Lagherta

Guerrière — Source

P'pa, tu vas devenir Grand-P'pa...

La chaleur était accablante et étouffante. Mais peut-être cela venait-il de mes hormones qui commençaient déjà à me jouer des tours ? Tout au fond de moi, je sentais la vie grandir dans mon ventre, je savais qu'ils étaient là. J'ignorais combien, j'ignorais leurs genre, mais je les aimais déjà si fort... Cela ne faisait que 3 semaines, mais je m'en fichais pas mal, ils seraient là bien assez vite. Je n'avais pas encore donné mon congé à Sval, je voulais d'abord annoncer la nouvelle à P'pa. Ma grossesse commençait tout juste à se voir, mais il fallait vraiment prêter grande attention à ma silhouette pour voir que mon ventre avait légèrement gonflé. D'ailleurs, Keiss aimait posé sa tête sur mon ventre et tenté d'entendre ou sentir quelque chose d'autre que les gargouillis de ma digestion. Pour le moment, il était encore trop tôt, et j'avais beau le lui dire, il continuait, tous les soirs, quelques minutes, la tête posée sur mon ventre, de tenter d'entendre quelque chose. Je trouvais cela adorable, et ça confirmait déjà qu'il ferait un père admirable.

L'absence de Ragnar me pesait toujours, mais elle était un peu moins lourde à porté en sachant que bientôt, la famille s'agrandirait, et je pensais également que les hormones n'étaient pas pour rien dans l'atténuation de mon chagrin. Malgré tout, il continuait de me manquer tous les jours. Parfois, il m'arrivait, la nuit, de rêver d'un jour, commun parmis d'autres, ou j'allais voir mon frère, accompagnée de ma petite troupe, et qu'il retombait presque en enfance en leur présence, jouant avec eux, comme s'il n'avait pas grandit, comme s'il n'avait pas connu l'enfance que nous avions eue, comme s'il n'était pas mort. Puis je me réveillais, et réalisais que ce genre de scénes ne se produiraient jamais. Il n'était plus là...

J'avais congé aujourd'hui, et je décidais donc de me mettre en quête de P'pa, histoire de lui annoncer la bonne nouvelle. C'est au fleuve hybiscus que je le trouvais finalement, il avait décidé d'aller un peu plus loin que d'habitude cette fois-ci. Mais il ne s'éloignait guère des abords du campement, de peur de ne plus avoir la force de revenir et de faire ressurgir ses douleurs. Depuis qu'il avait démissionné de son poste d'alpha, il semblait aller beaucoup mieux. Il rayonnait, et s'était à nouveau totalement tourné vers sa famille. Il était redevenu le P'pa que j'avais connu. Je vins vers lui, faisant attention d'approcher du côté de son oeil valide et sans hésiter une seconde, je frottais ma tête contre la sienne en guise de bonjour.



Je lui souris et m'allongeai contre lui, doucement pour ne pas lui faire mal, profitant de ce contact qu'il ne me refusait désormais plus.

Lagherta

Guerrière — Source

P'pa, tu vas devenir Grand-P'pa...

P'pa ne répondit pas à ma question, se contentant simplement de profiter du contact que je lui offrais. J'étais heureuse que P'pa soit redevenu celui qu'il était lorsqu'il m'avait recueillie. Certes, il n'avait plus le même aspect, et ce qu'il avait traversé avait laissé ses traces, mais il avait décidé de prendre sa retraite et d'essayé de recoller les morceaux avec moi, et de se tourner à nouveau vers sa famille, totalement. Et c'était un franc succès... Installée confortablement contre lui, je finis par reprendre la parole :



Je préférais papoter un peu avant de lui annoncer la grande nouvelle, en espérant qu'il ne ferait pas une attaque cardiaque en l'apprenant. Je doutais qu'il se mette en colère, bien au contraire, mais peut-être le choc de la nouvelle serait assez violent ? Mais bon, même s'il paraissait bien vieux, mutilé de partout et boiteux, P'pa n'était pas si vieux en réalité... Et en dehors de ses mutilations, il était en bonne santé, selon mes informations.

Lagherta

Guerrière — Source

P'pa, tu vas devenir Grand-P'pa...

Mon père hocha la tête en réponse à ma question, comme pour m’expliquer qu’il y avait des hauts et des bas. Je lui souris en déclarant taquine :



Je lui mordillais légèrement l’oreille puis lui léchait tendrement la joue. Alors que mon silence perdurait quelques peu, je voyais son visage se tendre d’une certaine inquiétude et pour ne pas l’angoisser, je finis par me décider à me lancer dans le sujet principal de ma venue :



Je laissais planer un peu de suspens avant de reprendre, un sourire recouvrant mon visage en son entier :



J’attendais sa réaction avec impatience. Je j’appréhendais aussi un petit peu, après tout, Ragnar était parti il y a peu de temps, et tout le monde pensait sans doute que mon deuil durerait bien plus longtemps. Mais en soit, mon deuil n’est pas terminé, et ne le sera peut-être même jamais, simplement, je ne peux pas m’arrêter de vivre et me laisser dépérir. Cela ferait tant de mal à ceux qui m’aiment. Et si Ragnar pouvait le dire, il m’en aurait probablement voulu. Il aurait voulu que nous continuions nos vies, que l’on en profite un maximum. Il faudrait d’ailleurs que j’aille prendre des nouvelles du loup-cerf sous peu. Sa souffrance se lisait sur son visage cerné de fatigue, et son corps amaigri.

Lagherta

Guerrière — Source

P'pa, tu vas devenir Grand-P'pa...

L'oeil unique de P'pa s’écarquilla alors qu'il se redressait d'un bond. Un bond assez bizarre compte-tenu de son manque d'une patte et de sa queue, mais un bond quand même. Il se mit ensuite à me renifler, et je vis dans ses yeux, la vérité se faire une place. Il s'approcha de moi, les oreilles en arrière et me lécha la truffes et les babines pendant un moment. Mon coeur se remplit de joie et d'amour. Il était heureux ! De la voix éraillée et murmurante qui était devenue la sienne à présent, il déclara :



Ce qui restait de sa voix ne laissait plus de place pour retranscrire les émotions, mais son langage corporel suffisait à me communiquer sa joie. Il se mit ensuite à me lécher les oreilles, comme lorsque j'étais petite, et je le laissais faire, me blottissant contre lui.



Je lui lançais un sourire espiègle. Je savais qu'il n'aimerait pas vraiment le terme, mais qu'il serait également très proche de la vérité, même s'il ne voudrait probablement pas l'admettre. Afin de lui éviter d'autres douleurs, je m'allongeai à nouveau au sol, et l'invitais à faire de même, me blottissant contre lui. A mon tour, je lui léchais les oreilles et le visage, heureuse qu'il accepte la situation et qu'il soit si heureux pour nous.

Blottis l'un contre l'autre, nous finîmes par nous endormir, à nous dorer la pilule au soleil, comme à l'époque ou je n'étais qu'une petite louvette presque infirme en attendant que mes plaies guérissent. J'étais heureuse, tout simplement. Ragnar ne cesserait jamais de me manquer, mais je devais aller de l'avant, comme l'avaient dis Fuurin et Keiss...