Dans deux mois, elle, Aymeric et Irina choisiront une voie à laquelle ils seront formés. Ensuite, ce sera leur rang, leur place au sein de la meute. Bien sûr, si leur choix de départ ne leur plaît pas, ils pourront vite choisir autre chose, mais le temps d'apprentissage sera plus long que les autres forcément. Une fois adulte, pareil, ils pourront changer de rang si finalement, ils souhaitent se reconvertir. Certains adultes font ça pour X raison. Notamment tantine Triss qui était cheffe d'armée avant d'être nourrice. Puis, papa était garde avant et maman était guerrière, mais leurs cas sont différents, il s'agissait d'une promotion. Papa et maman leur avaient expliqué tout ça, en finissant par leur dire qu'ils faillaient qu'ils réfléchissent à ce qu'ils aimeraient faire. Alors, Aymeric, avec des yeux pétillants, avait déclaré vouloir intégrer un escadron. Djama, elle, n'avait jamais songé avant ce jour ce qu'elle voudrait faire une fois l'âge adulte atteint. Ça lui paraissait bien loin tout ça et elle ne se posait jamais deux secondes la question, car elle ne s'en souciait pas. Du moins, jusqu'à l'explication de ses parents... Depuis, elle se posait la question quand elle voyait des membres du clan s'activer à leurs tâches.

Aujourd'hui, elle avait traversé la rivière au niveau du campement, atterrissant au désert. À peine eut-elle posé les pattes dans le sable chaud, qu'elle se mit à courir. Elle longeait le canyon qui lui offrait de l'ombre à chacune de ses foulées. Il faisait quand même lourd et chaud, mais c'était bien plus supportable sans le soleil qui vous cogne. Sa langue pendait, se balançant au rythme de ses foulées. Elle alternait entre les phases rapides, se faisant des sprints pour atteindre sa vitesse maximum et des phases modérées où elle courait calmement ou trottinait doucement. Elle n'oubliait pas non plus de marcher pour reprendre son souffle. Elle adorait courir et elle pourrait courir une journée entière ! Seule la fatigue pouvait arrêter son envie de courir, surtout quand elle était dans l'action. Quand elle se mettait à courir, elle était satisfaite de pouvoir le faire, mais elle voulait aller toujours plus loin. Un jour, elle irait de l'autre côté du désert. Là-bas se trouve un territoire de leur clan, mais ils n'y sont jamais allés. Bien orienté et avec une bonne endurance, il faudrait deux jours environ ou plus pour traverser le désert et atteindre cet endroit. Tout autant pour revenir. Et il fallait au moins se prendre une journée pour explorer. Ce qui faisait qu'il faudrait 5 ou 6 jours environ pour découvrir cet endroit. Djama ne pouvait pas "fuguer" autant... Il y avait bien les passages souterrains des montagnes, mais elle n'était pas sûre que ça raccourcisse de beaucoup et de toute façon, elle ne pourrait pas y aller non plus par là. Elle devait attendre d'avoir le bon âge pour aller là-bas.

La petite louve prenait une pause, contre une paroi fraiche. Elle l'avait d'ailleurs léché pour récolter l'humidité de la pierre. Malheureusement, elle n'avait pas trouvé de flaque cachée pour véritablement boire, mais tant pis, ça faisait l'affaire. Assise, regardant dans le vague, elle songeait à présent à la mission que ses parents avaient donné. Déjà, comme chaque début de raisonnement, elle exclue les rangs de l'armée, car ça ne l'attire pas du tout. Enfin, elle garde tout de même l'option garde et espion en tête. Ensuite, elle exclue le rôle de nourrice, car il faut s'occuper des louveteaux de son âge et des plus petits. Elle n'aime pas être en groupe tout le temps, alors ce n'est pas fait pour elle. Les rangs religieux ne lui viennent même pas à l'esprit.
Après avoir rencontré Thildrill, il y a 4 mois de ça, les deux louveteaux s'étaient retrouvés à plusieurs reprises dans les montagnes du Néant pour chercher des métaux. Au départ, elle le suivait en cachette lorsqu'elle le voyait partir et elle finissait donc par s'incruster dans ses recherches. Puis après, ils se donnèrent des rendez-vous dans un coin du campement pour partir ensemble. Le mâle parlait toujours avec passion des métaux et Djama l'écoutait, posant parfois des questions qui relançaient le grand enthousiasme du chercheur. Elle l'imitait souvent, reniflant l'air et le sol, suivant ses traces, pour sentir ce qu'il arrivait à sentir. Si quelques fois elle avait réussi à déceler les odeurs comme lui, bien souvent, elle ne sentait que les odeurs caractéristiques des montagnes en été. Mais ce n'est pas grave, au moins ça l'occupe et elle aime ça. Lorsque Thildrill s'arrêtait et se mettait à creuser, c'était le signal. Au départ, quand elle s'incrustait, elle prenait soin de l'observer et creuser au pif dans un coin en attendant qu'il trouve. Au fur et à mesure des escapades, elle rapprochait ses trous et il était arrivé qu'ils creusent ensemble. Jamais Djama ne piquait et ne piquera les trouvailles de Thildrill, car il avait été très clair sur ce point à leur première rencontre. Ainsi, lorsqu'ils creusent ensemble et qu'ils atteignent ensemble le minerai, elle lui laisse tout, ne prenant que ce qu'il lui offre, si jamais ça arrive. De rares fois depuis leurs séances de recherches, elle avait trouvé des petits morceaux de métaux en creusant de son côté. Et à ces moments-là, ce n'était ni plus ni moins que de la chance. Leur relation s'était petit à petit adoucie, devenant moins méfiante et Djama n'avait plus peur de l'approcher. On peut dire qu'ils sont amis. Pour conclure pour ces moments avec Thildrill, la petite louve aimait chercher, creuser et avait développé une petite passion pour les métaux. Grâce à lui, elle avait acquis des connaissances sur le domaine et découvert des mots. Elle se demanda alors s'il y aurait quelque chose qu'elle pourrait faire en lien avec tout ça... Elle n'était pas calée sur le sujet des métaux et elle était quasiment incapable de les détecter dans les montagnes. À voir en automne et en hiver comment ça se passe. Mis à part ça, y a-t-il un rang en lien avec des recherches en tout genre et des trous à creuser ?... Après un autre temps de réflexion : non... Ce n'est pas par-là qu'elle devait chercher pour son futur rang...
Elle soupira et ses yeux se posèrent sur un oiseau imposant. Elle avait déjà vu cet animal et lui avait déjà couru après, mais impossible de l'attraper. En en parlant à ses parents, ils lui apprirent qu'il devait s’agir d'un dragoneï, mais que ce n'était pas un oiseau. Elle était dubitative à ce sujet... Pour elle, s'en était un et il faudrait lui prouver le contraire. Il a toute la dégaine d'un oiseau après tout. En tout cas, elle avait un challenge devant les yeux et une occasion de courir pour quelque chose. A présent bien reposée de tout son exercice de tout à l'heure, elle se leva et marcha dans le dos de la bestiole bipède. Elle s'approcha, la tête vers le bas, en marchant, faisant attention de rester dans l'angle mort de la bête. Quand il tournait la tête, elle s'arrêtait de bouger et repartait une fois qu'il continuait sa recherche de nourriture sans doute. Elle continuait d'avancer encore et encore, elle osa trottiner, mais il ne la repéra toujours pas. Elle s'élança, courant vers lui. Le dragoneï la repéra et l'instant d'après, il n'était déjà plus là. Il venait de se propulser en avant, à toute allure, laissant la jeune louve en plan. Pour ne pas abandonner de suite, elle poursuivit dans sa lancée, mais elle savait qu'elle ne le rattrapera pas. L'oiseau mammifère était déjà à son pic de vitesse et avait disparu dans les couloirs du canyon. Elle ne le voyait plus. Elle s'arrêta, haletant fort pour récupérer de son pic de vitesse qu'elle avait dû faire. La jeune louve alla lécher une paroi, récoltant l’humidité déposée.
Peut-être que la chasse était fait pour elle ? C'était un rang où il fallait courir et elle adorait ça. Seulement, la chasse exige d'être en groupe et de coopérer. Elle n'était pas sûre de pouvoir affronter tout un groupe en même temps afin de les connaître et apprendre à travailler avec eux. Peut-être avait-elle besoin d'un rang spécifique à elle ? Certains n'exercent pas un rang proposé. Ils sont peu, mais ils existent et ont une place définie dans la hiérarchie malgré tout.

Soudain, un poids la percuta doucement, mais malgré tout assez pour la bousculer, ses pattes ne tenant plus trop. Elle fut écartée de la paroi et manqua de tomber, mais se rattrapa assez facilement. Ses pattes tremblèrent un instant, signifiant qu'elles étaient fatiguées par toute cette course. Il faudra qu'elle se repose avant de pouvoir repartir au campement. Surtout, si elle voulait de nouveau courir, car cela faisait au moins deux heures en tout qu'elle courait. La petite louve se retourna vivement en dressant ses poils et en grognant contre l'individu qui avait osé lui rentrer dedans. Néanmoins, elle se radoucit bien vite en voyant son oncle préféré.

Oh, mais qu’elle belle prise j’ai eus !

Il lui sourit et lui ébouriffa la crinière. La queue de Djama s'était mise à battre l'air. Elle fit un petit bond en avant en jappant et pinça brièvement une patte avant de son oncle. Elle avait pris ce tic et pour l'instant, il ne semblait pas vouloir partir.

Qu’est ce que tu fais ici ma princesse ?

Djama s'était dressée sur ses pattes arrière, prenant appui sur lui, donnant des coups de langue dans le vide en direction de sa gueule. Il était trop grand pour qu'elle ne l’atteigne sans qu'il ne baisse la tête.
Elle ne savait pas pourquoi il l'appelait parfois princesse. Irina ayant un air bien plus noble qu'elle, ce devrait être à elle que Kalemegdan aurait dû donner ce surnom. Néanmoins, elle savait que ce n'était pas moqueur bien que son oncle soit un farceur. Ou peut-être que ça l'était, mais Djama n'en était pas dérangée.
Elle se remit sur ses quatre pattes et se recula un peu, la tête levée vers lui, toujours la queue faisait des va-et-vient.

Je cours ! Dit-elle avec entrain avant de poursuivre de façon soucieuse, sa queue arrêtant de remuer. Et... Je cherche un rang. Papa et maman nous ont dit que quand on aura un an, il faudra avoir un rang pour plus tard. Sauf que je sais pas quoi faire...

Ses oreilles se baissèrent et elle posa lourdement ses fesses au sol. Elle avait aussi baissé le museau, regardant le sable. Ses babines se serrèrent un instant avant qu'elle ne continue :

J'ai cherché quelque chose en rapport avec des trous, mais y a rien. J'ai cherché en rapport avec la course, mais je pense pas que la chasse soit pour moi.

Elle le regarda de nouveau, lui posant cette question :

Dans quoi est-ce je pourrai être ?

Je comprends. C’est sûr que cela ne doit pas être simple.

Non, c'est sûr, ça ne l'était pas. Du moins pour elle, car Irina et Aymeric savent déjà quoi faire. Il lui restait deux mois pour trouver quelque chose qui lui plairait. Elle était quelque peu pressée par le temps. Elle ne voulait pas décevoir ses parents en ne sachant toujours pas quoi faire lors du jour fatidique.

Kalemegdan devient sérieux et sembla réfléchir aux interrogations de sa petite nièce. Djama attendit sagement son avis, tout en continuant de réfléchir elle aussi, mais elle était dans une impasse. Il lui confirma que la chasse n'était pas faite pour elle, car c'était quelque chose où il fallait rester attentif et patient. Djama était sûre qu'elle pourrait l'être, mais il est vrai qu'elle était plus du genre à vouloir bouger et son habitude de fuguer lorsque la situation l'ennuyait, serait sans doute problématique au bout d'un moment. Il lui parla du rang de messager et Djama dressa les oreilles, attentives, tout en inclinant sa tête sur le côté. Être messagère ? Ce rang ne lui avait même pas effleuré l'esprit ! Il lui expliqua ce que doivent faire les messagers, lui disant qu'ils parcourent parfois de grandes distances quand ils doivent aller au frontière. Cet aspect lui plut directement. Elle qui adore courir, ce serait parfait ! Il souleva un autre point : la découverte des territoires. Djama eut des étoiles dans les yeux. Ce serait l'occasion parfaite pour aller de l'autre côté du désert, dans la forêt Talaïala et au-delà peut-être. Le seul point négatif, c'est qu'il fallait transmettre des messages à des inconnus, même si ceux sont des personnes de son propre clan, si elle ne les connaît pas, ce pourrait être problématique vis-à-vis de son côté sauvage. Mais elle n'y pensa pas. Elle en parlera à son père comme lui conseillait son oncle.

Messagère ? Ça a l'air super intéressant ! Merci tonton !

Elle s'était relevée, sa queue battante, boostée d'une nouvelle énergie. Elle allait tout de suite rentrer au campement pour annoncer la nouvelle à son père, puis à sa mère et enfin à son frère et sa sœur.

On fait la course jusqu'au camp ?

Trop excitée, elle n'attendit pas de réponse et commença à partir au trot rapide pour inciter son oncle à la suivre.