Amélia avait le coeur qui battait à tout rompre. Elle ne savait plus si c'était la colère ou la peur qui la faisait avancer. Elle tremblait légèrement. La louve n'avait plus de retour possible... Mais cela faisait longtemps qu'elle n'avait plus le choix.

Alors que la louve était en train de sortir de sa tanière, elle sentie clairement des yeux se poser sur elle. Amélia ne pouvait plus se promener seule depuis longtemps. Il y avait toujours un garde de Yogrenn à ses basques. Pour une fois, c'était un plus jeune, ce qui laissait penser que la plupart des confirmés étaient en train de faire quelque chose d'important.

La louve décida de chercher d'abord Yogrenn. Le garde la suivait. Elle prit une longue respiration, consciente qu'au vu de son état elle avait besoin d'être rapide et brutale. Amélia se retourna et le gifla de la manière la plus rapide et la plus forte possible. Le loup encaissa le coup, avant de commencer à tituber.

Amélia resta une demie-seconde à le regarder avant se reprendre et partir à toute vitesse. Elle n'avait plus conscience de sa force... Et cela faisait des années qu'elle n'avait pas combattu.

Peut-être qu'aujourd'hui, cela serait son dernier combat.

Amélia se mit en route. En chemin, elle croisa quelques cavernes. Peut-être qu'un conseil venait de se terminer... La louve finit par trouver sans mal le monstre. En le voyant, elle sentie la colère devenir plus forte encore. Mais la peur lui déchirait le cœur.

Ils étaient seul. Elle s'avança et prononça froidement :

-Yogrenn...

YOGRENN

Yogrenn était en excursion avec plusieurs des cavernes. En fait, il faisait des repérages. Un pressentiment, et surtout un fort ressentiment, lui disait qu'il devrait bientôt revenir aux origines de l'espèce. Assez de cette pollution du clan de la terre et de l'eau, il était temps que les cavernes montrent au monde qu'ils étaient une race fière et indépendante.

Il avait repéré avec ses chasseurs, quelques spots de chasse à la frontière du clan de la Source, ils pensaient pouvoir repousser les proies un peu plus loin de la frontière pour éviter un conflit ouvert. Ce conflit aurait lieu un jour, sans aucun doute, mais Yogrenn aurait alors parfaitement formé son petit fils, sa fille serait devenue, après la naissance de l'héritier, une guerrière exceptionnelle, et la meute serait préparée. Le clan de la source, lui, se serait reposé sur ses lauriers, se croyant surpuissants. Mais ils comptaient tous trop sur leurs pouvoirs.

Il avait ensuite laissé ses loups partir en avant vers le clan. Lui, était rentré plus tranquillement, prenant son temps pour évaluer les divers chemins de retraite. Il était néanmoins ravi, il avait eu la confirmation de la mort de Mya. Cette sale petite peste hybride était morte, tuée probablement par les adeptes puisque ses loups l'avaient trouvée à moitié dévorée par les charognards, ils l'avaient formellement identifiée grace à ses cheveux roux, laissés intactes et sa queue de chat, retrouvée plusieurs mètres plus loin. Il était déçu de ne pas être la cause de son décès, mais l'ordre avait été rétablis. Restait cette chose immonde qu'Amelia couvait, soit il pouvait lui laisser un animal de compagnie.

Alors qu'il pensait justement à sa louve, il la vit arriver vers lui. Il haussa un sourcil surpris, ces derniers temps, d'après les rapports qui lui avaient été faits, elle n'avait guère quitté la tanière. Elle tremblait, mais pas de peur.

Yogrenn...

Un sourire cruel s'élargit sur ses babines. Oh... Madame se rebellait! Pourtant il ne l'avait pas titillée... Décidément cette journée n'apportait que de bonnes nouvelles, il y avait longtemps qu'il n'avait pas eu à lui rappeler où était sa place.

Améliaaa.

Susurra-t-il.

En le voyant, Amélia sentie la colère gronder. Mais elle avait aussi terriblement peur. Il était peut-être encore temps de reculer... Son coeur se serra, en ayant frapper le garde de tout à l'heure, aucun retour arrière n'était possible. A moins qu'elle se mettre à ramper devant Yogrenn... Mais devait-elle encore se réduire à ça ?

Devant les paroles du loup, elle fut incapable de répondre. Sa mâchoire était bien trop serrée. Parler avec un monstre ne servait à rien. La louve n'était pas là pour ça, elle était là pour essayer de le tuer. Elle devait le faire. Pas pour elle, mais pour sa fille. Sygrid n'aurait pas à subir tout ça. C'était son rôle de mère de la protéger. Pourtant, en voyant Yogrenn, la louve se rendit bien compte que la tache serait difficile.

Elle s'avança, restant à une mesure convenable du monstre qui lui servait de compagnon. La colère l’empêchait de s'effondrer devant lui. Après tout ce qu'elle avait enduré, se tenir face à son ennemi était déjà une énorme preuve de courage.

La louve était là pour se battre, pourtant, elle fut incapable de se jeter contre son adversaire. La louve montra les crocs et se mit à gronder malgré tout. Amélia devait trouver du courage.

Amélia était debout, face à Yogrenn, le regard plein de détermination mais la peur lui nouant les entrailles. Mais la louve ne tremblait pas. Sa mâchoire était serrée. A cet instant, Amélia aurait voulu reculer, ne pas avoir provoquer ce moment... Mais c'était trop tard. Elle était peut-être lâche et faible, mais il fallait que tout ce termine d'une façon ou d'une autre. La louve ne pouvait plus survivre de cette façon, elle avait besoin qu'on la laisse partir.

Yogrenn la dévisagea, posant ses yeux répugnant sur elle. Il savait être cruel... Et il lui avait tout pris. Lui laissant seulement la vie pour qu'il puisse continuer de jouer avec elle, brisant son intégrité physique et mentale. Mais si Amélia était dans un grand désespoir, elle n'avait pas encore basculer dans la folie. Mais le précipice était de plus en plus prêt et la chute était inévitable.

Le loup s'approcha, la frôlant, montrant clairement à quel point c'était lui qui maitrisait la situation. Amélia n'était plus fertile, mais elle ne pourrait même pas se défendre correctement si Yogrenn voulait la violer. Tout dans ce loup la dégoutait. Il était horriblement cruel, violent et malsain.

Il la dépassa, osant même lui tournait le dos, la méprisant au point de ne même plus la considérer comme une menace. Amélia n'était plus une guerrière. Elle avait depuis longtemps laisser mourir cette combattante mourir en elle. Mais cette fois, elle ne se battait plus pour elle, mais pour sa fille. La louve n'avait pu qu'accepter la fuite de Mya, mais elle ne laisserait pas Sygrid se faire anéantir.

Des larmes lui coulèrent sous les yeux, exprimant ce trop plein de sentiment. Amélia ne parlait que trop peu, exprimant seulement son désespoir avec Natasha. Elle portait son fardeau seul, abandonné de tous. Ils avaient raison de fuir, car Amélia ne pourrait que leur apporter malheur. Tout ses proches étaient mort à cause de Yogrenn. Elle avait presque tout perdu.

Amélia aurait voulu dire quelque chose mais elle ne pouvait pas parler, elle ne pouvait que hurler. Lentement, elle se retourna vers le loup. Peut-être qu'elle pourrait le blesser suffisamment pour limiter son potentiel de nuisance. Alors que sa respiration était bloquée, Amélia réussit à respirer puis d'un geste brusque se jeta sur le loup.

Amélia aurait eut moins peur de se jeter dans un ravin plutôt que de faire ça. Le retour de flamme serait terrible. Mais combattre était la seule chose qui lui permettait de garder une partie de son identité. Elle ne pouvait pas être seulement la chose de Yogrenn, elle devait être elle-même.

Amélia s'était jeté sur le loup,le bourrant, essayant de le faire tomber. Elle griffait, mordait, pour tuer. La louve était maladroite, mais ce geste avait libéré toute cette haine née du désespoir. Elle visait les points sensibles, essayant de le rendre aveugle ou encore de lui arracher la gorge. Amélia savait que c'était vain, mais le fait de le blesser pouvait montrer que Yogrenn n'était pas intouchable. Si une vieille louve comme elle pouvait y arriver, alors les choses pouvaient changer.

La louve avait le gout du sang dans la gueule, laissant ressurgir le prédateur qu'elle était. Amélia était une louve, une caverne. Elle ne savait plus si c'était le sien ou celui du monstre, mais cela n'avait pas d'importances. Ses blessures ne comptaient pas. L'adrénaline supprimait la douleur.

Elle hurla, crachant à la gueule du chef caverne :

-TU NE TOUCHERAS JAMAIS A MA FILLE !

Elle le repoussa de nouveau, frappant dans une folie maladroite.

Amélia se voulait forte, mais Yogrenn se jouait d'elle. Il riait. Il se mit à rire, mais la louve ne l'écouta pas. Il n'y avait pas besoin d'entendre ce qu'il disait car c'était toujours la même chose : menace et violence. Mais la louve comprit clairement qu'il parlait de Edwin. Son coeur se mit à battre plus forte.

Une gigantesque claque la fit tomber au sol. Amélia était sonné. La douleur raisonnait dans sa tête. Avant qu'elle ne puisse faire quoi que ce soit, une masse titanesque appuya sur sa trachée. Amélia ne pouvait plus respirer. Des larmes lui montaient aux yeux. Elle continuait à a se débattre, mais rapidement elle s'arrêta. La louve n'avait plus d'air. Sa cage thoracique semblait vouloir exploser.

Puis Yogrenn la laissa respirer, l'insultant. Amélia prit plusieurs respirations. Elle ne méritait pas cet oxygène. Une mère qui ne peut pas protéger ses enfants ne le mérite pas. Une vague de panique et d'angoisse l'envahie. Elle repensa à Sygrid et Edwin. La louve essaya de se relever puis s'effondrer au sol de façon totalement incontrôlé. Son corps était secoué de spasmes et de larmes. La louve n'arrivait pas à relever la tête du sol.

Amélia repensa à ses enfants, à la menace qui pesait sur eux. Elle ferma les yeux et se concentra sur sa respiration, essayant de remettre en ordre cette respiration erratique. Tous les muscles de son corps lui faisait mal. Sa joue brûlait. Si les traces de coups finissaient par disparaître, son corps encaissait. Un jour, elle ne pourrait plus se relever. Mais ce n'était pas encore le cas.

Amélia essaya de nouveau de se relever, appuyant lentement sur ses pattes. Elle fit un pas et s'effondra de nouveau. Elle était vieille et abimée. Mais ses enfants... Ses enfants... La louve repensa à Mya, la seule fille qu'elle avait pu voir s'enfuir. Amélia ne pouvait pas laisser Sygrid subir un tel sort ! Elle ne pourrait pas le supporter. C'était son devoir, sa seule raison de vivre.

Un sanglot déchira la louve, elle dû se laisser au sol. Le coeur bien plus abimé que le corps. Amélia avait profondément besoin d'amour et de liberté. Elle était incapable de protéger quelqu'un car elle n'était plus personne.

Mais Amélia était bien quelqu'un, une louve brisée par la vie. Désespérée, elle se releva de nouveau. Elle n'était pas morte alors elle ne pouvait qu'avancer. Sa tête lui pesait. Le sol tournait par moment. Même si elle était ridicule, même ses membres tremblaient, Amélia avançait.