-Heindrick-

Le groupe du temple était resté, finalement, dans les grottes près des cavernes troglodytes, celles dont les murs étaient peints des traditions des ancêtres d'Heindrick. L'épais mâle avait pensé que se déplacer dans les grottes les aideraient, mais finalement, d'autres problèmes étaient apparus. Avec l'humidité, Kathrax était tombée malade, et il avait entendu dire que c'était contagieux. Si Zedekiel s'était réveillé, il était encore trop faible pour vraiment bouger, et le temps continuait de rendre toute la plaine humide, spongieuse et peu riche en proies. Avec tout ça, l'hiver arrivait, et les proies se tenaient de plus en plus à l'écart d'eux.

Heindrick devait aller de plus en plus loin pour trouver de quoi chasser. Il continuer à prier Mordor, mais loin du temple, il lui semblait que son influence était moins grande. Ou peut-être que les Dieux les avaient tout simplement abandonnés, depuis qu'ils avaient marché sur la Source. Ce matin là, alors que l'aurore chatouillait à peine l'aisselle de l'horizon, le mâle repéra un groupe de chèvres des montagnes, des Markors. Il les piste, caché dans le peu de végétation qu'offrait les montagnes, chasseur et prédateur. Jusqu'à ce qu'au lever du soleil, le ciel s'embrase. Les rayons d'or viennent toucher le groupe, et soudain, il l'aperçoit : un bouc, aux cornes d'or, rayonnant autour de lui comme s'il était le soleil lui-même. Une proie touchée de Mordor, élue parmi les siens pour guider la voie.

Il rentra bredouille ce jour là. La patte molle après la longue course du matin, il regagne ses cavernes, l'esprit encore occupé par ce qu'il ne peut que voir comme un signe de Mordor, envoyé comme un rayon d'espoir -ou un avertissement. Soudain, une odeur vient rendre un peu de vie au regard fatigué du mâle : Laïda. Il ne lui faut pas longtemps pour apercevoir la silhouette crème de la femelle, brillant sous le soleil bas d'automne. Il la rejoint, lourdement, avant de la saluer :

Salut.

LAÏDA

Heindrick et son groupe étaient venus s'installer dans les grottes non loin de la caverne sacrée, là où vivait aussi Makani. Le temps ne s'était pas amélioré depuis et les proies se faisaient rares, même les markhors qu'ils avaient fait attention à ne pas sur chasser...

Ce fut la faim qui la poussa à sortir de la grotte sacrée. Cela faisait plusieurs jours qu'elle avait fini sa petite réserve, mais soucieuse de ne pas trop laisser son devoir de garde et de ne pas trop puiser dans les ressources de proies, elle avait tenu aussi longtemps que possible. Elle était seule et elle savait qu'elle ne pourrait pas attraper une grosse proie. Mais les marmottes n'étaient pas encore en hibernation et l'hiver approchant, elles étaient en plus bien grasses en prévision de leurs longs mois de privation.

Elle trouva bientôt trace de leurs terriers et se plaça au dessus, attendant patiemment que l'une d'entre elles s'aventure dehors. Elle pouvait les entendre gratter en dessous. Plus d'une heure, une sentinelle imprudente sortit son postérieur indolent de son terrier avant de s'assurer que la voie était libre. Laïda fondit sur elle, elle n'avait eu aucune chance.

Elle venait de briser la nuque de sa proie d'un coup sec quand elle entend des pas lourds approcher. Elle se tourne, le corps flasque de sa proie pendant de sa gueule, c'est heindrick qui approche. Son cœur s'emballe un peu avant qu'une pointe d'inquiétude ne vienne le pourrir. La faim les tenaillait tous, allait il espérer qu'elle partage son repas avec lui ? Elle était déchirée entre son éducation de clanique qui voulait qu'une proie soit toujours pour la communauté, son affection pour le mâle qu'elle ne voulait pas décevoir malgré elle, sa nouvelle vie de solitaire et sa règle du chacun pour soi, et enfin son estomac grondant qui la suppliait de le remplir.

Quand il fut à portée de voix il la salua. Elle hésita avant de poser sa proie pour lui répondre, posant une patte possessive dessus malgré elle.

Bonjour.

-Heindrick-

La louve porte avec perfection son air farouche habituel, la patte posée sur une proie fraichement chassée. L'odeur de la viande fait se tordre le ventre vide d'Heindrick, mais il n'en montre pas grand chose. Toujours neutre, il s'asseoir devant la louve, s'égare un instant à glisser son regard le long de ses courbes, avant de relever le regard. Il était étonnant que durant toute la jeunesse d'Heindrick, les cavernes n'est été que des histoires, des mythes, avant de pénétrer sa vie lors de la mort de sa mère de bien des manières. A présent, il était clair qu'il ne pourrait plus s'en défaire : ils étaient le groupe des rejetons cavernes, de ceux qui n'entraient dans aucune cases, aucunes races, et pourtant qui étaient fiers.

Laïda, elle ... C'était autre chose. Quelque chose chez elle attirait le mâle, attisait sa curiosité, presque sa fascination. Une sorte de mystère l'entourait : petite fille de Yogrenn, comment était-elle arrivée ici ? Elle lui avait beaucoup parlé de sa famille, mais aucun membre n'était passé par ici, alors où étaient-ils ? Beaucoup de questions, mais une certitude : Pour une raison obscure, Heindrick lui faisait confiance ... Un peu. Assez pour surveiller les peintures en tout cas.

Jolie prise.

Surtout en ce moment, la chasse était difficile. Peut-être qu'Heindrick aurait du se sentir mal, après tout, c'était à cause de leur groupe que les groupes de markors avaient fuit plus loin. Mais chacun faisait ce qu'il pouvait pour survivre, et leur survie résidait dans ces montagnes. S'ils se faisaient chasser ... Ils redescendraient. Mais il faudrait se frotter au mâle caverne avant. Heindrick se redresse un peu, ses muscles roulant sous son poil épais, déjà prêt pour l'hiver. Le temps s'est refroidi subitement avec l'automne dans les hauteurs, mais ses origines le protègent. Il lève la truffe vers les monts enneigés, se sentant d'humeur à partager une petite histoire -fait rare pour le loup habituellement silencieux.

J'ai croisé un bouc ce matin, ses cornes étaient comme faites en or. Peut-être un signe que l'hiver sera moins difficile.

Du moins, il le croyait. Il avait fait le choix de laisser le troupeau, préférant la faim à la colère de Mordor, et ne le regrettait pas. Il mangerait demain, et son groupe avait encore assez pour tenir. Cependant, ils avaient cruellement besoin de réserves pour l'hiver.

LAÏDA

Comme à son habitude, l'expression du mâle resta neutre quand il s'assit face à elle. Instinctivement, ses griffes se crisperent sur sa proie encore chaude. Elle n'avait pas souvenir de lui avoir déjà vu une autre expression que celle-ci, cependant elle ne manqua pas de remarquer que son regard s'attardait ailleurs que sur son museau. Était-il en train d'évaluer ses chances dans un combat pour sa proie ? Remarquait-il qu'elle avait maigri sous sa fourrure épaisse ?

Jolie prise.

Laïda découvrit légèrement ses crocs. Elle avait faim, trop faim pour partager cette maigre pitance et elle avait besoin de forces pour protéger les peintures des intrus. Peut-être que cette phrase était parfaitement innocente, mais quand la faim se faisait sentir, même le plus doux des loups pouvait devenir agressif pour un bout de viande. Et Laïda n'était déjà pas tendre en temps normal.

Il ne réagit pas et elle se detendit légèrement. Il se mit à regarder les sommets enneigés qui avait vu naître leur race. Elle suivit son regard, se demandant ce qu'il pensait.

J'ai croisé un bouc ce matin, ses cornes étaient comme faites en or. Peut-être un signe que l'hiver sera moins difficile.

Elle le regarda attentivement, la faim avait elle altérée sa raison ? Un bouc aux cornes d'or ? Mais il n'avait pas l'air different de d'habitude, peut être était-ce un message des dieux ? Depuis la venue d'akui, plus personne ne remettait leur existence en cause, le nombre de loups qui choisissaient la voie de la prière avait augmenté. Son propre père avait toujours été très croyant et elle avait été élevée dans le respect des figures divines, mais elle même avait toujours été plutôt distante à leur sujet. Heindrick semblait très croyant, au moins en Mordor, le dieu de la chasse. En cela il lui rappelait son père. Cette fourrure dense si épaisse qu'on pouvait s'y enfoncer comme dans un nuage sans jamais sentir sa peau aussi. Une vague de nostalgie la submergea. Le vieux guerrier l'avait toujours comprise, acceptée telle qu'elle était, son amour avait été inconditionnel de sa présence, pas comme sa mère... Elle sentait cette même forme d'abnégation dans l'amour chez le mâle brun. Il avait tout sacrifié pour une bande d'eclopés, seul il aurait aisément survécu, mais il se refusait à les laisser derrière lui, comme Gaor. Sa prise sur le cadavre de marmotte se relacha légèrement. Heindrick était un chef, un protecteur, pas un voleur.

Ou une injonction au courage et à la persévérance...

Quand les proies devenaient rares à l'automne, elles n'étaient pas plus nombreuses à l'hiver... Elle n'était pas pessimiste, juste réaliste, a part par une intervention du dieu lui même pour ramener des proies, l'hiver serait rude, les plus faibles n'y survivraient probablement pas. Elle s'ebroua, évacuant les tensions qui electrisaient sa fourrure.

Tu as beaucoup de blessés ?

Laïda avait quelques notions de base de médecine, que sa mère leur avait fait rentrer dans le crâne au bulldozer quand ils étaient petits, à grand renfort de discours enflammés. Elle aurait une idée des membres de son groupe qui seraient encore là au printemps.

-Heindrick-

Courage et persévérance ... Heindrick ne sourit pas, mais ses yeux frémissent. Ils en auront certainement besoin avec l'hiver qui arrivait. Les proies se faisaient plus rares, et le groupe venant de la plaine faisait certainement trop de pression sur Laïda pour que ses chasses soient vraiment efficaces. Ils devraient redescendre, mais Zedekiel devait encore prendre des forces. En parlant de blessés, Laïda aborde la question après s'être ébrouée. Heindrick darde un regard stoïc vers son groupe, qu'on ne peut apercevoir derrière les vallons.

Zedekiel, celui qui a des ailes, s'est réveillé. Mais Hywel toujours pas.

Il reste un moment comme ça avant de regarder de nouveau Laïda. Le soleil fait briller son pelage crème d'une aura un peu dorée, et le cœur d'Heindrick bat juste un peu plus fort. Elle est belle. Il baisse la tête, se fustigeant mentalement. Ce n'était pas le moment d'encore craquer pour une femelle, les deux fois d'avant avaient mal terminées. Il regarde la montagne, évitant un peu le regard de Laïda, un peu effrayé de ce qu'il pourrait y trouver :

On va redescendre. Bientôt.