-Aymeric-

Les chaleurs étaient enfin terminées, et Aymeric avait pu se détendre, après un mois passé sur les nerfs. Il avait vaguement conscience que si les chaleurs l'impactait autant à présent, c'était sûrement car il avait grandi, et qu'il avait des "homones" aussi, mais c'était encore très abstrait pour l'ancien louveteau qu'il était. A vrai dire, les odeurs des femelles ne le chagrinait pas tant, c'était plutôt la rencontre avec Eris qui l'empêchait de dormir la nuit. Il n'avait pas compris. Au moment ou il lui semblait que tout s'éclairait, elle s'était enfuie en pleurant. Elle l'avait ensuite évité, ce qui n'avait pas apaisé Aymeric. Le jeune loup avait décidé d'en parler à son père, car il lui semblait que lui seul pouvait l'aider à comprendre les femelles. Après tout, il avait bien trouvé sa maman, c'est qu'il devait bien y capter quelque chose !

En attendant, Aymeric avait profité de cette belle journée sans odeurs dérangeantes pour rattraper son sommeil à la cascade à l'envers. Le son doux de l'eau l'avait vite fait sombrer dans un sommeil profond. Ce sommeil fu néanmoins court, car une voix perdue dans ses rêves l'appela :


Aymeric sursauta, relevant la tête, avant d'entendre un grand bruit de choc. Encore tout perdu par son sommeil, il balbutia en tentant de se relever

Que ,quoi ,qui ,hein ?

Il se mit debout sans trop de difficulté, étendant ses ailes devant le soleil comme pour impressionner un potentiel assaillant. Il remarqua enfin celui qui l'avait tiré de son sommeil, un loup rouge qu'il ne mit pas beaucoup de temps à reconnaitre. Ses oreilles se dressèrent alors qu'il s'écria :

Eris ?! Ça va ?

Il bondit de son rocher pour se précipiter auprès d'elle. Elle était venu le chercher ? Ou il avait rêvé ? Peut-être était-ce un rêve après tout ? Il replia ses ailes avant d'approcher sa tête avec précaution, ne voulant pas qu'elle le repousse d'un coup de dent. Il se méfiait un peu maintenant, entre elle et sa soeur, il lui semblait que les demonias avaient des réactions bien étranges parfois. En tout cas, maintenant qu'il l'avait trouvé, il fallait qu'il lui parle !

-Aymeric-

Alors qu'il était à ses côté, Eris se releva en riant. Elle ne semblait pas être blessée, ce qui rassura grandement Aymeric. Il sentit son poil se dégonfler, et à présent il était un peu intimidé par la femelle, comme souvent. Elle secoua ses poils avant de s'exclamer :


Elle le regarda dans les yeux, et Aymeric lui rendit son regard, ne sachant soudainement pas trop quoi dire. La dernière fois qu'ils s'étaient vus, ils avaient été plutôt tactiles, bien plus que d'habitude. Aujourd'hui, même si l'odeur d'Eris était redevenue normale, Aymeric sentait toujours dans sa poitrine son envie d'enfouir son museau dans ses poils. Il déglutit, faisant un pas en arrière pour laisser respirer la démonia.


(1) Aymeric fronça les sourcils. Elle .... elle s'excusait ? C'était rare. Si rare, qu'il ne lui semblait pas de souvenir de chasseur qu'elle l'ait déjà fait. Elle était redevenue sérieuse, ce n'était donc pas une blague. Aymeric attendit, aussi perdu par les paroles de la louve rouge que dans la contemplation de son visage noble.


(2) Aymeric coucha les oreilles, et tourna la tête à son tour. A vrai dire, elle l'avait rendu très confus ce soir là, et il ne savait toujours pas ce qu'il ressentait. De la culpabilité, c'était sûr, car il avait du faire quelque chose de mal ... Mais à présent elle s'excusait. Pourtant, elle n'avait pas dit pourquoi elle était partie, en pleurant de surcoit. Aymeric baissa légèrement la tête. C'était probablement de sa faute, ça l'était souvent. Elle avait eu l'air si contente avant. Il s'était repassé la scène de nombreuses fois dans sa tête, mais n'avait pas compris. (3) Il répondit en relevant la tête, d'une voix neutre :

C'est vrai que c'était un peu ... J'ai fait quelque chose de mal ?

Il la regarda, l'air un peu coupable, comme un louveteau. Il avait toujours admiré Eris, il l'avait souvent collé, et même si au début ils se disputaient souvent, ils semblaient bien s'entendre. Mais leur relation était toujours mouvementée, et maintenant qu'Aymeric devenait adulte, il se posait des questions. Pourquoi elle, et pas les autres ?

Spoiler:

-Aymeric-

Eris sembla comme piquée de panique après les paroles d'Aymeric. Ce dernier coucha encore plus les oreilles. Évidemment, il n'arrivait jamais à rien faire de bien.


(1) Aymeric pencha la tête, sentant un poids le quitter. C'était pour ça qu'elle avait l'air si paniquée ? Il sentit ses épaules se détendre sous le soulagement, et baissa la tête pour cacher son sourire. Il n'avait donc rien fait de mal ? L'angoisse qui lui avait tenaillé le ventre ce dernier mois sans même qu'il ne s'en rende compte le quitta, et il se détendit enfin, comme après une longue chasse. Cependant, Eris semblait toujours aussi prise avec ses émotions, ce qui était étrange pour le jeune mâle. Si elle l'avait rabroué, ou même insulté, peut-être que le chasseur aurait compris. Mais là, elle fuyait son regard, et elle faisait vraiment une drôle de tête.


Elle se détourna, laissant à Aymeric un peu de temps pour réfléchir. Elle avait des devoirs ... Probablement des devoirs envers sa famille. Les démonias, comme lui avait expliqué ses parents, étaient une famille très ancienne, qui avait des codes stricts. Peut-être que sa mère était venu lui dire que l'amitié entre elle et le mâle n'était pas digne de sa famille ? Pourtant, il n'en avait jamais entendu parler. Et puis, ça serait n'importe quoi ! Il était le noble fils de deux betas, premier loups du Desert, descendant de noble sur plusieurs génération de part sa mère !

Eris renifla, et se retourna, allant s'asseoir devant le mâle, qui la regarda sans arriver à capturer son regard. L'expression de son visage serra la poitrine et le ventre d'Aymeric. pourquoi était-elle si triste ? Il y avait définitivement quelque chose qu'elle ne pouvait pas lui dire.

Aymeric la regarda, sentant son cœur se serrer. (2) S'il avait bien compris ... Elle ne pouvait pas lui dire quelque chose, de peur de le blesser. Il était partagé entre sa curiosité brûlante, sur le sujet qui faisait tant de mal à Eris, et la compassion pour la louve qui venait pour une des premières fois de lui montrer sa détresse. (3) Il se leva, s'approchant un peu, mais n'osa pas aller au contact de la demonia, de peur de lui faire plus de mal encore. Il essayait de se rappeler comment son père et sa mère le consolait, lorsqu'il était petit. Pourtant, là le sujet semblait bien plus complexe.

Eris gardait la tête vers le sol, en reniflant, comme pour retenir ses larmes. Aymeric pouvait bel et bien imaginer la situation qu'elle évoquait, mais il avait du mal à savoir quoi faire. (4) Il prit la parole finalement, d'une voix timide :

Je ne sais pas si je peux imaginer ...

Il détourna la tête, puis la secoua. C'était nul, nul ! (5) Il reprit un peu confiance en lui. Il fallait qu'il arrive à sortir ce qu'il avait de la tête, c'était pourtant pas bien compliqué ! Mais voir Eris dans un tel état le rendait fébrile. (6) Finalement, il prit son courage à deux pattes, et fit encore un pas vers la femelle, relevant sa tête d'un coup de museau pour la regarder. Son odeur était bien plus proche cette fois ci, comme la dernière fois, mais il ne se laissa pas distraire.

Si toi, ton secret est trop lourd à porter, alors je pense que la personne dont tu es proche pourra comprendre, même si ça lui fait mal ... Et puis, vous resterez toujours amis, après, non ?

Il pencha la tête, un sourire léger sur les babines, néanmoins son ventre se tordit d'inquiétude. Est-ce que c'était la fin de leur amitié ? Est-ce qu'Eris allait lui avouer qu'ils ne pouvaient plus se fréquenter ? Il ne pourrait surement pas le supporter, elle était devenue une part importante de sa vie, au fur et à mesure des aventures qu'ils avaient vécus. Et puis, si c'était sa famille qui les empêchait d'être ensemble, il était prêt à mettre à terre n'importe quel démonia qui viendrait lui chercher des noises !

Spoiler:

-Aymeric-

Les paroles du chasseur semblèrent toucher la louve rouge, et elle finit même par rire. Aymeric se détendit un peu. Si elle allait mieux, il allait mieux. Et puis, il avait peut-être évité une belle baffe. Après tout, s'il avait fait ça avant l'incident de la dernière fois, il s'en serait pris une pour sur ! Eris se releva, et il s'éloigna un peu, pas trop. Il n'avait pas tellement envie de la laisser s'éloigner encore.


Aymeric sourit, encore un peu inquiet, mais la mention de son surnom préféré le détendit. Ça semblait aller un peu mieux, même si elle avait l'air d'avoir encore son secret en travers de la gorge. Elle prit une grande inspiration, et Aymeric se demanda si elle allait finalement lui parler. Elle passa sa main sur sa truffe, et Aymeric s'assit, prêt à écouter.


Il ne dit rien. C'était donc bien une histoire de famille. Elle s'inquiétait de sa descendance, alors qu'elle était si jeune, mais après tout lui aussi, ses grands-parents lui avait demandé si il leurs feraient des arrière petits enfants. Cependant, il se doutait que la pression chez les demonias était bien plus forte. Il eut un frisson à l'idée d'Ignis se reproduisant, créant d'autres monstres encore pires qu'elle. Non, définitivement, Eris était le meilleur choix pour sa famille. Elle leva la tête et planta regard jaune de dragon si expressif dans ceux d'Aymeric, et son coeur rata un battement.


Aymeric pencha la tête. Avec ... Lui ? Il ne comprenait ... Oh. Il ouvrit grand les yeux. Elle avait ... Elle voulait ... Quoi ? Le chasseur cligna plusieurs fois des yeux, essayant d'empêcher certaines pensées impures d'entrer dans son esprit, mais c'était plutôt difficile. Il secoua la tête, et se leva pour chasser la tension de ses pattes, avant de répondre :

Je .. euuh ... rrhm

Il releva la tête, les yeux brillants comme un enfant. Il lui semblait qu'il y avait des bestioles coincées dans son ventre, qui le faisait sourire comme un enfant. Ils étaient meilleurs amis. Et elle ... elle ? Il déplia un peu ses ailes pour les secouer, comme s'il tremblait de toutes ses plumes. Mais alors, quel était le problème ? Il était content, si content, mais ... Il ajouta :

Mais alors, c'est ça qui te rend triste ?

Aymeric avait le cerveau bloqué sur les paroles d'Eris, et était incapable de voir que vraisemblablement, il ne correspondait pas aux critères des demonias.

-Aymeric-

La louve baissa la tête et soupira. Il y avait définitivement autre chose. Aymeric la regarda, la dévora des yeux, détaillant son visage, ses cornes, ses yeux mélancoliques.

Aymeric se dégonfla un peu, repliant légèrement ses ailes. Un petit son s'échappa de sa bouche :

Oh

Il baissa légèrement la tête. (1) Il sentit son ventre se serrer, ainsi que sa gorge, comme s'il allait pleurer. Pourtant, il n'avait jamais été question d'autre chose que de l'amitié entre eux. Cependant, depuis qu'il était tout petit, Aymeric avait été, on peut le dre, amoureux d'Eris. D'un amour d'enfant, presque fraternel. Avec le temps, ses sentiments avaient évolués, bien sûr, mais elle restait ... Elle restait elle.

Le mâle releva la tête, regardant Eris. Ses griffes étaient plantées dans le sol, marquant la terre froide probablement depuis tout à l'heure sans qu'il ne l'ait remarqué. Elle souffrait elle aussi. Aymeric la regardait, la voyait comme si c'était la première fois. Elle était belle, elle était forte, mais elle était une demonia. Cependant, Aymeric ne pouvait pas s'imaginer la laisser partir. Il ne pouvait pas imaginer sa vie sans elle, tout comme il ne pouvait imaginer sa vie sans Djama, sans Irina, sans ses parents. Même Ignis, dans toute sa méchanceté, faisait partie de sa vie maintenant. Il sourit de nouveau, même si sa gorge était si serrée qu'il pouvait à peine parler :

Mais on reste amis, quand même, non ?

Il déglutit avec difficulté. Allait-elle le rejeter hors de sa vie ? Parce qu'il la faisait trop souffrir ? Il fut pris d'une légère panique avant de continuer :

Je veux dire, même si tu dois choisir ... un père qui convient aux critères démonias, on est pas obligés de se séparer, si ?

La phrase avait été particulièrement difficile à dire. Il déglutit encore, la gorge asséchée. Pourquoi était-ce si dur ? Ils avaient toujours été amis, alors pourquoi maintenant ils semblaient souffrir de cette relation ? Il sentit de nouveau tout son corps se contracter. Il ne voulait pas la laisser partir. Non, il ne voulait pas, pas comme ça, pas à cause d'ue stupide famille avec des codes aussi stupides ! Il baissa la tête, des larmes dans la voix :

J'ai pas envie d'arrêter de te voir moi. Je peux pas ... te laisser partir ...

-Aymeric-

Le chasseur sentit clairement l'angoisse qui avait prit son ventre s'alléger alors que le visage d'Eris se détendait peu à peu, lui offrant même un sourire. Il eut envie de sourire lui aussi, et de pleurer aussi. Il sentit la louve s'approcher, puis lui donner un petit coup de langue, qui le fit légèrement frissonner.


Aymeric releva la tête, sentant ses yeux lui piquer. Il les ferma, mais les larmes montèrent quand même jusqu'à son museau, et il renifla. Un grand sourire peignit son visage, un grand sourire soulagé après les paroles de la louve. Elle ne voulait pas arrêter de le voir, ils allaient pouvoir continuer à être amis ! Il gloussa, d'un rire mouillé, à la petite pique d'Eris. Il était bien un poulet.

Finalement, elle se redressa et se secoua. Il leva la tête pour empêcher d'autres larmes de couler et d'enfoncer encore plus sa fierté dans le sol, mais pour une fois, cela ne l'importait pas trop. Eris aussi avait pleuré tout à l'heure, alors bon, si les démonias le faisaient, il pouvait bien le faire.

Aymeric ne perdit pas son sourire. Même si l'entendre parler d'un autre mâle lui faisait encore mal dans son ventre, sa promesse de revenir était suffisante à le rendre heureux. Il se redressa et s'ébroua également, chassant définitivement son air larmoyant, puis s’avança jusqu'à elle. Il la poussa légèrement d'un coup d'épaule, avant de pivoter pour sa mettre face à elle.

Dis le qu'en fait, c'est toi qui a besoin de moi pour te protéger ! Je suis bien plus grand maintenant, et sûrement bien plus fort !

Il bomba le torse et déplia ses ailes de manière éxagérée, tout en gardant un oeil sur la louve. Elle pouvait très bien décider de lui montrer le contraire, auquel cas il s'enfuirait certainement vers le camp. Sauf si elle l'attrapait, et là, ça serait plus difficile !

-Aymeric-

Le chasseur entendit un petit cri offusqué, mais Eris ne sembla pas vouloir se jeter sur lui, ce qui le soulagea. Il ne savait jamais vraiment comment elle allait réagir, mais il savait qu'il pourrait toujours s'adapter. Lorsqu'il se retourna, il la trouva en position de combat, les queues plus dressée et le poil hérissé. Cependant, le sourire qui restait sur ses babines confirmait que ce n'était qu'un jeu.


Aymeric jaugea de la situation. Il avait envie de se jeter contre elle, ne serait-ce que pour sentir son odeur et sa chaleur encore plus près de lui, mais il s'inquiétait que le sang demonia d'Eris ne le domine finalement. Il n'avait pas tellement envie de se retrouver face contre terre, soumis à la louve rouge ! Finalement, Aymeric prit sa décision. Il se redressa, repliant ses ailes et baissant la queue. Puis, il fit un clin d'oeil à Eris avant d'enchaîner :

J'en ai pas besoin, je le sais !

Puis, il lui fit un signe de tête indiquant le camp. Il ne pourrait surement plus dormir maintenant, et puis, il avait un peu faim. Peut-être Eris voulait-elle aussi rentrer au camp, après tout si elle était venue ici c'était uniquement pour lui parler. Et Ignis était toujours dans la tanière des médecins. Aymeric n'avait pas oublié qu'il devait aller lui parler.

Je te raccompagne ?

-Aymeric-

La femelle claqua des dents, visiblement impatiente de combattre, et Aymeric eut un petit frisson : est-ce qu'elle allait vraiment lui sauter dessus ? A vrai dire, ça ne lui déplairait pas, mais il avait quand même un peu peur. Heureusement, elle s'assit, et sembla réfléchir. Il la regarda, se rendant compte à quel point à présent il la dépassait. Lui qui avait toujours été le plus petit des deux étaient presque adulte à présent.


Aymeric sourit, un peu soulagé. Cependant, il pensait encore à la conversation qu'ils avaient eu avant. A ce qu'elle lui avait dit. Un sourire un peu béat apparut sur son visage. Il se sentait bizarrement heureux. Eris le dépassa, la tête haute.

Aymeric ouvrit la gueule, mais soudain elle partit au galop, en riant. Son sang ne fit qu'un tour : elle voulait faire le course, il allait faire la course ! Il partit derrière elle, accélérant comme lorsqu'il traquait une proie, et que la fin de la chasse se présentait enfin. Cependant, la remontée vers le clan et les branches freinèrent sa course, et il resta derrière Eris, à vrai dire sans vraiment vouloir la dépasser. Il rentra alors au camp en oubliant un peu ses soucis.