Dès l'instant où Le Faucheur finit son travail sur Quoltzec, le corps fut pris en charge et fut placé à la montagne comme il l'avait demandé. Dès demain matin, un cortège ira en direction du cimetière pour y enterrer l'ancien bêta.
Après la gestion de Quoltzec, il s'était retiré, s'isolant pour le reste de la journée. Il avait trouvé un rocher sur la montagne qui lui permettait d'observer le campement et la forêt. Il avait passé le reste de la journée perché là-dessus. L'esprit tantôt vide, tantôt emplis de souvenirs, pleurant, soupirant, déprimant. Bref, il était dans la deuxième phase du deuil : la douleur et la culpabilité. Le choc et le déni étaient assez vite parti avec cette histoire de divinité inconnue et la venue du Faucheur.

Voilà maintenant plusieurs heures que l'attaque du cavalier s'est terminée, que Quoltzec est mort et que Le Faucheur est passé. Nous sommes en fin d’après-midi, le soleil est à moitié disparu. Il devait faire une chose difficile : annoncer à la famille cette perte. Il n'était pas sûr de pouvoir le faire sans pleurer avec les filles. Il finit par prendre son courage à deux pattes et se leva. Il partit à la tanière de ces dames qui devaient attendre le verdict d'un médecin... Il avait été cruel de ne pas y aller directement, mais il n'avait pas pu jusqu'à maintenant.

Il finit par arriver devant. Il les appela. Seule Neema se montra. Angélis et Puima étaient sans doute de sortie. Hydromos s'était fait une légère toilette avant de venir les voir, pour paraître présentable. Néanmoins, ses yeux et l'air de son visage ne mentaient pas et montraient bien la tristesse qu'il avait.

Neema. J'ai... Une mauvaise nouvelle. Es-tu seule ?

À sa question, la petite hocha positivement la tête. Mince... Elle est seule. La tâche allait être difficile. Il venait de lui dire qu'il avait une mauvaise nouvelle à annoncer et il ne pouvait pas lui dire. Du moins, pas maintenant. La petite avait déjà les larmes qui lui montaient, songeant sans doute au décès de son père. Ses oreilles se baissèrent un peu plus.

Je vois... Dans ce cas, nous allons attendre ta mère et ta sœur.

Pourquoi diable Angélis avait eu le besoin de partir maintenant ? Ne pouvait-elle pas rester dans la tanière en attendant les nouvelles de son mâle ? Et pourquoi est-elle partie sans Neema ? Ça l'embêtait beaucoup. Il n'avait pas envie d'annoncer cette terrible nouvelle sans la présence de la mère et veuve Angélis. Neema en aurait grand besoin. Seulement, qui sait pour combien de temps elles sont parties... Si l'attente se faisait trop longue, alors il devrait l'annoncer à elle seule. Il restera le temps nécessaire avec elle après ça. Il n'allait pas la laisser toute seule après cette annonce déchirante.

Hydromos s'était quelque peu pivoté, guettant la silhouette blanche et noire de la noble plumeuse. Seulement, le stress l'envahissait et il se mit à faire les cent pas en observant toujours devant. Il soupira et s'arrêta, les yeux scannant la zone, la queue tendue de façon nerveuse. Cela faisait maintenant bien cinq minutes qu'ils attendaient. À moins que ce soit qu'une impression. L'impatience finit par ressortir et il s'ébroua avant de soupirer de nouveau, lacement.

Je ne peux plus attendre... Je vais devoir te l'annoncer sans elles.

Il s'approcha d'elle, s'assit, ferma un instant les yeux avant de poser sur elle un regard compatissant.

Je suis désolé, mais lors de l'attaque, ton père... Devait-il lui dire d'un coup ou dériver un peu ? Ton père n'a pas pu y échapper. Toutes mes condoléances, il est mort en tuant le cavalier.

Il avait choisi d'arracher le pansement d'un coup. Bien qu'Adès ne soit pas mort en même temps que Quoltzec, il préférait l'annoncer comme ça. C'était bien Quoltzec, dans un certain sens, qui l'avait tué, alors de le présenter comme ceci n'était pas totalement faux. De plus, comment pourrait-il expliquer à Neema que son père a tué le cavalier en étant mort ? Lui dire réellement qu'un dieu ancien et inconnu a jaillit de son corps ? Il ne valait mieux pas. Elle pourrait se demander si son père fut réellement son père... Enfin, il pourra lui dire, mais plus tard. Notamment, quand Angélis sera là. De toute façon, s'il ne leur racontait pas, elles finiraient par en entendre parler.

Le choc suivit l'annonce d'Hydromos. Neema s'en était probablement douté depuis son arrivée, mais conservant l'espoir que ce ne soit qu'elle qui pensait au pire d'entrée de jeu. Malheureusement, c'était bel et bien le cas. Les larmes ne tardèrent pas à déborder de ses yeux. Hydromos baissa encore plus les oreilles : il n'aimait pas voir les femelles pleurer et encore moins celles-ci. Elle s'empêchait de faiblir, mais il n'était pas dupe : elle ne pouvait pas. Elle lui fonça dessus, se blottissant entre ses pattes et enfouissant sa tête dans son poitrail. Hydromos referma doucement sa patte sur elle, la gardant contre elle dans une étreinte compatissante et douce. Il ne dit rien, la laissant s'exprimer. Il ferma les yeux et respira profondément, pour ne pas succomber aux larmes lui aussi. Il avait assez pleuré, il ne voulait pas que ça revienne. Il allait surement craquer, plus tard.

Il ne sut pas vraiment combien de temps l'étreinte dura, mais elle finit par reculer et essaya rapidement ses yeux. La distance respectable revient entre eux. Elle prit un air noble pour dire, d'une voix secouée :

Je vous remercie humblement, nous sommes très honorés que vous nous annonciez cette nouvelle en personne. Je transmettrai à ma mère et à ma sœur, soyez-en assuré. Si vous voulez bien m'excuser...

Il hocha la tête. Par la suite, Neema fuit dans sa tanière. Après quelques secondes, il passa sa tête dans l'encadrement de l'entrée.

Je resterai à l'entrée jusqu'à ce que ta mère arrive. Si tu as besoin, je suis là.

Puis, il s'installa, s'allongeant devant la tanière. Il soupira avant de poser sa tête sur ses pattes. Pourvu qu'Angélis arrive vite. Les pleurs de Neema lui fendaient le cœur. Elle voulait être seule, alors il restait là, mais c'était dur de ne rien faire. Une larme coula sur sa joue. Il se frotta la tête contre ses pattes avant de fermer les yeux.