Utilisation d'une apparition divine dans le rp

-Kaleea-

Kaleea ne savait pas exactement combien de temps s'était écoulé depuis la mort de sa mère et de son frère. Elle avait vite perdu le compte, après s'être perdue elle-même. Il n'y avait plus de lumière, plus rien d'autre que l'obscurité. Elle s'était demandée mille fois pourquoi, même après être allé voir la statue d'Eléonore qui était restée si silencieuse. Mais elle n'avait trouvé aucune réponse, rien, pas une piste. Elle pouvait voir les autres autour d'elle s'agiter, ses cousins et cousines s'inquiéter, son frère vaquer à ses stupides occupations. Futiles occupations. Comment pouvait-elle avancer alors que même son corps refusait de bouger ?

Cependant un jour, la réponse lui était parvenue. Ou plutôt, une des réponses, une piste, une lueur. C'était il y a quelques mois à présent, son père l'avait ramenée à la tanière des médecins. Elle avait failli s'endormir, si son corps l'avait autorisé, mais la venue de Kelekt l'avait gardée éveillée. Évidemment que la juge blanche était venue. Cela semblait presque évident une fois qu'on l'avait compris, mais à l'époque Kaleea ne faisait que commencer à entre voir la vérité. Elle était entrée, et ils avaient parlé. Elle s'était excusée. Elle avait offert son aide pour l'éduquer. Et son père l'avait acceptée, évidemment. Alors tout s'était mis en place dans son esprit, une révélation si forte qu'elle avait bien failli se réveiller et se jeter immédiatement sur Kelekt. L'accident de Deenos, son enfermement à cause de Kelekt et Idryss, tout cela pour probablement éloigner ses deux parents. Puis, comme cela n'avait pas suffit, l'accident. Le tremblement de terre, que seul un pouvoir puissant aurait pu provoquer … Ou un dragon. Les deux étaient peu probables, mais tellement logiques, que Kaleea n'eut aucun mal à le croire. D'ailleurs, elle s'en doutait un peu depuis longtemps. Le retour de Kelekt, directement après le décès de Triss, pour venir en aide au pauvre père endeuillé fut la confirmation dont la jeune louve avait besoin : Kelekt avait tué sa mère pour prendre sa place.

La jeune louve avait mit quelques jour avant de pouvoir bouger de nouveau. Les médecins l'avait prévenue, son pouvoir utilisé dans une telle démesure lui avait brûlé les pattes avant au point d'en laisser des cicatrices. De plus, son état de faiblesse générale n'aidait pas sa cicatrisation. Mais elle avait recommencé à manger, doucement. Elle était ensuite rentrée dans la tanière familiale, habiter avec son père et ses deux frères et sœurs qui étaient bel et bien les seuls qui pouvaient comprendre sa douleur. Et petit à petit, elle avait commencé à planifier sa revanche. Avoir un but lui redonnait la force de se lever le matin, pour manger, ainsi qu'aller chercher des informations. Certains jours étaient tout simplement trop difficiles pour la jeune louve, qui restait prostrée du matin au soir dans sa tanière. Mais lorsque son corps l'autorisait à bouger, elle sortait, les yeux rivés sur son unique but : la vengeance.

Assez vite, les allers retours de Kelekt furent renseignés. Kaleea connaissait déjà les horaires de prières obligatoires, ainsi que les horaires des cours, aussi elle n'eut qu'à compléter ses informations par quelques observations et quelques voyages au palais. Elle qui était une ancienne apprentie juge, elle y était retournée prier quelques fois dans l'unique but d'apercevoir Kelekt, ses aller venues, ses habitudes. Bien sûr, la prêtresse en chef l'avait accueilli, espérant un véritable retour. Mais Kaleea avait vite abandonné. Elle ne voulait plus rien à faire avec Eleonore, plus jamais.

Ensuite, elle eut besoin de savoir comment elle allait procéder. Son plan était assez simple, même basique, en partie parce que son esprit épuisé n'était pas capable de grand-chose, et en partie parce qu'elle s'en fichait de se faire prendre. A quoi bon après tout, elle ne vivait plus que pour sa vengeance. Elle avait mit au moins une semaine à concentrer le courage pour se lever, et retourner là ou sa mère l'avait emmenée, il y a ce qui lui semblait des années. Les fleurs étaient toujours là, formant par endroit des parterres entiers, avec l'été qui approchait. Elle avait retrouvé ces petite fleurs rouges, celles qui lui avait donné le goût de la botanique, et qu'elle avait porté dans ses cheveux pendant si longtemps. Celle qui derrière leur innocence, pouvait tuer un loup. Une fois cela fait, elle alla les faire sécher dans un endroit qu'elle seule connaissait. Puis, elle avait préparé un plan B, réunit quelques autres plantes, et organisé les derniers préparatifs. Et enfin après tout ça, elle pu le dire franchement : elle était prête.

La journée promettait d'être belle, le soleil qui pointait à l'horizon réchauffait déjà le sol des forêts encore relativement fraîches la nuit. Kaleea se leva à l'heure, et alla chercher une proie sur le tas commun. Elle y cacha au cœur les fleurs qu'elle avait recueillies, faisant en sorte qu'elles ne puissent pas tomber. Puis, elle se dirigea vers le palais lumineux. Selon ses observations, le cours du matin avait déjà bien commencé. C'était un des moments les plus calmes, et Kelekt en profitait souvent pour prier, parfois seule, parfois avec d'autres. Kaleea était patiente, quand elle le voulait. Elle pourrait repasser demain. Par chance, lorsqu'elle jeta un œil dans la salle des prières, Kelekt était seule. Elle entra en silence, ignorant la statue qui la jaugeait d'un air mauvais, puis posa la proie devant elle, la tête baissée. La juge blanche l'avait probablement remarquée, aussi elle dit d'une voix faible, contrastant tout de même avec le silence de la salle :

Kelekt désolée de vous déranger je …

Elle baissa le museau, les yeux posés sur la pauvre proie à ses pattes. Lui apporter seulement cela ferait une piètre excuse, mais Kaleea était une bonne menteuse. Cependant, elle était nerveuse, et son corps n'était pas remis de ces longues semaines en sous-alimentation, loin de là. Elle se mit à trembler légèrement.

Je voulais m'excuser. Pour ces dernières semaines. Ou mois même.

Elle poussa légèrement de la patte l'offrande, en prenant garde de ne pas la toucher de ses griffes. Faire une erreur maintenant serait critique. Son coeur battait lentement dans sa poitrine, comme si elle se préparait à un combat. Elle respirait profondément, non pas mue par la colère, mais par la froideur de la vengeance. Elle releva les yeux, s'expliquant.

J'étais en colère contre vous, et contre les Dieux. J'ai renié Eleonore et ai refusé d'assister aux cours alors que vous aviez proposé de m'aider. Mais je suis prête à reprendre le droit chemin à présent; si vous m'acceptez toujours.

Elle coucha les oreilles, lui offrant un timide sourire. Elle n'eut pas à feindre sa fatigue, heureusement, mais l'adrénaline qui courrait dans ses veines rendait sa voix audiblement tendue.

-Kaleea-

La louve en face s'était retournée, et l'avait écoutée attentivement, ne perdant pas son air relativement sévère. Mais l'esprit de Kaleea bourdonnait, et ses pensées étaient empêtrées dans un brouillard noir, l'empêchant d'analyser la situation. La blanche s'approcha. Allait-elle prendre la proie ? Kaleea avait pensé que le message serait clair, c'était un cadeau de paix, qui signait la fin de son ressentiment. Cependant, la juge répondit :

« Je ne suis pas du genre à prendre des cadeaux. Mais bon, tu l’ignorais peut-être. Tu viens t’excuser et ce serait déplacé de t’en blâmer. On évite de manger dans la salle du tribunal cependant. Allons apprécier ceci dehors. »

Le cœur de Kaleea rata un battement. Alors qu'elle ouvrait la gueule pour répondre, la blanche prit la proie dans sa gueule, proie qui se détacha en deux, laissant apparaître son contenu mortel. Un long frisson couru le long de la colonne de Kaleea qui n'en croyait pas ses yeux. Rien n'allait comme elle l'avait prévu, rien, rien, et non seulement elle allait finir au cachot pour le restant de sa vie, mais en plus Kelekt serait toujours sur cette terre alors que sa mère ... Le silence tomba, pensant, mais Kaleea ne l'entendait pas. Elle fit un petit pas en arrière, ses tremblements s'accentuant et le bourdonnement de sa tête devenant si fort qu'elle ne pouvait pas penser. Elle n'entendit presque pas Kelekt lui répondre :

« Je sais ce que sont ces plantes, Kaleea… Pourquoi essaies-tu de me tuer ? »

Une sensation étrange parcourut la jeune louve, elle qui avait préparé ce moment depuis des mois. Elle ne pouvait pas échouer maintenant. Une force comme nouvelle, une énergie du désespoir naquit dans son ventre, de celle qui empêche les guerriers de s’effondrer même après un combat mortel. Elle releva son regard, ne cherchant plus à cacher ses émotions. Il fallait qu'elle finisse ce qu'elle avait commencé, elle ne pouvait pas ... Elle ne pouvait pas abandonner maintenant, sa vengeance était tout ce qui lui restait. Elle croisa les yeux vif de la juge, et la rage qu'elle connaissait maintenant bien ressurgit. Il fallait qu'elle fasse quelque chose.

Sans crier gare, elle bondit, balançant sa patte encore marquée de brulures sur l'épaule de la juge. Elle avait prit soin avant de partir d'enduire ses griffes d'un poison qu'elle avait recueilli seule il y a quelques temps, au cas ou justement ses desseins étaient découverts. Elle ne pouvait plus se permettre de perdre à présent. Mais Kelekt, sur ses gardes, évita la patte de Kaleea qui attérit de nouveau sur le sol. Animée d'une rage et d'une détermination froide, Kaleea ne laissa pas de répit à Kelekt, et bondit de nouveau, forçant la blanche à reculer encore pour l'éviter. Un grondement sourd monta de sa poitrine : elle n'arrivait pas à la toucher, même pas une fois ! La jeune cendrée continuait ses attaques, mais son corps était de plus en plus faible, loin d'être habitué à l'effort qu'elle lui demandait. Et soudain, elle fut frappée par une réalisation : elle allait échouer.

-Kaleea-

La jeune louve s’essoufflait vite, et chaque attaque était plus faible que la précédente. Bientôt, elle s'arrêta, à bout de souffle, haletante, mais la flamme dans ses yeux ne s'était pas éteinte. Les deux louves étaient au centre de la salle à présent, et ce fut Kelekt qui brisa le silence :


Kaleea sentit son échine se relever. Elle mentait, comme elle respirait. La jeune louve gronda, entre deux halètements pour reprendre sa respiration : Menteuse. Kelekt fit un pas en arrière, se plaçant au centre de la pièce. Kaleea n'avait jamais eu la chance d'assister à un jugement, mais elle savait que l'accusé se plaçait exactement ici, au centre de la pièce. A quoi jouait Kelekt ? Le grondement dans sa gorge s'intensifia, et elle maudit ses pattes de trembler autant et de ne plus pouvoir bouger.

« Je jure de dire la vérité, rien que la vérité. Qu’Éléonore soit témoin de ma sincérité. »

Kaleea sentit le bourdonnement dans ses oreilles revenir alors que la rage la submergeait. Elle hurla à l'encontre de Kelekt :

"Menteuse ! Menteuse ! Tu l'as tuée, pour prendre sa place ! C'est de ta faute !"

Et alors seulement elle réalisa qu'à sa gauche, la statue s'était animée. Presque fumante de rage, de la salive sur les babines, la jeune louve se tut néanmoins, captivée par la vision qui s'offrait à elle. A vrai dire, elle avait entendu parler des Dieux qui étaient descendus sur la terre à la fin de la bataille des éléments, pour le retour des pouvoirs. Mais le voir en vrai était autre chose. La statue qui l'avait tant regardé de son air accusateur devenait moins matérielle, et bientôt se trouvait à la place une version éthérée, fantomatique d'Eleonore. Cette dernière jeta sa balance, faisant tressaillir Kaleea, puis prit la parole d'une voix autoritaire :

Puis, elle dirigea son regard caché d'un bandeau vers Kaleea. Cette dernière recouvrit les crocs, les yeux écarquillés, la peur remplaçant sa colère. Après tout, sa rage ne pouvait strictement rien face à un Dieu. Son esprit était à présent embrumé par des pensées violentes et parasites, la rendant incapable de penser. Non, Eleonore ne pouvait pas la tuer, pas ici, pas maintenant ! C'était Kelekt qui l'avait mérité, elle en était sûre. Peut-être qu'elle s'était matérialisée justement pour rendre justice elle-même ? La jeune louve se redressa, les yeux toujours nuancés d'une lueur de folie. Oui, ça devait être ça !


Le monde autour de Kaleea sembla se mettre à tourner, et le bourdonnement sourd reprit, plus fort, dans ses oreilles. Elle ... Avait eu tord ? Malgré tout ce qu'elle pouvait penser, elle était forcée de prendre les paroles d'Eleonore pour la vérité. Mais alors ... La jeune louve sentit son cœur plonger au bas de sa poitrine, battant si fort qu'il semblait être capable d'en sortir en en emportant les tripes. Elle se revit, passant les derniers mois à préparer sa revanche avec tant d'attention, tant de joie presque, convaincue de quelque chose de faux. Elle n'entendit pas la suite des paroles d'Eleonore, du moins pas réellement, son corps entier luttant pour la maintenir debout, et son esprit déjà noyé sous le flot de ses pensées.

Puis, aussi vite qu'elle était apparue, la déesse disparut, ne laissant que sa statue et un silence pensant derrière elle. Kaleea fixa un instant l'endroit ou se trouvait la déesse une seconde plus tôt. Elle ne l'avait pas aidée. Pourquoi l'aurait-elle fait ? Kaleea baissa le museau, sentant l'obscurité reprendre ses droits sur son corps, elle qui avait tout fait pour la garder loin d'elle. Elle avait fait une erreur qui avait failli couter la vie à quelqu'un d'autre. Que dirait sa mère, en la voyant d'en haut, ou son frère ? La louve sentit les larmes lui monter aux yeux, et elle découvrit ses crocs sous la douleur qui pulsait dans son cœur et son ventre. Elle méritait la mort.

Alors, elle s'assit, puis se coucha, ses pattes incapables de la soutenir plus longtemps. Le regard toujours rivé sur le sol, elle luttait contre les pensées sombres qui l'envahissait, qui lui susurraient à l'oreille qu'elle ne valait rien, qu'elle méritait la mort pour son erreur, qu'Eleonore ne l'avait laissée en vie que pour s'amuser à la regarder souffrir. Elle était purement incapable de lever le regard vers Kelekt, de voir cette louve qu'elle avait tant haït pour rien. L'idée d'ingérer elle-même le poison qu'elle avait sur les griffes la traversa, et resta dans son crâne, comme une solution. Elle pourrait enfin se reposer, et arrêter de faire souffrir ceux qui l'entourait. Arrêter de faire du mal à son père, sa soeur, ses oncles et tantes, ses cousins et cousines. Les larmes dont ses yeux étaient gorgés coulèrent enfin sur ses joues noires, et elle serra les dents, les yeux fixés sur le bout de ses pattes, résistant à l'aide d'une force instinctive à cette pulsion de mort. Elle ne voulait pas mourir, et elle le voulait. Surtout, elle le méritait.

-Kaleea-

Alors que la jeune louve bataillait toujours avec elle-même, elle sentit un souffle devant elle, et les pattes de Kelekt se poser sur les siennes. Puis en une fraction se seconde, les crocs de cette dernière se poser sur sa nuque. Un frisson froid la parcourut, et elle sursauta violemment, comme essayant de se dégager par réflexe de survie. Cependant, l'éclair de force qui l'avait traversée s'éteint bien vite, et elle se laissa mollement prendre par la nuque, à la merci de celle qu'elle avait voulu tuer. Après tout, c'était une fin digne de son parcours. Elle ferma les yeux, mais au lieu de la douleur attendue vint seulement des mots, étouffés par les poils :

« Kaleea, écoute. Ton père a besoin de toi en vie. Il a déjà perdu sa compagne et un de ses petits. Il ne survivra peut-être pas à une perte de plus. Si tu ne parviens pas à surmonter cette épreuve seule ou à ses côtés, alors laisse-moi t’aider. Tu veux reprendre une vie normale ? Je suis prête à t’y aider. Mais il faut que tu l’acceptes. Même si je ne suis pas coupable de ton malheur, j’estime avoir une part de responsabilité. Je me dois d’aider ton père et toi si vous en avez besoin. Tuer ou mourir ne changera rien à la situation. Ça ne fera que la rendre encore pire pour les autres. »

La louve cendrée serra les crocs si fort qu'elle sentit sa mâchoire s'engourdir. Kelekt voulait l'aider ? Mais pourquoi ? Elle venait d'être lavée de toute accusation, pourquoi se sentait-elle coupable ? Et surtout, pourquoi vouloir l'aider, elle ? Kaleea comprit alors que la prise sur son cou n'avait pour but que de l'empêcher d'utiliser le poison de ses griffes, sur Kelekt ou sur elle. Elle ferma les yeux une nouvelle fois, les serrant jusqu'à voir des points blancs apparaitre. Il n'y avait pas d'issue à ce problème, elle se sentait acculée, comme une bête sauvage épuisée par une nuit de traque qu'on coince dos au mur. Elle répondit, d'une voix cassée :

"Je le sais, je le sais tout ça ..."

Sa voix devint alors plus forte, plus brisée, laissant transparaître la détresse qui la parcourait :

"Mais comment je peux continuer ? Comment je peux accepter que tu m'aides alors que j'en vaut pas la peine ?"

Elle laissa sa tête tomber, uniquement supportée par les crocs de Kelekt. En ce moment, elle aurait presque préféré que la louve blanche serre sa mâchoire, pour laver la culpabilité qui la rongeait et enfin lui donner le repos. Mais la blanche était trop ... Elle voulait l'aider. La jeune louve se mit à sangloter. Elle était une incapable, incapable de se lever, incapable de faire les bons choix. Elle était un poids pour le clan, un poids pour sa famille et même pour les Dieux. Alors pourquoi est-ce que tout le monde s'évertuait à vouloir la garder en vie ?

"J'ai essayé de te tuer Kelekt, pourquoi tu veux m'aider ?"

-Kaleea-

La jeune louve sanglotait toujours, le cœur serré par la peine et la culpabilité. Comme si toute la force qui l'avait tenue debout ces derniers mois s'était envolée, ne la laissant que plus vide encore qu'avant. Mais la voix de Kelekt perça à travers le brouillard dans lequel elle était :

« Quand Deenos s’est transformé, j’ai pris tout ça sur moi, me tenant pour unique responsable. Quand il est sorti, j’ai attendu longtemps avant d’oser lui adresser la parole. Il m’a pardonné malgré le mal que je lui avais fait directement ou non. Je pensais ne pas mériter son pardon. Je ne savais plus quoi faire, où aller. Alors j’ai décidé de vivre pour aider Deenos. J’ai décidé de le soutenir dans la mesure de ce qui m’était permis, quitte à me mettre en danger moi-même. Je l’aime… Tu le sais. Mais je tiens avant tout à son bonheur. »

Kaleea serra les crocs. Entendre la blanche dire qu'elle aimait son père lui faisait encore mal, si mal. C'était sa mère qui aurait du être ici pour l'aimer, pas Kelekt. Mais elle n'était pas là, et ne reviendrait jamais. La louve aux cheveux blancs senti les crocs de Kelekt la lâcher, et elle fit un effort immense pour garder sa tête droite, les yeux rivés sur le sol. Puis, elle sentit une patte relever son museau, et l'obliger à regarder le visage de celle qu'elle avait tenté de tuer. Dans ses yeux bleus transparaissait la sincérité et la douleur

« Je te pardonne, comme Deenos l’a fait pour moi. Tu es égarée, en colère et peinée, tout comme je l’ai été ce jour-là face à ton père. Un écart tacite se maintient entre Deenos et moi. Cependant je n’ai pas de raison de me tenir à distance de toi, Kaleea. Tu en vaut la peine car… Tous ceux qui souffrent méritent d’être aidés… »

La jeune louve secoua la tête. Elle avait du mal à comprendre la louve en face d'elle, mais elle faisait un pas vers elle et en un sens, elle en avait désespérément besoin. Elle se sentait perdue, et ne savait plus quoi faire à présent. Sa vie s'était arrêtée le jour ou sa mère et son frère était partis, et elle ne savait pas comment la faire repartir. La seule chose qu'elle savait à présent, c'est qu'il lui restait tout juste assez d'énergie pour ne pas les rejoindre, sans vraiment qu'elle sache pourquoi. Soudain, un contact la fit sursauter : Kelekt venait de poser sa truffe sur la sienne. Elle releva les yeux pour de nouveau regarder la juge, bien plus lupine que la déesse qui était apparue il y a quelques minutes :

« Je ne remplacerai jamais ta mère. Mais laisse-moi au moins t’aider à sortir de cette mauvaise passe. »

Kelekt recula, laissant la jeune louve avec une sensation presque chaleureuse dans la poitrine. Cependant, son corps rejeta presque instinctivement le pas que Kelekt venait de faire en sa direction. C'était ... C'était mal. Tout cela était mal, elle méritait d'être punie, pas aidée. Elle secoua la tête, reniflant alors que ses sanglots s'étaient calmés. Puis, sentant ses pattes un peu plus fortes, elle se releva, et réussi à tenir debout. Elle détourna son regard douloureux et amer de la juge blanche :

"Je ... Je ne peux pas. Ce n'est pas à toi de m'aider."

La gorge serrée, elle sentit la tristesse revenir dans son ventre. Elle aurait tant aimée être pardonnée, que tout aille mieux, que Kelekt lui dise ou aller, quoi faire pour aller mieux. Mais elle ne le pouvait pas. Elle avait suivi beaucoup trop de cours de juges pour savoir qu'une tentative d'assassinat ne pouvait être lavée d'un coup. Elle fit un pas, se détournant de la juge, puis un autre vers la sortie. Son corps résistait, mais elle savait qu'il le fallait.

-Kaleea-

Alors que la jeune louve marchait toujours d'un pas lent et haché vers la sortie, Kelekt la rejoint d'un bond, se plaçant devant elle pour lui barrer la route. Kaleea coucha les oreilles, mais était trop épuisée pour se battre, ou même pour être en colère de nouveau. Son regard fuyait celui de la blanche, qui l'invectiva d'une voix calme mais ferme :

« Tu penses pouvoir faire ça toute seule ? Avec ton père pour unique soutien ? Je vis avec cette douleur depuis deux ans et toi, qui a si peu vécu et qui est déjà détruite, tu penses mieux savoir comment agir ? Tu peux te montrer entêtée et t’isoler si tu veux. À croire que ça partira tout seul. Mais ça n’arrivera pas. Que feras-tu si ton père ne suffit pas ? »

La poitrine de Kaleea s'envahit d'un sentiment mauvais, de rancœur et d'injustice l'envahir. Elle avait besoin d'être seule pour réfléchir à tout ça, et Kelekt continuait à lui asséner ces pseudos vérités que Kaleea ne pouvait croire. Bien que l'intention était bonne, la louve cendrée refusait de l'accepter. Elle se sentait piégée, autant par les paroles que la posture de la juge, et inconsciemment ses crocs se découvrirent et un grondement léger sortit de sa poitrine. Cependant, la queue basse, elle réfréna son instinct. Elle ne voulait pas ... Elle ne voulait pas faire plus de mal que ça à quiconque. Cependant, elle dirigea de nouveau, une dernière fois peut-être, son regard dans celui bleu électrique de la juge, et lui répondit d'une voix froide :

"Tu n'as aucune idée ... Tu n'as aucune idée de ce que je vis."

Kaleea ferma les yeux et dégluti, réfrénant la colère qui montait en elle. Puis, elle les rouvrit et ajouta d'un ton las, le regard fixé sur le sol, ses cheveux argentés sales entourant lamentablement son visage :

"J'ai besoin de réfléchir seule un moment. Je te souhaite de ... trouver la paix toi aussi."

Une de ses oreilles tiqua. Elle avait dit ça presque par automatisme, mais c'était bel et bien la première fois qu'elle envisageait une paix après la tempête qui avait détruit sa vie. Mais cet éclaircie s'envola bien vide, remplacée par une sensation de vide. Elle espérait que Kelekt la laisse passer à présent, ou elle s'écroulerait sur le sol et y dormirait, peu importe ce qu'en dirait les autres juges.

-Kaleea-

Kaleea ne releva pas le regard, mais du coin de l’œil elle pu voir le visage de la blanche se couvrir fugacement d'un voile douloureux. Cependant, cela ne fit qu'accroitre sa propre noirceur. Elle était habituée à faire du mal à ceux qui l'entourait. Elle était comme les Coeurs d'Ours qu'elle avait voulu utiliser pour assassiner Kelekt, dangereuse, mortelle. La juge fit un pas sur le côté, son regard dérivant vers la proie empoisonnée. Kaleea releva légèrement la tête. Pensait-elle, comme la grise tout à l'heure, à s'empoisonner ? Le sursaut et l'air horrifié de la blanche vinrent le confirmer. Kaleea baissa le regard de nouveau, un air dégouté sur le visage. Fallait-il qu'elle continue à repousser tout ceux qui lui voulait du bien, fallait-il qu'elle les pousse également jusqu'au bord du précipice ? Peut-être qu'alors seulement, une fois le gouffre en face des yeux et l'envie pressante d'y sauter, peut-être qu'alors seulement ils comprendraient sa douleur, et alors elle les accepterait ?

La juge fit demi-tour, sans un mot. Kaleea secoua mollement la tête pour essayer de chasser les pensées qui y résonnaient, sans grand succès. Elle ne savait plus que penser. Etait-elle réellement une tueuse ? Même dans la pire des colère, elle n'aurait jamais pensé essayer de tuer quelqu'un d'autre. Cependant, c'était autre chose. Comme si elle n'avait pas réfléchi, comme si elle n'était plus elle-même. Elle secoua de nouveau la tête, sentant un mal de crâne commencer à lui vriller une des tempes. Peut-être que dans un autre monde, elle en aurait parlé à sa mère, elle aurait cherché son réconfort, des conseils. Peut-être que, dans ce monde onirique, sa mère lui aurait dit que c'était normal, que ça arrivait à certains, ou à tous, et lui aurait dit quoi faire. Mais cemonde n'existait pas. Et sa mère était morte.