LUNELLA

Quelques jours plus tôt, la jeune louve troglophile avait été expulsée de son monde souterrain pour un enfer incompréhensible. L'exposition à la chose brillante dans le ciel lui avait laissé des dizaines de cloques douloureuses. La chose verte sous laquelle elle s'était abritée pendant plusieurs heures lui avait aussi causé de terribles démangeaisons, ainsi, son corps était aujourd'hui couvert de petites plaies à vif. Quand la chose brillante avait disparu, elle avait risqué une patte à l'extérieur, et finalement, ne sentant pas la morsure qu'elle avait ressenti plus tôt, elle s'échappa entièrement de son abri vert et irritant. Elle retrouva un filet d'eau dans lequel elle se baigna, mais cela n'apaisa qu'à peine la douleur de sa peau brûlée.

Les jours suivant avaient été un mélange de terreur de l'astre solaire et de piaillements de douleurs à chaque fois qu'elle se grattait et arrachait la peau fragile d'une cloque. Elle avait fait des bonds de puce, s'éloignant toujours plus de son lieu d'émergence, mais incapable de trouver un accès vers la sécurité des profondeurs. Pourquoi le Saint Galet lui faisait-il subir ça ? N'était-elle pas une adepte fidèle ? Elle toucha avec révérence son petit galet de prière.

Ce jour là, l'eau tombait du ciel, il n'y avait plus la boule brillante qui la mordait, mais l'eau tombait sur ses plaies à vif, la faisant grimacer de douleur à chaque impact, mais en plus la cacophonie qu'elle provoquait la rendait encore plus perdue face à son environnement. Son humeur était au plus bas, en plus elle avait faim, elle n'avait rien trouvé à manger depuis plusieurs jours, pas de crevettes translucides, ni de poissons aveugles... Cet endroit était véritablement l'enfer, il n'y avait pas d'autre possibilité, en fait elle devait être morte, et le Saint Galet ne l'avait pas jugée digne de nager dans les eaux sombres de l'éternité. Comment une chose pareille avait-elle pu se produire, Lunella était parfaite sous tout rapport, elle ne pouvait pas aller dans un enfer lumineux et sans eau !

Alors qu'elle grommelait, elle percuta quelque chose de mou et visqueux. Levant la tête, elle vit un loup troglophile foncé en face d'elle.

Attention où tu marcheuh!

Elle lui grogna dessus, c'était de sa faute si elle s'était cogné la tête, il ne s'était pas écarté de son passage d'abord. Et puis elle avait mal alors elle ne serait pas gentille non plus.

L'autre ne s'écarta pas de son chemin alors que la pluie continuait de lui faire l'effet de millier d'aiguilles brûlantes sur sa peau à vif. Elle dévoila ses petits crocs, idéal pour la pêche mais quasiment inutiles en combat. Il sourit, cet andouille. Il allait la laisser passer à la fin? Elle ne rêvait que d'une chose, une grotte profonde où enfin elle pourrait panser ses plaies douloureuses et enfin se glisser dans l'eau glacialement agréable d'une source souterraine.

Vous êtes une troglophile ! Je ne pensais pas que d'autres de notre espèce avait été propulsés hors de chez nous !

Elle le regarda avec un oeil mauvais. Ben quoi? Ça avait quoi de surprenant qu'il y ait plusieurs loups troglophiles dans leur enfer ? Mais maintenant qu'elle le regardait de plus près, lui ne semblait pas être blessé. Il avait de petites écorchures mais pas de graves brûlures comme elle. Elle se mit à lui tourner autour pour l'inspecter, elle était obligée d'être très proche pour le voir correctement. Comment se faisait-il qu'il n'ait pas été mordu par le grand truc brillant?! Ce n'était pas juste, pourquoi l'enfer était-il pire pour elle que pour lui ? Qu'avait-elle bien pu faire pour mettre en colère le Divin Galet?

Par le Saint Galet! Pourquoi t'as aucune blessure toi ?! On est en enfer, tu devrais souffrir autant que moi, c'est pas juste !

LUNELLA

Le mâle gonfla son poitrail sous le regard de la louve aveugle à ses tentatives pour l'impressionner. Tout ce qu'elle pouvait voir c'était que le saint galet l'avait protégé car il avait à peine quelques brûlures sur le dos. Et ça, c'était une raison suffisante pour lui faire confiance.

J'ai trouvé ce lac et une grotte. Ça t'intéresse ?

Les yeux presque blancs de la louve se mirent à briller d'envie, elle rêvait de la fraîcheur glaciale d'une eau souterraine, de la pénombre accueillant d'une grotte humide. Le Saint Galet avait vraiment pris le jeune mâle sous sa fraîcheur bienfaitrice!

OUI!

Elle ne put retenir cet élan de joie enthousiaste, prête à suivre ce mâle partout où il irait pour peu que le Saint Galet le garde sous sa bienheureuse protection.

J'ai des algues et du mucus de limace aquatique pour t'aider avec tes blessures.

Elle hocha vigoureusement la tête, piaillant de douleur quand le mouvement brusque fit éclater une cloque sur sa nuque. Oui vivement qu'elle retrouve le confort douillet d'une galerie souterraine !

Nulaim
- Loup troglophile -

Note pour la suite, si mentionné : On a jamais eu d'illustration du camp de l'Eau, mais j'imagine que pour l'éclairage, il doit y avoir un peu partout des torches comme celles des passages souterrains. Ou alors des pierres bioluminescentes.

LUNELLA

D'accord, je vous y emmène.

La queue de la jeune louve s'agita. Un endroit sûr où elle serait protégée et en sécurité. Le Saint Galet la reprenait enfin dans son giron grâce à ce male chanceux. Il se détourna et plongea dans le lac, se retournant pour l'attendre. Elle pénétra dans l'eau en serrant ses petits crocs, l'eau glaciale semblait raviver le feu de ses plaies à vif tout en la soulageant de sa fatigue musculaire. Une douleur bénéfique, ou un bien être douloureux, peu importait, bientôt elle serait guérie et la nage ne serait plus qu'un délectable plaisir.

Quand elle l'eut rejoint, il s'immergea et elle plongea à sa suite. Elle le suivit dans un tunnel sous-marin qui aboutit dans une immense cavité souterraine. Il sortit de l'eau avec prudence, comme s'il n'était pas certain que l'endroit était sûr. Quand il sortit de l'eau, ses barbillons se mirent à luire, de la même façon que les taches blanches sur sa propre peau. Elle fut hypnotisée par les petites ampoules brillantes du mâle. Comme beaucoup de membres de son espèce, elle était fascinée par ce qui brillait.

Elle se détacha de cette observation avec reluctance avant d'enfin prendre en compte ce nouvel environnement. La cavité était immense, légèrement éclairée par des batons qui s'allumaient magiquement quand ils passaient à coté.

Voilà mon nouveau chez-moi, en entendant de pouvoir repartir là où sont mes biens.

Elle put enfin voir à nouveau sans avoir l'impression qu'on lui lançait de l'acide dans les yeux. Repartir, ça avait l'air bien ici, pourquoi repartir ? Tout cet espace rien que pour eux, au frais. Elle n'avait personne pour l'attendre en plus. Elle avança un peu pour explorer, mais ses plaies lui faisaient mal.

Tu peux me soigner du coup ? J'ai mal.

LUNELLA

Le mâle passa devant elle, l'encourageant à le suivre un peu plus profond dans la grotte. Elle avait mal, mais il avait dit qu'il allait la soigner et elle fit encore l'effort de bouger pour le suivre, mais elle espérait que ça ne serait pas trop loin. Plus ils s'enfonçaient dans la grotte et plus sa vision s'éclairait, enfin, elle se sentait un peu plus chez elle, elle devrait rendre grâce au Saint Galet d'avoir mis ce mâle. Il l'amena vers une petite cuvette dans laquelle reposaient des algues de quelques jours. Il s'approcha d'elle pour observer les brûlures de son dos.

Effectivement c'est moche. Je comprend ton malêtre.

Moche ?! Il venait de la traiter de moche ?! Elle découvrit ses minuscules crocs.

Hey! parle pour toi! J'suis loin d'être moche! C'est de la faute de ces brûlures là!

Elle grogna, alors que ses barbillons palpitaient d'electricité statique. Mais elle se força à se calmer, il fallait qu'il la soigne, elle ne pouvait pas atteindre tout son dos toute seule. Et puis il risquait de la mettre dehors si elle ne se tenait pas un peu, et elle ne voulait surtout pas retourner dehors. Il faisait si bon ici, elle pouvait y voir, et se baigner en permanence. Et puis l'astre du jour ne pouvait pas la mordre ici.

Il alla chercher des limaces aquatique qu'il disposa sur son dos, elle couina de douleur mais quand elles mirent à se déplacer, leur mucus l'apaisa instantanément. Il prit ensuite les algues et les disposa en morceaux sur ses coupures et lacérations causées par les arbres et les rochers aériens. Elle soupira de soulagement, se détendant sous les pattes expertes du mâle.

Nous ne nous sommes pas présentés, je suis Nulaim, et vous ?

Lunella commençait à fermer les yeux de bonheur grâce au soulagement que lui apportait le traitement du mâle. Elle les rouvrit au son léger de sa voix. Nulaim, un nom plutôt répandu dans leur espèce, tout comme le sien, les troglophyles n'étaient pas connus pour leur imagination débordante.

Lunella. Merci pour les soins, ça me fait du bien...