YSTRELLE

La chasseuse était de bonne humeur, pour la première fois depuis sa deuxième grossesse, elle était parvenue à attraper deux ratons volants dans les plantes mouvantes. Elle était enfin revenue à ses pleines performances. Elle était donc passée à l'entrainement de Gothic pour lui en offrir un, après tout, c'était grâce à lui qu'elle en était là aujourd'hui. Elle avait sagement attendu qu'Heimdall leur laissent prendre une pause pour donner sa douceur à son mâle. L'assassin avait été ravi de ce goûté juteux. Elle lui avait souhaité bon courage et avait ensuite pris la direction des tanières des anciens avec sa seconde proie. Elle allait voir Rawleth, le vieux loup n'avait presque plus de dents, le raton volant serait donc un met de choix facile à macher pour lui.

Elle avançait parmi les tanières, les queues battant avec joie, cela faisait plusieurs jours qu'elle n'avait pas vu son père adoptif, et comme il ne sortait plus de sa tanière, il ne pouvait pas venir la voir comme avant. Elle était triste de le voir si diminué, mais son esprit était toujours aussi vif. Elle arriva devant l'antre du vieux guerrier.

Rawlethch ch'est Ychtrelle, che peux entrer ? ch'ai une churprige pour toi.

Sa voix était un peu étouffée par la proie qui pendait de sa gueule, mais elle avait parlé assez fort pour qu'il puisse l'entendre. Il ne répondit pas, ce qui intrigua la louve, l'ouie de son père d'adoption était toujours aussi bonne, il l'avait forcément entendue... Et il ronflait plus forte qu'une meute de chat sauvages effarouchés, donc elle aurait dû l'entendre s'il dormait. Prise d'un mauvais pressentiment, elle lâcha sa proie et entra dans la tanière. Une forme était étendue au fond. Le corps du vieux guerrier avait fondu sur sa dernière année, et ses os ressortaient de ses hanches et de ses épaules. Elle s'approcha.

Rawleth?

Sa voix avait tremblé, il n'avait pas bougé d'un poil. Elle posa sa truffe sur le corps de celui qu'elle aimait comme son père. Il était froid. La vie l'avait quitté dans son sommeil. Un gémissement profond monta de sa gorge. Elle n'avait pas conscience que c'était d'elle que venait le hurlement de deuil.

YSTRELLE

Ystrelle pleurait, elle ne pouvait plus empêcher les larmes de couler. Rawleth l'avait élevée. Il était le premier loup qu'elle avait vu après le carnage qui lui avait pris sa mère et son père. Il l'avait prise avec lui, dans sa tanière, l'avait enveloppée dans sa queue et lui avait raconté des histoires pour détourner son attention des cadavres qui étaient évacués du clan. Le lendemain, quand elle avait demandé où étaient sa mère et son père, il lui avait expliqué qu'ils s'étaient transformé en amour pour être toujours dans son coeur. Elle n'avait pas vraiment compris à l'époque, mais chaque fois qu'ils lui manquaient, Rawleth lui chantait la berçeuse de sa mère et son coeur semblait s'emplir d'une douce chaleur.

Le vieux loup avait été bien plus qu'un tuteur pour elle, c'était son père. Il avait été là à chaque étape de sa vie, il lui avait appris à chasser, même si elle avait fini par largement dépasser le maître. Il l'avait souvent confiée aux nourrices, mais il s'en était toujours excusé en rentrant de ses entraînements. Peu d'orphelins avaient eu la chance d'avoir un tel loup dans leur vie. Aujourd'hui il était parti, et elle n'était pas arrivée à temps pour lui dire au revoir, et que lui aussi se transformerait en amour et se graverai dans son coeur à jamais.

Ellana entra dans la tanière. Elle dit quelque chose, mais Ystrelle ne l'entendit pas. Elle sentit sa fille, déjà plus grande qu'elle de plusieurs dizaine de centimètre. Celle-ci glissa sa tête sous la sienne, mais la position ne devait pas être très confortable vu sa taille. Elle repassa sa tête sous celle de sa fille, laissant ses larme mouiller son poitrail. C'était étrange d'enfouir la tête dans le poitrail de ses propres petits, quand eux même l'avaient fait avec elle toute leur enfance.

Faubaru entra à son tour, à peine quelques secondes plus tard. Il vint frotter sa tête contre son épaule gauche. Lui aussi était beaucoup plus grand qu'elle aujourd'hui. Ils tenaient de leur père. Il se mit à gémir lui aussi, et ils entonnèrent ensemble le chant funèbre du clan de la Terre. Rawleth avait été un grand guerrier, un père, un grand père, il n'avait jamais eu de louve, mais il l'avait eu elle et les siens. Peu à peu les larmes cessèrent de couler, d'autres loups s'étaient réunis devant la tanière pour se joindre à leur chant.

Merci les enfants. Rawleth était un grand loup, il méritait un tel hommage. Il faudra...

Elle s'interrompit, secouée par une nouvelle vague de sanglots. Elle respira profondément plusieurs fois, cherchant à regagner sa maîtrise d'elle même.

Il faudra demander à la Reine de nous permettre de l'inhumer au champ d'honneur, dans nos plantes mouvantes. Lui aussi les aimait, il aurait voulu revivre à travers elles.

YSTRELLE

Ses enfants acquiescèrent. Rawleth aurait un enterrement digne. Il n'était pas mort au combat, mais il avait fait beaucoup pour le clan. Il avait fait beaucoup pour elle. Tant qu'elle avait appelé son fils aîné après lui. Le vieux loup avait été tellement fier la première fois qu'il avait eu le petit loup à dent de sabre entre les pattes. Il avait ensuite été très attristé par sa disparition. Rawleth était l'un des deux loups avec lesquels son fils s'était montré sage. La deuxième était Verd. Elle aussi avait tellement changé.

Aujourd'hui, il ne verrait plus évoluer ses petits enfants. Il ne raconterait plus encore et encore ses vieilles histoires. Ystrelle pris appuis sur ses petits pour avancer vers le vieux loup. Elle lui fit sa toilette mortuaire. Elle peigna ses cheveux, l'étendit dans une position confortable, comme s'il faisait simplement sa sieste. Ses yeux et sa gueule étaient déjà fermés, il était mort dans son sommeil, paisible. Elle sorti ensuite, contrôlant sa respiration pour ne plus pleurer face aux loups qui s'étaient réunis. Elle irait voir Karara en personne. Rawleth avait combattu aux coté de la vieille alpha. Elle ne passerait pas par un intermédiaire. Elle respectait Léone. Mais c'était la grise qui devait rendre hommage à son père adoptif.

Elle prit la direction de la tanière de son alpha, escortée par ses petits, qui étaient maintenant plus grands qu'elle.