-Okazeh-

L'annonce de la mort de Yoru avait été un coup encore plus dur à la famille Génésis et à celle de Deenos. Le sort semblait s'acharner sur eux comme si les Dieux voulaient les punir de quelque chose. Okazeh portait son deuil chaque jour, essayant de ne pas perdre la face la journée, pour parfois s'effondrer le soir lorsqu'elle retrouvait Aslan. Son père était effondré également, et la beta avait peur qu'il ne passe lui aussi de l'autre côté bientôt. Mais la mort du jeune loup, qui avait encore toute sa vie devant lui, était tout simplement horrifiante pour Okazeh. Un suicide, c'était ce qui avait été dit. Elle s'en voulait terriblement de ne pas avoir été là pour lui, pour eux.

Ses propres enfants étaient aussi affectés, mais elle leur faisait confiance. Elle les surveillait, évidemment, mais ils devaient faire leur deuil, comme tous. Les enfants de Triss, et Deenos l'inquiétais bien plus à ce stade là, tous étaient effondrés sauf Drakili, mais le jeune loup avait toujours été à l'ouest. Okazeh se rendait malade de s'inquiétaitpour eux tous, mais heureusement, son mâle avait été là. Ils se supportaient, et seule sa présence rendait la situation supportable pour la louve ailée.

Ce soir là, la louve était rentrée à la tanière et l'avait trouvée vide d'Aslan. Ceci arrivait fréquemment, mais elle ne put s'empêcher d'avoir un peu peur. Elle suivit rapidement la trace du mâle, qui la mena devant les chutes magistrales. La nuit, le lieu était bien plus sombre, mais la lune qui se reflétait dans l'eau rendait les loups irréels et beaux. Elle y trouva Aslan, assit devant l'eau. En quelques pas, elle vint s'asseoir à ses côté, lovant sa tête dans son cou. Elle était devenue beaucoup plus tactile, plus qu'avant même, depuis qu'elle était rentrée. Il lui semblait qu'elle n'appréciait que maintenant la chance d'avoir Aslan à ses côtés. Finalement, après quelques minutes passés comme ça, elle prit la parole :

Aslan ... Tu sais ce que tu m'as dit avant que je parte ...

Elle se tut. Cette idée lui avait trotté dans la tête depuis le début. Les évènements des derniers jours avaient ébranlé toute leur vision du futur, et il lui semblait bien dérisoire de penser à une portée maintenant. Mais Aslan vieillissait, et elle aussi. Les prochaines chaleurs seraient peut-être les dernières pour faire une seconde portée ...Elle ferma les yeux avant de s'expliquer :

Je n'ai pas ... Je ne veux pas empiéter sur le deuil, sur ton deuil. Mais nous vieillissons. Peut-être que bientôt ce projet ne pourra plus se réaliser.

Elle garda ses yeux fermés, bercée par le doux son de l'eau qui remontait vers le lac en haut. Elle ne voulait pas penser à la mort, ni à la sienne, ni à celle d'Aslan. Elle voulait penser à la vie. Elle voulait penser aux vies qu'elle avait donné, et aux vies qu'elle donnerait peut-être encore. Elle aimait à penser que finalement, c'était la seule chose qui restait une fois qu'on partait, et peut-être que sa mère, en voyant ce qu'elle et ses frères étaient devenus, étaient partie en paix.

-Okazeh-

Le mâle sembla se tendre légèrement lorsqu'Okazeh parla, et elle regretta aussitôt d'avoir abordé le sujet. il était trop tôt encore pour penser au futur, il devaient probablement digérer la mort de sa meilleure amie et de son neveu ... mais sa réponse étonna la beta :

La louve resta silencieuse un instant. Oui, il avait 10 ans depuis peu, et oui, il commençait à grisonner. Mais Okazeh avait toujours du mal à le voir vieillir, elle ne réalisait pas combien cette situation le pesait. Pour elle, il était toujours comme au début, fringuant, énergétique, et beau. Mais il souffrait de cette vieillesse qui était apparue aussi subitement. La beta lui répondit en lui léchant l'oreille :

Tu as encore de belles années devant toi, mon loup ... Je ne te laisserai pas arrêter de vivre en attendant la mort.

Elle se blottis de nouveau contre lui, réfléchissant. Avoir de nouveaux petits maintenant c'était en effet prendre le risque de ne pas les voir suffisamment grandir. Ils avaient encore au moins deux ans devant eux, mais l'idée d'abandonner leurs petits à deux ans serra sa gorge de tristesse. Cependant, quoi qu'il arrive, ils ne seraient pas seuls. Leur famille était forte et assez grande. Et ils éduqueraient leurs enfants pour pouvoir se passer d'eux. Okazeh ferma les yeux un instant. Penser à la mort d'Aslan et à sa propre mort, dans la poussière des évènements traumatisants qui venaient de se passer, l'angoissait. Mais d'un autre côté, si les eux pouvaient encore donner la vie, pourquoi pas ? Ils avaient de beaux enfants, équilibrés, bien élevés, de bons membres du clan. Elle reprit, plus hésitante :

Si nous donnons de nouveau la vie, nos petits devront comprendre vite que nous ne serons pas éternellement là pour eux, plus vite que les autres oui. Mais d'ici là, j'ai confiance en les Dieux pour nous donner suffisamment de temps pour en faire des membres respectables et autonomes du clan.

Elle soupira et ferma les yeux. Inconsciemment, elle cherchait peut-être à le convaincre. Elle avait vu à quel point il voulait cette portée, et elle avait envie d'être gestante une deuxième fois, de retrouver le bonheur de donner la vie. Mais elle ne voulait pas l'obliger, le convaincre. Elle termina :

Le choix t'appartiens. Je pense que si nous donnons encore la vie, la relation avec les petits ne sera que plus intense, car plus courte. On ne sait jamais ce que l'avenir nous réserve, nous aurions pu mourir durant la batailles des éléments, mais nous sommes encore là, ensemble.

Elle se tut. Son discours n'avait pas tellement de sens car elle n'y avait pas trop réfléchi. Elle ne faisait que ire ce qu'elle pensait, au fil de sa pensée. Mais à présent, c'était à Aslan de lui dire son avis. Elle s'était déjà faite à l'idée d'avoir de nouveaux petits lors de son escapade en Terres Solitaires, le projet s'était peu à peu affiné pour devenir un réel but.

-Okazeh-

Le mâle quitta enfin sa contemplation de son museau grisonnant pou r tendre son cou vers le ciel. Okazeh le laissa réfléchir, appréciant ce moment juste tous les deux, loin des enfants. Les bruits de la nuit la calmait, mais ses pensées revenaient immanquablement à Triss, Yoru, sa mère. Les trois auraient probablement voulu que le couple de beta ait une autre portée, s'ils le voulaient, mais peut-être que ses enfants et neveux et nièces le prendraient mal, qui sait. Ils étaient encore des enfants, et n'avaient pas connu la guerre, c'était la première fois que la mort frappait pour eux. Aslan la tira de ses pensées :


Okazeh sourit. Elle aussi les avait imaginé, ces petits. Elle avait imaginé Djama, Irina et Aymeric comme grands frères et sœurs, elle avait imaginé sa famille unie et heureuse. Elle voulait laisser une trace d'elle lorsqu'elle partirai. Évidemment, la mort subite de Triss et Yoru l'avait ébranlée. Mais son désir n'avait pas été diminué, seulement mis en dormance. Elle répondit :

J'ai réfléchis à ce que tu m'as dit, en Terre Solitaires. Et moi aussi je la veux, cette deuxième portée. Mes enfants sont la meilleure chose que j'ai apporté à cette terre.

Elle sourit sans pouvoir s'en empêcher. Elle n'était pas une louve à louveteaux, comme on le disait parfois, elle n'aimait pas materner pour le simple plaisir de le faire. Mais elle aimait transmettre ses gênes, et ses valeurs, son amour à des futurs loups adultes en bonne santé, qui seront heureux. Il n'y avait rien qui ne la rendait plus fière que de voir ses trois enfants, même lors de leurs échecs, réussir, progresser, avancer, s'amuser, être heureux ou parfois triste, vivre en somme.

-Okazeh-

Le mâle leva de nouveau le museau vers le ciel étoilé. Il semblait s'être apaisé, au moins un peu. pensait-il au futur ? Ou encore à la perspective de sa propre mort ? Okazeh resta silencieuse. Elle ne se voyait pas quitter ce monde, pas encore du moins. Elle avait encore tant à accomplir ! Et elle espérait qu'Aslan, malgré leur différence d'âge, était du même avis. Le mâle rouge baissa la tête, et mordilla les oreilles d'Okazeh, joueur. Elle sourit, et pouffa lorsqu'elle sentit les chatouilles.


La beta se laissa enlacer, profitant de ce contact. Son coeur battait un peu plus vite, et l'excitation de pouvoir de nouveau être mère chassa un peu les sentiments sombres qui avaient agité son coeur ces derniers temps. Il fallait continuer de vivre.