui donnait le pouvoir sur lui, elle déciderai de ce qu'il pourrait faire ou non. Il répéta son nom comme une supplique. Comment survivrait-il à ses prochaines chaleurs?

THILDRILL

Djama n'hésita pas une seconde avant d'entrer elle aussi dans cette danse de séduction. Elle se laissait aller complètement contre lui, s'il faisait un pas pour s'écarter elle tomberait, mais il n'en avait aucunement l'intention. Il s'enivrait de son parfum, sachant parfaitement qu'il ne pourrait jamais résister si elle était en chaleur. Dieux qu'il la voulait!

Elle se contorsionna, attrapant la base de son oreille ce qui le fit gronder encore plus fort. Savait-elle vraiment à quel jeu dangereux elle jouait avec lui ? Mais elle ne s'arrêta pas là, se frottant contre lui, elle caressait son museau du sien, mordillant son cou, léchant ses babines. Elle le rendait complètement fou. Et son oeuvre sur elle... Elle lui appartenait, tout le monde le saurait rien qu'en la voyant arborer sa plus belle et délicate oeuvre d'art.

Thildrill...

Le murmure dans le creux de son oreille lui fit presque perdre toute composition. Ses griffes raclèrent la pierre dure de la forge, tous ses muscles étaient plus tendus qu'un arc. Et aussi soudainement qu'elle était entrée dans sa danse, elle s'écarta de lui, il gronda de colère et de frustration, ne pouvant contenir la foule d'émotion qui frappait à la porte de sa conscience. Elle s'arrêta à juste deux pas de lui, pas assez pour fuir, mais trop pour qu'il puisse la toucher en tendant la patte.

Elle se mit en position de jeu, plongeant son regard, farouche et espiègle, dans le sien. Savait-elle l'effet qu'elle avait sur lui. De toute évidence elle voulait le challenger, il grogna, s'il devait la pourchasser, il était certain qu'il ne pourrait plus s'arrêter. Il gronda, menaçant.

Tu es sûre que c'est ce que tu veux Djama?! Si je t'attrape, je te dévore...

Et il s'élança après elle.