-Heindrick-

Le mâle avait commencé son voyage depuis un mois et demi, et il avait déjà réussi à retrouver ceux qui lui étaient chers. Il avait choisi de rester un peu en terres cavernes, au temple de Mordor qu'il avait érigé avec Zedekiel afin d'aider son ami à se remettre d'aplomb. Verkaa avait été également retrouvée, et à son grand soulagement, ne semblait pas porter ses enfants, du moins aucun signes ne le laissait penser. Le mâle avait choisi de rester encore un peu, pour être sûr qu'une grossesse ne soit pas passée inaperçue, mais la chose lui enlevait un poids sur la conscience.

Il ne restait à présent plus qu'une seule chose à faire pour Heindrick : essayer de se fixer une bonne fois pour toute qui il était, lui. Ce matin là, il avait prévenu Vince et Zed qu'il partait, et s'était mit à marcher dans la plaine. Cette plaine était chargée de souvenirs et d'histoires, celles que sa mère lui avait racontées. Une partie de ses ancêtres y avaient habités, et il s'y sentait bien plus proche qu'aucun autre territoire : ce n'était pas un hasard s'il avait choisi cet endroit pour le temple, et s'il y était revenu à présent.

Ses racines lui étaient importantes, mais il n'était pas un caverne pur. Il n'avait jamais connu de clan, seulement le groupe de Rahawk. Et alors qu'il marchait dans ces terres battues par le vent, la chaleur presque étouffante à peine atténuée par l'ombre des arbres, le mâle réfléchissait à sa liberté. Cette liberté qu'il avait cherché pendant si longtemps, celle de rencontrer qui il voulait, de choisir ses partenaires de route ou de vie. Rahawk avait tant donné pour sa sécurité qu'il s'était presque senti étouffer. Mais il avait gouté à la liberté, lorsqu'il venait ici avec Zedekiel. Et désormais, il voulait lui aussi protéger ceux qui lui étaient chers. Il voulait être libre de tout cela.

Ses pas l'amenèrent jusqu'à la montagne, et lorsqu'il fut face aux monts, il se sentit plus apaisé. L'esprit clair, plus clair que jamais, il entreprit de monter les pentes ardues menant jusqu'aux cavernes de ses ancêtres. Un chemin qu'il n'avait pas emprunté depuis longtemps, mais encore gravé dans sa mémoire. Sans rien dire, goutant au vent et au ciel jusqu'à s'en saouler, il monta, monta encore jusqu'à ce que le froid de la nuit vint remplacer la chaleur de la savane. Et là, il monta encore, protégé par le pelage dense de sa génétique, protégé par ses ancêtres. Et lorsque la nuit fut totalement noire, il arriva. Devant lui, l'entrée de la grotte ou se trouvaient les peinture rupestres des cavernes. Et en lui, une décision : il resterait libre.

Le mâle s'endormit presque à l'entrée, n'osant pas déranger ses ancêtres de nuit et se risquer à aller dans la grotte sans lumière. Sous le vent, le poil épais et les muscles développés, il ne craignait ni le froid ni les prédateurs. Il dormit du sommeil du juste jusqu'à ce que le soleil vint le caresser, faisant effleurer sa conscience. Trop habitué à être seul ici, il ne sentit pas l'odeur de celle qui s'approchait de lui, encore pris avec ses rêves.

LAÏDA

Makani était resté, au plus grand déplaisir de la fille de Gaor, elle n'aimait pas avoir ce monsieur je sais tout toujours dans ses pattes. Il lui arrivait néanmoins de chasser avec lui quand elle n'avait pas trop le choix, qu'elle n'avait vraiment pas envie de descendre à la savane. La chasse au markhor était vraiment difficile seule, elle arrivait parfois à débusquer un petit, mais la plupart du temps, leur chasse nécessitait d'être plusieurs. Elle tolerait donc le mâle Ytens sur son territoire, sachant également pertinement qu'elle ne pouvait pas faire grand chose pour l'en chasser.

Elle avait également continué d'étudier les peintures rupestres, elle pensait en être à peu près à la moitié. Il faut dire qu'elle y passait des journées entières. Elle avait donc connaissance de la façon dont leurs ancêtres chassaient les énormes chèvres des montagnes. Ils les attaquaient par trois et les repoussaient jusqu'au bord d'un précipice. Les bestioles avaient le pied sûr, mais elles finissaient par chuter dans le vide. Il n'y avait ensuite plus qu'à redescendre pour se servir, sans avoir risqué de mauvais coup avec leurs cornes où leurs sabots aussi durs que la roche des montagnes. Malheureusement, ils n'étaient que deux, ils n'avaient donc pas pu essayer de mettre cette technique en pratique avec le loup brun.

Elle avait également découvert dans une salle, un énorme rocher qui portait des vestiges de liens. Les peintures sur les parroies montraient un loup qui y était attaché et soit écartelé avec des liens, soit attaché et battu par les membres de la meute. Au début, la louve mouchetée avait pensé qu'il s'agissait d'un châtiment, mais elle avait vu le même loup représenté plus tard, beaucoup plus imposant, et les queues dressées, comme un chef. Elle en avait déduit que c'était un genre de rite de passage peut-être ? Mais était-il destiné à tous les guerriers ou bien juste à ceux qui devaient devenir roi ? L'autre chose qui l'intriguait était que le loup soit représenté plus fort après. Le rocher avait-il des vertus divines qui renforçaient les corps des loups des cavernes ? Elle se rappelait très clairement avoir vu un rocher similaire dans l'ancien espace d'entraînement des cavernes au clan de la Source. Jeremiah savait peut-être le fin mot de l'histoire ? Ou peut-être que c'était un savoir oublié. Elle avait prévu de descendre dans le sud quand elle aurait fini de tout d'étudier ici, histoire de glaner un peu plus d'informations et puis aussi pour revoir le grand mâle dont elle rêvait parfois. Elle n'avait pas oublié la brûlante envie qu'il avait éveillé en elle.

Ce matin, là, elle s'était levée avant le soleil, dans la noirceur des cavernes elle se sentait à sa place. Oui c'était ici que sa race était née, ici qu'elle devait vivre. Elle avait finit la cuisse de markhor qu'elle avait gardé jusque là. Aujourd'hui il lui faudrait chasser pour refaire son stock de provisions et pouvoir de nouveau rester enfermée des jours durant dans la paroles dessinée de ses ancêtres. Elle sorti et devant sa porte, un mâle dormait.

Elle fronça le museau, encore un mâle, encore chez elle. Elle grogna et le poussa de la patte. Non mais il se prenait pour qui pour dormir sur le pas de sa grotte !? Il ressemblait à un caverne, mais le rouge de sa fourrure prouvait qu'il n'en était pas un.

Hé ! Bouge de chez moi !

Elle avait déjà un Makani qui lui tapait suffisamment sur le système pour pas se récupérer un autre clodo... Et où il était Makani d'ailleurs ? Il pouvait pas se montrer un peu utile et virer les intrus de chez elle ?!

-Heindrick-

Alors qu'il était toujours dans un semi-sommeil agréable, Heindrick sentit quelque chose le toucher. Une voix l'interpella, et une odeur puissante l'envahi soudainement. Il se réveilla en sursaut avant de bondir debout, crocs à demi dévoilés, queue mi-haute. C'était un autre lupin. Il mit une fraction de seconde à se souvenir d’où il était : devant la grotte de ses ancêtres, endormi presque à découvert. Il avait été trop confiant hier.

Il jaugea la louve du regard. Des teintes crèmes et bleutées, qui alliées avec l'endroit, ne pouvait signifier qu'une seule chose : une caverne. Heindrick se calma, retrouvant sa posture d'une légendaire neutralité, mais restait sur ses gardes. A vue de truffe, elle était moins forte que lui. Mais il avait appris à se méfier des apparences, à se méfier de tout. Il posa son regard dans celui de la louve avant de déclarer, stoïc :


Nephtys aussi s'y était installé, à l'époque. Il semblait que ces cavernes étaient un lieu prisé pour les loups, car bien que trop humides, elles étaient cachées à part pour ceux en connaissant l'entrée. Mais Heindrick, même à l'époque, le savait : ces grottes étaient ouvertes pour ceux voulant venir se renseigner. Pas de marquage, pas de groupe prenant la possession du lieu. Un loup -ou une louve- solitaire ne pourrait le faire changer d'avis, car c'était le lieu de ses ancêtres.

LAÏDA

Le mâle se leva d'un bond, queue droite, babines retroussées. Malgré elle, elle fit un pas en arrière. Il n'était pas aussi imposant que Jeremiah, mais il restait un mâle solidement batti et il ne portait l'odeur d'aucun clan, il pouvait donc être très dangereux. Non pas que les loups de clan soient moins dangereux, juste qu'ils se montraient en général un poil plus civilisés.

Il se calma une fois qu'il l'eut regardée de plus près. Elle leva les yeux au ciel, évidemment une femelle ne pouvait pas être une grosse menace hein ?! Elle aurait très bien pu lui briser la nuque et le basarder aux vautours dans son sommeil à cet abruti. Elle devoila ses crocs. S'il n'y avait pas ce rouge... Elle l'aurait pris pour l'un des siens. Son visage avait pris une apparence neutre.

Les grottes sont à tout le monde.

L'oshur gronda, entendant bien garder l'héritage de ses ancêtres et ne pas laisser n'importe qui endommager ses précieuses peintures. Elle ne pouvait pas l'empêcher de s'installer dans les montagnes comme Makani, mais elle se battrait pour protéger les grottes de ses ancêtres.

Certainement pas ! Elles appartiennent aux Cavernes et mes ancêtres n'étaient pas du genre à laisser le premier venu s'installer !

Elle le regarda, la fourrure hérissée, furieuse. Elle n'avait pas connu son grand-père, mais elle en avait entendu parler, elle savait à quel point les cavernes meprisaient ceux qui n'étaient pas des leurs.

Et de toute façon c'est moi qui vit là, et je veux pas de toi chez moi !

-Heindrick-

La louve fouetta l'air de sa queue, et Heindrick lui répondit en levant légèrement sa queue : elle avait quoi elle sérieux ? Il n'était pas habitué à ce genre de comportement sur un territoire solitaire. Peut-être que les marquages n'étaient pas assez clairs, qu'il ne s'était pas assez enfoncé dans la grotte ... Mais de toute façon, elle ne l'empêcherait pas d'aller étudier les peintures. Il continua à la fixer, avant de lui répondre, toujours neutre :


Elle était manifestement une caverne pure souche. Mais Heindrick ne sentait aucune trace des deux autres individus qu'il avait rencontré, et jusqu'ici, aucun groupe de caverne n'avait réclamé le lieu. Ou bien, elle venait juste de le faire ? Heindrick tourna la tête, lentement, pour regarder l'intérieur et sentir, tout en gardant un œil sur la femelle furibonde. (37) Pas grand chose ne lui parvint, à part son odeur et peut-être celle d'un autre loup. Bien loin d'un groupe puissant de caverne. Peut-être valait-il mieux néanmoins rester en de bons termes avec celle qui avait décidé d'investir les lieux, surtout si Heindrick décidait de s'installer pas si loin que ça. Il lui fit de nouveau face avant de continuer, toujours neutre :

LAÏDA

Je ne vais pas m'installer, juste regarder les peintures.


Elle plissa les yeux, comment pouvait-il être au courant pour les peintures ? Était-il déjà venu ? En son absence où avant qu'elle n'arrive ? Elle était là depuis plusieurs mois et elle n'avait jamais senti son odeur. Elle s'était bien absentée le temps de rencontrer Jeremiah, le roi des cavernes du sud, mais elle n'avait rien senti d'inhabituel quand elle était revenue. Elle marquait son territoire bien entendu, mais ses marquages n'étaient pas très puissants. Malgré son caractère elle n'était pas une dominante et son odeur était de base moins forte que celle d'un mâle. Et elle refusait que Makani marque la grotte.

C'est mes ancêtres aussi. J'ai le droit d'être ici.

Si Laïda avait un défaut, c'était qu'elle ne savait pas dissimuler ses émotions, aussi pouvait on lire très clairement le mélange d'incredulité et de méfiance sur son visage. Elle prit le temps d'observer le mâle. Il était grand, mais pas autant que l'était son père, et Gaor avait eu la taille des Ytens, même s'il était croisé. Il était majoritairement brun avec des rayures, ce qui pouvait laisser imaginer une ascendance Yten, mais ce rouge sur ses membres...

Les cavernes n'ont pas de rouge.

Elle ne le croyait pas, aucun caverne ne se serait accouplé avec un loup d'une autre race. Le mâle en face d'elle avait à peu près son âge, donc ses parents avaient forcément été sous le contrôle de Yogrenn, et d'après les histoires qu'elle avait glané sur lui, il n'aurait jamais toléré ce genre d'union.

Prouve le, si t'es un caverne, qui était notre roi, mon ancêtre. Je ne te laisserai pas mettre en péril des heures de travail sur ces peintures tant que tu ne m'aura pas prouvé que tu es vraiment l'un des miens.

Elle se tenait droite, le menton légèrement levé pour le regarder dans les yeux. La fourrure de son dos légèrement dressée par l'adrénaline.

-Heindrick-

Sur le visage de la louve, Heindrick pu y lire toute l'incrédulité que la femelle avait pour ses propos. Il soupira. Il n'était pas un caverne pur, c'était vrai, mais il en avait hérité la culture. Cependant, s'il n'avait jamais cherché à rejoindre le "clan" caverne qui apparemment était en train de se former quelque part, c'était bien à cause de cette mixité qui ne serait jamais acceptée. Et aussi parce qu'il ne voulait pas se plier aux règles dures d'un clan militaire comme avait pu l'être celui d'avant.

Elle était ... un peu agaçante. Qu'est-ce que ça lui faisait, qu'il voulait voir les peintures ? Que ses ancêtres étaient des cavernes aussi ? Est-ce qu'il lui demandait son pedigree à elle ? Heindrick continuait de la fixer d'un regard neutre alors qu'elle s'excitait un peu toute seule, gonflant son pelage. Il ne voulait pas se battre, mais n'appréciait pas qu'on remette en cause son histoire, toute particulière qu'elle était. Il la fixa un instant, mais décida de répondre. C'était bien parce qu'il voulait de bonnes relations avec le voisinage. Il grogna, légèrement agacé :


Il se redressa, la défiant du regard. Sortant un peu de sa neutralité, il agita la queue, un regard de défiance fixé dans celui de la louve.

LAÏDA

Le mâle était agacé mais il finit par lui répondre. Il avait répondu correctement, Yogrenn avait bien été leur roi, un solitaire sans lien avec les membres de sa race n'aurait eu aucun moyen de le savoir, surtout que cela faisait maintenant plusieurs années qu'il était mort. La fourrure de son dos s'apaisa et une partie de son attitude défensive reflua. Elle se secoua pour évacuer sa tension. S'il avait été élevé dans la culture caverne, il ne ferait rien pour détruire les peintures, de toute façon, elle comptait bien le surveiller. Du reste, qu'il ait du sang d'une autre race ne la dérangeait pas. Elle était moins extrémiste que son ancêtre et ne jugeai pas spécialement les autres races inférieures à la sienne.

Non, ça ne me dérange pas. Si tu es bien un caverne, même partiellement, tu as le droit de voir les peintures. Mais je resterai avec toi.

Elle se dandina, légèrement mal à l'aise, ces peintures étaient le dernier lien qu'elle avait avec sa famille depuis que son père était mort et que le reste des siens l'avaient renié. Elle était à peu près certaine que Gaor n'aurait jamais voulu ça, mais elle n'avait jamais eu de bonnes relations avec sa mère. Que Widys lui reproche d'avoir été absente à la mort de son père était un comble, fallait-il qu'elle reste au clan pour être présent lors de la mort de chacun de ses proches? Même si elle leur avait dit où elle partait, ce dont elle n'avait aucune idée quand elle était partie, quand le vieux guerrier était mort, elle était bien loin des frontières du pays, ça n'aurait rien changé.

Elle s'écarta pour le laisser entrer, le suivant de près.

Je m'appelle Laïda, je suis la fille de Gaor, Yogrenn était mon grand père.

Il lui avait dit sa lignée, il lui semblait normal d'en faire de même, elle ne connaissait pas Kuma, qui faisait partie de ceux qui avaient suivi son grand père loin du clan à priori, puisque seule sa famille était restée. Or ils étaient tous partis le jour de sa naissance, et ses parents n'avaient jamais souhaité en parler. Du coup elle ne connaissait personne, contrairement à de nombreux membres de sa race, à peine plus agés qu'elle, qui pouvaient se reconnaître. Elle ne connaissait que Jeremiah et Makani au fond.

-Heindrick-

La réponse apaisa la louve : il avait fait le bon choix. Lui même se décontracta, un peu. Il n'était clairement pas tout à fait en confiance avec elle, caverne de souche, qui avait essayé de le jerter de là. Maman lui avait dit que les cavernes étaient racistes, mais lui avait expliqué son choix, celui de faire un fils avec un mâle non caverne. Elle ne l'avait jamais regretté, et Heindrick défendrait le choix de sa maman jusqu'au bout des griffe. C'était un peu sa manière d'honorer sa mémoire.

Lorsque la louve annonça vouloir l'accompagner, il hocha la tête. Peu lui importait, tant qu'elle n'essayait pas de le tuer. Finalement, elle le laissa entrer, et il pénétra dans la grotte humide. Pendant qu'il marchait, elle lui déballa son héritage : elle était descendante directe de Yogrenn, le Roi caverne. Heindrick ne dit rien, restant stoïc, mais n'en pensa pas moins : était-elle une princesse alors ? Peut-être qu'elle devrait retrouver le groupe caverne, au lieu de traîner ici. Il marcha lentement, tout en lui répondant :


Il s'arrêta avant de la regarder. Elle avait un visage jeune, peut-être à peu près comme lui, mais était une belle adulte. Le corps fin et musclé, et des couleurs très Oshur, comme sa maman le lui avait décrit. Elle irait parfaitement avec les autres cavernes qui étaient passés par là. Heindrick continua :


Après tout, si elle était une princesse, pourquoi ne voudrait-elle pas régner. Heindrick détacha son regard de la silhouette de la femelle. Il n'y avait que les rejetons qui restaient solitaires, ceux qui comme lui ou Nephtys ne pourraient jamais s'intégrer. C'était tant mieux comme ça finalement pour Heindrick, qui chérissait sa liberté.

LAÏDA

Le mâle ne réagit pas trop à son ascendance. Ça n'avait plus vraiment d'importance aujourd'hui, le crâne de son grand père décorait un arbre au camp du clan de la Source. Son père n'avait jamais été qu'un traitre aux yeux de sa race. Et aujourd'hui, elle n'avait même plus de famille. Elle aimait la solitude, mais savoir que quelqu'un vous attendait, quelque part, ça n'était pas si mal... Il s'arrêta un instant pour la regarder, elle manqua de lui rentrer dedans, elle avait la tête baissée.

J'ai croisé d'autres cavernes. Ils voulaient former un groupe, ou un clan. Ça t’intéresse pas ?

Elle dressa les oreilles, il devait parler du groupe de Jeremiah. Mais peu importe l'effet que lui avait fait l'imposant mâle, elle n'était pas faite pour la vie de meute, elle n'était pas vraiment à l'aise avec les interaction sociale, elle trouvait la plupart de ses congénères ennuyeux ou stupides. Et elle n'aimait pas être restreinte dans ses mouvements. Aujourd'hui elle étudiait l'histoire de ses ancêtres, demain elle serait peut-être en train d'étudier un oiseau de proie.

Je ne suis pas... Pas vraiment douée pour la vie en groupe.

Elle était bien avec les fantômes du passé, ils n'attendaient rien d'elle après tout.

-Heindrick-

La louve lui répondit, un peu gênée, qu'elle préférait vivre seule. Il hocha la tête, simplement. Il comprenait un peu, quand il y avait trop de monde c'était pas forcément agréable. Mais il savait aussi qu'il n'était pas un véritable solitaire, se retrouvant toujours entouré d'autres loups comme par habitude. Il avança, se souvenant du chemin, jusqu'aux premières peintures qui décrivaient la vie de leurs ancêtres, puis s'assit devant pour les contempler.

Le mâle n'avait jamais vraiment "étudié" le lieu, il n'était pas un scientifique. Il se contentait de les regarder, de les apprécier. A chaque fois qu'il se perdait, il revenait ici. Ces grottes étaient comme un point fixe de son histoire, son lien avec sa mère et avec ses gènes. Il aimait simplement venir ici un peu comme un pèlerinage. Mais cette fois-ci ...


Un regard en coin, pas désagréable. Mais bon, il fallait avouer qu'il était plutôt habitué à être seul ici depuis que ... Nephtys était partie. Il regarda la femelle, toujours neutre. Elle pensait vraiment qu'il voulait les saccager ? Très peu de loups connaissaient l'entrée de ces grottes, et les seuls étaient des cavernes ou issus cavernes. Nephtys, lui, et maintenant elle ... Heindrick se promis alors d'y amener les petits de la louve rousse, un jour. Pour leur montrer ou ils étaient nés, et qui étaient leurs ancêtres.

LAÏDA

Le mâle hocha la tête, comme s'il comprenait. Ils arrivèrent dans la première salle, celle de la chasse. Il s'assit pour les regarder et elle s'assit à coté. Elle les connaissait par coeur maintenant, chaque ligne, chaque courbe, chaque rayure sur chaque personnage. Mais elle ne se lassait pas de les regarder. A ceci près que pour l'instant, elle n'avait vu aucun oshur sur les représentations. Il n'y en avait que pour les Ytens et elle trouvait ça étrange. Où étaient ses semblables ?

Tu vas rester là tout le temps ?

Elle sursauta, perdue dans ses réflexions, elle avait oubliée qu'elle n'était pas seule ici. Elle reporta le regard sur le mâle, en fait il était à peine plus grand qu'elle. Il la regardait du coin de l'oeil, sans se tourner vraiment vers elle. Ses yeux étaient bleus, de la même couleur que ceux de son père. Gaor, elle ne l'avait jamais connu qu'avec un oeil, et elle ne voyait qu'un oeil du mâle assis à coté d'elle. Le vieux guerrier lui manquait. Elle soupira.

Je vais retourner étudier la salle d'à coté.

Elle se leva et s'éloigna, il était calme et posé, assis. Il n'allait pas faire beaucoup de dégat en étant assis, si ? Elle jeta un regard en arrière avant de passer dans la salle du rocher.

-Heindrick-

La louve sursauta. Finalement, elle n'était peut-être pas en train de le surveiller aussi étroitement que ce qu'il pensait, et s'était perdue elle aussi dans la contemplation des peintures. Elle le regarda avant de déclarer qu'elle allait dans la salle d'à-côté. Heindrick hocha la tête avant de la regarder partir, sans rien dire. Mais elle eu le malheur de se retourner au dernier moment, et il détourna lui-même le regard, ne voulant pas tellement être pris à regarder son postérieur. Ca ne se faisait pas trop.

Il resta là un moment, mais sa curiosité était piquée : il n'avait jamais vu les peintures du fond de la grotte : lors de son dernier passage, Nephtys et ses petits avaient accaparé toute son attention. Aussi, au bout d'un certain temps, il se releva pour suivre la femelle dans l'autre salle. Ces peintures là, ils les avaient vues également, mais moins étudiées. Depuis tout ce temps, il n'y était pas retourné, et l'émotion lui secoua un peu le cœur alors qu'il cru sentir, comme une brise de rêverie, l'odeur de sa maman. Il marcha lentement le long des murs, les pupilles dilatées pour voir les murs colorés, ornés de silhouettes Ytens fières, chassant les chèvres.


Sa voix ricocha contre les parois nues de la grotte, donnant un aspect guttural à ses mots. Les yeux caressant toujours les murs, il s'arrêta, absorbé par une image de louve mettant bas trois petits déjà forts.

LAÏDA

Elle s'assit contre le rocher de torture ou d'entraînement, ou de rite initiatique. Elle soupira de frustration, pourquoi ces peintures ne pouvaient-elle pas parler pour lui expliquer tout ça. Elle regarda encore l'histoire de l'Yten sur le rocher, d'abord il naissait d'une portée de trois, puis il grandissait, et il était attaché sur le rocher et passé à tabac pas la meute, que des Ytens, encore... Puis il devenait ce puissant chef qui régnait sur les Cavernes. Ce loup était-il quelqu'un en particulier, ou la représentation du parcours des rois Cavernes depuis des temps immémoriaux ? Elle avait beau faire le tour de cette salle encore et encore, elle ne parvenait pas à le savoir, elle revenait au même point, la naissance, le supplice, la vie de chef. Elle poussa un soupir frustré.

Ca continue jusqu'où ?

La voix du mâle résonna dans la grotte et elle sursauta une nouvelle fois. Elle se lécha les babines et se releva. Le demi caverne observait la scène de la naissance, presque avec affection. Elle se leva et le rejoignit devant la mère et ses trois louveteaux. Elle ne se reconnaissait pas dans cette image, Widys n'était pas une Yten et si elle avait été... Aimante ? Elle avait aussi souvent été absente pour son travail et puis il y avait Balder, son frère, qui avait toujours eu toute son attention, lui qui voulait aussi devenir médecin. Elle secoua la tête, il fallait qu'elle arrête de penser à elle.

J'ai pas tout exploré, mais une dizaine de salles je dirai, sûrement pas toutes aussi importantes que ces deux là. Ça fait des semaines que je les étudies. La première enseigne les techniques de chasse au markhor. Ici, je n'arrive pas à comprendre, un rite de passage pour les futurs rois? Ou un rite de passage à l'age adulte pour tous les guerriers ? Où un châtiment?

Elle retourna auprès du rocher central, en caressant la surface. Combien de loups avaient été passés à tabac sur ce rocher ? Elle passa sur les vestiges de liens, combiens avaient été attachés ici, dans quel but? Etait-ce une épreuve sensé les rendre plus forts ? Elle soupira, si la roche pouvait parler...

-Heindrick-

Laïda lui répondit : elle avait l'air d'avoir bien plu exploré que lui, pendant bien plus longtemps. Le mâle ne dit rien, tournant la tête vers elle alors qu'elle contemplait le rocher sphérique, se demandant quelle était son utilité. (mémoire : 42) Heindrick plissa les yeux, avant de se rapprocher lentement. Le bruit de ses pas résonnaient doucement dans la salle humide, alors qu'il examinait le boulet aux côtés de la louve crème. Il se souvenait .... mais n'arrivait pas à mettre la patte dessus.


Il plissa les yeux. Il se souvenait de ce rocher, et surtout se souvenait que sa mère était passée dessus. Il se souvenait de ce qu'elle lui avait raconté, de la douleur, et de son sentiment de fierté ... Mais ne se souvenait plus pourquoi. Il fronça les sourcils. Maintenant, il était légèrement frustré, et avait l'impression de s'éloigner de l'esprit de sa mère ainsi. Elle qui pourtant avait prit soin de lui apprendre toutes les coutumes cavernes, il n'avait pas été capable de tout retenir. Mais en essayant encore un peu, peut-être que ...

LAÏDA

Le mâle brun la rejoignit près du rocher. Le visage de la louve était fermé. Elle avait vu le même rocher au camp, ses parents avaient dû savoir ce que c'était, mais aucun d'eux n'avaient jamais voulu lui raconter leur histoire et leurs tradition. Aujourd'hui ça lui manquait, tout un pan de ce qu'elle était lui manquait.

Ma mère m'en a parlé ...

Elle leva les yeux vers lui, un éclair de jalousie lui tordant le ventre. Même lui qui n'était qu'à moitié caverne en avait entendu parler... Ses parents avaient renié leur race en même temps que Yogrenn. Visiblement renier était un truc qui leur collait bien puisqu'elle aussi avait été reniée. Elle pinça les babines. Arrête de penser à eux ! Elle secoua de nouveau la tête.

Au moins elle t'as parlé de tes origines...

Elle avait murmuré, rendue acide par la jalousie.

-Heindrick-

Le regard rivé sur le rocher dans l'effort de mémoire, le mâle ne vit pas les yeux jaloux de Laïda. Mais il entendit sa voix aigre, basse. Il ne releva pas : chacun avait sa propre histoire, et il ne niait pas avoir eu de la chance avec sa maman. Elle lui avait transmis plus, tellement plus que seulement une génétique forte et des rayures. Elle lui avait donné un héritage. Et si cette femelle était ici, c'était peut-être pour ça aussi. Car pour savoir qui on était, il fallait d'abord connaître cet héritage.

(33) Soudain, la réponse lui revint. Heindrick inspira, le visage se détendant légèrement : il se souvenait de tout, du rocher, des entraînements. C'était un soulagement. Il n'hésita pas à le partager avec celle qui cherchait, comme lui, la réponse :


Il tourna son regard neutre, cette fois-ci légèrement pétillant. Il aimait parler de ce genre de chose avec quelqu'un, c'était bien la première fois depuis la mort de sa maman. Il continua :

LAÏDA

Il ne réagit pas, il ne l'avait probablement pas entendue, il avait l'air concentré pour essayer de se souvenir. Elle vit la réflexion intense sur son visage et celui-ci s'illumine petit à petit alors que la mémoire lui revenait. Alors c'était ça hein... Un outil d'entraînement qui renforçant les guerriers. C'était barbare... À vrai dire quelque soit l'explication c'était barbae, les Cavernes étaient des brutes, ce n'était un secret pour personne, mais qu'un tel entraînement ait eu lieu au sein du clan de la Terre puis de la Source la laissait encore plus dégoûtée par son clan. Ils avaient laissé faire une telle pratique, ils avaient fermé les yeux parce que la force des Cavernes leur avait été bien utile...

C'est ignoble.

Laïda s'écarta du rocher sur lequel des dizaines des siens avaient été torturés. La mère de ce loup en avait été fière... Elle frissona. Elle comprenait la logique, ce qui ne tuait pas rendait plus fort, mais comment pouvait on faire une chose pareil à sa famille ? Elle se demanda si son père avait subit un tel sevice...

Elle sortit de la salle et passa dans l'antre suivante, il n'y avait toujours pas d'Oshur sur ces murs. Qu'avaient bien pu faire les ancêtres de sa mère pour qu'on leur refuse le droit d'apparaître dans l'histoire de leur propre peuple ?

Elle s'assit au centre de la salle et leva les yeux, c'était des représentations de combat. Des entraînements. Des prises spécifiques à leur race étaient représentée, mettant à profit leurs corps puissants. Était-ce parce que les Ytens étaient plus forts qu'ils avaient eu le droit de se représenter et pas les Oshurs ? Pourquoi ces sales n'étaient elles qu'une suite d'instructions pour faire un bon Yten ? Il devait chasser le markhor, passer sur le rocher du supplice, et s'entraîner et maîtriser les techniques de combat spécifiques de leur race ? C'était ça ? Et l'histoire dans tout ça ?!

-Heindrick-

Le mâle ne dit rien. C'était la tradition. Les entraînements avaient toujours été durs, et cette forme de torture permettait de rendre les loups plus forts. Cependant, sa mère ne lui avait pas dit si tous survivaient, ou si les plus faibles y laissaient la vie. Pour le rayé, c'était simplement une méthode parmi d'autre. Mais il ne répondit rien : chacun avait le droit à son avis. Et de toute façon, elle n'était plus utilisée.

La louve sortit lentement de la salle, et il la suivi en prenant son temps, arpentant les murs de la grotte des yeux. Des techniques de combat étaient dessinées, mais en peinture il était beaucoup trop difficile de les apprendre. Heindrick préférait voir cet endroit comme un lieu de recueillement, de regroupement avec ses ancêtres plutôt que d'apprentissage, c'est pourquoi il n'avait jamais "étudié" les peintures. Mais Laïda ... Elle avait l'air frustrée, ou agacée par les œuvres. Comme si elle voyait quelque chose que lui n'avait pas compris. Heindrick, mu par sa curiosité -et maintenant qu'ils étaient en termes cordiaux- la suivi de loin avant de se rapprocher et de lui dire, de sa voix grave et douce :


Pas vraiment une question, car il avait bien compris que Laïda en avait un, de problème. Il ne connaissait pas sa famille, ni les Oshurs, ni la louve en elle-même : peut-être que cela venait de là.

LAÏDA

Il y a un problème.

Encore une fois, sa voix grave et douce l'avait sortie de sa réflexion. Il l'avait suivie sans qu'elle s'en rende compte. Il n'avait pas posé la question, c'est donc qu'il voyait un problème, mais elle ne savait pas de quoi il parlait. Elle reporta son attention sur les peintures, cherchant à voir ce qu'il avait vu. Ne trouvant rien elle se retourna vers lui, interrogative.

Quoi donc ?

Puisque sa mère l'avait instruit de la culture caverne, peut être qu'il voyait que certaines positions étaient incorrectes ? Elle avait subit des entraînements militaire et de son point de vue, rien n'était choquant, mais ça ne voulait pas dire que c'était correct.

A part l'absence totale de représentation des Oshurs, et que tout cela n'a pas de sens... Ce n'est pas une histoire, c'est un mode d'emplois pour être un bon Yten.

Elle avait dit la dernière phrase sur un ton dur, dévoilant toute sa frustration. Elle voulait comprendre mais ces peintures ne lui avaient donné que de maigres indices jusqu'à présent. Peut-être qu'elle trouverait des réponses dans les autres salles ? Mais elle avait peur de découvrir qu'elle se trompait, que les Cavernes avaient bien toujours été ces brutes qui ne respectaient ni les Oshurs, ni les louves... Elle avait espéré que ce ne soit que l'impact de son grand-père, que ce ne soit pas représentatif de la race entière... Makani lui laissait à penser que c'était spécifique des ytens mais ce demi caverne avait été courtois, n'avait pas assumé qu'elle avait une cervelle de moineau parce que c'était une louve... Alors que penser de tout ça

-Heindrick-

La louve ne compris pas la question déguisée, examinant les peintures. Un peu gêné, Heindrick détourna le regard pour le poser sur les murs. Il n'était pas doué avec la communication, ça au moins ça n'avait pas changé depuis ... Enfin bref. Finalement, Laïda prit un ton frustré, et dévoila peut-être une partie du problème : il n'y avait pas d'Oshurs. Heindrick regarda autour de lui, et le remarqua enfin : la grotte était décorée uniquement d'épais loups, rayés ou tachetés. Aucunes ocelles, aucunes silhouettes plus fluettes. Aucun Oshurs.

(mémoire : 90) Il ne dit rien, d'abord. S'il n'avait pas remarqué la chose, c'était parce que sa mère ne lui en parlait presque jamais, des Oshurs. Elle lui avait parlé des différences entre mâles et femelles au sein des Ytens, mais n'avait fait que lui expliquer rapidement la différence entre Ytens et Oshurs, sans s'attarder. Tout ce dont il se souvenait, c'était que la reine Oshur avait été mariée à Yogrenn. Il hasarda :


Mais il en doutait un peu. Il y avait une raison pour laquelle sa maman ne lui avait jamais parlé des Oshurs, mais il ne savait pas laquelle. Peut-être qu'ils étaient très peu ? Ou bien ils étaient une race à part entière, avec des rites différents ? Heindrick ne savait pas. Mais assis à côté de la louve crème et bleue, il ne paraissaient pas si différents tous les deux. Il tourna le museau vers elle :

LAÏDA

Le silence plana un long moment entre eux avant que le mâle ne se hasarde à lui suggérer que c'était peut être la grotte des Ytens. Elle secoua la tête, elle avait suffisamment exploré les environs pour savoir qu'il n'y avait qu'un seul vaste réseau de grottes qui menaient à un lac souterrain. Mais elle n'avait pas regardé les peintures de toutes les salles.

Pourquoi ça t'importe autant ?

Elle grimaça, n'était-ce pas évident, si sa lignée comptait de nombreux Ytens et qu'elle était grande pour une Oshur, elle était incontestablement un membre de la seconde famille de sa race. En plus elle était une louve. La seule louve représentée était la mère dans la salle précédente. Enfin, peut-être qu'il y en avait parmi les guerriers, les artistes ne s'étaient pas embêtés à faire le détail de leurs organes génitaux. En plus c'était le seul lien qui lui restait avec une famille qui, étant morte, n'avait pas pu la renier. Elle ne voulait pas réaliser qu'elle n'aurait été rien pour cette famille aussi. Ça voudrait dire qu'elle était vraiment seule.

c'est tout ce qu'il me reste...

Elle baissa la tête sur son chuchotement. Elle était passionné par la recherche et les études, mais elle n'avait jamais pensé qu'elle serait isolée à ce point. Et évidemment elle n'arrivait pas à bien s'entendre avec la plupart des solitaires qu'elle croisait. Son histoire, c'était tout ce qui lui restait.

-Heindrick-

La louve grimaça avant de prendre un air douloureux. Visiblement, elle était elle aussi esseulée, peut-être pour des raisons différentes. Elle chuchota en baissant la tête, et Heindrick détourna le regard, ne voulant pas la gêner. Mais il la comprenait, il la comprenait à un niveau presque douloureux. Et encore, lui avait de la chance : une partie de ceux qu'il considérait comme sa famille était encore en vie, Rahawk, Hélie et Zed, Heimdall et son nouveau petit frère Galahad. Mais du côté de sa mère, tout n'était plus qu'histoires et peintures sur un mur.


Toujours neutre, Heindrick cacha le petit serrement de son cœur en pensant à sa maman, qui reposait quelque part dans ces terres. Mais il était en paix, car il savait qu'il reviendrait à la savane quoi qu'il arrive. Et puis, il y avait une forme d'acceptance qui passait également par Nephtys et ses petits. Eux aussi étaient des croisés cavernes, comme lui. Ils étaient les rejetons d'un clan détruit, mais il leur apprendrait leur histoire, les mythes dont il se souvenait. Quand ils seraient assez grands, il les amèneraient ici, leur montrerait les peintures. Et tout ça, c'était pour sa mère qu'il le faisait. Pour son histoire. Il continua, calmement :

On est pas seuls. Les cavernes ont laissé des traces un peu partout. J'ai jamais cherché à retrouver le groupe qui s'est formé, car ils ne m'accepteront pas.

Il désigna d'un geste vague ses pattes rouges, signe évident qu'il n'était pas un caverne pur. Ils ne les détestaient pas, ces pattes, loin de là. Un œil aiguisé aurait pu remarquer ses crocs légèrement plus long que la moyenne et sa touffe argentée, mais ces pattes rouges étaient le seul signe évidence de sa parenté avec Heimdall. Il continua :


Il haussa les épaules avant de se relever. Il se sentait étrangement mieux après cette rencontre, et après avoir regardé les peintures. Sa décision était prise, mais à présent il savait qu'il n'aurait pas de regrets. Il abandonnait ses deux figures paternelles pour tracer sa propre route, sur des terres vierges de tout chemin, et il aimait ça. Il se sentait lui-même, enfin. Il fit quelques pas avant de se retourner pour offrir un sourire fugace à la louve crème et bleue, qui se cherchait encore :

LAÏDA

Je comprends.

Elle leva la tête pour le regarder, son expression était neutre. Comprenait-il vraiment ? Il parlait de sa mère au passé, elle était probablement morte comme Gaor, ils avaient dû avoir plus ou moins le même âge. C'était donc potentiellement tout ce qui le liait encore à sa mère. Mais la famille de Laïda était bien vivante, ils ne voulaient juste plus qu'elle en fasse partie. Elle n'existait plus à leurs yeux parce qu'elle avait simplement voulu vivre sa vie. Même si sa mère n'était plus là, il resterait toujours son fils, quand il l'a retrouverait auprès de Rhea, elle l'accueillerai à pattes ouvertes. Peut être avait il encore son père.

On est pas seuls. Les cavernes ont laissé des traces un peu partout. J'ai jamais cherché à retrouver le groupe qui s'est formé, car ils ne m'accepteront pas.

Elle ne voulait pas rejoindre le groupe de Jeremiah, en tout cas, elle ne voulait pas en faire partie. Elle ne voulait plus se soumettre aux ordre de quelqu'un qui ne l'a respectait pas vraiment. Oh certes il avait plaidé sa cause, il avait contenu la rage brûlante de leurs hormones en pleines chaleurs, mais il n'avait pas été prêt à respecter son réel besoin de liberté, elle aurait dû faire partie du groupe et obéir, ça elle n'aurait pas pu. Même si l'idée de se confronter à un dominant la faisait brûler, elle savait que cette vie ne l'a rendrait pas heureuse. Elle secoua la tête négativement. Non ce n'était pas une place pour elle. Du reste, il avait probablement raison, ça n'était pas une place pour lui non plus.

Il y en a d'autres, des croisés. Je pense que ... C'est à nous de construire notre identité maintenant. Enfin, tu fais comme tu veux.

Elle acquiesça, oui c'était ce qu'elle essayait de faire ici, de se reconstruire, elle savait ce qu'elle voulait. Mais elle cherchait à comprendre qui elle était, sa race était une part d'elle, et elle aurait voulu que ses parents ne renie pas leur héritage, même s'ils s'étaient dissociés des leurs.

C'est ce que j'essaye de faire ici, je veux comprendre qui étaient mes ancêtres, puisque mes parents ont toujours refusé d'en parler, il faut que je trouve mes réponses par moi même.

Il se releva et dit quelques pas vers la sortie avant de se retourner, un sourire sur les babines.

Si tu as besoin de quelque chose, je suis au Nord de la savane. Il y a un point d'eau, avec un petit temple de Mordor, c'est toujours là que je reviens. Tu pourras passer, et rencontrer les autres. Si tu veux.

Ah c'était donc ça ce monticule étrange, un temple pour Mordor. Elle s'était demandée ce que c'était quand elle était passé devant. C'était lui qui l'avait fabriqué. Les autres ? Ah oui il disait qu'il y avaient d'autres croisés un peu plus tôt. Mais non, elle ne voulait pas rencontrer les autres. Elle ne voulait pas être seule au monde mais l'idée de s'appuyer sur les parias de tout le monde, de devenir elle-même une paria la rebutait. De toute façon elle serait incapable d'être détendue en leur présence. Lui ça allait, il était si calme que c'était difficile de ne pas être apaisé en sa présence.

hé ! Heu...

Elle réalisa qu'il ne lui avait jamais dit son prénom. Mais ça lui faisait du bien pour une fois de parler sans un conflit ? Makani finissait toujours par dire un truc qui la mettait sur les nerfs... Et pour une fois elle n'était pas seule à trouver de l'intérêt à ces peintures.

Hé, tu ne veux pas voir les autres ?

Elle s'était relevée, incertaine, après tout c'était lui qui était venu jusqu'ici juste pour ça ? Peut être qu'elle vivrait un peu mieux l'absence des oshurs dans les mémoires de leurs ancêtres si elle n'était pas seule. Peut être qu'ils étaient représentés mais elle n'était pas sûre de vouloir le découvrir seule.

-Heindrick-

La louve hocha la tête, en lui expliquant sa situation : ses parents, contrairement à Kuma, ne l'avaient jamais éduquée sur ses ancêtres. C'est pourquoi elle utilisait cette grotte comme modèle, pour essayer de retracer son histoire. Mais il n'y avait pas d'Oshurs ... Heindrick ne savait pas trop quoi en penser, mais avait cru comprendre qu'elle préférait être seule. Cependant lorsqu'il fit mine de partir, elle le retint, lui proposant d'explorer le reste de la grotte.

Heindrick se figea, la regardant. Elle avait l'air plutôt hésitante, de manière générale : elle se disait solitaire, mais vivait avec un autre loup, et maintenant qu'il était là ne voulait plus le laisser partir ... Enfin, ce n'était pas ses affaires. Il hocha la tête : il était curieux du reste des grottes oui. Et puis, il l'aimait bien finalement cette louve. Un peu bizarre, mais sympa, au fond. Et comme toujours, il y avait quelque chose avec les louves cavernes qui l'attiraient, comme un papillon autour des lumières.

Il la suivi en pénétrant un peu plus profondément dans les grottes. Là, une source de lumière aurait été bien pratique, mais Heindrick n'avait rien. Il devait donc se reposer sur ses yeux nyctalopes mis à mal par la quasi-absence de lumière. Alors qu'ils marchaient, il proposa, toujours neutre :