Un loup était venu au camps. Curieuse, j'avais rapidement distancé la Tache pour aller voir. J'étais curieuse, il venait d'arriver, mais vu tous les murmures et les loups se dirigeant vers la place centrale du camp, c'était quelqu'un d'important! Quand j'avais réussi à le voir, j'avais pouffé. Quel ridicule morceau de chair ambulante! Il tenait à peine debout, et en plus il puait, Pouah! Il avançait en claudiquant vers la tanière de cette vielle bique qui nous servait d'alpha. Personne ne l'arrêtait. Pourquoi?? Malgré sa disgrâce, personne ne le touchait, personne ne tuait cet être affreux. Il s'était introduit sur nos terres quand même! Cependant, une odeur entêtante et vaguement familière emplis mes narines. Je penchais la tête. J'avais sentis ça où déjà?....

Je n'eut pas le temps d'y réfléchir plus, la Tache me saisis par le cou et je me débattis en grognant et gigotant. Toute griffe sortie, j'entaillais chaque morceau de peau qu'il me laissait à portée. Il grognait fort, ça ne lui plaisait pas. Tant mieux, je continuais encore plus fort.Cependant il me tenait fermement et s’éloignait de la zone d'action pour me ramener indéniablement vers les quartiers des cavernes. Je lui criais de me lâcher. Il me laissa tomber devant ma tanière et me regarda en grognant, faisant un mur entre moi et l'extérieur. Je lui grognais dessus et me serait bien jetée sur sa patte pour la laminer, quand une ombre me cacha la lumière. Je me retournais, prête à cracher sur celui qui osait se dresser au dessus de moi.
Cependant, la vue qui s'offrait à moi me fis me tenir bien droite, la tête haute, la queue baissée, les oreilles droites, comme à l'armée. Je ne bougeai plus et baissais simplement la tête respectueusement, que la Tache s'éloignait à reculons en baissant la tête.


La Tache, éloignée et la tête toujours baissée, s’adressa à lui.

Elle est allé voir Gaor arriver, seigneur. Je l'ai ramené immédiatement.

je levais une babine vers lui, me retenant de lui grogner en pleine face. Je ne grognerai pas devant Père, c'était irrespectueux.

A la rouste que se pris la Tache, je cachais comme je pouvais ma satisfaction, sans pour autant quitter cette posture droite et tendue que j'adoptais quand père m'apprenait. Et je me doutais fort que ça allait encore être le cas ici, et que dans le cas où ça ne l'était pas, il me sermonnerai, en fonction de son humeur.

J'avais l'habitude qu'il m'appelle fils. Il ne m'avais jamais appelé autrement, pas même par mon prénom, pour moi ça paraissait normal. Une femelle était faible, mais malheureusement on ne choisissait pas son corps, et j'avais eu le malheur d'être le petit en meilleur santé. C'est pour ça que jour après jour je m'efforçais d'exceller dans mes apprentissages. Ce n'était pas souvent une réussite, j'avais encore beaucoup de réflexes de ... de femelle.

Mais je ne devais pas, une femelle ça pleurait, ça geignait, et ça faisait des gosses. Et moi j'étais l'héritier de Yogrenn le roi des cavernes. J'étais plus que ça, j'étais fort.



Puérilité et déchéance. C'était des mots que j'avais vite apprit.J'avais presque un an, à son âge on parlait bien, sans erreur ni zozotement. Je zozotais, au début, quand j'étais plus jeune. Mais j' avait vite compris qu'à défaut de savoir parler comme il fallait, je faisait mieux de me taire. j' avait aussi appris que la première chose à faire était de ne pas énerver Père.

Mais rester dans la tanière m’insupportais. Je n'aimais pas rester là, avec une mère polluante et une créature que je devais appeler frère. Et même si quand père ordonnait, je devais obéir, je n'avais pas tenu dix minutes et je m'en étais allée, poursuivie par la Tache.


Comme une écharde entre les coussinets. Elle ne trouvait pas meilleure image

Père n'était pas content, mais le principal était qu'il ne trouve rien pour me disputer. L'annonce que je lui fit par rapport à mère sembla le faire sortir de ses gonds. Ce n'était pas le but, je n'avais fait que dire ce que je pensais, je répugnais le soir à aller m'allonger là bas près de cette chose qui cherchait constamment à me toucher. Et à chaque fois que ça arrivait, c'est moi qui me faisait engueuler, alors que je n'avais fait que me défendre, s'il ne voulait pas que je le morde, il ne devait pas me toucher, mais il ne comprenait jamais ce merdeux!

Mon attention se reporta sur mon père au même moment où son regard se posa à nouveau sur moi. Je hochais la tête et fis un petit bond pour éviter la racine qui me bloquais le passage, puis je me dirigeai avec un pas rapide vers le terrain d'entrainement. Comme c'était parti, ça allait encore être dur et fatiguant. Je ne risquais pas un regard en arrière pour savoir si père me suivait, au risque de me ralentir. L'ordre avait été clair: aller au terrain d'entrainement.


Une fois arrivée, je me postais à notre endroit habituel, restant debout, et regardant mon père venir. Ainsi donc, ce Gaor était mon frère. Je savais mes parents vieux, mais cette chose infirme et manchot qui était alpha était, en plus de ça, du même sang que moi, je frissonnais. Hors de question que j'atteigne un état de déchéance tel.

Aussitot que mon père me le rappela, je me mis à m'échauffer, efficacement, sans répondre. Je trottai d'abord tout autour du terrain, histoire de commencer en douceur. Ensuite j'enchainai des mouvements indescriptibles qui commençaient déjà à me faire transpirer. En même temps je m'acharnais à répondre comme je pouvais à ses leçons d'histoire. Quand je fus suffisamment préparée pour éviter une foulure ou une déchirure mauvaise, je me redressai devant mon père, qui m'ordonna la suite de deux simples mots.

Cela faisait sept mois que je répétais ces enchainements. Je m'étais parfois écorchée, mais n'avait jamais arrêté. Je commençai , pensant qu'il n'y aurait que ça pour aujourd'hui, comme ça avait souvent été le cas. Cependant la suite me fit ouvrir grand les yeux, mon cœur accéléra. Je n'avais pas encore eu l'occasion de tester ça, mais j'avais vu quelques cavernes s'y exécuter, et la douleur que j'avais ressenti en les voyant me faisait peur.

Mais je ne dis rien et je me dirigeai d'un pas rapide vers les entraves. Je ne dis rien mais ne pu retenir un tremblement. Mon père m'attacha, et je me retrouvais contre le rocher froid. En voyant ma crainte, mon père m'envoya un cou derrière le crâne. Je pris une profonde respiration pour tenter de me calmer, mais la peur couplée au froid mordant du rocher ne purent calmer mes tremblements.

Le temps sembla s'étendre, jusqu'à ce que je l'entende s'agiter. Lentement, les chaines me retenant se tirèrent vers l'extérieur, entrainant mes pattes aux quatre coins du rocher. Je fermais les yeux en mordant une lèvre, tentant de ne pas penser à la douleur. ça ira vite, ça ne durait jamais longtemps. Au début, ça ne faisait pas mal. Ca tirait un peu et ça lui pinçait, mais ça ne faisait pas mal.


Seulement ce n"était que le début. Rapidement, je sentis comme des brulures, d'abord sur les pattes avant, puis sur les pattes arrières. La douleur se fit intense, de plus en plus forte. Je fronçais les sourcils en grimaçant, ça tirait, ça faisait mal à en mourir, je ne devais pas faire un bruit. Mais père continuait à tirer, encore et encore. A un moment j'eus l'impression que mes pattes étaient arrachées, je n'arrivais plus à retenir les bruits, un gémissement de douleur m'échappa, de plus en plus fort.

Alors seulement je me sentis tomber. J'avais si mal, la tête me tournais, je tombais face contre terre sans ne plus rien sentir dans mes pattes. Mais je tentais de me relever. J'échouais une fois, et je pestais contre moi même, je me relevais alors et faisais de mon mieux pour rester campée sur mes pattes, mais c'était affreusement douloureux.

Je fixais mon père alors qu'il parlait. Mon dernier entrainement avec lui? j'allais devoir m'entrainer et obéir à d'autres? Je le fixais sans rien dire. Il allait trouver un loup qui serait mon compagnon. Plein de questions émergèrent, pourquoi? n'étais je pas parfait pour lui? j'avais tout fait pour, je m'étais entrainée, j'avais appris, j'étais devenue forte. Il disait qu'il ne pouvait plus renier mon appartenance à la gente féminine, ça voulait dire quoi? Tous ces jours où il m'appelait fils et où j'étais fière d'être de son sang, ne me considérait il que comme une vulgaire femelle?

Je devais me calmer, j'allais trop loin dans mes pensées, il faisait au mieux pour moi, il me rendait forte. Je hochais vigoureusement la tête, montrant ma détermination. Je n'avais plus la force de parler à cause de la douleur, mais il était hors de question pour moi de le décevoir.

Une lueur de dégout dans les yeux de mon père me choqua. Pourquoi réagissait il ainsi? il voulait un bon soldat mais il voulait un soldat qui n'était pas d'accord? Ça n'avait aucune logique! Je ne comprenais pas sa réaction, je me levais à sa demande tandis que ma fourrure se hérissait sur ma nuque.

Je n'étais même pas debout qu'il avait déjà tourné les talons, me laissant choir comme la dernière de ses préoccupations, mes griffes raclèrent le sol.


J'avais crié, ma colère raisonnait dans ma voix, mais l'entendrait il? Je n'avais pas assez d'énergie pour le poursuivre, je ne pourrais que crier.



Je crachais, je me forçais à rester debout, le fixant de mon regard de feu. J'étais petite, j'étais jeune et je n'avais sans doute aucune crédibilité, mais j'étais excessivement furieuse. était-ce donc pour ça qu'il n'avait jamais trouvé satisfaction? parce que ce qu'il désirait n'avait ni queue ni tête? était-ce pour cela qu'il faisait du mal à Mère? Je fronçais des sourcils et me campai sur mes positions. S'il se retournerai, je l'affronterai du regard, pour qu'il voie ma colère, et qu'il voie que je n'étais pas qu'une "chose"!

Je soupirai bruyamment alors qu'il s'arrêtait, je le fixais, les sourcils froncés, je m'attendais à prendre une rouste pour lui avoir manqué de respect, mais il devait comprendre que je n'étais pas sa chose. Il ne se retourna pas, je ne vis pas son sourire, mais alors il prit la parole, et mon poil s'enfla. Je le dégoutais juste parce que j'étais née femelle?! J'étais jeune et sans doute un peu inconsciente, mais je savais qu'un jour, ces mêmes femelles lui montrerai qu'elles n'étaient pas à sous estimer, car après tout, lui aussi était sorti du cul d'une d'entre elle!

Il avait fini de parler, et moi je n'avais pas bougé, j'étais bouillonnante de colère, je ne servais que de femelle reproductrice! Mais malgré toute cette haine qui s'installait en moi comme un venin, je ne pouvais retirer ce désir ardent de le satisfaire. Mais si alors je le satisfaisais, en lui donnant un jour comme il le désirait, un petit fils, aurait il encore seulement un regard pour moi? Je ne pouvais me résoudre à le décevoir, mais je ne pouvais me résoudre non plus à le donner à quelqu'un d'autre, quel qu'il soit. Murée dans un profond silence et meurtrie par les entrainements, je rampais plus que je ne marchais, vers notre tanière, où je m'y écroulais éreintée et divisée, sans un seul regard pour Mère ou pour le déchet. Si mère avait échoué, pourquoi Père prenait il autant de temps avec moi?