La vieille louve passait de plus en plus de temps à dormir, sans vraiment le vouloir. Parfois elle rêvait, de la plage, de son sable étrange, de son soleil chaleureux,de ses vagues acueillantes, elle aimait l'idée de mourir là bas. Mais souvent, elle ne rêvait de rien, ses nuits n'étaient pas vraiment reposantes, se réveillant suite à un élan de douleur.

cette nuit là ne dérogeait pas à la règle, la patte d'Imryu l'avait fait souffrir toute la nuit, et au petit matin, elle n'avait pas trouvé la force de se lever chercher à manger, ni même pour boire. Elle s'était rendormie quand tout le monde fut parti.

Elle ne sut combien de temps encore elle dormi, mais une truffe humide lui caressant l'encolure la réveilla. Si elle mit du temps à émerger, elle reconnu l'odeur de son fils unique quand ce dernier s'allongea contre elle. Un élan de bonheur envahis son coeur et lentement, elle bailla, tendant les pattes avant tout droit devant elle pour s'étirer les muscles, avant de se laisser aller un peu plus contre son fils.



Toujours allongée, elle redressa la tête pour se mettre à lui lécher l'oreille, lui faisant une rapide toilette par réflex, comme s'il était encore petit et qu'il s'était encore mis dans des situations salissantes.

Pour une fois, son fils ne se rebella pas face aux démonstrations de tendresse de sa mère et Imryu en fut ravie, l'encourageant à continuer. Il se passa un long moment sans qu'aucun des deux ne parle, puis finalement, ce fut Zedekiel qui rompit le silence en premier.

Imryu cessa la toilette une seconde, avant de l'inviter à poursuivre avec un "humhum" tout en reprenant son nettoyage. Mais la question du loup ailé lui serra le coeur, et alors qu'il logeait sa tête dans le creux du cou de la louve blanchie par l'âge; Imryu releva la tête.



Elle lui donna un petit coup de truffe rassurant, avant de poursuivre.


Elle releva la tête et regarda dans le vague, son visage dirigé vers la sortie des tanières, mais son regard pourtant absent. Un sourire vague illumina son visage.


Elle pris une grande inspiration en fermant les yeux, imaginant sentir les embruns iodés de l'océan, la brise fraiche du vent du sud, avant de rire un petit peu.

Ainsi donc, Zedekiel tentait de lui faire abandonner le projet. Imryu ferma les yeux en baissant la tête, poussant alors un long soupir tandis qu'elle sentait son coeur se serrer.

Comment lui dire qu'elle agonisait déjà? Qu'elle souffrait nuit et jour, et qu'elle finirait par partir, quoi qu'il se passe?

Quand elle rouvrit les yeux, elle vit son fils en larme et le visage de la louve se déforma par la tristesse. Mais que pouvait elle faire de mieux? Tous finissaient par mourir, les choses étaient ainsi faites. Mais peu de loups sur ces terres avaient la chance de pouvoir choisir leur manière de mourir, et encore moins disposaient des moyens pour y arriver.

Imryu faisaient partie de ces derniers, elle se savait légère, à présent qu'elle était mince et plus entrainée. Elle passa sa tête sous le menton de Zedekiel.


Elle ne supportait pas d'être faible, et inutile, elle ne supportait plus la douleur et le poids mort de sa patte, elle ne supportait plus grand chose à vrai dire. Mais quoi qu'il se passe, Zedekiel verrait mourir sa mère, alors comment lui dire?


Elle déglutit, la gorge serrée, elle se doutait qu'il ne le supporterait pas non plus. de ses deux derniers enfants, il était le plus démonstratif et proche d'elle. Elle déglutit. Malgré toute son envie irrépressible de revoir cet océan magique, elle sentait sa volonté s'effriter sous le désespoir de son fils.




une douleur la pris à la patte et la louve se crispa sous la violence, serrant les crocs pour s'empêcher de grogner devant son fils.

Alors que la douleur partait, son fils se serra contre elle et elle grinça des dents encore tandis que les crampes étaient ravivées comme un feu brûlant. Elle le regarda dans les yeux, lisant sans peine la douleur et le désespoir qu'il lui transmettait par sa voix et ses supplications. La louve ne répondit pas.

Elle pouvait répondre qu'elle ne voulait pas être un poids mort, qu'elle ne voulait pas qu'on perde du temps à prendre soin d'elle, alors qu'elle était vouée à mourir. Elle pouvait lui répondre que son dernier souhait lui donnait la force de rester debout, Pouvait elle vraiment lui dire que cela comptait plus pour elle que le reste à présent?


Pouvait elle se permettre, une fois dans sa vie, de penser à elle plutôt qu'aux autres?


La louve avait certainement mérité la belle mort qu'elle désirait, mais tous voulaient la lui prendre. Chérubin avait accepté, avec mal et douleur. Mais Zedekiel n'avait pas la décence de son père. Elle ne répondait toujours pas, fixant son fils. Allait il se rendre compte de son égoïsme? Allait-il se rendre compte de son indécence? Qui sur terre pouvait se permettre de priver un vieux loup fatigué de la mort qu'il souhaite?


Pouvait-elle lui en vouloir? Alors que des sentiments amers naissaient dans sa gorge, la louve ferma les yeux et soupira encore, la douleur s'estompait peu à peu. Elle posa la tête au sol, lasse et fatiguée.


Elle capitulait, elle se savait incapable de résister à son fils, à la douleur qu'il lui exprimait ouvertement alors qu'elle cachait la sienne depuis si longtemps, incapable de lui dire non même pour la chose qu'elle désirait le plus. le sentiment d'amertume fut grand, contre elle et son fils. Encore une fois elle se montrait faible, volonté faible, facilement malléable, il avait suffit de quelques paroles et du regard désespéré de son fils pour la faire plier.


Mais elle se sentait lasse, elle ne reverrai plus jamais le soleil sur le sable et les vagues scintillantes, et mourrait dans la douleur et l'inutilité, poids total jusqu'à la fin, ce qu'elle avait tenté d'éviter depuis si longtemps.

Elle sentit le soulagement sur son fils, c'était perceptible. Mais Imryu n'était pas soulagée, elle n'était pas bien, elle n'était pas heureuse de la situation. Elle le sentait s'installer contre elle. Malgré tout, elle aimait l'avoir contre elle, quand bien même le mâle ailé venait de la priver de son dernier rêve, sa dernière espérance.

Mais elle fut incapable de répondre aux démonstrations affectives de Zedekiel. Non, maintenant Imryu se sentait juste vide, et il lui faudrait du temps pour guérir de ça, si elle guérissait un jour. Elle fixait le mur de la tanière, sans pouvoir trop bouger par crainte de réveiller son fils qui s'endormait la conscience tranquille.

L'oreille de la louve s'abaissa lentement contre son crâne, elle n'avait pas le droit de faiblir à nouveau, pourtant une larme unique roula lentement sur sa joue. Elle était fatiguée de se donner pour les autres, elle ne demandait pas grand chose, avait elle un jour imposé sa volonté à quelqu'un?

Même Shaïlin allait contre les demandes répétées de sa mère, et ça lui avait couté la vie. Il avait fallu qu'elle raconte les horreurs de sa vie à son fils pour qu'il daigne enfin l'écouter.

Non, Imryu ne l'avait jamais fait sans être prise au sérieux. D'ailleurs, peu étaient ceux à la prendre au sérieux, même ici alors qu'elle avait bâti ces tanières. Etait-ce donc ce qu'on retiendrait d'elle? Elle aura été, jusqu'au bout, une louve qui pliait facilement, même face à son fils. Sa volonté s'était brisée à maintes reprises durant son existence, et ça l'avait toujours fais souffrir.

Pourquoi cela changerait aujourd'hui?