L'hiver installé était assez fort. Les bosi de Tanyxoth avaient cessés de grandir, c'était une ramure très grande, plus encore que celle qu'il avait avant. Selon ses frères, c'était parce que Tanyxoth n'avait perdu ses bois qu'une fois: à la perte de ses pouvoirs, et que ses premiers bois n'avaient pas changés depuis sa jeunesse. les gênes d'hybrides dans sa famille suivait cette règle de cervidé: plus un individu est vieux plus ses bois sont grands. Tanyxoth l'ainé des trois frères avait déjà la ramure la plus grande à l'époque, mais cette fois ci...

Il était certain de ne pas les perdre à nouveau, car il avait retrouvé son pouvoir. Ses bois étaient couvert d'un velour qui ne tomberait jamais, au contraire de ses frères, et il devait bien avouer qu'il était content.

Il poursuivait sa ronde matinale quand il entendit un hurlement charnu dans les collines. Pas de doutes sur son origine, il n'y avait qu'un chien pour hurler comme ça, et un seul chien dans le clan oserait se faire entendre ainsi. Mais Tanyxoth sentit la douleur du hurlement, il dressa les oreilles et se rendit sans tarder aux collines.

Les cendres étaient moins présents en cette période et le cerf pouvait sentir l’herbe couverte de givre craquer sous ses pattes. S'il ne se retenait pas, il se serait roulé allègrement dedans, mais pas tout de suite.


Il vit rapidement la silhouette de l'alpha sur une colline, il sourit et sans se demander s'il devait la laisser tranquille ou non, il avança vers elle. Sauf qu'il n'avait pas prévu que la colline sur laquelle il était se remette à descendre si vite, il posa sa patte devant lui mais perdit l'équilibre quand elle se posa plus bas que prévu. Après un petit cri étonné, il finit sa roulade aux pieds de sa colline. Il se releva d'un bon en se secouant et en se raclant la gorge avant de reprendre sa route comme si de rien n'était.

Léone avait très certainement vu la chute du bêta, tant le sourire qu'elle tenait lui éclairait le visage. Mais Tanyxoth ne s'en formalisa pas tant que ça. Tomber ça arrivait à tout le monde... non? Elle se retenait bien visiblement de rire, le cerf apprécia ce petit effort.

Alors qu'il la rejoignait en haut de la butte, l'attitude de l'akita changea du tout au tout, se faisant plus ambarassée. Elle gratta la terre et les rares cendres d'une patte, les oreilles gigotant et le regard un peu fuyant, Tanyxoth lui, éclata de rire.


Il secoua la tête puis s'assit pour se gratter derrière l'oreille. Enfin il se remit droit, assit vers l'horizon.


Il sous entendait là que malgré le hurlement charnu de la chienne, il en avait compris quelques bribes, bien que partielles, et en avait bien retenu la douleur en émanant. Il tourna sa tête vers elle, la penchant légèrement. Il n'attendait pas spécifiquement des explications, peut être ne voulait elle pas en parler, mais au moins il était là.

Léone semblait perdue, hésitante, mais elle se secoua et le cerf ne s'aventura pas plus loin. Elle plongea un moment son regard dans celui du grand mâle, et celui ci le soutint sans broncher, il parlait à son amie et non pas à l'alpha.

Elle évoqua son passé. Il ne dit rien et la laissa poursuivre, il ne connaissait rien de la vie passée de l'alpha, tout ce qui concernait son histoire avant d'arriver au camp était flou et quasi inexistant pour la quasitotalité, si pas la majorité des loups ici. Ho certes Tanyxoth savait que Léone était une étrangère, cela avait été clair comme de l'eau de roche quand elle avait débarqué, mais sans plus. S'il était curieux, il n'avait cependant jamais posé de questions à ce sujet à la chienne. Il pencha la tête quand elle redirigea encore son regard vers le sien, signe qu'il était attentif.

Le coeur de Tanyxoth se serra, et il baissa la tête à son tour pour rattraper à nouveau le regard de Léone. Karara avait été proche de Léone, il l'avait bien vu et s'il avait apprécié la guerrière grise, s'il avait été triste de sa mort, il savait que ce n'était rien face à la douleur de Léone qui avait elle même achevé l'ancienne alpha. Il passa sa truffe sous le museau de l'akita pour lui redresser la tête.


Il lâcha son regard pour le diriger vers ces pics qui intriguaient tant l'alpha. Il ne pouvait comprendre ce qu'était le mal du pays, il était né ici et mourrait certainement ici. Elle ne pouvait en tout cas pas retourner chez elle, car au vu de toute cette nostalgie, elle y serait déjà allé si elle en avait la possibilité. Tanyxoth ne savait pas quoi faire pour remonter le moral de son amie, mais ce qui le marquait le plus, c'est qu'elle ne voyait rien de bien dans sa vie depuis qu'elle était ici. Du moins c'est ce qu'elle avait sous entendu. Il reporta son regard vers elle.

Tanyxoth ferma les yeux et pris une grande inspiration avant de bloquer son poitrail, gardant l'air en lui. Puis au bout d'un moment, il relacha lentement l'air sans dévier son regard des pics qu'il observait. Ses bois vibraient lentement tant il était frustré de ne pas avoir compris à quel point ces problèmes rongeaient tant Léone. Il devait maintenant trouver les mots, les actes pour qu'elle comprenne, mais comment?

Finalement, un petit sourire étira son visage triste et il tourna la tête vers Léone.




Il se leva et se détourna pour marcher, descendant lentement la colline. Puis il s'arrêta à mi chemin et tourna à nouveau la tête pour la regarder.


Il leva les sourcils d'un air interrogateur, les oreilles basses, soudain triste de penser qu'elle pourrait croire que leur rencontre ne valait pas ça. D'un geste des ramures, il invita l'akita à le suivre, rester figé sur ces pics lui rappelant son passé ne l'aiderait pas, il se mit à parler en marchant.

Il marchait droit devant, sans la regarder mais sachant qu'elle le suivait. Il ne voulait pas tourner la tête vers elle, de peur de ce qu'elle y verrait. Si Tanyxoth n'espérait pas grand chose, il ne pouvait nier que l'idée qu'il soit si peu pour elle lui faisait mal. Mais malgré ça, ses paroles étaient sincères et c'était ses propres principes de vie qu'il avait étalé devant elle. Face à toutes ces pertes qu'il avait subit, il s'était estimé être médiocre, mais c'était elle qui l'avait fait se relever, au final c'était Léone qui lui avait suggéré ces principes sans même qu'elle ne s'en rende compte.

Le bruit des pas de l'alpha bruissaient dans la cendre derrière le cerf, c'était un bruit apaisant bien que le loup eut l'art ce jour là de se torturer l'esprit. Aussi entendit-il de suite que Léone s'était arrêté suite à ses paroles. Il l'imita sans cependant se tourner vers elle.

« Je… Je ne souhaite pas disparaître en ne laissant que des souvenirs. »

(2/100 en mental) Il releva la tête subitement, comprenant où elle voulait en venir. Mais si c'était son souhait, pourquoi mettait elle autant de temps à agir? Elle n'était plus toute jeune et avait pourtant une panoplie de mâles qui pourraient lui donner une bonne descendance. Mais peut être ne venait elle de réaliser cela qu'aux paroles du cerf? Dans ce cas, cela avait il une signification bien plus profonde?

La femelle poursuivit, ne faisant que confirmer un peu plus les pensées du loup. Et plus elle continuait plus il eut peur. Elle parlait de Karara, encore et toujours, et semblait n'avoir jamais fait son deuil, l'amour de l'akita pour la grise avait été indéniable, et Tanyxoth avait peur, était il toujours présent? Bien entendu, avec Karara cela aurait été difficile, mais il existait toujours des solutions. Petit à petit, Tanyxoth sentit sa peur gagner son corps, ses bois vibrèrent et ses griffes les imitèrent peu après. Il tourna la tête vers elle pile au moment où elle plongea ses yeux d'or dans les siens.

« Ce sera avec toi… Je t’aime… »

(81/100 en mental) La peur emplit finalement l'entièreté du corps du loup cerf, il ne put se retenir et ses bois changèrent. Il fixait l'akita, la tête tournée vers elle. S'il avait eu peur qu'elle ne l'aime pas, il avait encore plus peur qu'elle l'aime, car il avait tué tous ceux qu'il avait aimé. Il baissa la tête, ne pouvant plus supporter son regard sur lui et son air si attentif.


(98/100 en contrôle des émotions) Sa voix tremblante, ses bois qui chauffaient, laissaient entrevoir la peur qui l'envahissait. (78/100 en reprise de contrôle) Léone avait été sincère, plus qu'elle ne l'avait jamais été , et cela avait été pour elle une révélation telle, qu'elle n'avait même pas défailli en l'avouant.Mais lui, qui avait pourtant désespéré d'envisager le contraire, était à présent pétrifié comme il l'avait été jadis. (49/100 en reprise de contrôle)

Mais si la révélation venait maintenant, cela faisait certainement un bout de temps que les deux individus ruminaient ce sentiment d'attirance, l'un sans savoir mettre la patte dessus, l'autre en le refoulant. Tanyxoth était maudit mais était-il nécessaire qu'elle lui avoue cela pour que d'un coup elle lui soit enlevée elle aussi? Non, alors pourquoi avait il si peur? Il ferma les yeux, conscient du stress que sa réaction pouvait provoquer chez elle. Il respira lentement, et sentit la chaleur de ses bois et ses griffes diminuer alors que le métal qui les couvraient disparaissait peu à peu. Il se releva ensuite, rouvrit les yeux en les fixant dans ceux fait d'or de l'alpha.

Au diable la malédiction.


Il vint coller sa truffe dans le cou de Léone, au diable la malédiction. Il ne prononça mot mais respira fort son odeur, son odeur précieuse, s'en imprégnant entièrement. Ils s'étaient mutuellement sauvés, ils étaient proches depuis plus longtemps qu'ils ne pouvaient l'estimer, si malédiction il y avait, elle les aurait déjà séparé. Il ne prononça mot, mais refusa de s'éloigner d'elle.

Lentement, alors qu'il gardait les yeux fermés et prolongeait le contact, sa respiration se fit hachurée alors qu'il commença à pleurer. Tanyxoth n'était pas doué pour ce genre de choses, et les larmes se mirent à dévaler ses joues, inondant l'épaule de Léone. Mais alors qu'il perdait le sens de sa respiration, il redressa un peu la tête et ses pleurs se changèrent peu à peu en rire. Il essuya son oeil droit de sa patte en reniflant.


Il rit un peu plus fort en levant la tête.


et il y plongea le sien.

Il sourit en fermant les yeux, c'était vrai, ils étaient tous deux dans le même bateau, handicapés du coeur.

Le coup de lèche sur la truffe de Tany le fis sursauter et il ouvrit grand les yeux de surprise, louchant presque. Okay, un point pour elle, il ne s'y attendait pas à celle là. Mais il ris quand même avant de replonger à nouveau ses yeux dans les siens. Ceux de sa mère ou non, les yeux de Léone étaient magnifique. Il sourit un peu et se releva, refusant que sa fourrure se détache de celle de l'akita.



Autrefois il avait une tanière énorme, prête à accueillir son fils et la portée attendue, puis il avait tout perdu, et il avait pris une tanière étroite, juste assez grande pour lui.

Aujourd'hui, il voyait enfin le bout du Tunnel, et Léone l'y attendait.