Novembre 268

Il y a de ça deux jours, Deenos a souhaité mettre fin aux jours d'Idryss. Le guerrier à l'épaulière d'or s'était transformé en dragon : il avait piqué une crise titanesque suite à une remarque de la rouge. Heureusement pour elle, Fralëth était apparue à temps et l'avait sauvé puisqu'elle était en vie et intacte de blessures. Seulement, la juge ne se souvient plus de la suite... Les deux dragons se sont-ils battus ? Fralëth n'avait pourtant pas de blessure. Alors, est-ce qu'elle aurait réussi à faire reculer Dragon Deenos ? À le fuir ? Elle n'en savait rien... Ce dont elle était sûre, ce qu'elle s'était pris un coup d'aile de Fralëth. Non pas parce que sa dragonne l'avait fait exprès ou l'avait attaqué : Idryss n'avait tout simplement pas eu le temps de fuir hors de portée. La louve s'était retrouvée écrasée, plaquée au sol par cette aile de plumes tombant de tout son poids. Tout son corps s'était fait frapper, sa tête avait sans doute tapé le sol herbeux d'où elle s'était trouvée. Elle se souvient avoir été dans un état de semi-conscience et cette expérience était fort désagréable, comme lorsque l'on fait un malaise. Elle se souvient de sa vision trouble, de sa tête vacillante et du son autour d'elle devenu étouffé comme si elle avait eut les oreilles bouchées. Ensuite, c'est le trou noir. Au final, elle s'était probablement évanouie, car elle s'était réveillée à l'oasis Doushite. Elle avait conclu sans mal que Fralëth l'y avait transporté.

Idryss a passé 1 jour et demi à l'oasis à se remettre de tout ce qu'il s'était passé. Fraëth n'avait pas souhaité la laisser partir de cet endroit calme, isolé, possédant de l'eau à disposition, l'atmosphère de Solar sciant aux Démonia et de l'ombre grâce aux rochers. Bien évidemment, Idryss avait pesté, mais pas longtemps, son corps lui faisant savoir qu'elle devait se reposer. Par contre, elle ne se souvenait toujours pas de ce qu'il s'est passé entre les deux dragons, dès l'arrivée de Fralëth. Néanmoins, cela n'avait pas tellement d'importance puisque aucune des deux n'est blessée.

Au bout de ce 1 jour et demi, (au matin du deuxième jour donc), la dragonne avait visiblement décidé que c'était suffisant pour rentrer au campement des loups. Elle y avait donc ramené Idryss qui avait vu un médecin et apprit qu'après son retour sous forme de loup, Deenos avait été enfermé dans les cachots. La juge n'avait pas réagi à ça, si ce n'est pensé un court instant que c'était Bien fait pour sa gueule.
Suite à la visite médicale, la dragonne et la louve rentrèrent au palais lumineux. Idryss comptait bien se reposer un jour de plus, mais dans sa tanière se trouvant au jardin tropical. Elle avait encore besoin de calme et de repos. Sur le chemin, elle se demanda un instant dans quel état pouvait bien être Kelekt, mais elle n'y songea pas plus, son esprit souhaitant ne penser à rien.

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Idryss !

La louve en question arrêta sa lente avancée vers le jardin tropical. Elle se retourna de biais, mais en n'ayant pas capté de suite que ce fut Kelekt qui venait de l'interpeller. Son esprit était bien trop embrumé pour songer, penser et réfléchir à quoique ce soit...

Je me demandais où tu étais passée.

(8/100) Kelekt s'était inquiétée pour elle. Les babines d'Idryss s'étirèrent en un sourire à cette constatation. De plus, elle ne semblait pas lui prêter une quelconque animosité. C'était l'inquiétude et la joie de la revoir qui primaient dans les sentiments que la blanche démontra à son égard.

Tu es blessée. Tout va bien ?

Le regard vague d'Idryss se posèrent sur l'épaule blessée de Kelekt. Elle se souvenait de ça. De colère, ou parce qu'il n'avait pas le contrôle à ce moment, Deenos l'avait blessé. Ses grandes griffes tranchantes lui avaient lacéré l'épaule. Le pelage immaculé de la louve polaire s'était retrouvé sillonné d'un rouge pourpre. Après avoir bloqué quelques instants sur la fraiche cicatrice propre, elle releva doucement les yeux vers ceux de son amie.

Je suis heureuse de voir que la blessure n'est pas profonde.

La louve rouge aurait pu en vouloir au dragonien, mais elle ne pouvait pas lui reprocher cette attaque étant donné qu'elle ne savait pas s'il l'avait fait volontairement ou non. De toute façon, ce serait fort étonnant que ce fuse volontaire. Étant donné la grande fureur qu'éprouvait le dragon en l'encontre de la rouge et l'altération de la conscience de sa nouvelle forme, cette blessure était probablement dû à un manque de contrôle. La fureur du dragon avait agi à sa place à cet instant.

(16/100) Se rendant compte que Kelekt lui avait posé une question, elle se massa légèrement la tête de sa patte gauche tout en faisant une moue instinctive. Non pas qu'elle avait mal. Son corps se souvenait très bien du coup d'aile prit à cet endroit ainsi que la fabuleuse rencontre avec le sol. Un moment fort agréable dont elle se serait bien passée.

Oui... Je sais que Fralëth a failli m'écraser et qu'en esquivant je me suis juste prise son aile, mais... Après je ne sais plus. Je suppose que je me suis faite plaquer au sol. Une aile de cette envergure qui tombe lourdement sur toi, c'est un sacré poids.

Elle lâcha un petit sourire nerveux. Heureusement qu'elle avait eu le temps d'esquiver le reste de sa dragonne, sinon seuls les dieux savent dans quelle situation serait Idryss maintenant. Peut-être serait-elle morte sur le coup. Peut-être aurait-elle eu plusieurs fractures. Peut-être aurait-elle été chanceuse et n'aurait eu qu'une patte ou une côte cassée. Quoiqu'il en soit, si ceci s'était produit, à l'heure actuelle, elle serait soit enterrée quelque part par Fralëth (ou mangée ?), soit alitée dans la tanière du médecin qui l'a vu tout à l'heure.

Et toi ? Tu n'as été blessée qu'à l'épaule ?

Elle examina vite fait Kelekt et ne constata pas d'autres blessures apparentes.

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Oui, c’est quand Deenos s’est transformé. Il ne s’en rendait pas compte je pense car il a vite retiré sa patte ensuite. Disons que j’ai rien subi de plus physiquement parlant.

Physiquement parlant, oui, Kelekt n'avait que cette cicatrice. Mentalement, elle ne devait pas aller bien. Ce fut un rude moment pour elle. Pour donner une preuve de son état, ses yeux devinrent humides et quelques larmes débordèrent. Elle poursuivit, la voix devenue moins stable à cause du déferlement de larmes qui menaçait :

Quand son pouvoir a cessé, les autres l’ont attaqué alors qu’il tenait même plus debout… Ça a duré plusieurs minutes avant qu’un gradé arrive pour les arrêter… J’aurai voulu faire quelque chose, mais je pouvais pas… Il m’en voudra sûrement pour ça…

Kelekt lui raconta dans les grandes lignes ce qu'il s'était passé une fois sa disparition. Apparemment, le dragon furieux qu'était devenu Deenos n'avait pas causé de dommages au campement, car la blanche ne dit rien à ce sujet. Ainsi, le pouvoir de Deenos s'était désactivé, conduisant à un retour de son état normal. Néanmoins, certains s'étaient alors jetés sur le guerrier pour l'attaquer. (6/100 déduction) Idryss songea que leur acte fut dicté par la peur. Lorsque la chose qui vous fait peur est faible et à portée de coups, c'est le moment de s'en débarrasser. Elle imaginait sans mal le fait que le clan ait eut peur face au dragon noir et sa profonde colère. Il aurait pu causer beaucoup de dommages et de pertes. Ils avaient cherché à neutraliser eux-même Deenos pour être sûr qu'il ne puisse plus rien faire. Kelekt souligna que le passage à tabac dura plusieurs minutes avant que quelqu'un daigne les arrêter, mais il sembla à Idryss que sur ce coup, son propos exagérait la réalité, ce qui était normal là aussi. Ce moment avait effectivement dû paraître très long pour elle, tandis qu'elle ne pouvait qu'observer sans rien faire.

Malgré sa profonde tristesse, Kelekt se retient d'éclater en sanglot. Seul un pleur presque silencieux en résultait, des larmes glissant sur ses joues et sa respiration se faisant parfois lourde à cause de la petite obstruction générée.

Si tu as besoin de pleurer, ne te retiens pas.

(4/100 de compassion) Pour lier la parole au geste, elle lui donna une lèche sur une joue, essuyant par la même occasion les traces de larmes. Ensuite, elle s'assit tout contre elle afin de passer ses deux pattes avant autour de son cou dans le but de lui faire un câlin. C'était peut-être le fait qu'elle soit fatiguée, mais l'état de Kelekt la touchait profondément et elle se mit elle aussi à pleurer, bien qu'elle le fit silencieusement. Néanmoins, Idryss ne sut pas pourquoi ses yeux furent emplis de larmes. Ce devait être un mélange de fatigue et de culpabilité autant envers Kelekt qu'envers Deenos avec ce qu'il s'était produit. Bien que la réaction de celui-ci fut très exagérée, il s'était tout de même transformé par sa faute, avait été furieux au point de la tuer par sa faute et donc indirectement, s'était fait battre par sa faute. La juge cornue avait sa part de responsabilité dans l'affaire et en partie à cause d'elle, Kelekt se sentait très mal.

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Kelekt se brisa, les larmes coulant sans retenue. L’étreinte de soutient et de réconfort leur permettait de libérer les sentiments qu'elles retenaient. Entre les sanglots, la juge blanche tenta de parler pour exprimer ce qui n'allait pas.

J’ai l’impression… Que je fais tout… De travers à nouveau… Tout ce que je fais… ça finit par… Tourner mal…

La phrase décousue était un peu dure à comprendre à cause de la voix chevrotante dû à la tristesse, mais Idryss sut tout de même recoller les morceaux et déchiffrer ce qu'elle disait. Kelekt en avait marre et c'était compréhensible. Il est vrai qu'à plusieurs reprises, des actions directes ou indirectes de sa part eurent comme conséquence quelque chose n'allant pas dans le sens qu'elle aurait souhaité.
Elle aussi, elle pouvait en dire de même. Son franc parlé, sans aucun filtre certaines fois, lui avait valu des répercussions ou situations non souhaitées au départ. Certaines de ses attitudes ou actions également. Néanmoins, Idryss avait la faculté de passer outre avec le temps, par rapport à Kelekt.
Kelekt entoura ses épaules d'une patte, fixant à son tour leur étreinte. Idryss renifla, ses pleurs devenant moins silencieux. C'était quelque chose de réconfortant. La juge rouge n'avait absolument pas pour habitude de faire des câlins ou d'être tout simplement tactile, mis à part pour frapper, et en cet instant, ce rapprochement était bénéfique et apaisant. Il y a bien quelques fois où les deux femelles ont put être allongées l'une contre l'autre ou avoir des gestes tactiles affectueux, mais ça s'arrêtait à ces quelques occasions.

Je ne crois pas… T’avoir déjà vu pleurer… Qu’est-ce qui ne va pas… ?

Elle aurait pu afficher un air boudeur et lui lancer un petit "oh, la ferme..." pour la forme, mais elle ne le fit pas. Oui, c'est vrai qu'Idryss n'avait jamais pleuré devant Kelekt, ni devant qui que ce soit d'ailleurs, à part Fralëth. Les seules larmes qu'elle aurait pu verser en présence d'un autre canin aurait été celles causées par de la douleur.
(8/100) Bien qu'elle n'en était pas sûre à 100%, elle se disait qu'effectivement, la culpabilité était l'une des causes de son état actuel. Tout ceci aurait pu être évité si elle n'avait pas été là. Deenos ne se serait pas transformé en dragon et Kelekt n'aurait pas été blessée physiquement et mentalement. Elle avait suivi son amie pour la soutenir, mais son soutien fut un échec complet. Ses pleurs s'étaient calmés. Elle répondit :

Je crois que... Je me sens coupable... Pour ce qui est arrivé. Deenos... Deenos s'est transformé par ma faute et tu en as fais les frais de façon violente. C'est à cause de moi si tout s'est mal passé, pas la tienne... Tu n'as rien fais de travers !

Elle renifla de nouveau, se recula un peu pour essuyer ses joues et poursuivit :

Mais je pouvais pas rester assise à vous regarder alors qu'il rejetait toute la faute sur toi !

Pour cette partie, elle n'en démordra pas et ne changera pas d'avis.

Novembre 268

Peut-être mais est-ce que je le mérite pas ? À mes yeux, Deenos n’a rien fait de travers. Il a mal réagi à ce que tu as dis mais si on admet que tu n’aies rien dit. Je viens quand même d’avouer mes sentiments à un mâle qui a une compagne et des petits avec elle… C’est pas au moins un peu mal placé ? Si j’avais été plus attentive, j’aurai pu lui dire plus tôt, avant, et tout ça ne serait pas arrivé… J’ai appris qu’il fréquentait une louve que quand tu es venues me le dire… Je suis vraiment nulle…

Les pleurs se sont taris pour les deux louves. Kelekt affichait maintenant un air déprimé tout comme Idryss, mais pas forcément pour la même raison. La fatigue s'était accentuée après ses pleurs et la culpabilité qu'elle ressentait se liant, la mettait dans cet état de déprime. Déprime somme toute passagère, comparée à celle de Kelekt qui la traînera sur plusieurs jours voir plusieurs semaines peut-être. En espérant qu'elle ne passe pas le stade de la dépression.

Si j’avais osé lui parler… Si j’avais osé lui dire… Si j’avais pas été anxieuse à l’idée d’un refus de sa part… Tout ça ne serait pas arrivé…

Ce n'était pas faux... Si Kelekt avait osé lui en parler, lui avouer, avant sa mise en couple avec Triss, alors les choses auraient été différentes. Déjà, cette explosion de colère n'aurait pas eu lieu. Cette transformation en dragon en lien avec elles ne se serait pas faite. Ce passage à tabac et son séjour emprisonné n'auraient pas existé. Tout cela se serait passé sans doute plus calmement, plus posément et sans Idryss aux côtés de Kelekt. Peut-être aurait-il abandonné l'idée d'être avec Triss pour se mettre avec la juge polaire. Ou peut-être se serait-il quand même mis en couple avec la nourrice. Mais quoi qu'il en soit, tout aurait été différent.

Tu as raison. Ça se serait passé différemment, forcément : pas le même contexte.

Idryss ne pouvait pas nier que cette situation n'aurait pas été la même si Kelekt avait pris son courage à deux pattes bien avant. Il avait fallu une annonce rageante pour que la louve blanche réagisse. Peut-être parce que ça devait se passer ainsi ? Le Destin est parfois cruel... Si toutefois, il existe une ligne directrice floue de notre vie, modifiable suivant nos actions. Car, en tant qu’entité mystique inimaginable et insondable, ce devait être ça qu'on appelle Le Destin.

Si Deenos avait avoué avoir sa part de responsabilités, je n'aurai pas réagis. Et, il valait mieux que tu lui avoues un jour, plutôt que de mourir avec ce secret.

Kelekt va probablement réfuter, disant que non, il aurait mieux fallu qu'elle ne dise rien. Si elle avait continué à le cacher à Deenos, alors elle aurait été rongée par cela. Mais en lui avouant et avec la tragédie qu'il y a eut, son moral et son cœur meurtri sont rongés par un remords encore plus intense. C'est une situation très dure.

Novembre 268

Peu importe au fond. C’est fait. J’ai encore tout gâché. Je suis juste une incapable qui prend toujours la mauvaise décision quand il s’agit de mes sentiments. C’était pareil avec ma mère quand j’ai appris la vérité, avec mon père quand je l’ai rencontré, avec ce guerrier qui n’éprouvait que de la sympathie pour moi. Mon incapacité à gérer mes émotions a même fini par te blesser toi.

Kelekt est impulsive. Ça, on ne pouvait pas le nier. Exposés ainsi, c'est vrai que ces choix ne furent pas les meilleurs et qu'elle avait fait bien des erreurs... Idryss fit une moue. Elle devait travailler sur son côté sauvage quand il s'agit d'extérioriser ses sentiments. Seulement, c'est sans doute trop tard maintenant. La juge blanche a 7 ans, cette façon d'agir est ancrée en elle. Elle pouvait tenter de travailler sur cet aspect de sa personnalité pour la suite de sa vie, et ses nouvelles approches de Deenos si tant est qu'elle essaye de se rabibocher avec lui. Mais c'était peu probable qu'elle arrive à changer complètement cette part d'elle. Si elle arrivait à l'atténuer, c'était déjà bien.

Reportant son regard sur Kelekt, des petits crépitements caractéristiques attirèrent son attention. Elle baissa le regard vers les pattes de Kelekt dont les poils ras présentaient une fine pellicule de gel qui ne tarderait pas à refroidir complètement sa peau. L'activation impromptue de son pouvoir démontrait son état émotionnel. Pour qu'elle commence à se refroidir à ce point les pattes, c'est qu'elle se sentait terriblement mal. Idryss sait qu'elle se sent mal, elle est au fond du trou et rien ne pourrait l'aider à se relever. Bien sûr, du soutient l'aidera, mais pour régler le plus gros du problème, il faudra beaucoup de temps.
Idryss lui frappa l'épaule d'un coup de patte, pour la réveiller, pour qu'elle cesse de s’infliger son pouvoir. Ensuite, elle se leva.

Viens avec moi te reposer. Nous serons mieux en compagnie l'une de l'autre et au chaud.

Elle attendit quelques petites secondes, lui lançant un regard désapprobateur, intimant qu'elle n'avait pas le droit de refuser. Puis elle emboîta le pas, l'incitant à la suivre. Elle comptait bien se rendre à sa tanière avec Kelekt quoique cette dernière puisse en dire. La juge blanche n'allait pas rester toute seule.