-Heindrick-

La tempête avait frappé les terres. L'eau s'était déversée sur eux, et avait lavé les terres, encore et encore. Heindrick était à peine installé avec son petit groupe composé des enfants de Nephtys, de Zedekiel, Verkaa, Hywel et Ghallthienn que la catastrophe les avait frappé. Ils s'en tiraient mal : Zedekiel avait reçu un sale choc sur la tête, et Hywel s'était brisé la patte. Les autres étaient à peu près sauf, et heureusement, car leurs compétences en médecine avaient été nécessaires.

La pluie qui s'abattait sur eux avait délavé les terres, les empêchant de reconstruire le temps et surtout de bien se soigner. Heindrick avait proposé de se déplacer vers les grottes, mais l'état d'Hywel était bien trop préoccupant : il fallait endurer. La tempête passerait. Ce qui ne l'empêchait pas de se ronger les sangs pour eux, tous les jours et toutes les nuits.

Il avait redoublé d'efforts, faisant des allers retours dans les montagnes pour chercher des plantes, des herbes sèches, de quoi panser. C'est d'ailleurs ce qu'il faisait ce jour là, s'enfonçant encore plus dans les terres cavernes, lorsqu'il eut une révélation : Laïda, allait-elle bien ? Il se mordit la lèvre de ne pas y avoir pensé plus tôt, mais en même temps, la louve était indépendante. Il choisit néanmoins de se diriger vers les grottes de ses ancêtres, priant pour qu'elles ne soient pas écroulées.

Heureusement, la structure avait l'air d'avoir bien tenu. En même temps, les grottes étaient immémoriales. Un peu apaisé, mai toujours stressé, Heindrick s'avança dans la pénombre, appelant doucement :

LAÏDA

Dans les tréfonds de la grotte des anciens, avec une réserve pour deux bonnes semaines de viandes, Laïda n'avait eu aucune conscience de ce qui se passait à l'extérieur, les kilomètres de roche autour d'elle l'avait préservée des hausses de températures extérieures et n'étant pas sortie de la semaine, occupée qu'elle était par la culture de ses champignons bioluminescents, elle n'avait pas vu la comète traverser le ciel du pays. Aussi fut-elle extrêmement surprise quand elle ressentit des secousses dans l'une des salles du fond. Les montagnes étaient loin du point de l'impact et de l'intérieur, le tremblement de terre ne provoqua pas trop de dégat, mais elle fut quand même bien secouée.

Elle sortit pour voir ce qui se passait, la montagne n'était pas un volcan, il était bizarre qu'elle tremble... A l'extérieur, elle put voir de très noirs nuages s'approcher, une tempête s'annonçait. Elle se demanda ce qui avait bien pu se passer, mais elle ne tenait pas à subir la tempête, aussi rentra-t-elle pour se mettre à l'abris.

Quelques jours plus tard, elle avait finit de nettoyer les débris portés par la tempête et elle observait le monde en contrebas. Du sommet de la montagne elle pouvait voir tout EL jusqu'à la mer. Elle avait l'impression qu'un nouveau relief s'était dessiné sur les terres, mais d'aussi loin, elle ne pouvait en être sûre. Elle rentra dans la grotte, elle espérait que le tremblement de terre et la tempête n'avait pas fait trop de dégâts, mais elle ne pouvait y faire grand chose de là où elle était.

Elle était dans la troisième salle, celle de la rencontre entre les deux familles cavernes quand une voix qu'elle connaissait l'appela. Elle n'avait jamais su son nom finalement, il avait dormi dans une tanière vide, puis était parti au petit matin. Elle s'était demandée si la solitude ne commençait pas à lui faire avoir des hallucinations, mais l'inconnu n'était jamais revenu. Elle en avait déduit que sa santé mentale n'était pas atteinte et qu'il avait vraiment été là.

Elle sorti et le vit avancer dans la première salle. Elle avança vers lui.

Contente de voir que tu es vivant, l'inconnu.

-Heindrick-

La voix lui fit dresser les oreilles. Elle était vivante. Mine de rien, c'était un soulagement. Il tourna la tête pour voir la silhouette féminine de la louve s'extirper de la pénombre, son regard brillant tourné vers lui. Une fois n'était pas coutume, il resta neutre, mais sentit une pointe de joie prendre son coeur. Il ouvrit la gueule avant de réaliser qu'il ne lui avait jamais dit son nom, d'ou la mention "d'inconnu". Il dit alors d'une voix neutre :


Il s'avança un peu, s'arrêtant bien avant de toucher la louve cependant. S'ils avaient partagé une journée et une nuit dans la grotte, ils n'étaient cependant pas très proches. Mais Heindrick ne pouvait s'empêcher de s'attacher aux gens qu'il croisait, et Laïda en faisait manifestement partie. Il coucha les oreilles avant de tourner le museau vers l'entrée de la grotte, ou la pluie diluvienne formait un rideau épais. Son poil épais était trempé, et gouttait sur le sol de la caverne. Il dit simplement :

LAÏDA

L'odeur de la pluie avait envahi la grotte, dehors, elle la vit tomber en rideau. Et le mâle était trempé jusqu'aux os. Il avait fait le chemin sous la pluie ? Il n'avait pas d'endroit où s'en cacher ? Faisait-il partie de ses solitaires qui ne dormaient jamais dans une tanière ? Il lui semblait qu'il avait un peu maigri depuis la dernière fois qu'elle l'avait vu, mais c'était surement l'effet de sa fourrure trempée collée contre son corps.

Oh. Tu peux m'appeler Heindrick.

Heindrick, ça collait bien pour un caverne, bien pour un Ytens, et pourtant un peu étrange. Les noms de ses frères avaient des consonnances plus douces, mais ils étaient un peu plus Oshur qu'Ytens, comme elle. Elle lui sourit légèrement, au moins elle saurait enfin comment l'appeler pour s'adresser à lui.

Il s'approcha un peu, mais lui laissa plus d'espace que lorsqu'ils s'étaient rencontrés. Il coucha les oreilles avant de lui indiquer l'exterieur du museau, désignant la pluie battante qui semblait ne jamais vouloir s'arrêter.

Il s'est passé un truc, dehors. Je suis content que tu soit en vie.

Elle hocha la tête, elle avait compris que quelque chose de grave était arrivé, mais elle ne savait pas quoi. Etait-il venu pour s'assurer qu'elle allait bien ? Ou pour vérifier que les peintures étaient intactes? Peu importait, elle allait enfin avoir des nouvelles de ce qui s'était passé dehors, et elle était contente qu'il soit encore en vie, elle l'aimait bien et c'était assez rare pour le noter.

Elle lui fit un signe de tête vers l'intérieur de la grotte. S'il restait trempé ainsi, il risquait de tomber malade. Elle avait de la paille fraîche dans la tanière qu'elle utilisait comme réserve, ça n'était pas idéal, mais ça aiderait à le sécher un peu. Et puis, elle espérait qu'il prenne le temps de lui raconter ce qu'il se passait dehors.

C'est l'impression que j'ai eu oui, quelque chose de grave s'est passé et a fait trembler la montagne, mais je ne sais pas ce que c'était. Heureusement, il n'y a presque pas eu de dégâts ici, juste la tempête qui charrie des débris. Mais entre, j'ai de quoi te sécher aux tanières, tu me diras ce qu'il s'est passé.

-Heindrick-

La louve l'invita à entrer plus profondément, probablement pour aller se sécher dans les tanières improvisées où il avait dormi la dernière fois. Il hocha la tête, avant de reculer pour s'ébrouer une dernière fois, essayant de chasser le maximum d'eau de son pelage épais. Une fois que ce fut fait, il s'avança de nouveau, d'un pas lourd mais assez rapide. Stressé.


Il continua, d'un air sombre, à avancer vers les tanières. le chemin était court, et ils y arrivèrent vite : celle où il avait dormi la dernière fois était toujours là, aussi vide qu'avant. Il souffla. L'humidité ici était très élevée, se sécher allait être difficile, mais mieux que dehors c'était sûr. Il releva la tête vers Laïda avant de continuer :


Vers la Source, où était une partie de sa famille. L'angoisse lui tordit le ventre, ce qui lui fit frémir une babine en seule réponse. Il n'avait pas pu retourner à la source depuis le tremblement de terre, n'avait aucune idée si Rahawk, Heimdall, Hélie, Alexis et les autres étaient vivants. Mais ils avaient eu des blessés ici, et devaient endiguer les pluies diluviennes : il ne pouvait pas partir.

LAÏDA

Heindrick s'ébroua avant de la suivre dans les couloirs de la caverne. Le trajet fut court, pour pouvoir profiter de la lumière, les tanières ne pouvaient pas être trop en profondeur. Alors qu'ils trottinaient dans les couloirs, elle entendit une légère pointe de stress dans sa voix habituellement posée.

Un astre venu du ciel est tombé sur la mer, et la terre a tremblé. Nous avons eu des dégâts.

Elle lui jeta un regard en arrière, son air était sombre. Elle n'osa pas demander s'ils avaient eu des morts dans son groupe. Mais il avait parlé de la mer, et ses pensées se tournèrent vers le clan de son enfance. Ils étaient au bord de la mer, ils avaient probablement eu des dégats... Le reste de leur race aussi...

Nous avons des blessés, mais j'ai l'impression que les principaux dégâts se sont fait vers les clans.


Cela confirma ce qu'elle pensait et elle hocha la tête. Ce n'était pas qu'elle était sans coeur, mais sa vie était ici et elle ne voulait plus la quitter. Cela faisait-il d'elle une lâche ? Arrivés aux tanières, elle sortit du foin sec et s'approcha du mâle. Elle commença à le frictionner avec une bonne poignée de foin, évacuant l'eau de sa fourrure.

Tu sais... La caverne est solide...

Elle ferma la gueule immédiatement, elle l'avait invité à venir s'abriter ici avant même d'avoir pu s'en empêcher. Elle ne voulait pas voir son espace envahit et elle sera les crocs. Trop tard, l'information était sortie et elle se concentra sur le foin qu'elle passait sur la fourrure du male.

-Heindrick-

Laïda se saisit d'une pognée de foin, et s'approcha pour frictionner le mâle. Ce dernier la laissa faire, toujours trop plongé dans ses pensées, ses soucis. Un léger pli barrait son front alors qu'il regardait le mur, pensant à ceux qu'il avait laissé derrière, les blessés, les faibles. Athanas, la petite malade, mais aussi Kathrax qui était toujours faiblarde. Et bien sûr, Hywel et Zedekiel, blessés. Qu'est-ce que le ciel leur réservaient encore ?


Heindrick tourne la tête, une pointe de surprise dans le regard. Elle venait bien de les inviter, ici ? Il lève la tête, regarde autour de lui. Il y aurait la place, c'est solide, mais ... Il n'a pas envie d'abimer les peintures fragiles qui ornent l'intégralité de la grotte. Et puis, il se doute que Laïda tient à sa tranquillité, vu comment elle lui a proposé. Après un temps de réfléxion, il secoua la tête :

Merci, mais je ne peux pas. J'aurai trop peur pour les peintures.

Il soupire, relevant la tête avant de se mettre à se frictionner lui-même pour terminer le travail de la caverne. Mais ses pensées vont toujours vers le groupe dont il se sent partiellement responsable.

Il doit y avoir d'autres grottes, non loin. Ça sera mieux.

LAÏDA

Alors qu'elle se reconcentre sur la fourrure épaisse et imbibée d'eau du mâle, elle le voit qui considère son environnement, probablement surpris par son invitation. Son estomac se tordit, et elle pinça les babines, pitié, qu'il ne dise pas oui... Certes elle avait proposé, mais surtout pour lui, l'idée de voir débarquer toute une tripotée d'inconnus et de non cavernes l'inquiétait au plus haut point pour ses précieuses fresques. Finalement, il secoua la tête.

Merci, mais je ne peux pas. J'aurai trop peur pour les peintures.

Elle poussa un léger soupir, oui, lui aussi voulait à tout prix protéger leur héritage. Elle était soulagée, et en même temps elle s'en voulait de laisser ses semblables à la dérive. Mais après tout, elle avait déjà été reniée par sa famille, elle n'était pas vraiment inquiète de ce que des inconnus pourraient penser d'elle ? Enfin, si, il y avait bien Heindrick, elle l'aimait bien et son opinion comptait peut-être un peu. Mais elle lui avait proposé non ? C'est lui qui avait refusé.

Il doit y avoir d'autres grottes, non loin. Ça sera mieux.

Il soupira et lui pris la paille des pattes pour se sécher lui même. Elle détourna le regard, incertaine. Que pouvait-elle faire? Il avait rejeté son aide, que ce soit pour les siens ou pour une tâche aussi simple que de se sécher. Il y avait d'autres grottes oui, puisque Makani ne vivait pas ici, mais elles étaient a priori moins vastes. Elle ne dit rien, perdue dans ses pensées.

-Heindrick-

Le mâle s'appliqua à sécher son pelage détrempé, les pensées toujours tournées vers son groupe. Laïda, elle, s'éloigna pour se sécher elle-même, et le caverne releva les yeux : elle abordait une drôle de mine. Pourtant, il avait entendu son soupir de soulagement lorsqu'il avait refusé son offre, pour les peintures. Elle y tenait beaucoup, sûrement plus que lui, et les abîmer serait une catastrophe peut-être aussi grande que la tempête qui s'abattait sur eux.

Une fois à peu près sec, le mâle se saisit à son tour de paille pour venir aider la caverne à se sécher. Lui demandant son accord d'un regard, il attendit pour lui frictionner le dos à l'endroit qu'elle ne pouvait accéder seule. La caverne était humide : ici, rien ne sècherait correctement. Cela poserait problème pour les blessés, aussi ... Quel casse-tête. Il secoue la tête, avant de demander, toujours neutre :

Et toi, ça ira ? Les proies fuient, les temps seront peut-être durs. On peut s’entraider.

LAÏDA

Alors qu'elle était perdue dans ses réflexions, le mâle s'approcha d'elle avec de la paille fraîche. Elle posa un regard surpris, ne s'attendant pas à de la prévenance de la part d'un Ytens. Mais c'était vrai aussi qu'il n'était qu'à moitié caverne. Makani se serait contenté de profiter des attentions de la louve sans lui rendre la pareille. Elle hocha doucement la tête et lui tourna le dos pour qu'il puisse atteindre les zones qu'elle ne pouvait sécher seule. La paille ne ferait pas tout, ils resteraient humides, les grottes ne permettaient pas plus.

Et toi ça ira ? Les proies fuient, les temps seront peut-être durs. On peut s'entraider.

Elle l'observa par dessus son épaule. Pourquoi était-il aussi prévenant ? Ce n'était pas un comportement de solitaire mais de clanique. Laïda savait reconnaître les travers qu'elle même possédait, bien qu'elle ait le cœur plus dur que le demi Yten. Son éducation était la raison pour laquelle elle avait toléré Makani, pourquoi elle avait proposé à Heindrick de l'héberger. Mais pour les véritables solitaires, il n'y avait qu'un mot d'ordre :chacun pour soi.

Elle réfléchit cependant à ce qu'il venait de dire. Les proies fuyaient... Bah la pluie finirait par cesser et elles reviendraient. Laïda avait déjà eu le ventre creux, ça ne l'effrayait pas. Et puis il y avait peut être moyen de pêcher dans le lac souterrain ?

Les dieux y pourvoieront. Je n'ai pas peur de la faim, s'il le faut je repartirai quelques temps. Si tu es là notre heritage aura son gardien. Si tu pars avec les tiens, je tiendrai la caverne.

Dans ses yeux bleu océan, la détermination brûlait d'un feu farouche. Peu de choses avaient autant d'importance à ses yeux que ce vestige du passé de sa race, elle était prête à le protéger de sa vie et ne ferait confiance qu'au mâle pour la remplacer.

-Heindrick-

La louve accepta le contact, alors Heindrick s'avança pour lui sécher le dos comme il le pouvait avec la paille. Mais un regard en coin de Laïda le fit s'interroger : il n'arrivait pas vraiment à la cerner, et pourtant, il lui faisait confiance. Les peintures les liaient, tous les deux : ils avaient la même volonté de les protéger. Et étrangement, il ne pouvait s'imaginer la croisée oshur lui faire du mal, à lui ou à son groupe, tant qu'ils restaient à l'écart.

A sa question, elle répond simplement qu'elle fera avec. Il croise son regard océan, le soutient un instant. C'est la force des solitaires alliée à celle des cavernes qui brûle en elle, il ne peut pas y être insensible. Mais lui, lui a choisi une autre voie : celle du groupe. Un groupe anarchique, libre et il ose l'espérer, fier, mais un groupe quand même. C'est ce qui avait sauvé sa mère, ce qui l'avait sauvé lui lorsqu'il était enfant. Il hoche la tête, lentement. Elle lui fait confiance, elle aussi, ce qui est rare dans le monde des solitaires. C'est même la denrée la plus précieuse, plus encore que les proies ou qu'une tanière sèche, Heindrick en est convaincu. Il finit par s'écarter, rompant le contact avec la femelle : son travail était terminé.

Je repasserais. On pourra au moins s'échanger quelques infos.

Il regarde l'entrée de la grotte avec une inquiétude dissimulée. Les Dieux ne parlaient pas, surtout pas aux solitaires ; pourtant Heindrick aurait aimé savoir ce qui se tramait, s'il allait y avoir pire que cette tempête. Pessimiste et anxieux, il ne pouvait s'empêcher d'imaginer le pire.

LAÏDA

Après avoir plongé son regard d'ans l'océan impétueux de ceux de la louve, Heindrick finit par acquiesce. Une forme de dialogue silencieux s'est instauré entre eux, lourd de tout ce que l'orgueil et la prudence leur interdisait de dire. Ils se faisaient mutuellement confiance, et pourtant jamais elle ne le dirait ouvertement. Jamais elle n'admetrai qu'elle appréciait la présence de ce mâle, que la solitude lui pesait, que le rejet de sa famille était comme une echarde plantée dans son cœur, ravivant la douleur à chaque mouvement. Elle ne pouvait s'autoriser à s'attendrir car c'était sa résolution indéfectible et son cœur dur à la tendresse qui l'avait maintenue en vie jusqu'à présent. C'était grâce à ça qu'elle ne s'était pas retrouvée avec une portée de Jeremiah, probablement prisonnière de son groupe à jamais. Mais ça n'était pas passé loin. Elle avait peur de se laisser aller à nouveau si le croisé Yten était présent pendant ses chaleurs...

Je repasserais. On pourra au moins s'échanger quelques infos.

Elle remarqua seulement qu'il avait cessé de la frictionner. Il regardait à l'extérieur avec un air inquiet. Laïda observa un moment les trombes d'eau qui continuaient de déferler contre les flancs de la montagne. Et il voulait partir maintenant ? Elle pinça les babines avant de se laisser lui proposer d'attendre une accalmie, si elle commençait ainsi elle voudrait toujours qu'il reste un peu plus, une minute, une heure, un jour, toujours... Elle redressa le blindage qui protégeait son cœur et sa survie.

D'accord. Tu devrais prévenir Makani avant d'amener ton groupe, il risque de ne pas apprécier de vous voir débarquer chez lui, les autres grottes...

Voilà, elle ne lui disait pas de revenir, son cœur serait préservé, peut-être changerait-il même d' avis s'il avait un concurrent sur ce territoire. Makani se montrait décidément très utile...

-Heindrick-

Heindrick tourne un regard neutre vers Laïda. Il l'avait oublié, lui. Son cœur se pince imperceptiblement : y a-t-il quelque chose entre le mâle et la caverne ? Ce n'est pas vraiment ses affaires. Et puis, son odeur n'est pas très puissante : quoi qu'il se passe, Laïda était une véritable solitaire, et pas sous la coupe d'un mâle dominant. Quoi qu'il en soit, elle avait raison. Peut-être qu'il leur refuserait l'accès aux cavernes, peut-être qu'il devrait se battre pour que son groupe survive et se réfugie au sec. Mais Heindrick n'espérait pas. Il hoche la tête en inspirant, avant de secouer son poil pour en chasser la tension accumulée à l'idée de se battre de nouveau. La dernière fois ... La dernière fois, il a perdu le contrôle. Mais ça n'arrivera plus.

Où est-ce que je peux le trouver ?

Un regard, toujours neutre, qui ne laisse pas transpercer les doutes qui agitent le mâle, ni les sentiments déjà négatifs qu'il entretenait à propos de ce Makani. Il devait le trouver, il lui expliquerait la situation et tout irait bien.

LAÏDA

Il se tourna de nouveau vers elle, il n'avait visiblement pas pensé au mâle Yten, mais peut-être n'avait-il pas eu connaissance de sa présence. Après tout, il ne venait pas très souvent ici, juste de temps pour lui proposer une chasse. Il n'avait peut-être pas décelé son odeur?

Où est-ce que je peux le trouver ?

Elle haussa les épaules, qu'est-ce qu'elle en savait ? Ce n'était pas comme si elle s'inquiètait de savoir où il était celui-là. Enfin, avec la pluie il était probablement à l'abri de sa tanière. Elle réfléchit, elle savait qu'il y avait d'autres cavernes sur le flanc ouest de la montagne, la grotte sacrée était sur le flanc sud. Donc il était probablement dans celles de l'ouest.

Vu la pluie, il doit être dans une tanière sur le flanc ouest. Je ne peux pas garantir qu'il soit là, ça fait plusieurs jours que je ne l'ai pas vu.

-Heindrick-

La louve crème haussa les épaules : elle n'avait pas l'air très impliquée dans la vie de ce Makani. Bizarrement, cela rassurait un peu Heindrick, confirmant que Laïda était belle et bien une louve libre. Enfin, pas libre parce qu'elle n'avait pas de mâle, juste ... Solitaire, libre. Il secoue la tête intérieurement. Cela l'embrouille, et il n'a pas le temps : son groupe l'attend. Alors, il hoche la tête : il irait le retrouver. Mais un regard au dehors le dissuade : il commence à peine à ne plus être trempé, il préfèrerait attendre que la pluie se calme, au moins un peu.

Merci.

Il reste silencieux un moment, indécis. Il a beau savoir que les cavernes troglodytes appartiennent à tous ceux de sa race, il ne peut s'empêcher de se considérer chez Laïda, dans le nid qu'elle s'est construit ici. Il tourne la tête vers elle, neutre :

Je peux rester ici, le temps que ça se calme un peu ?

LAÏDA

Heindrick la remercia, et alors qu'elle pensait qu'il allait partir, il resta un moment à contempler la pluie qui continuait de fouetter les flancs de la montagne avec une régularité étonnante. Elle vit ses épaules très légèrement s'affaisser, comme si l'idée de retourner là dessous ne l'enchantait pas, ce qu'elle pouvait comprendre. Ils étaient à peine secs après de longues minutes de friction, l'idée d'être à nouveau trempé n'était pas du tout enthousiasmante. La fourrure épaisse des cavernes était idéale pour survivre à un hiver rigoureux, mais une fois imbibée d'eau, c'était un calvaire de redevenir sec. Il finit par tourner la tête vers elle.

Je peux rester ici, le temps que ça se calme un peu ?

Le coeur de la louve s'accéléra. Elle ne lui avait pas proposé parce qu'elle avait peur de vouloir qu'il reste toujours plus, et maintenant il lui demandait de rester et sa résolution fondait comme la neige au soleil. Elle comprenait qu'il voulait juste éviter le mauvais temps, mais son stupide coeur ne pouvait s'empêcher d'espérer qu'il veuille rester pour elle. Stupide coeur! Sa propre famille l'avait rejetée et il pensait encore que quelqu'un voudrait d'elle?! Stupide. Il voulait juste profiter de l'abri de la grotte et d'une manière générale garder le lien avec ses ancêtres. Elle n'était qu'un plus, pas une raison. Elle pinça les babines pour contenir une exclamation d'espoir. Tais-toi stupide coeur!

Bien sûr. Tu peux choisir l'antre que tu voudras, mais il n'y a que la mienne qui a des paillasses, les autres sont vides.

Elle pinça les babines plus fort, pourquoi lui parlait-elle du confort de sa tanière. Il fallait absolument que ses défenses de glaces se remettent en place, elle ne pouvait se laisser aller à ce comportement dangereux. Rien n'était plus important que la grotte et sa liberté, c'était ça qu'elle devrait toujours mettre au premier plan.

-Heindrick-

La louve accepte de bon coeur, et Heindrick lui offre de nouveau un fin sourire. Elle lui propose même sa paillasse, et le caverne se refuse d'y voir une quelconque invitation à autre chose qu'à y dormir. D'ailleurs, au vue de son expression, elle n'a probablement pas vraiment envie qu'il s'y mette, et proposait simplement par gentillesse. Heindrick hoche la tête, regarde une dernière fois l'extérieur, avant d'aller se coucher dans l'une des grottes froides et vides. En passant, il lance à la louve crème :

Merci. Je ne t'embêterais pas plus.

Il se couche, pose sa tête sur ses pattes en regardant devant lui. Il a probablement encore quelques heures de repos devant lui, avant de devoir rentrer. Il soupire : au moins, il est au sec.