Cela faisait un bout de temps maintenant que Tanyxoth ne parlait plus à grand monde. Ho, il supervisait toujours les entrainements de son escadron, ne se gênant pas de relever les points forts et les points faibles, d'expliquer la manoeuvre et autre discussion utilitaire. De plus, il répondait toujours quand on le saluait. Mais du reste, il était devenu bien moins bavard qu'il ne l'était déjà. Ragnar était toujours aux abonnés absents. Père et fils ne se croisaient que lors des entrainements, et ce dernier faisait tout pour éviter d'avoir à parler à son père. De plus, Tanyxoth avait remarqué la ferveur qu'il mettait à s'entrainer. Quand il était jeune, tout petit, et qu'il avait du choisir son rang, il avait dis au cerf qu'il voulait savoir se battre, mieux que personne. Ce n'était pas chose faite, mais c'était en bonne voie. Dans un autre contexte que celui du pays, Tanxyxoth aurait été fier de l'avancée prodigieuse de Ragnar. Fier il l'était, mais il était surtout inquiet. Il ne savait pas pourquoi son fils avait, depuis tout petit, cette ferveur. Mais il n'osait imaginer la raison.

Ce jour là, Tanyxoth avait fait sa ronde quotidienne, était passé par les zones d'entrainement pour admirer, satisfait, les loups de son escadron s'entrainer de leur propre chef malgré la journée de repos qu'il leur avait accordé. Puis il avait jeté un œil aux tanières, dans l'espoir d'y voir son fils, mais avait vite changé d'idée après avoir constaté son absence. Il vit près des plantes les groupes de chasses se préparer à une expédition, dans l'un d'eux, Abby s'étirait. Il sourit en la voyant. Il continua sa ronde. Puis il vira directement vers les vallées. Les arc-en-ciel pouvaient mettre du baume au cœur, mais ils ne lui firent rien. Il marchait lentement, et alors qu'ordinaire les lapins et les écureuils se mettaient à lui tourner autour, il n'y avait rien aujourd'hui. Pas un seul bruit, pas un seul souffle de vent. La nature était figée dans cette idée horrible qu'Akui gagnait lentement. Un frisson le parcouru.

Dans la pelouse tendre et douce sur les coussinet, il y avait ça et là des parterres de fleurs sauvages, Tanyxoth en avisa un de capucines et de fleurs des champs, il s'allongea à côté, puis roula sur lui même, appréciant la rosée fraiche qui venait se déposer sur son pelage. Puis, fatigué de faire semblant, il se laissa aller sur le ventre, la tête sur les patte,et observa l'horizon. En voilà un piètre spectacle qu'un chef d'armée pouvait renvoyer aux autres. Au point où il en était, il s'en fichait. La discorde qui régnait entre lui et son fils n'était un secret pour personne, ils se contenteraient de ça comme explication de son chagrin.

L'un des groupes de chasse qu'il avait aperçu plus tôt se faufilla à l'horizon. D'abord, Tanyxoth voulu bouger, ne pas être dans leur chemin, ne pas se faire voir, rester tranquille à ruminer sans qu'on ne lui demande comment il va, parce qu'il mentait toujours, quand il y répondait. Il détestait mentir, mais ceux qui lui demandaient comment il allait étaient assez bête pour poser la question plutôt que d'observer par eux même. Le cerf n'était plus que l'ombre de lui même. Alors quand il vit que finalement, le groupe de chasse se dirigeait plus loin et disparaissait lentement, il soupira de soulagement en reposant sa tête sur ses pattes. Réaction prématurée, car l'une des silhouettes du groupe se détacha bien vite et se dirigea vers lui. Il se remit en sphinx et attendit, espérant que ce ne fut pas pour lui que le loup s'approchait.

Plus la silhouette s'approchait, plus Tanyxoth pouvait deviner qui c'était. Des loups avec autant de queues, il n'y en avait pas des masses. Il constata qu'elle avait repris du poil de la bête depuis leur dernière altercation. Elle avait repris de la masse et peut être même un peu de muscle. Bien, c'était bien.

Il la regarda s'approcher, ne la quittant pas des yeux. Il n'avait pas peur. Pourquoi aurait il peur? Il aurait pu déglutir, se disant qu'elle venait à nouveau lui cracher sa colère au moyen de pics d'argents, mais le cerf n'était pas rancunier, et il savait que la louve n'était pas de ce type non plus. Il tourna la tête pour l'observer encore, alors qu'elle s'asseyait sans le regarder, préférant voir les chasseurs à l’œuvre en contre bas.

Il se redressa, restant où il était, et s'assit également. Ils n'avaient pas besoin de se voir. Il pouvait être reconnaissant à la louve de vouloir encore lui adresser la parole après cette terrible catastrophe. Mais il n'en dit rien. Si ça avait été autre chose qu'un ours, rien n'aurai été pareil. Et lui aussi avait été terrifié. Et il gardait toujours cette peur enracinée au fond de lui, sans doute à tout jamais.


dit il d'abord. Le silence n'était pas pesant. Agréable, presque apaisant. Il soupira et tourna la tête vers la verte.


Depuis l'accident, en plus d'avoir vu son fils s'éloigner de lui, Verd n'était plus revenue à l'entrainement, et quand il s'approchait d'elle, volontairement ou non, la louve cristalline prenait un masque froid et ne disait mot. Il aurait pu également demander comment Ragnar allait, mais ça il le voyait tous les jours à l'entrainement. Il était heureux de voir les deux jeunes ensemble. Mais il avait peur d'avoir été rayé de leur vie. Ça le tiraillait le soir et l'empêchait parfois de dormir. Cependant le récent changement de comportement chez son fils lui redonnait de l'espoir. Le cerf ne lisait plus de colère dans ses yeux. Même s'il n'arrivait pas à savoir ce que ressentait Ragnar, il était sûr que son fils ne lui en voulait plus.

La louve semblait perdue dans ses pensées. Elle ne chassait pas avec les autres et ça semblait la démanger. Si on empêchait le cerf de se battre, il se sentirait peut être dans le même état.

Elle mit du temps à lui répondre, mais Tanyxoth ne disait rien. Ne la forçant pas. Il s'était pendant un temps attendu à recevoir à nouveau ses pics dans le corps, mais c'était passé maintenant. Il était assis derrière elle mais ça ne l'empêchais pas de voir sa tête. Il leva un sourcils quand elle se mit à sourire. Avait elle vu quelque chose de cocasse en bas? Il y jeta un oeil, cherchant la source de ce sourire. Au final, même si elle ne répondait pas à la question du grand cerf, sa réponse ne put l'empêcher de sourire lui aussi.



Voir son fils heureux avec une louve le rendait heureux lui aussi. En un sens, cela lui montrait qu'il avait fait son job, malgré l'accident. Il avait sauvé son fils et lui avait offert une vie un peu plus douce que celle d'un solitaire décharné et traqué par ses parents biologiques. Sa queue se mit à se mouvoir doucement dans l'herbe. Alors il vit les oreilles de la verte se baisser et il s'interrogea, avait il dis quelque chose de travers?

Il décida de changer de sujet, il se remit à regarder la meute chasser en bas, les oreilles droites. Il avait vu les entrainements de la louve avec son compagnon. Enfin, vu. Plutôt entrevu. Et ce n'était plus un secret pour personne qu'elle s'activait à se remettre en forme avec Gothic et son frère. Et les effets de ces entrainements se voyaient sur elle. Elle semblait plus radieuse et en forme, et en plus elle avait été capable de venir jusqu'ici,à défaut de pouvoir encore chasser avec les autres.

Ystrelle rit et Tanyxoth sourit. Puis il vit son amie perdre son regard dans la zone de chasse en bas. Sans doute se laissait elle aller à la nostalgie de ses anciennes parties de chasse. Ni lui ni elle n'ignoraient que quand elle pourra reprendre, elle n'occupera pas le même poste qu'autrefois. Un jour peut être pourra elle à nouveau son poste, mais pour commencer ce n'était pas bon.

Ystrelle se tourna vers lui après son compliment et elle sourit vraiment. Tanyxoth rit. Gothic étant ce qu'il était, il se doutait bien de la rudesse de ses entrainements. Il aurait fait un bon chef d'armée, sans pitié pour ses soldats, mais attachant quand même. On était vite loyal à ce genre de loup. Il hocha la tête. Ystrelle et gothic se complétaient, et si l''officialisation de leur relation il y a plus d'un an en avait surpris plus d'un, et déçu d'autres, il ne faisait nul doute que l'assassin et la chasseuse c'étaient trouvés.

Quand Ystrelle remit ragnar au coeur du sujet, Tanyxoth ferma les yeux. Son sourire diminua mais le loup n'en était pas malheureux pour autant. Il pouvait être triste, il l'était moins qu'au début. Il pouvait être nostalgique, il savait qu'il ne retrouverai pas son fils comme il était avant l'accident.


Il ne savait pas que la louve verte avait parlé à son fils de cette situation, bien qu'il n'en fut pas surpris, Ragnar passant beaucoup de temps chez elle, il devait certainement s'entendre avec Ystrelle, sinon il n'irai pas. Il la regarda, son regard plein de reconnaissance.


Si Ragnar s'était fermé à son père, Tanyxoth avait douté au début que cette séparation brutale en pâtisse sur l'ouverture de son fils vis à vis du reste de la meute, mais le cerf avait fini par voir que Ragnar s'entendait un peu mieux chaque jour avec les autres, et que même s'il restait fidèle à lui même, c'est à dire neutre, taciturne, solitaire, il était un peu moins fermé, un peu plus social. Et Tanyxoth, même s'il n'était pas un expert en la matière, pouvait se dire que c'était grâce à ce que la louve verte avait procuré à son fils quand ce dernier n'allait pas bien.