Urielle ne comptait plus les jours depuis que son univers avait volé en éclat.

Elle était resté aveugle plus d'une semaine et n'avait pas assisté aux funérailles de son père à cause de sa cécité. Son pouvoir avait éclaté avec violence, et peut être qu'un jour, il finirait par la rendre aveugle définitivement. Mais urielle n'avait plus le contrôle de sa vie.

Quand elle avait recouvré la vue, elle s'était rendue là où dans les plantes l'odeur de son père disparaissait, là où les plantes l'avaient englouti, et depuis trois mois, la jeune louve y dormait, sans protection contre la nature, passant des nuits balayée par le vent et la pluie.

Elle ne sentait rien de tout ça, Urielle ne sentait que le trou de son coeur.

sa vie était devenue une routine, même sa fille n'illuminait plus ses jours. Elle se levait le matin, se lavait dans les bassins des cascades, et allait au camps pour sa journée de travail. Le soir venu, elle redéposait les petits à leur parents aux tanières, et retournait s'enfoncer dans les plantes, presque sourde et imperméable au monde qui continuait de tourner sans elle.

Ce soir là c'est ce qu'elle fit, elle déposa les louveteaux chez leurs parents et pris un petit morceau de viande qu'elle mangea sans grand appétit, il avait un gout de poussière.

Elle s'enfonça dans les plantes pour retourner là où elle dormait chaque nuit depuis plus de trois mois. L'odeur de son père n'y était plus, mais Urielle savait qu'il y avait autre chose, parce que son père était revenu.

Elle l'avait vu, une première fois peu après son départ, d'abord un éclat de fourrure dans la nature, puis petit à petit, elle le voyait en entier. Il ne restait jamais bien longtemps, et comme depuis toujours ils ne se disaient rien. Elle ne le touchait pas non plus, aurait il mal à nouveau si elle l'effleurait? Bercée par l'espérance de le revoir, et l'illusion, Urielle ne prenait même pas le temps de comprendre qu'il n'avait pas d'odeur.

Mais cela faisait une semaine qu'elle ne l'avait pas revu. Ses visites la rendaient heureuse, et lui donnait la raison pour rester dormir dans les plantes, à la belle étoile. Mais quand il partait, le départ n'en était que plus rude.

Elle se roula en boule dans le creux de terre que son corps avait formé, quand elle le vit à nouveau.

Elle se redressa d'un bon , ses lucioles apparurent et dansèrent joyeusement tandis qu'elle jappa en trottant vers lui, le sourire béat et les yeux hagard. papa était là, droit et fier devant elle, un sourire tendre et sincère sur le visage. Il ne bougeait pas, l'attendant comme à chaque fois, sa fourrure dense flottant au vent.
Plus elle se rapprochait de lui, plus le trot d'urielle était rapide, mais alors qu'elle allait presque être à ses côtés, elle sentit une liane lui gifler le visage, puis une autre et encore une autre, finissant par laisser un mince trait de feu sous son oeil gauche.

elle n'en démordait pas, Urielle continua d'avancer, secouant la tête pour fuir les lianes qui tentaient de l'empêcher de rejoindre son père. Ce fut sans compter sur une racine, Urielle trébucha, mordant la boue.

Lorsqu'elle se redressa, la truffe ensanglantée, Papa n'était plus là.

Les lucioles d'Urielle disparurent toutes d'un coup, comme si on avait éteint un feu. Elle s'essuya la truffe d'une patte, reniflant. Lentement, elle retourna se rouler en boule au beau milieu des plantes, de nouveau seule, pour s'endormir d'un sommeil sans rêve.

Ellana était épuisée par ce ressenti. Depuis quatre mois à présent, elle sentait chaque soir ce sentiment si puissant qui la forçait à quitter sa tanière. C'était comme une force, un aimant auquel son corps répondait. Urielle, l'amie de ses frères, avait perdu son père et depuis, Ellana ressentait son deuil de manière violente.

Ellana aussi était en deuil, son propre père était mort quelques jours après Gaor. Mais elle avait pris les devants, et aujourd'hui elle avait un fabuleux fils.

Depuis la naissance de Galahad, Ellana se faisait violence pour ne plus répondre à cet appel profond du deuil d'Urielle. La présence de son fils contre elle, si petit et vulnérable, permettait à la jeune mère de canaliser cette force et de la mettre de côté. Avant cela, la Gothic arrivait à se contrôler un jour, deux peut être, avant de faillir à nouveau et de retourner dans les plantes, guidée comme un spectre.

Cette fois-ci, grâce à Gal, Elly avait tenu une semaine, mais ce soir, elle sentit avec une force nouvelle le deuil de la louve caverne tandis que cette dernière passait proche de la tanière d'Ellana. La Gothic gémit, ne pouvait elle pas passer à autre chose, trouver des gens à qui se confier plutôt que de s'isoler comme ça? Elle planta ses griffes dans le sol, mais rapidement son pouvoir devint trop fort, et Ellana n'eut d'autre choix que de se lever. Elle avait appris à contrôler son pouvoir, à controler ses illusions, mais toujours pour le perfectionner, jamais pour le restreindre. Elle n'avait jamais été contrôlée par lui à ce point.

Elle suivit, comme à moitié assomée, la jeune caverne dans les plantes. Cette dernière ne la remarquait jamais, les réflexes d'assassin d'Ellana la rendaient discrète. Quand la vision se fit claire, l'assassin laissa éclater son pouvoir, et Gaor apparut devant Urielle.

Comme à chaque fois, Urielle le vit, et tomba dans le panneau. Poussée par son pouvoir, Ellana continua son illusion, incapable d'interpeler la caverne pour lui dire que tout était faux, que son père était mort et qu'il ne reviendrait pas, incapable de partir en courant et d'emmener son illusion avec elle, incapable de couper court à son pouvoir et de cesser ce cirque.

Ellana était fatiguée par tout ça, par ces illusions, par ce pouvoir qui la manipulait.

Elle se faisait violence, elle voulait arrêter ça, ses illusions faisaient du mal à une louve qui n'avait rien demandé. Ellana sentait la puissance du deuil s'éteindre quand son illusion était là, puis elle disparaissait et le sentiment revenait, toujours. Comme si les plantes entendaient ses prières, Urielle se fit gifler par des lianes, et fini par trébucher à cause d'une racine tandis qu'elle se ruait vers ce qu'elle pensait être son père.

Une liane asséna un grand coup sur la mâchoire d'Ellana et elle réussi à décrocher à son tour. Son illusion disparut enfin et Ellana chancela. Elle vit Urielle se décomposer à nouveau, sans un mot l'assassin se retourna, et s'en retourna dans sa tanière, auprès de son nouveau né endormi sur les paillasses moelleuses. Elle s'endormit tout de suite, laissant Urielle seule dans les plantes, fatiguée de son pouvoir, et se demandant avec angoisse quand est-ce qu'il la posséderai à nouveau.