Lagherta

Une douleur partagée

Lorsque j'étais rentrée de l'entrainement, ce soir-là, Ragnar était venu me voir. Son visage était fermé et j'avais sentis en lui une grande tristesse, néanmoins associée à une détermination à toute épreuve. Avant même qu'il ne dise un seul mot, je savais ce qu'il était venu me dire ce soir. Et mon intuition ne m'avait pas trompée. J'avais cru, à tord, que leur départ ne se ferait pas, l'échéance étant chaque fois reportée selon les récits de Ragnar, mais le moment fatidique était arrivé. Lui et Verd partirait, cette nuit. Les au revoir furent déchirant et j'avais beaucoup pleurer, comprenant néanmoins son choix, leur choix. Le clan avant le loup, je comprenais, après tout, c'était la devise du clan qui m'avait adoptée et qui était devenu le mien. Certes, je regrettais beaucoup que ce soit mon frère, que je venais tout juste de retrouver, qui partait pour cette quête. Néanmoins, je comprenais la nécessité de cette quête et son sens du devoir était honorable, même s'il me manquerait cruellement. Avant de me quitter ce soir-là, il m'avait tendrement noué son écharpe autour du cou, me laissant une part de lui... J'avais refouler mes larmes longtemps après que je ne le vois plus à l'horizon, assise à l'entrée de ma tanière. Puis, j'étais rentrée et mes larmes avaient couler longuement.

Puis, la fatigue s'était emparée de moi, et je m'étais endormie, les poils de mes joues emmêlés par les larmes qui avaient sillonné mon visage durant des heures. Cette nuit-là, je dormis, mais affreusement mal. Ma nuit fut tourmentée de cauchemars tout plus horribles les uns que les autres. Certains étaient des souvenirs de la petite enfance horrible que nous avions passée avec mon frère, d'autre concernait la quête dans laquelle il s'était lancé avec Verd. Mais tous mes cauchemars finissaient de la même manière. Ragnar ne revenait pas... A la fin de chacun de mes cauchemars, je m'étais réveillée en sursaut et m'était remise à pleurer, avant que le sommeil m'emporte à nouveau...

Le matin, lorsque je me réveillais d'un nouveau cauchemar, le jour pointait le bout de son nez à l'entrée de ma tanière, et je décidais de me lever, en ayant plus qu'assez de rêver de toutes les manières possibles dont mon frère pourrait mourir lors de cette quête. Il était tôt, le jour pointait tout juste. Lorsque je pointais ma truffe à la sortie de ma tanière, le fraîcheur du matin envahi mes poumons. Puis, une odeur familière titilla ma truffe qui se posa sur le sol à sa recherche. Un loup était venu ici cette nuit, juste devant ma tanière. Un loup dont je reconnu l'odeur aisément après y avoir enlevé celle de la panique, Tanyxoth, le père de Ragnar était passé ici durant la nuit. Je décidais d'aller le voir, mais d'abord, j'avais des devoirs, tout comme lui. Alors je me redis au point d'eau le plus proche pour débarbouiller la figure, puis je me rendis à mon entraînement quotidien.

L'entraînement fut rude et j'eux grande peine à me concentrer, d'autant plus que j'avais remarquer que l'escadron de Tany ne s'entraînait pas, attendant le chef d'armée. Je savais, d'après ce que m'avait raconter Ragnar, qu'il n'était pas dans les habitudes du chef d'armée de manquer à son devoir. La matinée me parut interminable, d'autant plus avec les regards inquiets que me lançait Keiss, il avait parfaitement compris que quelque chose n'allait pas, mais j'ignorais s'il avait fait le lien avec l'écharpe nouée à mon cou, que je ne portais pas, hier encore. Malgré tout, je ne pouvais pas lui parler du départ de Ragnar, pas encore... Lorsque Valkaa nous libéra de notre devoir, je me dirigeai vers la tanière du père adoptif de mon frère, dans le but de voir ce qu'il voulait, lorsqu'il était venu devant ma tanière la nuit dernière. Mais il n'y était pas, et un garde m'informa qu'il était sorti durant la nuit, qu'il l'avait percuté, s'en était aller et n'était pas revenu depuis. Je me mis donc en quête du loup cerf, cette fois certaine que quelque chose n'allait pas.

A l'aide de mon odorat, il ne me fut pas difficile de retrouver la trace de Tanyxoth, qui chevauchait celle de mon frère et de sa compagne, à quelques heures près. Puis, il apparut, là, sur un rocher, juste à la frontière, debout, aux aguets, comme s'il attendait quelque chose. Et je savais ce qu'il attendait, car j'attendrais chaque jour, la même chose que lui. Le retour de l'être aimé que nous avions en commun. Je plongeai ma truffe dans l'écharpe de Ragnar et inspirait un grand coup. Son odeur y était encore présente, mais je savais que ça ne durerait pas éternellement... Son odeur finirait par être remplacée par la mienne... Cette bouffée de l'odeur de mon frère me donna le courage qu'il me manquait et je m'approchais du chef d'armée. J'ignorais si mon geste serait le bienvenu, mais je vins me placer à coté de lui, me collant à lui, espérant que ce contact lui apporterait un peu de chaleur, et de réconfort. Ma gorge se noua alors que je chuchotais d'une petite voix :

Lagherta

Une douleur partagée

Lorsque je me collais contre le loup-cerf, il tourna la tête vers moi, et son regard se posa sur l'écharpe de Ragnar, qui se trouvait autour de mon cou. Je libérais mon pouvoir pour sonder un peu les émotions du père de mon frère, même si je me doutais un peu de ce que devait être son état actuel. Je sentis une profonde tristesse, sans doute liée au départ de son fils. Je sentis également de la colère et de la jalousie que je soupçonais d'être liée au fait que j'avais l'écharpe de Ragnar autour du cou, mais je ne pouvais que faire des suppositions. Mon pouvoir me permettait de sentir les émotions, pas d'en connaître les raisons qui leurs étaient liées.

Il reporta son regard sur l'horizon et je vis des larmes couler sur ses joues déjà souillées par d'autres larmes, plus anciennes. Le voir ainsi me faisait mal au coeur. Il ne semblait pas m'avoir entendue. Mais je ne savais pas vraiment quoi dire de plus. Je restais là, à ses côtés, à regarder l'horizon. Je ne saurais dire combien de temps nous restâme ainsi, mais cela me paraissait à la fois une éternité et à la fois si court. Ragnar ne reviendrait pas avant longtemps. Et nous ne pouvions clairement pas rester ici à l'attendre. L'un comme l'autre, nous avions des devoirs envers le clan. Et puis ici, sur ce rocher, à la frontière, et ainsi immobile, nous étions des cibles faciles pour quiconque avait un pouvoir permettant de tirer des projectiles.

Je finis par inspirer un grand coup, et je poussais un peu sur mon épaule qui se trouvait contre celle de Tanyxoth, juste pour le faire sortir de sa bulle, qu'il sache que je m'adressais à lui :

Lagherta

Une douleur partagée

Jappréhendais la réaction du chef d'armée. J'étais consciente qu'à ses yeux, je n'étais probablement qu'une gamine. Mais il inspira un grand coup, puis une nouvelle fois, et ensuite, il soupira en baissant la tête et finalement il lâcha :



Il adressa un signe de tête à une sentinelle qui veillait sur lui depuis un bon moment apparemment. La sentinelle répondit à son salut, puis disparût dans les broussailles. Puis il me regarda et descendit du rocher d'un bond lourd. Il marqua un temps d'arrêt, tendant les oreilles vers l'arrière, sans doute pour savoir si je suivais ou non. Je bondis du rocher à mon tour, et le rejoignit en quelques pas. Il y avait toujours autant de tristesse en lui, mais alors qu'il me regardais, un sentiment d'impuissance et d'incompréhension l'envahit. Vint ensuite la culpabilité. J'avais tellement envie de le questionner sur les raisons de ses émotions, mais je me doutais que mes questions ne soient pas les bienvenues...

Je marchais à ses côtés, en silence durant un long moment. Je ne savais pas quoi dire, je n'osais pas, j'avais peur de le blesser d'avantage ou de le froisser... Je ne voulais pas qu'il se braque non plus.

Lagherta

Guerrière — Source

Une douleur partagée

Alors que je tentais de lui comprendre que je ressentais également la même douleurs suite au départ de Ragnar, je sentis une colère sourde emanner de lui. Il s'arreta brusquement, se retourna vers et lorsqu'il parla, sa voix était dure et vibrante de colère :



Mes yeux s'ouvrirent en grand. Ragnar n'avait rien dit à son père à propos de son départ ?! Mais pourquoi ? Lui-même m'avait compter à quel point il aimait son père. Il avait pris le temps de venir me dire au revoir, mais pas à son père... Je comprenais à présent la jalousie de Tanyxoth lorsqu'il avait vu l'écharpe de Ragnar autour de mon cou. Je gardais mon calme, ne relevant pas les accusations injustifiées que le père adoptif de mon frère avait relevé, puis je répondis d'une voix douce, mais triste :



Il grogna un instant, avant de se calmer. Il soupira, baissa la tête et détourna le regard. Je sentais la honte en lui, finalement, il dit :



Sans attendre ma réponse, il reprit la route du camp, d'un pas vif. Sans attendre de voir si je le suivais ou non. Mais penser que je ne le suivrais pas, et le laisserais dans cet état, c'état mal me connaître. En quelques foulée de trot, je fus à nouveau à ses côtés et d'une voix douce, je le rassurais :

Lagherta

Guerrière — Source

Une douleur partagée

Un rire nerveux franchit les lèvres du père adoptif de mon frère alors que je mentionnais le fait que Ragnar ne m'avait pas dit qu'il n'avait fait aucune mention de son départ à son propre père. J'étais réellement mal pour ce pauvre loup qui aimait Ragnar comme s'il avait été son propre fils, qui aimait Ragnar comme P'pa m'aimait moi, et qui venait peut-être de perdre son seul fils. Ragnar m'avait dit qu'il ferait tout pour revenir, mais qu'il était incapable de me promettre de revenir... Et s'il ne revenait pas... Tany aurait perdu son fils, sans même avoir pu lui dire au revoir... C'était atroce... Deux part se partageaient en moi, la 1ère en voulait cruellement à mon frère d'être parti pour une telle quête sans même avertir son père, la seconde, le remerciait de ne pas être parti sans m'en parler aussi... Mais je ne dis rien, continant de marcher aux côtés du chef d'armée.

Bientôt, les plantes mouvantes apparurent devant nous, et alors qu'elles s'ouvraient en un tunnel pour nous laisser passer, le loup-cerf me fit signe, avec ses bois, de passer la première. J'obéis et alors qu'il me suivait, il reprit la parole :



Je me retournais pour le regarder, et lui offrit un sourire triste avant de tourner les talons. Il avait probablement envie de se retrouver un peu seul après tout cela, mais mon intuition me disait aussi, que peut-être, voir cette écharpe à mon cou le rendait autant jaloux que triste, ce que je pouvais parfaitement comprendre. Je rentrais donc chez moi, et avisant une racine qui dépassait du mur, au fond de ma tanière, j'y accrochais l'écharpe, délicatement. Avant de la lâcher complètement, je plongeai une dernière fois ma truffe dedans et inspirait à fond, avant de lâcher, plus pour moi-même qu'à l'intention de mon frère :



Je m'installais ensuite dans ma tanière et décidais de faire un léger somme, afin de ne pas retourner tout de suite vers le loup-cerf, accédant ainsi à sa demande, non formulée, de solitude.

Lorsque je me réveillais, le soleil se couchait gentiment. J'hésitais entre me rendre à la tanière du loup-cerf afin de faire comme il avait dit, ou alors de repousser cela à une autre fois. Mais au vu de la nuit et de la journée entière qu'il avait passé sur ce rocher, à attendre le retour de son fils, sans se rendre compte du temps qui passait, je décidais qu'il était préférable d'aller le voir maintenant. Je voulais lui montrer que j'étais là pour le soutenir dans cette épreuve. A moi aussi il me manquait, et c'est un chagrin que nous pouvions partager à deux, plutôt que de le porter chacun seul dans son coin.

Je passais par le garde-manger de la meute, attrapant un morceau assez grand pour que nous puissions manger tous les deux, puis je me dirigeais vers sa tanière. A présent, le soleil était clairement couché, mais il était encore tôt. J'annonçais ma présence à l'entrée de sa tanière, refusant d'y entrer sans y avoir été invitée :



Je m'assis, à l'entrée de la tanière, attendant sa réponse, espérant qu'il était là, mais vu l'odeur fraîche, cela devait être le cas, et surtout, j’espérais qu'il ne me chasserait pas...

Lagherta

Guerrière — Source

Une douleur partagée

Je n'eus pas à attendre longtemps dans l'angoisse de me faire rejetée, car à peine étais-je assise à l'entrée de la tanière que je me retrouvais nez à nez avec le loup-cerf qui sortait de sa tanière. Je lui souris timidement et ne manquais pas de remarquer son regard qui dévia sur mon cou, autour duquel ne se trouvait plus l'écharpe de Ragnar, selon sa demande. Puis, il s'effaça devant moi, afin de me laisser entrer dans sa tanière. Je m'avançais timidement dans l'ouverture.



Puis il alla s'assoir relativement au fond de la tanière, qui était très grande... Surtout pour un loup seul... Mais je décidais de m'abstenir de tout commentaire, ne connaissant pas grand chose de lui, il était déjà assez blessé par le départ de son fils, et douée comme je le suis, je serais encore capable de mettre pattes dans le plat, voir même de sauter à quatre pattes dedans... Je m'avançais près de lui, et posais notre repas commun devant lui, attendant qu'il mange en premier, puis qu'il m'invite ensuite à faire de même. A lui de décider s'il souhaitait manger d'abord, pour me laisser ensuite manger, après qu'il ait terminé, ou alors s'il préférait que l'on partage ce repas, mangeant en même temps.



Je me doutais bien qu'il n'allait sans doute pas se mettre à fanfaronner, ou à se montrer euphorique, mais si au moins il y avait un semblant de mieux, ce serait déjà ça... J'avais été tellement affectée de le voir dans cet état de détresse totale... J'avais cru comprendre, d'après ce que Ragnar m'avait dit de lui, c'est-à-dire pas grand chose, que Tanyxoth semblait assez secret, mais absolument pas du genre à se laisser abattre facilement, ou abandonner son poste. J'avais remarqué assez vite que Ragnar était très secret. J'avais même été sidérée du contraste assez flagrant qu'il y avait entre nos façons d'être. Nous avions connu les mêmes débuts dans la vie, mais nos évolutions séparées, nous avait fait prendre des chemins totalement différents, ce qui avait engendré des caractères très contrasté l'un vis-à-vis de l'autre. Nous étions presque le jour et la nuit à présent. Mais le lien qui nous unissait lorsque nous étions des bébés maltraités par leurs parents, ne s'était pas effacé. Au contraire même, j'avais l'impression qu'il était même plus fort qu'avant... Malgré tout, j'avais compris que Ragnar resterai un loup secret et taciturne, ayant besoin de solitude, plus que le commun des lupins. Mais je savais que rien au monde ne pourrait me effacer la moindre parcelle d'affection que je lui portais...

Lagherta

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Une douleur partagée

Le loup cerf éluda ma question, et je compris parfaitement pourquoi et choisi donc de ne pas insister afin d'obtenir une réponse que je connaissais déjà. J'avais posé la question plus par politesse que par réelle interrogation. A la place, il m'invita à me servir d'abord. Le "ma petite" crocha un peu dans mon cerveau, mais je laissais couler ceci aussi. Nous n'étions pas ici pour nous prendre la tête, non. Nous étions là pour partager notre douleur suite au départ de Ragnar.

Je me servis et mangeait ma part, et il en fit de même. La tanière du loup-cerf était très grande, mais si vide. Seule son odeur à lui était présente... Pourquoi une tanière si grande pour lui seul ? Je ne savais finalement pas grand chose de lui en réalité. Ragnar m'avait parlé un peu de son père, sans entré trop dans les détails de sa vie non plus...

Une fois notre repas terminé, il prit la parole et se mit à raconter l'enfance de Ragnar depuis qu'il l'avait adopté. Parfois nos rires emplissait la grande tanière suite à un récit drôle ou cocasse, et parfois c'était des silences tristes et pesant qui prenaient la place.

Puis je me mis également à raconter les rares bons souvenirs que nous avions eu avant qu'il ne décide d'abandonné cette vie de souffrances. Car malgré le climat hostile dans lequel nous étions nés, nous avions parfois eu de bons moment, mais uniquement lui et moi, jamais avec nos parents. C'est ce genre de moments qui nous avaient rendis si proches.

Nos récits respectifs durèrent une bonne partie de la nuit, et je ne me rendis pas vraiment compte du temps qui passait. Nous étions simplement deux loups qui partagaient simplement l'amour que nous portions au même être, sans qu'il n'y ait de rôle, de hiérarchie ou de dominance... Et même si la situation était quelque peu triste, nous passâmes un bon moment, qui nous apprit à nous connaître et nous rapprocha un peu. Je me surpris à pensé que c'est fou comment l'amour que ressentent deux personnes pour une autre peut les rapprocher...