Lagherta

Guerrière — Source

Le 5 octobre 271 — Les plantes mouvantes

J'ai l'impression que c'était hier...

Lagherta ne parvenait pas à évacuer sa rage et sa tristesse. Une grosse dispute avait suivi la révélation de son compagnon. Pas parce qu'Horik était attiré par les mâles, loin de là, cela était bien égal à la guerrière. Non, elle avait vu rouge lorsque son compagnon avait avoué qu'il avait dit à leur fils qu'il n'était pas normal, et que c'était grave. La guerrière avait vu rouge, très rouge ce moment-là. Et si la meute ne savait pas exactement de quoi il retournait, tout le monde savait que Lagherta et Keiss avaient eu une énorme dispute en point d'en venir aux crocs. Enfin, surtout Lagherta, car Keiss n'avait pas riposté, incapable de faire du mal à sa compagne. C'est d'ailleurs ce qui avait fini par calmer la guerrière qui était partie sans un mot à la recherche de leur fils pour tenter de réparer les conneries de son compagnon.

Elle avait retrouvé son fils et lui avait longuement parlé, lui expliquant que son père était de la vieille école et que les choses avaient évoluée. Qu'il n'avait pas une tare et que la meute et sa famille ne le rejetterait pas pour l'unique raison qu'il était attiré par les mâles plutôt que par les femelles. Ce n'était pas grave, loin de là. Enfin, les loups et louves attirés par le même genre n'étaient plus exilés ou banni par la meute. Malgré ses paroles rassurantes et les sourires rassurants, elle avait clairement senti que les paroles de Keiss avaient atteint leur fils bien plus profond que les siennes. La guerrière reparti, déçue que son fils ne puisse pas oublier les paroles de son père.

Cela se ressenti au sein de la tanière familiale. Les deux jeunes avaient quitter la tanière, Horik le premier depuis quelques mois déjà. Au début, Céleste était restée dans la tanière parentale, mais passait la moitié de ses nuits chez son frère, puis doucement mais sûrement, elle avait pris sa propre tanière également. Le couple était donc à nouveau seul. Lagherta ne parvenait pas à pardonner à son compagnon que son fils, une nouvelle fois, se sente exclu et anormal. Pendant un mois ils avaient partager la même tanière sans s'adresser la parole. Enfin, Keiss avait tenté le dialogue, plusieurs fois, mais sa compagne ne parvenait pas à lui pardonner, à oublier ce qu'il avait dit à leur fils, et s'en allait marcher pour revenir bien plus tard... Après un mois de silence, elle avait accepter de lui parler de nouveau, mais jamais de choses sérieuses. Plus de 6 mois après, ils étaient plus des colocataires de tanière qu'un réel couple... Leurs enfants, sentinelles tous deux, n'étaient pas au courant de la situation.

Mais malgré la colère qu'elle ressentait, son amour commençait à lui manquer, et même beaucoup... Mais pouvait-elle vraiment lui pardonner ce qu'il avait fait à leur fils ? Elle ne savait plus vraiment quoi faire... Elle marchait dans les plantes mouvantes quand elle sentit une odeur plus que familière. Elle décida de la suivre, voir son père lui ferait probablement le plus grand bien. Elle ne mit par longtemps à le trouver dans les plantes mouvantes. Il ne s'éloignait plus vraiment du camp, depuis qu'il avait perdu sa queue et sa patte. De plus, l'âge commençait sérieusement à e faire sentir. Il avait l'air d'un vieux loup depuis déjà pas mal d'années, à cause de ses blessures de guerre, mais cette fois, c'était vraiment l'âge qui se faisait sentir... Elle s'approcha de lui et frotta sa tête contre la sienne en un geste d'affection. Puis, elle s'installa près de lui.

Le silence demeura un moment, rien que la présence de son père lui faisait déjà du bien. Après un moment d'un silence agréable, la guerrière ressentit tout de même le besoin de parler. Elle savait que son père ne parlait plus vraiment, ou se contentait d'un ou deux mots si vraiment, mais elle voulait juste parler. Peut-être que rien que le fait de parler lui permettrait de faire un pas vers son compagnon pour renouer leur lien ?



Le regard de la louve était empli à la fois de colère et d'une tristesse infinie.

Lagherta

Guerrière — Source

Le vieux Caverne écouta sa fille, patiemment, comme il savait le faire. Il la laissa parlé, déballer tout ce qu'elle avait sur le coeur. Le fait d'apprendre qu'Horik était attiré par les mâles ne sembla pas perturber plus que ça le grand-père du jeune mâle. Mais il fronça les sourcils quand elle lui parla de la réaction de Keiss, mais il laissa la guerrière continuer. Puis, quand elle lui demanda conseil, il prit un temps avant de répondre. Elle savait qu'elle n'aurait pas droit à un grand monologue, mais plutôt un mot ou deux. Il ne lui dit qu'un mot, le mot "temps". Voulait-il dire par-là que le temps finirait par donner le pardon de Lagherta à son compagnon ? Ou que le temps ferait oublier sa douleur à la guerrière et que l'amour redeviendrait plus fort que sa rancoeur. Peut-être tout ça à la fois... ?



La jeune louve s'approcha de son père et lui lécha tendrement la joue.



La louve voyait bien que le temps avait fait son oeuvre sur son père. Sa fourrure était devenue terne, sa face était marquée de blanc sur presque tout son ensemble. Elle voyait également qu'il avait de plus en plus de mal à se déplacer. Elle savait que l'inévitable approchait, mais cela lui faisait mal, rien que de penser à une vie dont il ne ferait plus parti... Elle savait que c'était dans l'ordre des choses, que la mort faisait parti de la vie. Mais savoir que son père pourrait bientôt s'éteindre lui fendait le coeur. Elle pensa ensuite à ses propres enfants, qui perdrait leur grand-père. Horik surtout était très proche de Gaor, de par leur pattes manquantes en commun, le Caverne avait beaucoup aidé le louveteau à s'adapter à ce handicap. Elle pensa ensuite également à ses frères et soeurs, Gladys, Urielle, Balder et Laïda. Cette dernière était partie, avait quitter la meute... La louve ne saurait donc pas quand son père se serait éteint... Et puis il y avait les autres enfants que Gaor avait adopté, comme elle... Le Caverne avait finalement beaucoup d'enfants, même si tous n'étaient pas légitimes... Il les avait tous aimé comme ses propres enfants. Même si une certaine période, Lagherta avait manqué de l'attention et de l'amour de son père, elle avait finalement compris qu'il avait juste fait en sorte de la rendre plus forte. Même s'il s'étati ravisé par la suite, elle était la louve d'aujourd'hui grâce à lui, pour l'essentiel... Elle lui devait tout, jusqu'à la vie. Sans lui, elle serait morte dans cette forêt, si jeune... Il l'avait sauvée, puis l'avait soignée et élevée comme sa fille. Il lui avait montrer que la vie n'était pas que souffrance, qu'elle avait le droit de connaître autre chose, le bonheur. Et elle l'avait trouvé, malgré la dispute récente avec son compagnon, elle était heureuse. Elle avait trouvé l'amour de sa vie, elle avait fondé une famille et ses deux louveteaux étaient devenus des loups magnifiques, dont elle était fière.

Lagherta

Guerrière — Source

Le retraité sembla surpris que sa fille accepte si vite la voix de la raison. Mais elle y avait déjà songé, simplement, elle n'y croyait pas vraiment. Mais son père avait de l'expérience et elle savait qu'elle pouvait avoir confiance en lui et son expérience.

Lorsqu'elle demanda comment il allait, il haussa les épaules. Lagherta savait, comme tout le monde, qu'il avait des douleurs chroniques, de plus en plus importantes. Malgré tout, il n'en montrait pas trop et vivait sa retraite tranquillement. Bien sur, il était limité dans ses déplacements, uniquement aux abords du campement. Mais la louve savait que la vie n'avait pas épargné son père et que malgré sa force et sa volonté de vivre, il prenait de l'âge et son état physique ne ferait qu'écourter le temps qui lui restait.



A l'époque où elle n'était encore qu'un louveteau blessé, en cours de cicatrisation, il l'emmenait souvent se baigner dans l'eau, puis ils se laissaient tranquillement sècher au soleil en profitant d'une bonne sieste. La complicité qu'ils avaient à ce moment-là lui manquait souvent. En ce temps, ils n'étaient que les deux. La guerre n'avait pas encore commencé, le seul vrai soucis qu'ils avaient, c'était la lente guérison de la petite recueillie par le Caverne.

L'idéal aurait été de pouvoir se rendre au camp de l'ancien clan de l'eau, mais cette terre était désormais libre et le voyage serait trop long pour son père. Mais si au moins ils parvenaient à se trouver un petit coin d'herbe au soleil, ce serait déjà une belle opportunité de complicité, si bien sur il en avait encore la force, elle ne voulait pas non plus le fatiguer plus que nécessaire.