"Ultimate"
Le nom résonnait toujours dans sa tête lorsque Odine arriva dans la forêt Talaïala. Cela faisait maintenant un certain temps qu'elle avait entendu parler pour la première fois de la meute intruse, mais elle restait marquée par la nouvelle, au point que son inquiétude n'avait fait qu'augmenter depuis. Elle n'avait pas encore visité les territoires de l'eau et elle n'avait pas eu de nouvelles du clan : elle ignorait donc complètement s'il avait souffert de l'agressivité des nouveaux arrivants.
Bien sûr, elle s'inquiétait pour tous les loups, de tous les clans ou même les solitaires. Mais elle était restée très attachée à son ancien clan et ne pouvait s'empêcher de s'inquiéter pour lui en particulier. Elle savait que cela pouvait remettre en cause la neutralité qu'elle était censée observer et c'est pourquoi elle veillait à garder ce sentiment sous contrôle. Elle s'était promis que si le clan n'avait pas besoin de son aide, elle ne s'attarderait pas et repartirait sillonner les terres à la recherche de blessés. Peu importe si cela lui coûtait. Depuis qu'elle avait une première fois failli à sa tâche, elle était devenue terriblement exigeante envers elle-même. Durant une période aussi troublée, elle ne pouvait se permettre de trahir une nouvelle fois son rôle.

Qu'elle soit légitime ou pas, son angoisse était trop forte pour être calmée par l'ambiance apaisante de la forêt. Pourtant, Odine avait toujours aimé cet endroit. Il donnait envie de s'allonger sous les arbres et de tenter d'apercevoir le ciel à travers les branches. Elle ralentit imperceptiblement le pas, pour savourer le bruit du vent dans les feuillages...
Minute. Ce bruit-là, ce n'était certainement pas le souffle du vent.
Intriguée, Odine dévia sa route pour se rapprocher de l'endroit d'où était venu le bruit. Elle ne pensait pas que cela pouvait être un ennemi. Il était plus probable que ce soit un loup du clan de l'eau... A moins qu'il n'y ait rien du tout et qu'elle ait été si nerveuse qu'elle ait entendu des choses qui n'existaient pas. C'était malheureusement assez probable.
Dans une minute, elle en aurait le coeur net.

Un peu déboussolée par le déluge d'informations qui lui tombait dessus, Odine s'efforça de suivre ce que le dénommé Keiss disait. Il avait l'air d'être un petit bavard hyperactif, mais cela ne la dérangeait pas tellement. Elle rit même un peu lorsqu'il commença à courir après sa queue. Avec toute cette énergie à dépenser, pas étonnant qu'il explore les alentours du camp... Tenir en place devait être insupportable pour lui !

-Alors, tu es le fils de Kario et Luna ? dit-elle, les yeux brillants de joie. On m'avait dit qu'ils avaient eu des enfants... J'aurais dû me douter que c'était toi, ajouta-t-elle avec affection.

Ce petit loup lui était déjà sympathique mais la famille dont il était issu le rendait encore plus intéressant à ses yeux.

-Tu as deux soeurs, c'est bien ça ? tenta-t-elle.

Elle essaya de retrouver leurs noms mais n'y parvint pas, alors elle continua à parler.

-J'ai bien connu tes parents, tu sais, avant qu'ils ne soient alphas. Tu as bien raison, ils sont très forts. J'espère qu'ils vont bien ? fit-elle en souriant.

Elle ne s'inquiétait pas spécialement, car s'il était arrivé quelque chose de grave à ses parents, Keiss aurait eu l'air plus déprimé.
Lorsqu'il lui dit qu'il voulait devenir guérisseur, son visage s'illumina. Bon, elle ne connaissait pas beaucoup Snowball, qui était encore petite lorsque Odine était partie, mais douter de ses compétences ne lui vint même pas à l'esprit, tant le petit loup semblait admiratif en parlant d'elle.

-Je suis sûre que Snowball est une excellente guérisseuse, approuva-t-elle. Je suis ravie que tu la prennes pour modèle. Mais si tu veux devenir guérisseur, il va te falloir travailler dur...

Elle s'interrompit. Il était encore un peu jeune pour réfléchir sérieusement à son futur rang et lui faire un exposé sur ce thème ne servirait qu'à le décourager. Elle se promit cependant de garder un oeil sur lui par la suite. Son statut de nomade ne lui permettait pas de prendre un élève, mais elle pourrait lui donner quelques conseils...
Elle se força à revenir au moment présent. Keiss semblait très excité à l'idée de faire peur à Volk. Odine eut un petit rire.

-Je connais Volk, pas très bien certes, mais je pense qu'il est difficile de le prendre par surprise, encore moins de lui faire peur. Tu pensais que j'étais Volk, c'est ça ? comprit-elle soudain. Je ne lui ressemble pas, pourtant, le taquina-t-elle.

Mieux valait d'ailleurs que cela ait été elle plutôt que Volk. Elle ne pouvait pas garantir une réaction paisible et pacifique du noble après s'être fait sauter dessus par le louveteau... D'après ce qu'il avait dit, il avait d'ailleurs l'habitude d'être grondé. Ce loup avait tout l'air d'être un sacré numéro.

[Pas de problème   ]

Avant que Keiss ait pu répondre aux questions d'Odine, un majestueux loup noir au visage marqué par des cicatrices apparut entre les arbres, juste en face de la louve. Ils eurent à peine le temps de se dévisager avant que Keiss ne bondisse sur le nouvel arrivant et ne commence à lui mordiller la patte. Odine en conclut que ce devait être Volk, même si elle ne l'avait pas reconnu sur le coup. Soit il avait pris un coup de vieux, soit c'était sa mémoire à elle qui se faisait vieille...
Leur dispute l'amusait de plus en plus, la faisant d'abord sourire, puis rire discrètement, et enfin l'obligeant à tousser pour ne pas partir dans de grands éclats de rire. Lorsque Volk parvint à avoir le dernier mot, Keiss se mit à bouder. Ce ne devait pas être facile de s'occuper d'un tel louveteau... Il y avait quand même quelque chose d'un peu étrange, dans la façon dont ils s'adressaient l'un à l'autre. Ils avaient l'air beaucoup plus proches que Odine ne l'avait cru d'abord, comme si Volk était de la famille. Sans doute devait-il être un bon ami de Kario et Luna, et ainsi une sorte d'oncle pour le petit... Odine était très curieuse à ce sujet, mais elle n'osa pas poser directement la question. Elle se dit qu'elle verrait bien plus tard.

-Vous devez être Odine, la guérisseuse de nos terres.

Le ton respectueux de Volk rendit aussitôt tout son sérieux à Odine.

-En effet, c'est bien moi, répondit-elle avec amabilité. Et vous, vous devez être Volk. Je suis ravie de vous rencontrer.

Si elle se rappelait du caractère de Volk, elle ignorait ce qu'il était devenu pendant son absence : quelle place pouvait-il occuper à présent dans le clan ? Il était probable qu'il en soit un membre important, jugea-t-elle en remarquant son attitude assurée.

-Je venais signaler mon retour dans ces terres et proposer mon aide face à la meute Ultimate. Comme je l'ai fait pour tous les clans, prit-elle soin de préciser. Mais je voulais aussi prendre des nouvelles. Comment va le clan de l'eau depuis tout ce temps ?

Comme Keiss boudait toujours, elle lui fit un clin d'oeil discret. Il avait bel et bien été imprudent mais il lui plaisait bien et elle se sentait d'humeur à tenter de faire lever sa punition.

-Keiss ne m'a absolument pas dérangé, répondit-elle en souriant. Au contraire, j'ai été ravie de le rencontrer. Il m'a l'air d'un jeune loup plein d'avenir.

Peut-être l'approbation de la Guérisseuse suffirait-elle à rendre Volk plus indulgent ?

[Je vais faire intervenir Zeke dans ce post, mais sans faire son point de vue. Je le donnerais probablement plus tard.]

La réponse évasive de Volk fit perdre son sourire à Odine. Le bêta semblait tendu et bien qu'il affirme que le clan s'en sortait, il était évident qu'il ne disait pas tout. Odine avait pourtant eu l'impression, en parlant à Keiss, que les choses se passaient bien et qu'en tout cas il n'y avait pas de vrai motif d'inquiétude.
Volk fit un pas en avant et leurs regards se croisèrent. Celui du loup noir était insistant, il tentait apparemment de lui faire passer un message. Puis il tourna la tête vers Keiss et Odine comprit soudainement. Elle se maudit intérieurement pour avoir été si lente d'esprit. Bien sûr qu'on ne disait pas tout à un louveteau ! Surtout lorsqu'il était déjà aussi incontrôlable que le petit Keiss... Ce n'était pas que Volk ne veuille pas parler à Odine mais plutôt qu'il voulait éviter d'inquiéter son protégé. La guérisseuse se demanda une nouvelle fois quelle pouvait bien être au juste leur relation.
Volk insista pour qu'ils rentrent au camp et rappela la présence d'Ultimate. A ce nom, Odine ne peut retenir un frisson. Elle espéra vivement que Volk ne l'ait pas remarqué, elle n'était pas sûre de comment il l'interpréterait.
Au même moment, Keiss lui roula dessus. Il s'excusa aussitôt, mais il n'avait pas l'air vraiment désolé, si l'on en jugeait par son sourire... Odine sentit son coeur fondre. La séparation allait être difficile.

Avant qu'elle ait pu répondre à Volk, un autre loup apparut, jaillissant des buissons. Décidément, cet endroit était bien fréquenté pour une période de crise...

-Pardon de vous interrompre, dit le loup, apparemment surpris de voir autant de monde. J'étais venu chercher Keiss... J'ignorais que vous étiez avec lui, Volk.

Odine se tourna vers le nouvel arrivant et ses yeux s'écarquillèrent brusquement. Ce pelage vert... Le signe sur son corps... Moïra était bien enceinte lorsqu'Odine était partie, n'est-ce-pas ?
Oubliant complètement les autres loups présents, Odine s'avança lentement vers le jeune loup. Ce dernier la dévisagea, d'abord surpris par son air absorbé, puis intrigué, voire même un peu méfiant.

-Tu es le fils de Moïra, n'est-ce pas ? demanda Odine avec émotion.

Le loup plissa les yeux mais hocha la tête. Il y eut quelques secondes de silence avant qu'il ne remarque la boule bleue suspendue à la queue d'Odine et il retint brusquement son souffle, regardant soudain la louve d'une toute autre manière.

-Vous êtes Odine, n'est-ce pas ? s'exclama-t-il d'un ton incrédule. Vous êtes... mon ancêtre ?

Il fit aussitôt la grimace, montrant bien à quel point il jugeait cette phrase bizarre. Odine eut un sourire indulgent. Lorsqu'on n'avait pas l'habitude de fréquenter les immortels, leurs liens de parenté forcément compliqués pouvaient donner très mal à la tête.

-C'est moi, confirma-t-elle.
Se rappelant soudain l'existence de Volk (et le fait qu'elle avait laissé leur conversation en plan), elle se retourna brusquement vers lui en rougissant.
-Veuillez m'excuser de mon impolitesse, mais c'est la première fois que je rencontre...
Elle lança un regard interrogateur au jeune loup, qui comprit aussitôt.
-Zeke. Je m'appelle Zeke.

Zeke avait toujours du mal à y croire. Il était en train de parler avec son ancêtre la plus lointaine, quasiment la fondatrice de sa famille, celle qui lui avait transmis sa couleur verte si caractéristique. Il avait conscience de ne pas paraître très à son avantage, tant il était bouche bée et incapable d'aligner deux pensées cohérentes. Mais Odine (Odine, il était en train de parler à Odine, comment était-ce même possible) ne semblait pas s'en préoccuper. Elle le considérait avec tant d'affection dans son beau regard vairon qu'il s'en sentit troublé. Il n'était pas sûr de mériter une telle attention. D'un autre côté, c'était un des plus beaux jours de sa vie.
Dire qu'il ne s'était douté de rien lorsqu'il était sorti du camp ! Lorsqu'il avait constaté l'absence de Keiss, il s'était aussitôt senti inquiet. Ce loup avait un don pour se fourrer dans des situations impossibles. Cela le faisait étrangement ressembler à Pyrrha, bien qu'ils ne soient techniquement pas frère et sœur. Zeke avait passé son enfance à s'inquiéter pour son aventureuse amie et maintenant qu'il était devenu adulte, il se souciait en plus de la nouvelle génération de louveteaux. Keiss était clairement celui qui lui posait le plus de problèmes. Malgré cela, il l'aimait beaucoup. Il n'aurait pas cru dire ça un jour d'un fils de Kario, mais il le considérait un peu comme un membre de sa famille. Il avait donc résolu d'aller le chercher et de le ramener discrètement au camp avant qu'il ait des ennuis. Il comprenait parfaitement son désir de liberté, mais en ces temps troublés, il n'était pas raisonnable de vagabonder seul, encore moins à son âge.
Zeke avait été surpris de voir le jeune loup avec Volk. Intérieurement, il avait même fait la grimace : Keiss avait dû se faire passer un sacré savon... Puis Odine s'était avancée vers lui et les deux loups avaient disparus de ses préoccupations.
Mais maintenant, tout comme Odine, il se rappelait de leurs existences et se sentait un peu gêné d'avoir ainsi ignoré le bêta de son clan. Il guetta une expression de contrariété sur le visage de Volk, mais ce dernier ne paraissait pas lui en vouloir, au contraire.

-Vous avez une chance extraordinaire d'avoir un descendant comme Zeke. Ce loup a su faire ses preuves, il est d'une noblesse de caractère peu commune.

Zeke vira au vert foncé, comme chaque fois qu'il "rougissait". Il ne s'attendait pas à ce que quelqu'un comme Volk, qui passait pour quelque de sévère et de peu expressif, soit aussi positif à son sujet. Il se sentit à la fois fier et mal à l'aise. Il n'avait jamais su réagir aux compliments et encore moins devant quelqu'un comme Odine.
Il remarqua que Volk regardait Keiss et se rappela brusquement de la situation dans laquelle ils se trouvaient.

-Vous avez sûrement beaucoup de choses importantes dont vous devez parler, déclara-t-il en regardant les deux adultes.

Le bêta et la guérisseuse élue par les dieux... Plus encore, un responsable du clan et une louve qu'on n'avait pas vu depuis des années et qui ne devait pas être au courant de la situation. Il était évident pour Zeke qu'ils avaient besoin de se communiquer des informations. Il était certes heureux de rencontrer Odine, mais il ne voulait pas se mettre entre elle et ses responsabilités. Il eut un bref pincement au coeur mais se consola en se disant qu'il la reverrait sans doute plus tard, maintenant qu'elle était de nouveau là. Il se tourna donc vers Volk.

-Je peux ramener Keiss au camp, dit-il avec zèle. J'étais venu pour ça au départ et je connais bien les petits sentiers, nous ne craindrons rien d'ici au camp.

Il adressa un sourire à Keiss, même s'il se doutait qu'une parfaite sécurité ne plaisait pas vraiment au louveteau...

-Si vous voulez être tranquilles, vous pouvez tout à fait parler ici. Vous pouvez aussi venir au camp mais il y avait beaucoup de remue-ménage là-bas, quand je suis parti.

Il hésita, puis se tut, choisissant sagement de laisser les concernés décider eux-mêmes.

[Je fais un même post pour les deux personnages, mais normalement, tu devrais t'y retrouver. ^^]


Zeke
"j’aimerai bien rentrer avec Zeke moi... Il est cool."
Zeke toussota pour cacher le rire qui menaçait de lui échapper. Il savait que Keiss l'aimait bien mais sa soudaine envie de rentrer avec lui avait sans doute d'autres motifs qu'une quelconque affection. Il savait très bien bien que Zeke ne le gronderait pas (il aurait été mal placé pour cela, vu ses nombreuses escapades lorsqu'il était encore louveteau). Sans doute espérait-il que, d'ici son retour, Volk aurait eu le temps d'oublier de lui infliger une punition... Le sourire innocent de Keiss ne pouvait pas tromper grand monde. Il était encore trop jeune et naïf pour être un bon menteur...
Enfin, que le louveteau se serve un peu de lui ne gênait pas Zeke. Après tout, c'était lui qui avait proposé cet arrangement. Odine semblait un peu réticente, mais elle ne dit rien. Volk, lui, avait l'air pensif, mais il finit par approuver. Zeke se demanda avec curiosité ce qui l'avait fait hésiter : l'idée de le laisser s'occuper de Keiss, ou celle de ne pas rentrer au camp ? Après tout, ce n'était pas important.

-Bon, allons-y alors, lança-t-il gaiement.

Il s'approcha d'Odine et lui lécha brièvement le museau.
-Je suis content de vous avoir rencontré, avoua-t-il, baissant la voix pour que les autres n'entendent pas. Je suis certain que nos routes se recroiseront un jour, en tout cas, je l'espère.
Il hésita un moment, puis, la regardant gravement, il ajouta :
-Faites attention à vous.

Il s'écarta, salua Volk d'un signe de tête, puis donna un coup d'épaule amical à Keiss pour l'inciter à bouger.
-Allez, viens, lui dit-il en souriant.

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Odine
Odine se sentait frustrée. Elle n'avait pu échanger que quelques phrases avec Keiss, alors même qu'elle ressentait déjà beaucoup d'affection pour lui ; maintenant, elle était obligée de se séparer de Zeke alors qu'elle venait à peine de le rencontrer ! Elle avait l'impression de ne rien connaître de ces deux loups qui avaient croisé son chemin et elle n'avait aucune idée de quand elle pourrait les revoir. Pourtant, elle devait les laisser partir. C'était plus raisonnable, plus sensé, plus "adulte" d'une certaine manière. Dans d'autres circonstances, elle aurait eu honte d'être la plus vieille du groupe et malgré cela la plus difficile à convaincre. Pour l'instant, elle était juste triste.
Elle avait jusqu'à présent gardé le silence, laissant les autres s'arranger comme ils l'entendaient. Après tout, elle ne faisait pas partie de leur clan, elle n'avait pas vraiment pas voix au chapitre... Elle ne réagit que lorsque Zeke vint lui lécher le museau en guise d'adieu.

-Je suis heureuse moi aussi de t'avoir vu, répondit-elle avec un sourire très doux. Prends soin de toi.

Elle se tourna ensuite vers le louveteau, dont le sourire la fit encore une fois fondre.
-J'espère te revoir bientôt, Keiss. Essaie de ne pas t'attirer trop d'ennuis en attendant ! ajouta-t-elle avec amusement.

Elle reporta son attention sur Volk, qui la regardait avec gentillesse. Sans doute devait-il comprendre ce qu'elle éprouvait... Elle lui rendit son sourire avec gratitude.
Mais lorsque les loups furent partis, son expression devint plus neutre, elle se redressa pour se tenir très droite et sa longue queue bleutée s'enroula autour de ses pattes. Odine la guérisseuse des dieux était de retour.

-De quoi vouliez-vous me parler, Volk ?

[Pardon pour le retard. J'ai vraiment traîné à répondre sur ce coup-là. >>]

Volk réagit exactement comme Odine, adoptant une attitude neutre et pesant soigneusement ses mots. Il commença par le plus important, sans tourner autour du pot, ce dont Odine lui aurait été reconnaissante si elle avait eu l'occasion d'y réfléchir.

-Le clan de l'eau a d’énorme difficultés en ce moment. Luna et Kario ont tout deux disparus... Nous n'avons plus de nouvelles d'eux et il semble de plus en plus probable qu'ils soient mort.

Odine resta figée, sans expression, tandis que les paroles de Volk s'inscrivaient lentement dans son esprit. Disparus... Morts ? Une vague de panique pure monta en elle, mais elle la réprima férocement. L'attitude professionnelle de Volk lui rappelait son propre rôle et l'obligeait à se contrôler. Elle était la guérisseuse des dieux. Elle ne pouvait pas céder à la peur. Pas une nouvelle fois, pas alors qu'elle s'était juré mille fois depuis son retour de se racheter.
Cependant, elle était si occupée à tenter de juguler son inquiétude dévorante pour ses amis, qu'elle entendait à peine ce que lui disait Volk. Au milieu du brouillard qui envahissait son esprit, elle perçut cependant le nom de "meute". Cette fois, ce fut la rage qui l'envahit l'espace de quelques secondes. La meute Ultimate s'en était donc prise au clan de l'eau ? Pire encore, elle avait attaqué deux personnes qu'elle aimait et qui venaient d'avoir des louveteaux ? Son poil se hérissa malgré elle et elle dut se contrôler pour ne pas retrousser les babines. Cependant, la colère s'évanouit aussi vite qu'elle était arrivée. Odine ne parvenait pas à haïr d'autres loups. Elle n'avait même pas détesté Pandore, malgré tout ce que la louve maléfique lui avait fait subir. Certes, elle avait décidé de se battre contre les Ultimate, mais pas par goût de la violence ou par désir de vengeance. Même maintenant, elle ne parvenait pas à les haïr.
Elle baissa la tête et ferma les yeux. Elle ignorait si Volk avait perçu son trouble. En tout cas le bêta (ou l'alpha ? La situation était décidément compliquée.) laissait entrevoir ses propres sentiments. Il était inquiet ; plus que ça, il se sentait dépassé par la situation. Odine eut pitié de lui. Il assumait ses fonctions parce qu'il avait le sens du devoir, mais il était seul pour faire face à l'absence de leurs alphas et à la menace de la meute : cela faisait beaucoup pour un seul loup.

-Je suis sûre, fit-elle avec assurance, que vous avez fait tout ce que vous pouviez. Personne n'aurait pu faire plus.

Elle était même persuadée que sans Volk, le clan de l'eau serait allé droit à la catastrophe.
Maintenant qu'elle avait retrouvé son calme, peur et colère ayant disparues, elle s'efforça d'analyser ce que Volk avait dit, ou du moins, ce qu'elle avait été capable de comprendre. Luna et Kario n'étaient pas morts à coup sûr, c'était simplement ce que leur absence suggérait. Petit à petit, Odine sentait une certitude grandir en elle. Il n'y avait pas de corps, pas de preuve. Alors, peut-être que.... Non, c'était sûr :

-Ils ne sont pas morts, conclut-elle à voix haute.

Elle releva la tête, rassérénée.

-Ils vont revenir. Ils sont forts et peu importe ce qui leur est arrivé, ils sauront faire face. J'ai confiance en eux.

En croisant le regard de Volk, elle réalisa qu'il ne devait sans doute pas la croire. Elle était habituée à un monde de dieux, de présages et de symboles, en lesquels il fallait avoir une confiance aveugle et pure de toute hésitation. Ce n'était pas le cas du bêta. Pour le convaincre, elle devait changer de tactique.

-S'ils étaient morts, vous le sauriez. La meute ne serait pas privée de vous le dire, pour vous faire perdre tout espoir et vous prouver leur puissance. Elle en aurait peut-être même profité pour vous attaquer.

Sauf si la meute avait décidé que l'incertitude était une stratégie plus payante. Volk avait bien dit que son clan était immobilisé... Mais elle ne releva pas ce point. Si le loup y pensait, tant pis ; sinon, il trouverait peut-être dans ses paroles un motif de réconfort.

Il eut un sourire triste. 

-Si seulement les Dieux pouvaient nous donner un signe de leur présence. Certains jeunes loups ne croient plus en eux depuis Pandore, et je crains cela va continuer. 

Il s’arrêta un moment, il hésita franchement, puis commença à parler : 

Les sentiments de Volk étaient parfaitement visibles pendant qu'Odine parlait. Il sembla tout d'abord peu convaincu par ses tentatives pour le rassurer, mais lorsqu'elle eut prononcé ses derniers arguments, elle eut l'impression d'avoir remporté la discussion.
"Vous avez raison. Et j'espère que cela est vraie. Le fait qu'ils reviennent est d'une importance capital. "
Odine hocha la tête, sans répondre. Inutile qu'elle souligne à son tour le besoin que le clan avait de ses alphas dans une période aussi critique. Volk n'en était déjà que trop conscient.
"Si seulement les Dieux pouvaient nous donner un signe de leur présence. Certains jeunes loups ne croient plus en eux depuis Pandore, et je crains cela va continuer. "
Cette fois, Odine réagit en relevant vivement la tête. Ce qui la dérangeait, ce n'était pas que des loups ne croient pas aux Dieux. Il y avait toujours eu des incroyants parmi les clans, certains avaient été ses amis et elle avait décidé dès ses débuts en tant que Guérisseuse que convaincre les gens de l'existence des dieux ne faisait pas partie de son travail. Le principal était qu'on reconnaisse son statut de Guérisseuse neutre, sans essayer de faire d'elle une banale solitaire... Cependant, l'idée que ce sentiment se répande la dérangeait. D'autant plus qu'à ses yeux, les dieux étaient figés dans la pierre et ne pouvaient plus intervenir, même pour sauver leurs loups. Espérer un signe d'eux était donc vain et si Volk en était réduit à l'attendre, la situation ne pouvait qu'empirer...
Elle faillit faire une remarque à ce sujet, mais choisit finalement de se taire. Ce n'était pas le plus important en ce moment.

"J'aimerai vous demander une faveur... Keiss est un louveteau turbulent, et j'aimerai que vous pussiez veiller sur lui quand il sera un adulte. Je sais que ça parai étrange, mais j'aime comme un mauvais pressentiment pour lui. Je crains qu'il ne fasse pas les bons chois. "

Odine fut surprise par cette demande. Elle pouvait comprendre que Volk sollicite sa protection pour un louveteau auquel il tenait, mais son mauvais pressentiment lui paraissait à elle incompréhensible. Un jeune loup si adorable, si plein de vie ! Personnellement, Odine craignait qu'il lui arrive quelque chose, pas qu'il fasse un mauvais choix... Peut-être le bêta savait-il quelque chose qu'elle ignorait à son sujet ?
Enfin, il était idiot de paraître hésiter en gardant le silence, alors qu'il était évident pour elle qu'elle ferait tout ce qu'elle pourrait pour Keiss.

-Je garderai un oeil sur lui, promit-elle. Je ne sais pas si je serai très efficace dans le rôle de protectrice, mais je ferai de mon mieux.

Elle fit un petit clin d'oeil, accompagné d'un petit rire. Penser à Keiss la rendait plus légère, malgré les mauvaises nouvelles qu'elle avait appris quelques minutes auparavant. Non, décidément, Volk se faisait des idées.

-De mon côté, je vous demande de ne pas hésiter à me demander de l'aide chaque fois que vous ou le clan en aurez besoin. Je vous assisterai toujours dans la mesure de mes moyens.

Elle redevint sérieuse, pour mieux appuyer ses propos. Elle savait que Volk accepterait. Il paraissait avoir confiance en elle -et il ne pouvait se permettre de refuser de l'aide dans un moment pareil.

-Je vous remercie en tout cas de m'avoir tenue au courant de la situation, prononça-t-elle d'un ton très digne.

Le respect que Volk témoignait à Odine était plus qu'évident depuis le début de leur conversation, mais la guérisseuse fut tout de même flattée par ses paroles, auxquelles elle ne s'attendait pas. L'allusion aux Dieux renforça la solennité de leur conversation. D'une certaine façon, c'était dommage car leurs statuts respectifs mettaient une certaine distance entre eux, alors même qu'ils paraissaient s'apprécier. Pourtant, étant naturellement réservée et, surtout, ayant l'habitude de ce type de relations avec les chefs des clans, Odine ne se rendait même pas compte qu'ils auraient pu être plus détendus et moins attachés aux formules de politesse.

-Une dernière chose... Vous pourriez peut être voir Snowball, notre guérisseuse, à chaque fois que celle ci soigne quelqu'un, elle le fait au défaut de sa propre vie. Elle le possible qu'un jour celle ci finisse par ce tuer.

C'était malheureusement quelque chose qu'Odine pouvait comprendre. Les guérisseurs, de par leur métier, étaient des loups qui se souciaient toujours des autres et apprenaient à considérer leur propre sécurité comme accessoire, comparé à la vie de leurs compagnons. C'était un défaut fréquent, à défaut d'être systématique... Odine n'était pas certaine de pouvoir convaincre Snowball de changer son comportement. Sans compter que cela risquait de la renvoyer à sa propre attitude, lorsque pour préserver sa vie, elle avait renoncé à soigner quiconque : était-elle vraiment bien placée pour aborder le sujet ? Cela risquait plutôt de tourner à l'auto-justification. La requête de Volk la mettait donc mal à l'aise, mais elle ne pouvait pas se dérober.

-J'essaie d'entrer en contact avec tous les guérisseurs de tous les clans, expliqua-t-elle posément. Puisque nous avons pu parler, je n'irai pas jusqu'au camp de l'eau aujourd'hui, mais j'aimerais que vous parliez de moi à votre guérisseuse. Avertissez-la que je viendrai probablement la voir en personne d'ici quelques temps. A ce moment-là, j'essaierai de lui parler de ce... Problème.

Odine regarda Volk, guettant sa réaction, car elle ne pouvait s'empêcher de se demander s'il avait une raison particulière de se soucier de Snowball. Elle ne voulait surtout pas être indiscrète, et elle ne poserait donc pas la question directement, mais elle était suffisamment intriguée pour tenter de comprendre par elle-même.

-Je pense que nous en avons fini, à présent, dit-elle en le regardant toujours. A moins qu'il n'y ait un autre sujet dont vous désirez me parler, je pense que je vais reprendre mon chemin.

A la grande déception d'Odine, Volk n'eut pas de réaction particulière, rien en tout cas qui confirme ce qu'elle soupçonnait de sa relation avec Snowball. Il eut simplement l'air satisfait qu'elle ait accepté d'intervenir. La guérisseuse se sentit un peu honteuse d'avoir fait une supposition sur sa vie privée, d'autant plus qu'elle paraissait maintenant infondée. Elle dissimula cependant brillamment son embarras.
Volk prit congé très simplement et amicalement. Elle répondit à son salut de la même manière.

-Que Rhéa veille sur vous et sur le clan, dit-elle doucement. Je vous souhaite bon retour au camp.

Après un instant d'hésitation, elle ajouta :

-Dites à Zeke et à Keiss que je suis ravie de les avoir rencontré et que j'espère les revoir très vite.

De toute façon, après la promesse qu'elle venait de faire à Volk, elle allait bientôt devoir se rendre au camp. Elle pourrait voir les jeunes loups à ce moment-là.
Après un dernier salut, Odine se détourna à son tour et repartit. Elle avait beaucoup de choses auxquelles penser et elle ressentait le besoin d'être seule pour y réfléchir paisiblement.