Tant de choses s'étaient passés dans la vie de la nourrice. L'arrivée de Dorji dans sa vie avait guérit les blessures d'Urielle. il était turbulent, et très aventurier, mais il était riche, et Urielle l'aimait comme un fils. Elle s'inquiétait aussi du devenir de sa fille Aeryldis, mais ignorait comment gérer ça avec elle. A vrai dire, Urielle n'avait pas fait grand chose à cause de son ignorance, essayant de rester celle qu'elle avait toujours été, malgré le fait qu'elle avait abandonné sa fille pendant de longs mois, et que la culpabilité qu'elle avait ressentit en rentrant chez elle suite à ça ne guérirait pas dans l'immédiat.

Mais petit à petit, ses deux petites d'autres parents lui redonnaient la joie de vivre qui n'aurait jamais du la quitter. Sa patte lui faisait toujours mal, mais Emmeth n'avait rien trouvé, pas une fracture, pas un seul morceau degriffe resté planté dedans. C'était l'esprit d'Urielle qui lui jouait des tours, selon le médecin caverne.

En effet, elle gardait toujours une appréhension de croiser le mâle gothic. Elle ne comprenait pas, toujours pas, pourquoi Nils avait soudain agit avec tant de violences envers elle. Aurait du comprendre des signes qu'ils lui envoyaient et qu'elle n'a pas vu? Malgré tout, la peur restait toujours ancrée en elle, et la leçon, durement comprise, restait gravée. Elle n'aurait pas du accorder sa confiance avec autant de forces.

Urielle s'était enfoncée dans les plantes dans l'espoir de trouver des petites baies sucrées et juteuses pour ses louveteaux demain. la saison était presque finie, mais il arrivait qu'il en reste encore des mangeables. Toutefois, la première chose qu'elle sentit c'était l'odeur d'herbe d'un loup qu'elle ne connaissait que trop bien. Rapidement en plus, elle vit l'éclat vert de sa fourrure entre les arbres et Urielle jappa.

Elle trotta dans sa direction, avant de s'arrêter net, à quelque mètres.

Et s'il était comme Nils? De tous ceux que Urielle avait tenté d'aider, Faubaru était le seul à ne pas avoir encore levé la patte sur elle. Mais... Cela pouvait il se passer. Le coeur d'urielle se serra, de tous, c'était celui qui ferait le plus mal si cela se produisait, parce que...

Mais peut être était il différent? Elle voulait le croire, elle l'espérait, il ne pouvait pas être comme cette brute de Silver, ou ce... ce Nils. Elle fit un pas vers lui, mais ce fut plus fort qu'elle, et Urielle hésita à nouveau . La leçon avait été forte, et était profondément ancrée en elle, maintenant.

Alors qu'elle s'était figée, hésitante, l'éclat vert fit bouger lianes et feuilles, et Faubaru se dévoila en entier face à elle avant de se rapprocher, alerté sans doute par le jappement d'Urielle.

Cette dernière d'ailleurs leva une patte, annonçant un mouvement vers lui, mais encore une fois, la peur lui refusa ce contact. Faubaru pencha la tête, semblant percevoir quelque chose. Urielle essaya de détourner le regard, perdue, avant que la question du mâle ne lui fasse redresser vivement la tête pour le fixer.

Elle reposa lentement sa patte, sans même avoir fait un pas, et gémit lentement, avant de baisser à nouveau la tête, les oreilles basses sous l'hésitation qui lui prenaient. Sa queue s'agitait nerveusement derrière elle et elle sentit ses yeux picoter.

Le deuil de son père lui avait permis, en quelque sorte, d'oublier ces violences, d'oublier les coups et la douleurs. Mais maintenant qu'elle savait son père parti, et qu'elle s'était faite une raison à ce sujet, la douleur et le sentiment d'incompréhension, de... Trahison, était revenu plus fort encore qu'avant. Elle renifla, avant de relever encore la tête vers le mâle vert et d'avancer lentement vers lui tout en faisant apparaitre quelques lucioles qui tournoyaient autour d'elle avec une lenteur inhabituelle.


Après quelques pas, la peur la fit s'arrêter à nouveau, et Urielle s'assit. Son comportement risquait de blesser Faubaru alors qu'il ne lui avait rien fait, mais elle n'y arrivait pas, et elle s'en voulait...

La tête toujours détournée, Urielle rassembla les lucioles, qui firent apparaitre deux loup en train de se battre, le plus gros prenant sans mal l'avantage, lui assénant coups sur coups, semblant l'invectiver dans des injures et des cris tout aussi muets que la louve.


Elle ne parlait pas, jamais, des fois où Silver avait levé la patte sur elle. Une seule fois il y a eu témoin, et c'est Nils qui l'a aidé... Parce qu'Urielle est incapable de se défendre seule, et qu'elle a toujours besoin qu'on la sauve.

Mais les coups portés par Silver, aussi douloureux qu'ils pouvaient être, n'étaient que douce caresse face à Nils. Quand bien même la silhouette qu'elle avait créé les deux figurines dans l'idée qu'elles ressemblent à Silver et elle, ça n'était que des silhouette de loups, dorés, et il était possible de ne pas savoir qui était qui.

Urielle regardait d'un œil fuyant la plus petite figurine se faire tabasser encore et encore.

Elle guetta avec anxiété les réaction de Faubaru. Elle savait qu'il connaissait Silver, bien assez pour ce que dernier l'évoque lors de leur dernière rencontre, et la fustige avec des idées que lui seul se mettait dans la tête. Aussi, quand elle comprit que Faubaru n'avait pas reconnu le loup, elle pris une grande inspiration, et le laissa approcher, incapable de cesser ses lumières.

Mais il devait comprendre, Urielle était restée silencieuse trop longtemps, et si elle n'arrivait pas à faire comprendre ça à Faubaru, personne ne le pourrait. Elle fit s'arrêter de bouger la plus petite silhouette, qui resta couchée sans plus bouger. Tandis que la grosse silhouette se tourna vers le duo.

D'autres lumières apparurent et alimentèrent la silhouette, qui grandit, et grandit, encore et encore, jusqu'à former la silhouette de Silver, presque à sa taille normale. Elle arriverait peut etre mieux à le détailler ainsi, Urielle se concentra, essayant de façonner sa tête jusqu'au moindre détail, tandis qu'un léger mal de crâne commençait à taper ses tempes. L'effort fut bon, car il lui sembla qu'elle se rapprochait beaucoup plus facilement du loup qu'elle ciblait. Pour économiser de l'énergie, elle fit disparaitre les lumières du petit loup inerte, et celles qui constituaient l'arrière du corps de Silver, pour se concentrer encore et encore.


Finalement, la tête quasi identique, à l'exception faite qu'elle était dorée et lumineuse, grogna contre elle et se jeta sur elle tous crocs dehors, disparaissant juste avant de la toucher.


Urielle reprit sa respiration une fois la lumière éteinte, l'effort avait été plus grand, mais le plus dur avait été fait. Si Faubaru avait compris....

Elle ne pleurait pas mais reniflait toujours, et ses yeux piquaient tout autant. Elle dirigea son museau vers lui et gémit encore. Pourquoi donnait elle tant d'effort à ce que lui sache alors qu'elle ne l'avait jamais dis à personne d'autre? Au fond d'elle, elle le savait.

Elle s'essuya la truffe de sa patte qui ne lui faisait pas mal, attendant avec une certaine crainte la réaction de Faubaru, parce que s'il comprenait ça, Urielle pourrait lui expliquer tout le reste...

Parce qu'elle gardait ça pour elle depuis trop longtemps.

Urielle fut soulagée, Faubaru avait compris, il l'avait reconnu.

Il en fallu peu en plus pour la louve, de se sentir moins seule. Elle avait enfin dis à quelqu'un ce qu'elle vivait avec Silver. Faubaru finit par lui répondre, il semblait dérouté. Était-il étonné ? Mais pourquoi? Silver était une brute, qui méprisait tout le monde, et qui frappait tout le monde. Il lui posa plein de questions et Urielle gémit, peinée. Non elle ne savait pas montrer pour quoi, c'était bien trop compliqué à détailler. Elle secoua lentement la tête en baissant les oreilles et détournant le regard.

Elle avait voulu l'aider... Elle avait voulu le comprendre, elle avait été persuadée que Silver n'était pas comme ça au fond de lui, mais il l'avait frappé, encore, il l'avait insulté. Elle soupira. Comment mimer ça?

Elle fit apparaitre sa marionnette, réfléchissant, la tête contre l'épaule de Faubaru, fixant le vide d'où aparaissaient ses lucioles. Elle ne savait pas comment elle mimerait ça.

Plus loin, elle fit apparaitre la silhouette plus trapue de silver, maintenant qu'il était reconnu, elle pouvait ne plus mettre autant d'énergie dans les détails. Il tournait en rond avec un pas énervé, symbolique de son état général. Il était toujours sang chaud, prêt à sauter sur n'importe quoi, c'est comme ça qu'elle le voyait.

Alors, la silhouette trapue se rapprocha de celle d'Urielle, puis la louve fit mimer la silhouette dans un fou-rire, désignant la petite silhouette de la patte, tandis que cette dernière semblait peinée.


elle fit tourner l'animation en boucle. Silver s'était souvent moqué de la louve muette, de son incapacité à parler, de son incapacité à se défendre.

Finalement, l'animation changea à nouveau et Silver retourna tourner en rond comme une boule en furie. Comment mimer ces moments là? Finalement, la petite silhouette caractéristique d'Urielle s'approcha lentement, avant de s'asseoir face à silver. C'était toujours comme ça qu'elle faisait, quand elle essayait d'aider, de recoller les morceaux.


Mais Silver se retourna et se jeta sur elle, et Urielle fuit


la scène se déroula en boucle encore. Ca aussi, c'était arrivé plusieurs fois. Assez pour qu'Urielle décide de ne plus mettre sa vie en danger avec lui. Assez pour que la peur ne la prenne dès qu'elle le croisait. Assez pour qu'elle fasse un détour dans son trajet pour l'éviter.


Les poussières disparurent encore, elle ignorait si elle avait été assez explicite, mais à présent que c'était dis, la louve savait qu'elle n'était plus seule.

Elle releva sa tête vers le loup vert et gémis dans sa direction. Non, elle ne voulait pas lui parler, il la terrifiait, tout autant que Nils aujourd'hui. Elle ne voulait pas non plus qu'il fasse du mal à Faubaru à cause de ses questions, il pourrait chercher à se venger...

Elle appuya sa tête contre le poitrail de Faubaru, passant son front sous sa mâchoire en gémissant encore. Non, elle voulait qu'il reste, elle ne voulait plus être seule.

Elle renifla encore alors qu'il la réconfortait. Cette fois, il n'y avait pas d’ambiguïté, pas comme avec son frère qui avait cru...

La louve se crispa. Non, elle n'en avait parlé à personne, encore moins à Nils, pas lui, surtout pas lui.
Contre le mâle vert, la louve se mit à trembler frénétiquement, alors que la douleur fantôme de sa patte s'éveilla, brulante. Elle la releva pour tenter d'apaiser sa brulure, mais rien n'y faisait.

La peur qu'elle ressentait face à Silver n'était rien, face à la terreur, et le sentiment de trahison qui jaillissaient en elle dès qu'elle pensait au Gothic.

Autour d'elle, les lucioles hors de contrôle montraient des scènes de ses souvenirs avec le mâle cendré. Leurs multiples rencontres, la bonne humeur, des scènes qui pouvaient être banales. Mais les lumières, affolées, s'activaient de plus en plus, montrant petit à petit le jour où Nils avait montré à la louve qui il était réellement. Comment il avait tenté de la prendre, et comment il avait réagit à son refus. Comment il l'avait blessé, comment il avait fait couler son sang.


Les lumières disparurent brusquement et Urielle, tremblante, resta les yeux dans le vide contre le poitrail du loup vert, la patte avant relevée, douloureuse, les oreilles en arrière, oubliant même la vigilance, comment pouvait réagir Faubaru? Elle ne pensait plus à rien, la souffrance était revenue.

Brutaux.. ils étaient juste, brutaux. C'était ainsi que Faubaru décrivait les deux mâles. Elle sursauta de prime abord quand il la toucha un peu plus, alors qu'elle était de toute façon tout contre lui. Il était proche, très proche, et il lui en fallait si peu pour faire comme ces loups du genre brutal. Si peu...


Mais petit à petit, chaque tendresse finit lentement par détendre Urielle. Ses tremblements s'apaisèrent, progressivement, délicatement, alors que le feu de sa patte s'éteignait peu à peu. La louve baissa le regard sur son antérieure. Elle était indemne, forcément. Depuis le temps, le sang ne coulait plus, la blessure avait cicatrisé, et les cicatrices avaient disparu. c'était trop superficiel pour laisser des marques à vie, la patte avait beaucoup saigné car beaucoup de veines passaient par là, voilà tout.

Urielle avait du cacher aux petits qu'elle gardait la raison de ses boitillement. Elle leur avait mimé milles et une histoires, toutes mettant en scène une Urielle maladroite trébuchant sur une racine, laissant sa patte trainer sur une ronce, se faire marcher dessus par un minimeuh, des situations cocasses, pour que les petits rient et oublient la question. Après tout, ça passait souvent, Beaucoup voyaient la nourrice comme maladroite ou enfantine. Mais aujourd'hui, Urielle avait adopté deux petits rejetés par leurs parents, et faisait de son mieux pour les aimer tout en aidant ceux qui en avaient besoin.

C'est son envie irrépressible d'aider les autres qui l'avait conduit à être terrifiée par l'un de ses meilleurs amis.


Elle renifla, et leva ses billes humides vers Faubaru alors qu'il cherchait son regard. Les larmes s'étaient remises à couler, et sa joue était toute chiffonnée par les tentatives de Faubaru de la calmer. Elle renifla encore, et lui sourit de manière pathétique, les oreilles tombantes et le visage ébouriffé.

Elle perdit son regard dans celui du géant crêteux. C'était la deuxième fois qu'il lui disait qu'il ne ferait rien, jamais. Et Urielle le cru, alors qu'elle mettait enfin des mots sur ce qui l'avait conduit à se diriger vers lui malgré sa peur.

Elle jappa. deux jappements successifs, le premier plus court que le second.
Elle recommença encore une fois.

Puis une troisième fois.


Son visage était sérieux, malgré les restes de ses ressentis passés du jours. Malgré son air fatigué, malgré sa fourrure en bataille, malgré ses oreilles basses.

Elle recommença une quatrième fois, puis fronça les sourcils, frustrée de ne pas parler, si frustrée qu'elle en tapa le sol de sa patte qui ne la brûlait pas. Elle releva la tête avec vivacité vers lui, le regard farouche, et jappa encore.



Finalement, elle abandonna les jappements, et se colla contre lui, truffe contre truffe.

Faubaru l'observait, la scrutait, comprenait-il? Pendant tout le cirque de la louve, qui s'était sans doute ridiculisée pour rien, il semblait ne pas comprendre.

Puis il couina, quand elle colla sa truffe contre la sienne, et elle sentit une lèche sur son museau.

Elle rouvrit les yeux, pleine d'espoir, et un poids immense sembla libérer sa cage thoracique. Elle se rendit compte qu'elle était en apnée et Urielle soupira, reprenant sa respiration. Elle sentit sa queue taper contre le sol. Finalement, cette journée n'était pas si terrible.

Elle rendit la léchouille à Faubaru avant de se coller contre son poitrail, s'asseyant contre lui, frottant sa tête contre la fourrure dense et épaisse du mâle. Elle était en chaleurs? Tant pis, à vrai dire elle ne pensa pas à ce détail. Elle se disait à présent que toutes ses souffrances lui avaient au moins permis de le trouver lui.