Verd était dans une cocon végétatif depuis plusieurs jours. Son frère était parti et elle en porté le fardeau. C'était de sa faute si Rahawk était parti... Elle ne pouvait blâmer qu'une seule personne et c'était elle-même.

Elle avait une sensation de vide à l'intérieure d'elle même. Verd avait échoué. Elle s'était enfermé dans le mutisme ces derniers temps. Il y avait de la tension avec ses parents, en particulier sa mère. Des blessures qui ne se fermeraient pas. Et l'absence se Rahawak ne faisait que les renforcer.

La louveteau s'entrainait toujours, presque rien n'avait changé. Mais elle avait désormais une nouvelle énergie, un but direct. Verd s'entrainait pour être épuisée et surtout pour utiliser son pouvoir le plus rapidement possible. La louveteau n'avait encore rien dit, mais elle ressentait de plus en plus les conséquences de son pouvoir sur sa santé. C'était des bourdonnements dans les oreilles, des pertes de sensations au niveau des pattes. Parfois elle se mélangeait aussi les souvenirs et la réalité. Confondant les morts et les vivants. Cela ne durait quelques secondes à chaque fois mais c'était un avertissement.

Un avertissement que la louveteau se gardait bien de ne pas respecter. Elle trouverait un moyen de détruire Akui. Et s'il y avait des conséquences, Verd les méritait. C'était de sa faute.

La louveteau s'était dirigé vers la tanière de Ragnar. Tanyxoth leur avait demandé de partir attraper une proie ou deux. C'était du travail d'équipe. Et puis la louveteau avait aussi envie de voir Ragnar, même si elle ne l'aurait jamais avoué. Elle avait besoin de sortir de l’ambiance étouffante de sa famille. Et le louveteau lui rappelait son frère et sa présence lui faisait du bien.

Silencieuse et le visage neutre, Verd finit par se poser devant la caverne. Elle était triste, très triste.

-Ragnar, t'es dans le coin ?

J'avais passé la journée dehors, assistant en tant que spectateurs à un entrainement, histoire de voir à quoi cela ressemblait. je voulais me préparer au mieux à ma formation de guerrier, être le plus fort et le plus imposant possible, pour venger mon frère, ma soeur, et tuer mes parents. J'avais perdu espoir quand à la survie de Lagherta, à cette heure soit elle avait été secourue comme moi, soit elle avait été tuée. Mais je n'imaginais que trop bien la colère de ma mère ou de mon père qui m'avaient cherché pour achever le travail, sans me trouver. Ils auraient très bien pu vouloir se défouler sur ma chère sœur.
J'étais rentré alors dans la nouvelle tanière que je partageais avec Père et Abby, et m'y étais recroquevillé. Après tout ce temps j'avais encore honte de ne pas avoir pu la sauver, de l'avoir abandonné là.
Je ne sais combien de temps j'étais resté en boule dans mon trou, mais à un moment, un écho raisonna dans les galeries. A cette heure ci il était rare d'y voir du monde, mais la voix me fut familière, je me redressais et sortais la tête de ma tanière.

Je distinguais dans la pénombre la silhouette de Verd, mais c'était surtout les reflets verts que ses cristaux lançaient sur les parois des galeries qui me mirent la puce à l'oreille. Je ne m'attardais pas trop dessus et sorti de chez moi. Elle était devant mon ancien logis.

Je me dirigeais lentement vers elle puis m'assis derrière, à quelques mètres.

Ca fait quelques jours que je ne vis plus là, Verd.

Je me tus, sentant sa tristesse qui me fis gonfler le poil. Une odeur de sang séché avait envahi la galerie, qui avait osé lui faire du mal? Je lui ferai la peau. Je ne lui demandais donc pas la raison de sa visite, j'aurai eu la voix tremblante de colère. Mais je gardais une face impassible et j'étais certain qu'elle me dirait d'elle même la ce qu'elle faisait là à me chercher.

L'air de rien j'étais quand même un peu content de la revoir.

Personne ne répondit dans la caverne. Il n'y avait pas plus de mouvement. Est-ce que Ragnar était parti se promener ? Cette idée embêter la louveteau, dans ce cas, il faudrait qu'elle le cherche ou qu'elle parte chasser seule. Verd n'était déjà pas d'humeur à chasser, alors seule... Elle allait se résigner à partir quand elle entendit dit du mouvement derrière elle.

Ca fait quelques jours que je ne vis plus là, Verd.

La louveteau se retourna vers lui, posant son regard sur les yeux de Ragnar. Quelques jours avaient suffit pour que beaucoup de choses changent. Beaucoup trop. Verd était agar, c'était typiquement le genre d’information qu'elle aurait su autrement.

-Ha... Je...

Elle aurait voulu s'excuser, dire quelque chose, mais sa voix ne sorti pas de sa gorge. La louveteau resta dans le silence un instant, baissant la tête et profitant de sa chevelure pour se cacher les yeux. Elle aurait voulu ne plus exister. C'était trop lourd, beaucoup trop lourd. Elle prit une respiration rapide, puis releva la tête vers lui, le visage le plus neutre possible. Elle continua d'une voix presque tranquille :

-Tanyxoth m'a demandé que nous partions chassé tout les deux. Avec le neige, ce n'est pas évident. Mais à deux on pourra peut-être y arriver.

Elle termina sa phrase sur un sourire mensongé. Elle était trop triste pour réussir une telle feinte. Elle fit quelques pas vers lui, puis regarda en direction de la sorti du camps.

-La vallée des arc-en-ciel sera surement l'endroit le plus propice.

Elle resta un moment à l’arrêt, balayant du regard le reste du camps. Elle ne vit pas ses parents... Ni Tanyxoth. Elle évita le regard du louveteau puis ajouta d'une voix plus basse :

-tu pourras m'expliquer en route pourquoi tu as déménager comme ça...

Elle se retourna. Elle avait changé. Je fus frappé par son visage qui s'était tant assombri depuis la dernière fois. Qui était le responsable? Mon poil resta ébouriffé. Elle balbutia un début de phrase sans la finir, je penchais la tête. Elle n'était pas bien.



J'avais sorti ça avec un flegme à toute épreuve. Sans vraiment y réfléchir ni m'en rendre compte. Pourquoi avais-je dis ça? Je tournais le regard, un peu gêné. Mais elle enchaîna rapidement, me permettant de reprendre constance.

Ainsi donc nous allions chasser. Qu'est ce qui était passé par la tête de Père? je n'avais jamais vraiment chasser. Espérait il vraiment que je soit bénéfique à cette partie? Je serai plus du style à faire fuir le gibier. Elle me fit un sourire ridicule. Ca se voyait qu'il était faux et au fond cela me blessais un peu qu'elle pense que je puisse tomber si facilement dans le panneau. Nous n'avions sans doute pas interagis encore assez souvent elle et moi. Mais je commençais à la connaitre et son sourire ne passait pas. Je ne lui fis cependant aucune remarque et me levais pour me secouer afin de réveiller les muscles endormis.


Je n'avais jamais chassé et n'avais jamais vu Verd le faire. Cette remarque n'était qu'un fait. Je n'en avais aucune idée que cela change quelque chose pour elle ou non. Je me dirigeais vers la sortie des galeries.


Il n'y a qu'avec elle que je pouvais autant parler. Je l'aimais bien, ma petite Verd.

Quand Ragnar fit un commentaire sur son visage, Verd ne rajouta rien, restant dans le silence. Elle savait que cela partait d'une bonne attention, du moins elle l'espérait. Mais elle n'aimait pas particulièrement qu'on lui fasse des compliments sur son physique. C'était des phrases qui la repoussaient vers quelque chose qu'elle ne supportait pas, le fait d'être considéré comme un objet.

Au moins Ragnar ne prenait pas un ton paternaliste ou larmoyant. Il restait neutre et c'était tout ce dont avait besoin la louveteau.

Ragnar finit par se lever. Il acceptait, c'était une bonne chose. Tout en parlant, il se mit en marche. Verd le suivit, ils passèrent dans le camps, ce qui prit quelques minutes. Verd était silencieuse, posant juste son regard de façon très régulière sur les alentours. Elle surveillait la présence de ses parents ou de Cynthia. Elle n'avait pas très envie de parler.

Dès qu'ils sortirent du camp, Verd aiguilla Ragnar :

-Attends nous passerons plus vite par là.

Elle indiqua la direction du museau. Puis se mit en route. Les plantes mouvantes entourées le camps, il fallait forcément passée par là. C'était un formidable moyen de protection contre les attaques... Mais ça n'avait pas suffi, la camp avait bel et bien était incendié une fois.

Cette pensée en tête, Verd essaya de se focaliser de nouveau sur leur mission. Elle ne voulait pas non plus pensée à Rahawk... Elle avait dû mal. Elle était dissipé et avait dû mal à se concentrer. Elle était attristée par tout ça. Elle n'avait pas envie de chasser. Tout ce qu'elle voulait c'était se rouler en boule quelques part et attendre.

Mais elle ne pouvait pas. Il y avait toujours cette petite flamme dans son esprit, elle trouverait un moyen de vaincre Akui et de sauver son frère.

Elle posa son regard sur louveteau et demanda tout en marchant :

-Tu as déjà chassé ?

Verd espérait au moins un oui, sinon ils n'allaient pas s'en sortir.

Lorsqu'ils sortirent des galeries, je fus obligé de m'arrêter quelques instants afin de m'habituer à la clarté extérieure. Les galeries pourtant éclairées par plusieurs trous dans les parois étaient bien sombre face au soleil d'hiver qui tapait sur le camp. je dressais une oreille et suivis Verd dans ce fameux raccourcis dans les plantes. Je n'étais pas encore vraiment à l'aise dans cette partie du territoire, mais avec Verd à ses côtés je me sentais un peu mieux. Elle était native de ces territoires, les plantes ne nous attaqueraient pas.

Le silence s'installa peu à peu mais ne me dérangea pas. Je n'étais pas du genre bavard et même si la louvette avait le don de me faire parler plus qu'à mon habitude, un peu de silence ne faisait pas de mal. Je devinais chez elles des tourments lourd, malgré ses tentatives je voyais qu'elle n'avait pas le moral. Mais ne lui posais aucune question, ne sachant pas si elle jugerai cela indécent et indiscret. Je ne voulais pas la blesser. D'autant que si elle voulait absolument m'en parler, elle le ferai d'elle même. Enfin c'est ce que je me disais.

Alors que je la regardais furtivement, elle tourna la tête vers moi et je détournais rapidement le regard. Déjà chasser? Heu.... comment dire...


Autant pour me rassurer moi qu'elle, je sortis ça nonchalamment. Elle n'était pas bête, je n'avais jamais chassé de ma vie. Maintenant je décidais de lui parler de mon déménagement. Je soupirais, comment amorcer ça?

Je la regardais, guettant sa réaction. Puis il baissa la tête.



Je voulais changer de sujet, elle tenait à père et cela n'allait sans doute pas lui faire du bien, j'espérais au fond de moi que le cerf lui en avait parlé lors de leurs entrainements, sinon elle allait être mal et j'en voudrai à mon père. D'un côté Abby venait d'arriver, sans doute voulait il que son intégration se fasse en douceur. Toutefois Verd ne le comprendrait sans doute pas. Non pas qu'elle était simple d'esprit, loin de moi cette idée stupide, mais je la voyais mal et elle n'irai sans doute pas chercher anguille sous roche.

Je plaquais les oreilles sur mon crâne. Pourquoi père nous envoyait à la chasse?

Je la voyais bien embêtée par ma déclaration. Si elle non plus ne savait pas chasser, nous étions dans de beaux draps. Mais je n'avais pas envie décevoir père. Nous ne rentrerons pas les pattes vides, il n'en était pas question. Le reste sembla plus la surprendre. Verd semblait confuse à cette nouvelle. Elle enchaina ses questions, balbutiant par moment. Était elle jalouse? Awnnnnn c'était trop mignon.

Ho Ragnar, reprend toi mon vieux!

Je repassais ses questions au crible pour y répondre ensuite.

Si père l'a choisi c'est qu'elle est bien. Elle s'appelle Abby. Je ne la connais pas encore très bien. Elle est un peu collante, mais elle a bon fond.

Je m'approchais pour la regarder, j'avais envie de lui demander comment elle allait. Au vu de ses réactions, père ne lui en avait pas parlé. A ce moment là, il me déçut. Comment ne pouvait il pas se rendre compte que Verd tenait à lui? ça se voyait comme le nez au milieu du visage. Mes oreilles se plaquèrent sur le crâne. Ho et puis zut! Moi j'étais là pour Verd. C'était mon amie. Mais s'en rendait elle seulement compte? Je ravalais un soupire. Je n'avais pas envie de la rendre plus mal encore.


J'espérais que ça ne volait pas, ni ne courrait trop vite. Je n'avais pas envie de me ridiculiser.

-Si père l'a choisi c'est qu'elle est bien. Elle s'appelle Abby. Je ne la connais pas encore très bien. Elle est un peu collante, mais elle a bon fond.

C'est vrai que Tanyxoth n'aurait pas choisi de quelqu'un de mauvais. Mais... Le loup pouvait aussi être d'une naïveté sans nom. Verd l'avait bien vu lors de son apprentissage de chaman. Apprentissage qui allait surement mal se passer par la suite puisque Verd avait comme objectif de détruire Akui. Elle ne voyait plus les Dieux comme des êtres parfaits. Ils étaient puissant, mais faillible.

Le terme collant fit sourire la louveteau. Elle imaginait cette louve comme un énorme shamalow bien trop sucré et qui capture chaque personne l'approchant. Si c'était une personne tactile ou encore un peu trop volubile, Ragnar aurait dû mal à s'y faire. Elle nota les informations, se disant que de toute façon, elle ferait son avis par elle-même le moment venu.

Ragnar se rapprocha de Verd, ils étaient vraiment à la bonne distance pour discuter désormais. La louveteau aurait pu reculer, comme elle l'aurait surement fait avec d'autres louveteaux. Mais elle ne bougea pas. En fait elle avait une certaine confiance à Ragnar, elle savait qu'il ne lui ferait pas de mal. Du moins l'espérait-elle.

Il faudrait du temps pour qu'elle vraiment confiance en lui... ou une preuve. Quelque chose de concret. Elle ne voulait plus entendre de promesse.

-Tu as une idée de ce qu'on va aller chasser?

Elle grimaça puis répondit rapidement :

-Non.

Bordel elle avait envie de pleurer. Elle en avait marre. Tany devait les prendre pour des idiots. Il savait qu'ils ne rapporteraient rien.

-A cette saison, il n'y a pas de proies faciles. Le plus simple serait de chasser de petits mammifères, mais il faut être seul et ne pas faire de bruit. Sinon on pourrait s'attaquer à du gibier plus gros, mais il faut avoir de la force et de la technique. Les chasseurs y vont en groupe, alors nous... En plus, on pourrait se blesser.

Elle était en colère et elle était triste. La louveteau ajouta d'une voix plus forte, emprise de colère :

-J'en ai marre ! Tanyxoth sait très bien que l'on attrapera rien ! C'est complétement idiot ! On va arriver à rien faire, si ce n'est à blesser ou à tomber malade par ce temps de chiote. On va revenir avec aucune prise.

Cette fois la louveteau avait les larmes aux yeux :

-En plus, tout le monde va pouvoir ce moquer de nous. C'est toujours comme ça !

Elle se leva d'un geste rageur.

-Tout le temps ! Ça ne changera jamais !

Elle sourit et je souris également intérieurement. J'étais content. Si mes intuitions étaient exactes et qu'elle n'allait pas bien, la faire sourire était la meilleure chose que je pouvais faire pour l'instant, un chouette cadeau que voila.

Ensuite elle grimaça et je l'imitais. J'attendis qu'elle eus fini de décrire notre panel potentiel de chasse pour soupirer. Non mais père à quoi tu joue là! A peine guérit de mes blessures du marais tu m'envoie au casse pipe avec une petite qui a besoin de tout sauf de ça? Beh bravo la solidarité. J'ten poserai des questions en rentrant et t'as intérêt à être convainquant. Je secouais la tête pour calmer mon poil qui commençait à se dresser. Alors elle s'emporta et ça me surpris.


Père m'avait raconté un ptit bout du harcèlement qu'elle subissait autrefois. Ce jour là j'avais été pris d'une rage folle. Il y avait la maltraitance physique, que j'avais subie, et la maltraitance morale, que Verd avait subit. Et si quelqu'un recommencerait, il me verrait pas venir que j'lui aurai déjà bien fait regretté sa naissance. Je me plantais devant elle, la stoppant nette, et plongeais mon regard devant le sien.


Je laissais ma phrase en suspens. J'étais persuadé que nous allions réussir. J'aurai pu être douteux quelques instants auparavant, mais sa furie m'avait convaincu. Il était hors de question que nous nous plantions. Pour elle.

Mais j'y repensais. Vraiment, pourquoi père nous a envoyé chasser? Était-ce vraiment pour chasser? Je souris imperceptiblement. Nan. Ça venait de Père. Il avait certainement quelque chose derrière la tête. C'était Père après tout. Reste à savoir quoi. Je n'avais ni envie de le décevoir lui, encore, mais encore moins de la décevoir elle.

Verd venait juste de se lever d'un geste rageur. Tournant la tête vers le vide, elle entendit Ragnar. Il avait simplement assuré qu'ils ne les laisseraient pas faire. Cette réponse avait été la même que Rahwak. Et c'était pour ça qu’aujourd’hui le louveteau avait disparu. C'était typiquement à cause de ce genre de comportement qu'elle avait perdu son frère. C'était à cause de ça.

Le louveteau la rattrapa, lui bloquant le passage et le regarda droit dans les yeux. Verd ne savait plus trop quoi faire, elle ne recula. Fixant son regard dans celui du louveteau, elle le sonda pour savoir s'il était sincère.

Et il l'était. Quand la louveteau s'en rendit compte. Son sentiment de colère fut rapidement noyés devant une certaine peur. Le désespoir et les violences des sentiments d'avoir perdu son frère la frappa de nouveau en pleine face. Elle recula et baissa un peu la tête.

-De toute façon ils le feront pas, parce qu'on reviendra avec quelque chose, c'est sûr. On tombera pas malade et on se blessera pas non plus, parce qu'on est deux, et qu'on va se protéger.

C'était le meilleur des choses qui pouvaient arriver. La tête basse, Verd n'en était pas convaincu. Elle aimerait que ça se passe de cette façon... Elle essayerai d'y croire, juste au moins pour faire semblant. Elle haussa les épaules, elle n’arriverait pas à répondre oui de toute façon.

Elle reprit une profonde respiration.

-On devrait y aller dans ce cas.

Elle se releva et puis se mit de nouveau en marche. Elle regarda rapidement les alentours. Elle n'était pas convaincu. Elle savait que Ragnar attendait qu'elle soit réconfortée par cette nouvelle, qu'elle soit contente. Mais ce n'était pas le cas. La louveteau resta dans le silence.

Elle n'avait rien à dire pour le moment. Verd lui parlerait de tout plus tard. Quand l'occasion se présentera.

Son air de colère changea rapidement en peur et j'en fus bousculé. Mais je n'en montrais rien. De quoi avait elle peur? Elle ne dis rien et finit par prendre une inspiration avant de reprendre la marche, m'incitant à faire de même. Alors je la suivit, silencieux, désireux d'en savoir plus mais respectueux de son mutisme. Je ne voulais ni la brusquer ni la forcer alors je me tut comme elle.

Au bout de quelques minutes de marche silencieuses, nous débouchâmes des plantes pour arriver dans la vallée. Si père avait été là il n'aurait eu aucun mal à s'y enfoncer sans faire fuir toutes les proies qui y florissaient. Mais ni Verd ni moi n'étions Père, et malgré les dizaines de lapins que nous pouvions apercevoir sautiller dans la vallée, je me demandais bien comment nous allions réussir à en chopper un. Je ne soupirais pas, ne voulant pas alerter ces bestioles de notre arrivée. Alors je tournais la tête vers elle, murmurant.


Père m'avait appris ça. En cette saison les lapins restaient le plus possible planqués dans leur trou pour éviter le froid. Je lui lançais un regard en hochant la tête et me mis à avancer, tapis contre l'herbe, vers les tanières. Lorsque j'en trouvais une que je jugeais bien remplie, j'enfonçais la gueule à l'intérieur. mais alors le lapin qui y vivait s'échappa en me sautant sur la truffe et en bondissant sur mon dos avant de s'enfuir. Un autre m'écrasa la queue par vengeance et je sortis la gueule en couinant sous la surprise.

Je fis volte face et sautais les deux pattes avants en premier sur ce petit lapin nargueur qui m'échappa une fois de plus. Grognant, je le regardais filer, frustré. Je secouais la tête pour y enlever la terre et soupirais. Décidément, j'avais pas la patte fine. Je levais le regard un peu honteux vers Verd. Je devais avoir l'air d'un gros nigaud, ça c'est sur.

Il leur fallut un bon moment avant d'arriver au coin de chasse. Ragnar resta dans le silence... Verd était trop émue pour parler de toute façon. Et déjà première bonne nouvelle, il y avait des proies à chasser. C'était des lapins, le genre de bestiole beaucoup trop rapide. Il faudrait surprendre la bête pour ne pas courir après.

Ragnar murmura. Il était à peine audible :

-Je vais essayer d'un attraper un, ils sont petits et ne quittent pas souvent leur tanière en cette saison.

Verd haussa les épaules, puis le suivit du regard. Elle ne savait pas du tout comment il allait se débrouiller. Ragnar ne savait peu ou pas chasser. C'était courageux de rentrer dans un trou de lapin quand on est un louveteau. Même si les loups étaient des prédateurs, ces bestioles pouvaient encore leur faire du mal.

Elle se posa, faisant bien attention à ne pas alerter les lapins avec le vent portant son odeur. Avec la neige, on ne pouvait pas bien voir les animaux.

Le louveteau se mit en position de chasseur et commença à avancer tranquillement. Il se concentrait, ça se voyait. Il finit par rentrer dans un trou de lapin. La suite fut assez cocasse puis que le louveteau se retrouva à couiner de peur. Il venait de faire renverser et mis en déroute par des lapins. Ils avaient même réussi à lui marcher sur la queue.

Ragnar finit par revenir vers la louveteau. Il était gêné. Il y avait une lueur de honte dans son regard. Il avait même un peu de terre dans ses poils. Verd eut un sourire. Elle se rapprocha du louveteau. Ce n'était plus la peine de ne plus faire de bruit, Ragnar et les lapins avaient fuit tout le monde.

-C'est un bon début.

Puis elle ajouta d'un ton plus enjoué :

-Arrête de faire cette tête.

Elle regarda le pelage du louveteau, il avait encore du la terre sur la tête. La louveteau lui demanda gentiment :

-Ne bouge pas...

Puis elle se rapprocha plus prêt de Ragnar, entrant clairement dans son espace vitale. Elle passa sa patte avant droite (celle sans émeraudes) sur la tête du louveteau. Verd était délicate, puis elle passa sur le reste du visage de celui-ci. Il ne restait que quelques bruns d'herbe au dessus du museau. Cela devait être une plante avec des petits crochets, le genre de plante qui ne part pas avec un simple coup de patte.

Ragnar était un peu plus grand qu'elle. Si bien que la louveteau dû se mettre sur la pointe des pattes. Elle rapprocha son visage de celui-ci puis attrapa la plante incriminée. Puis elle recula, posant l'herbe à ses pieds. Verd pencha sa tête sur le côté puis ajouta :

-Voilà, ça devrait être mieux ! Tu es tout beau comme ça !

Verd sourit. Elle appréciait Ragnar, c'était quelqu'un de bien. Un ami peut-être. Profitant de ce moment plus calme, la louveteau avait envie de parler. Ce n'était peut-être pas le bon moment mais c'était un bon moment. Elle détourna le regard du louveteau, puis commença, elle hésitait :

-Juste... Ragnar pour les prochaines fois... Ne te met pas en danger. Jamais. Quoi qu'il arrive. Je veux dire, même si c'est pour une bonne raison ou pour quelqu'un.

Elle prit une respiration puis ajouta d'une voix plus ferme :

-Surtout, ne te met pas en danger à cause de moi.

Elle finit par pencher la tête. Verd ne pouvait pas éviter de penser à son frère. Sa voix se fit plus faible, plus hésitante, plus émue :

-Je vais être assez forte pour me défendre moi même désormais. Plus personne n'aura de problème à cause de ça... Il le faut...

Elle avait perdu son frère. Elle avait brisée sa famille. Un tel drame ne devait pas se dérouler une nouvelle fois.

Je m'étais assis à côté d'elle les oreilles basses. J'avais réussi à me ridiculiser en une fraction de seconde, moi qui avait fait le valeureux quelques minutes avant. Mais en plus j'avais réduit à néant tout espoir de ramener une proie au camp, je n'étais qu'une plaie.

Un bon début? Tu parles! Je ne répondis rien. Mais son ton enjoué me fis lever la tête d'un air interrogateur. Y'avait quoi de drôle là dedans? j'venais de faire foirer toute la mission que père nous avait confié. Je ne répondis toujours rien et tenta de rester impassible alors qu'elle s'approchait de moi. Je retins un mouvement de recul. Malgré la confiance que je portais en elle ce genre de choses, de contact rapproché me tendaient encore un peu. Je fermais fort les yeux alors qu'elle passait délicatement sa patte sur mon visage. Sa douceur me surprit. Non pas que j'attendais des coups. Mais même Abby n'était pas si douce.

Elle se recula, pour se rapprocher un peu plus et je me mis à loucher pour l'observer chiper ce petit brin avant de le poser à terre comme un foetus. Elle me sourit et ça me rendis heureux. Je lui servit le plus beau sourire que je pouvais faire en retour -c'est à dire un sourire ridicule qui ferai flipper les gamins-. Mais je ne pouvais pas faire mieux. Puis elle détourna le regard et hésita. Ce fut à mon tour de pencher la tête, intrigué.

D'abord hésitante, puis plus ferme. Elle me fixa et je ne pu empêcher mes oreilles de se plaquer le long de ma crinière. Mais alors sa voix devint basse et à nouveau hésitante. Elle semblait penser à quelque chose. Sans doute ce quelque chose était la raisons de ses tourments? Je mis un temps avant de répondre. Elle me demandais d'être ce que je n'étais pas et cela m'était impossible. Je décidais alors d'évoquer de mon passé.

J'ai perdu ma sœur parce que je n'ai pas pu la protéger. J'ai perdu mon frère parce que je n'ai pas pu le protéger.

Je la fixais dans les yeux, rien ne me ferai changer d'avis sur ce que j'allais dire.


Je fronçais les sourcils. Quelques soit la raison de son malheur si elle pensait qu'à présent tout ce qui pouvait y ressembler se déroulerai pareil, et bien j'allais bien rapidement la faire changer d'avis.

Ragnar lui fit un sourire, un début plus exactement. Ragnar n'arrivait pas à faire de grands sourire front. Sa bouche se tordait sur le côté et puis avec ses dents, ça lui donnait un air de sanglier. Mais la louveteau aimait bien ce genre de sourire. Même si Ragnar avait du mal, il était sincère. Et c'était tout ce qui lui fallait.

Après qu'elle ait finit de parler, le louveteau resta dans le silence. Il prenait le temps de réfléchir. Une réponse qui n'était pas spontanée ne dérangeait pas la louveteau. Après tout, elle aussi aimait prendre le temps de répondre.

-J'ai perdu ma sœur parce que je n'ai pas pu la protéger. J'ai perdu mon frère parce que je n'ai pas pu le protéger.

Verd releva le regard vers lui. Elle était triste pour lui, vraiment. Elle savait comment cela pouvait être terrible. Ragnar devait souffrir terriblement. C'était peut-être aussi pour ça qu'il restait seul, qu'il était craintif. Il était de ces loups qui ont vu trop de choses horribles. Verd le regarda avec compassion. Ragnar avait survécu et il devrait vivre avec tout ça. Même si le poids du passé pouvait lui briser sa vie.

Leur regard se croisèrent, il continua :

-Alors si j'ai le pouvoir de te protéger, crois moi bien qu'il est hors de question que je ne fasse rien. T'es la seule amie que j'ai réussi à me faire ici et il est hors de question que je perde encore un être cher.

Il était décidé, ça se voyait. C'était une réponse sincère. La louveteau était à la fois émue et désespérait par cette remarque. Elle aurait fait la même chose pour lui. Même si Verd n'était pas une grande combattante, elle trouverait un moyen de l'aider dans tout les cas.

Elle enchaina d'une voix trop brute, presque cassée :

-Et moi j'ai perdu un frère parce qu’il ma protégé.

Verd avait les larmes aux yeux, elle détourna le regard, tournant sa tête vers le sol. Elle continua d'une voix hachée et hésitante :

-Je ne veux pas que ça t'arrive. Ni à toi, ni à personne d'autre. Ragnar, je ne veux pas te perdre. Je ne veux pas te perdre de la même façon que j'ai perdu Rahwak.

Elle butta sur le dernier mot. Elle s'était mise à pleurer, tout doucement.

Elle leva le regard vers moi et j'y distinguais après quelques temps une lueur de compassion. Je n'avais pas besoin de pitié. Ça ne changera pas ce que mes parents ont fait de moi et ce qui est arrivé. Ce n'était pas la pitié qui allait me rendre suffisamment fort pour achever ces monstres, ni pour retrouver ma sœur, tant est si bien qu'elle soit toujours en vie... Elle ne resta pas de marbre face à ma déclaration. Elle avait compris que c'était vrai. Mais ensuite son ton se fit dur, et presque cassé. Je la regardais, pas surpris le moins du monde. Vu comment elle allait c’était pas rien ce qu’il s’était passé.

Toutefois mon regard jusque là durcit par la fermeté se radoucit. Je n’allais certainement pas lui poser des questions. Elle s’était confiée à moi sans que je ne lui demande rien, et c’était pour moi une preuve de confiance. Lui poser des questions pourrait paraitre indiscret. Et puis je ne voulais pas savoir ce qu’il s’était passé avec son frère. Ça ne me regardait pas et ça ne changerai pas ce qui est arrivé.

Elle tourna ensuite la tête et je voyais comme une cassure en elle. Depuis notre première rencontre, quelque chose en elle était parti et je me doutais fort que c’était à cause de ce qu’il s’était passé avec Rahawk. Je la laissais finir alors qu’elle pleurait. Je voulais pas qu’elle pleure. Je voulais pas qu’elle soit triste. Mes oreilles tombèrent et je me mis face à elle. Lui relevant tout doucement le museau à l’aide du mien. Ensuite comme elle l’avait fait plus tôt, j’approchais ma patte de son visage, ma grosse patte touffue, en prenant soin de ne pas la toucher avec mes griffes.

Alors je me mis méticuleusement à essuyer chaque larme jusqu’à ce que le léger flot se tarisse. Ensuite je reposais ma patte au sol, et la regardais, doux et ferme à la fois.

J’ignore ce que ton frère a fait, et cela ne me regarde pas. Cependant si tu l’as perdu à cause de ça c’est que ce qu’il a fait ne devra pas se reproduire, ainsi tu peux me croire que tu me perdra pas comme tu l’a perdu lui.

Je fermais les yeux. J’étais peut-être un peu trop brute ? Rhaaaa j’étais pas habitué à ça ! Depuis quand je consolais les gens moi, c’était une première. J’espérais qu’elle ne me trouvait pas trop sec ou trop méchant. Je décidais d’y apporter quelques précisions, tournant la tête.

Je veux dire, je prétends pas que ton frère a mal fait quelque chose, mais je suppose que ce qui est arrivé est suffisamment grave pour qu’il aie fait quelque chose qui te fasse le perdre. Ainsi j’en déduit qu’il n’y aura plus à s’inquiéter de ça.

Les oreilles toujours basses, je la regardais à nouveau. Je voulais qu’elle comprenne mon point de vue, pas forcément qu’elle l’accepte, mais qu’elle le comprenne et qu’elle ne tente pas de me l’enlever.

Mais tu m’empêcheras pas de te protéger Verd. Je suis peut-être encore jeune, et pas entièrement formé ni développé, mais je m’en voudrai à vie s’il t’arrivait quelque chose, et que je n’ai pas tenté une seule fois de t’aider. Vraiment.

Ce fut à mon tour de baisser le regard. J’étais tout ému à l’idée de la perdre. C’était pour moi une idée inconcevable, surtout si je pouvais y mettre mon grain de sel pour que ça n’arrive pas.

Ragnar n'avait pas l'air d'être surpris. Il finit pas venir essuyer les larmes de la louveteau. Verd aurait surement repousser les autres, mais c'était Ragnar. Elle se laissa pleurer, en silence, ne pouvant plus vraiment cacher ce qui lui pesait. Le louveteau finit par venir sécher ses larmes.

La louveteau ne pleurait plus. Elle était toujours triste, mais désormais elle sentait mieux. Il n'y avait plus ce trop plein d'émotion en elle. Verd était fatiguée de ses montagnes russes émotionnelles. Tout ce qu'elle voulait, c'était s'endormir. Mais pas à sa tanière, pas là où elle ne faisait que voir l'absence de son frère ou l’œil inquisiteur de sa mère. Un endroit calme et serein.

Ragnar commença à parler. Il était sérieux dans ses propos. Mais il semblait se mélanger un peu, ce n'était pas très claire. Mais Verd compris tout de même. Ragnar était un peu maladroit. Mais au moins, elle n’essaya pas d'en apprendre un peu plus. Une personne attentive présente au camps et possédant les informations pourraient le déduire. Cette idée passa rapidement dans la tête de Verd, il fallait s'assurer que personne ne fasse le lien.

Il finit par baisser le regard dans ses dernières phrases. Verd voyait bien que le louveteau était émue. Il ne voulait pas la perdre et il ferait tout pour l'éviter. Ragnar avait perdu suffisamment de proche, il n'avait pas besoin de souffrir plus.

-Ragnar...

Elle eut un sourire triste mais sincère. Verd posa sa tête contre l'épaule du loup puis ferma les yeux. Elle resta dans le silence quelque instant. Puis elle se déplaça pour se mettre en face du louveteau et se mit à sa hauteur.

-Je ferai en sorte que tu n'es pas à me protéger. Et puis, tu aussi compter sur moi en cas de pépin. Je ne suis pas très forte à la bagarre mais...

Elle montra sa patte entièrement constitués de pierres précieuses puis ajouta :

-Je suis certaine que je peux assommer quelques loups avec ça.

Verd fit un sourire en imaginant la scène, c'était peu probable. Il faudra qu'elle s'entraine un peu plus. Elle recula un peu puis se posa. Verd jeta un rapide coup d'oeil aux environs, vérifiant qu'ils étaient bien seul.

-Ragnar, surtout ne parle de ça à personne. Mais vraiment rien. Ça pourrait m'apporter de graves problèmes.

Si la mort du petit Yorg venait à s'apprendre, ça serait catastrophique. Savoir que Verd se sentait responsable de la disparition de son frère car il l'avait protégé, c'était donné le bâton pour se faire battre.

Elle repensa à Akui et à ce qu'elle devait faire. Lors de l'utilisation de son pouvoir, elle aurait forcément besoin de quelqu'un pour la protéger. Dans cet état, elle était incapable de faire que ce soit, un prédateur ou un loup dangereux pourrait facilement lui faire du mal. Et même si la louveteau était triste, elle avait une Elle regarda Ragnar doit dans les yeux, elle était très sérieuse :

-Je vais avoir besoin de ton aide.

Elle posa sa voix puis réfléchis un peu plus. Verd reprit la parole quelques secondes plus tard :

-Il faut que j'utilise mon pouvoir... Il me permet de retourner dans le passé d'un lieu et de voir ce qu'il s'est passé. Mais quand je l'utilise, je suis inconsciente. J'ai besoin de quelqu'un qui puisse veiller sur moi à ce moment là.

Elle balaya de nouveau l'endroit de son regard.

-Je cherche une information très précise, mais je ne sais même pas où commencer à chercher. Ca risque d'être long et fatigant. Et c'est aussi dans des lieux où nous n'avons pas forcément le droit d'aller, comme certaines terres libres.

Verd était déterminée. Elle sentait toujours mal de la disparition de son frère, mais elle avait un moyen de se racheter.

-J'ai un ennemi et je ferai tout pour le briser.

La phrase était dite sur un ton calme mais on pouvait ressentir la haine dissimulée sous un visage d'ange.

Sa proximité me surpris, et son geste de contact encore plus. J’eu cette fois un petit réflexe de recul que je ne sus contrôler. Serrant les dents sous cette incapacité à me gérer, je fermais les yeux et posais à mon tour délicatement ma tête contre elle. Elle était plus petite et je risquais bien de me faire un torticolis, mais pour l’instant cela importait peu. Je la sentis se reculer et je fis de même en une fraction de secondes, de peur d’être trop envahissant.

J’imaginais la scène, sans doute plus brutalement que celle que Verd s’imaginait, mais ça me fit rire également. Un petit rire.

J’espère ne jamais devoir me battre contre toi.

J’avais dit ça avec humour, un reste de rire encore présent dans la voix. Mais au fond de moi je l’espérais vraiment, et pas à cause de sa patte. Elle sembla alors soudainement soucieuse. Elle regardait un peu partout, avait-elle peur qu’on nous entende ? Qu’avait-elle à me demander ? Était-ce si grave pour qu’un autre membre du clan l’entende ? Elle posa la question fatidique et je l’écoutais parler, interloqué. Qu’avais-je de différent qui méritait cette confiance ? Je me retins de le lui demander. Mon regard se fit dur et je hochais d’un coup sec la tête. Ainsi dans une promesse silencieuse j’emporterai ce secret dans la tombe.

Mes oreilles se levèrent alors. Besoin de mon aide ? Je la laissais finir alors qu’elle semblait de plus en plus déterminée au fil de ses paroles tandis que je me faisais tendu. Je la regardais, impassiblement, mon ton fut neutre alors que je prenais la parole, après qu’elle m’ait révélé ses intentions. J’avais senti sa haine dans ses dernières paroles et cela avait fait vibrer mon échine.

C’est qui ?

J’attendis un peu la réponse, puis me permis en voyant son silence d’apporter quelques précisions.

Je t’aiderai là dedans volontiers, mais un bon guerrier n’attaque jamais sans connaitre son ennemi. C’est qui ?

J’étais pas encore guerrier, et loin de l’être. J’avais pas un an mais pourtant j’étais déjà fort, physiquement comme mentalement. Au cours de mes observations des entrainements des guerriers, j’avais souvent entendu cette litanie. Connais ton ennemi pour mieux l’achever. De plus je n’allais certainement pas me lancer à l’aveuglette dans une quête dont je ne connaissais ni la tête de cible ni le débouché espéré. Je m’assis et enroulais mon étrange queue autour de mes pattes alors que mon écharpe se mis à onduler sous le vent. J’attendais des précisions, c’est tout. Ensuite nous retournerons chasser.

Ragnar avait accepté, ou du moins semblait-il. Mais avant de se lancer dans cette aventure, le louveteau lui demandait le nom de son ennemi. Verd le sonda, il n'était pas idiot, pour faire ce genre de chose il fallait toujours demander dans quoi on s'engager vraiment. Mais une fois le nom dit, est-ce qu'il accepterait toujours ? Elle répondit de bout en blanc :

-Akui.

Verd ne pu s’empêcher de se tendre en prononçant le nom du Dieu à haute voix. Déjà, parce que la dernière fois elle s'était prise une baffe suffisamment puissante pour la sonner. Ensuite le Dieu était un être puissant, très puissant. Il pourrait la détruire en quelques secondes. Ils avaient déjà eut une chance énorme lorsqu'il était venu au camps, il n'avait tuer personnes... Il n'avait volé que son frère. Elle savait à quel point cela pouvait être idiot de dire ça, de partir dans une quête impossible. Mais il y avait une chance, une toute petite chance.

-Ragnar, les Dieux sont puissant mais pas invincible. Ils sont à l'image de leur création : imparfait. Akui est un Dieu puissant, le 3e plus fort. Il aime intervenir dans notre monde et il mérite que nous, les habitants de ces terres, le remettons à sa place. Il y a forcément des possibilités.

Si Verd était déterminée, elle était aussi en alerte. De tels propos pouvaient lui valoir une semaine de punition, voir plus.

-Lorsque j'étais avec les religieux, je les ais entendu discuter. Il y a longtemps, vraiment très longtemps, quand tout les Dieux vivaient avec les loups, lors de la création du monde, une pierre a été crée. C'est un artefact que Moon et Solar ont fabriqués à l'aide de la magie runique. Un des seuls domaines où ils sont plus fort que leur frère. C'est une pierre noire sculptée de mots anciens. Après que les Dieux aient laissés les loups seul, cette pierre a disparu pendant des siècles.

Elle s’arrêta quelques secondes. Le problème était que EL n'avait pas de moyen pour conserver correctement l'histoire. C'était un mélange de rumeurs et de mythes, mais c'était la seule chose sur laquelle la louveteau pouvait se baser.

-Un jour un loup, très vieux et très sage a trouvé cette pierre. C'était un héro de son temps. Sachant que cela pourrait être utile pour les futures générations, il devait laissé la pierre à un endroit accessible. Mais il ne pouvait pas non plus laisser Akui la trouver trop facilement. Depuis, personne ne sait où elle est. Les religieux la cherchent, comme de nombreux loups dans le passé, mais toujours en vains.

Il fallait qu'elle en apprenne en peu plus sur tout ça. Mais comment ? Il y avait personne pour raconter , c'était bien trop vieux.

-Certaines rumeurs disent qu'elle est cachée dans les marais, gardée par le monstre, d'autres dans le désert ou encore au fonds du puits aux vœux. Mais en réalité, personne ne sait sérieusement où elle peut se trouver.

Elle continua, présentant son raisonnement au louveteau :

-La pierre n'est peut-être plus accessible aujourd'hui. Et personne ne peut la détecter directement avec l'aide de ses pouvoirs... Mais moi, grâce au pouvoir que j'ai, je vais pouvoir remonter dans le temps de chaque lieu. Découvrir ce qui c'est dit et ce qui c'est passé. C'est le meilleur moyen.

Pourtant tout en disant ça, Verd sentait la fragilité de ce plan. Il fallait être un peu fou pour le tenter. Si la louveteau chercher des souvenirs, elle tomberait forcément sur des choses difficiles, des moments terribles jusqu'à l'horreur pure. Ce n'était pas forcément ce qui était le mieux pour sa santé mentale. C'était user et abuser de son pouvoir, ce qui aurait des conséquences sur le long terme. C'était une fuite en avant. C'était exactement la même chose que de s'automutiler physiquement.

C'était un chemin obscure et dangereux. Verd y avançait consciente des dangers, mais elle n'avait plus aucune autre issu.C'était le seul moyen de se racheter. C'était le seul moyen de prouver qu'elle était autre chose que le bourreau de son frère. C'était trouver une rédemption pour sa famille.

Des sacrifices, il y en aurait. Mais cela en valait la peine.

-Ça ne sera pas une attaque frontale. Une fois la pierre entre nos mains, le Dieu ne pourrait plus utiliser ses pouvoir contre nous et dans la zone. Il deviendra l'égal d'un mortel, sans doute plus fort et plus résistant, mais on pourra la vaincre ensemble.

Elle y croyait, réellement.

-je sais que c'est un peu fou, que ça va être difficile et long. Mais c'est le seul projet de viable pour contrer Akui.

Akui. Je la regardais, perplexe. Ne retenant pas cette fois le sentiment qui me traversais. Était-elle sérieuse ? Vraiment ? Je pouvais distinguer en elle cette même flamme qui m’avait habité le jour où j’avais décidé de tuer mes parents. Cela semblait déjà si loin et pourtant c’était il n’y a que quelques mois. Akui. Elle était sérieuse. Pourquoi ? Voulait-elle se tuer ? Vraiment ? Je retroussais mes babines, imaginant la scène. Quoi que je dise je ne pourrais visiblement pas la faire changer d’avis. Et je n’avais pas envie de me lancer dans une dispute comme la dernière fois. D’ailleurs j’attendais toujours des excuses. Mais c’était superficiel pour moi.

Je l’écoutais donc étaler son plan comme si j’avais déjà dis oui. Elle tentait de me persuader. Une pierre se cachait donc quelque part. Mais elle ne se basait que sur des légendes, rien ne prouvait que cette pierre existait vraiment, et si c’était le cas le monde était vaste, si ça se trouve elle n’était même plus sur EL.

Mais si tout cela marchait ? Le plus difficile sera certainement de trouver cette pierre. Mais je savais qu’il serait tout aussi difficile de s’attaquer au dieu. Mais une fois celui-ci réduit au simple pouvoir physique, ça serait bien plus facile. Cette pierre annulait elle uniquement les pouvoirs du dieu ? Il ne fallait pas courir le risque d’être surpris par la perte des nôtres. Et si nous parvenions à le détruire, cela risquait il d’annihiler tous les pouvoirs sur ces terres ? Rien ne nous garantissait que nous garderions nos pouvoir après avoir réduit le dieu des éléments à néant. Rien ne nous garantissait non plus que nous réduirions le dieu des éléments à néant. A un moment ou à un autre, ce dernier se rendra certainement compte de notre stratagème. C’était un dieu et en plus il recrutait. Il ne tardera plus à avoir des oreilles et des yeux sur chaque parcelle des terres qui nous entourait.

Alors elle finit de parler, et je ne dis rien. Pendant quelques minutes le silence s’installa, je la fixais, penchant le pour et le contre. Réfléchissant à toute allure. Finalement je soupirais et fermais les yeux.

Très bien.

Je ne pouvais pas l’en empêcher, alors je la suivrai, pour la protéger. Je rouvris les yeux et les plantais dans les siens.


Je pris le temps de respirer. Mes exigences étaient multiples, mais si elle n’était pas idiote elle comprendrait.

De mon côté, je deviendrai le meilleur des guerriers, et j’irai tuer mes parents.

Je me relevais et me secouais.

Verd attendait la réponse de Ragnar. Il n'avait pas l'air de refuser... Il était surpris, ce qui était normal. Mais au moins il ne commençait pas de grands discours pour lui dire que ça n'allait pas fonctionner. C'était déjà ça. Il finit par hocher la tête :

-Très bien.

Verd le regarda, un peu surprise, mais sourit. Si elle gardait un sentiment de tristesse profonds, elle était contente que le loup accepte de la rejoindre dans cette aventure. C'était un bon début. Il fallait avancer.

Ragnar la regarda droit dans les yeux, elle ne détourna pas le regard. Il s'exprimait bien, ses idées étaient clair cette fois. Oui, il faudra grandir, mais ils n'en n'auraient peut-être pas le temps. Verd n'avait pas besoin de lui dire qu'elle commencerait ses recherches sans lui. Elle commencerait au moins au camps de la terre, remontant le plus loin possible dans le passé, il lui faudrait des heures et des heures.

La dernière phrase du louveteau laissa Verd perplexe. Elle posa un regard nouveau sur lui, qu'avait-il subit pour qu'il veuille tuer ses parents ? Que c'était-il donc passé ? Comment Tanyxoth avait trouvé Ragnar ? Qu'était ces loups ? Qui étaient-ils ? Pour que le louveteau puisse sortir de telles phrases, il avait dû souffrir énormément. Il avait dit qu'il avait perdu un frère et une sœur. Est-ce que c'était dû à leur parent ? Elle lui posa la question de façon muette. Mais le louveteau changea de sujet, c'était le mieux qui puisse faire.

Elle répéta après lui, comme pour se motiver à le faire :

-Oui, il faut chasser.

Toute cette conversation était suréaliste. Ils étaient des louveteaux et ils parlaient de tuer d'autres loups. Entendre dire ça de la part de Ragnar l'avait choquée. Lui, tuer deux personnes ? De sang froid en plus. Elle nota précieusement ces informations dans son esprit, puis se leva.

-Déplaçons nous vers une autre zone de chasse. Toutes les proies nous ont senti et doivent se cacher désormais... Ce que je te proposer, c'est de s'y mettre à deux. J'essaie d'attraper l'animal et dès qu'il s'enfuit, tu essaye de l’attraper. Ce sont des petites bêtes, les loups ne chassent pas ensemble pour ça. On aura peut-être un effet de surprise.

Elle huma l'air puis se dirigea vers un autre coin. Il lui semblait que sa mère chassait parfois dans le coin. Il leur faudrait au moins une dizaine de minutes de marche. Verd resta dans le silence, réfléchissant aux nouvelles informations qu'elle avait obtenu.

Ils finirent par arriver à une autre zone de la prairie des arc-en-ciel. Verd avait pris soin de les faire arriver à contre vent, histoire de ne pas se faire repérer tout de suite. Elle resta dans le silence. Il y avait un lièvre en train de manger. On le voyait à peine puisqu'il était blanc sur blanc.

Verd fit signe à Ragnar de rester là et se tenir prêt. Puis elle commença à faire le tour de l'endroit, posant sa respiration. Elle essayait d'être la plus silencieuse possible. Marchant lentement comme une chasseuse, mais avant même qu'elle se soit rapprocher suffisamment pour attraper l'animal, le lièvre releva la tête, la remarqua et se mit à courir. Comme l'avait espéré la louveteau, le lièvre se mit à courir dans la direction opposée à elle, et donc dans les pattes de Ragnar.

Elle fut surprise d'abord par ma réponse courte, acceptant sa demande, mais ensuite par ma dernière phrase. Je la fixais. Dans ses yeux je vis des tonnes d'interrogations. Elle se posait tellement de questions qu'elle devait transpirer des points d'interrogation par tous les pores de la peau. Mais elle n'en posa aucune. Bien. Je n'avais aucunement envie d'étaler mes projet et leur raison pour l'instant.

Nous allâmes donc chasser, et je hochais la tête quand elle eut fini de m'expliquer la combine à suivre. Je pris donc méticuleusement soin de me positionner comme elle me l'avais demandé, sans faire de bruit, et prenant garde de la direction du vent. Je la regardais, concentré, apprenant, faire le tour. Bientôt comme elle l'avait prévu, le lièvre vint se jeter entre mes pattes. Je le bloquais entre mes griffes et d'un coup de mâchoire, vif, rapide, je lui tordis le cou. Le tuant sur le coup. L'action n'avait pas duré une seconde. Je levais la tête, admirant mon butin. Mais le lièvre n'était pas bien gros, de quoi nourrir un petit, pas un loup adulte. Je soupirais en silence et me levais.

Non loin de là, trois autres lièvres grignotaient un brin d'herbe. Je laissais le premier aux pattes de Verd puis avançais, tapis, vers le trio. Alors d'un bon, je coincais les deux premiers sous mes pattes, le second tenta de s'enfuir en passant sous moi. Grognant de frustration, je m'assis sur lui.

J'achevais les deux premiers sans attendre, puis précautionneusement, me levais en posant ma patte sur celle du petit lapin. Je le dévisageais alors qu'il se débattait frénétiquement en couinant. En m'asseyant sur lui j'avais pris soin de ne pas l'écraser. Je penchais la tête. Il était plus jeune que les deux autres. Sans doute un adolescent. Je levais la patte et le regardais filer. Verd me lança un regard désaprobateur. Je venais de laisser filer une proie.

Quoi? trois c'est suffisant, ne tuons pas plus que nécessaire.

En vérité, je m'étais vu à travers ce petit lapin terrifié. Je lui avais sauvé la mise pour cette fois, qu'il fasse gaffe à sa vie maintenant. Je prenais entre les crocs les deux lapins et trottinais vers Verd, mais alors, je vis une ombre gigantesque se dresser derrière elle.

Un ours.

Sans dire un mot, je lachais mes lapins et me ruais vers Verd pour la pousser un peu plus loin. Je reçu à sa place le grand coup de patte qui me projeta quelques mètres plus loin. J'étais sonné. Je secouais la tête difficilement. L'ours s'avançais lentement vers Verd.

Une rage folle monta en moi. J'essayais de me relever, mais le coup de l'ours était très violent et je voyais comme des canaris dans les yeux. Je voulu hurler, mais rien ne sorti. J'avais mal au crâne. Mes épaules brulaient.

Je voyais l'ours être de plus en plus proche de la louvette. Je tentais de me lever mais me maintins difficilement debout à cause du coup que l'ours m'avait infligé. Je secouais encore une fois la tête en fermant les yeux puis regardais Verd. Elle semblait pétrifiée. Si elle était pétrifiée devant un ours, commentcomptait elle tuer Akui, hein?? Mais mes oreilles se dressèrent alors que j'entendais un craquement peu rassurant. Un grondement de rage naquis en moi et mes épaules chauffèrent. Oubliant mes vertiges, je me ruais comme un forcené sur l'ours et m'accrochais par les crocs à sa pattes pour qu'il recule.

Il secoua son membre mutilé pour me faire tomber, je me ramassais par terre. Mais comme si rien ne s'était passé, conduit par la rage, je me relevais et fixais le monstre. Mes épaules brûlaient plus fort, et je sentis dans une douleur atroce quelque chose s'en détacher. Je ne quittais pas l'ours du regard, pour avoir fait du mal à Verd, il allait le payer.

Dans mon champs de visions passèrent alors deux gemmes ambrées et quelques peu couvertes de sang. Elle se cognèrent contre l'ours, en faisant des bonds violents contre sa fourrure. L'ours se secoua pour les écarter. Alors les gemmes revinrent vers moi mais je ne voyais plus que l'ours. Avec une vitesse furieuses, les gemmes d'ambre retournèrent vers l'animal et lui percèrent les yeux. Je me sentis flanché. L'ours grogna et se tint la tête entre les pattes, pour finir par fuir en zigzaguant. Où qu'il aille il ne tiendra pas longtemps.

Alors mon regard se débloqua, et je regardais mes épaules brulantes. Elles avaient un trou rond parfait en leur centre, duquel coulait un léger filet de sang. A ma grande surprise, les gemmes revinrent, pas plus tâchées de sang qu'avant l'attaque, et se logèrent à la perfection dans mes épaules. J'en déduisis, quelque peu choqué par ce qu'il venait de se passer, que le sang les couvrant était le mien.

J'avais des vertiges, avec grande difficulté je me tournais vers Verd. Mes pattes se firent tremblantes et tout tangua. Je tint bon jusqu'à elle, et passais mon museau dans son cou avant de m'effondrer à côté d'elle, à cours de souffle.


Réussis-je à demander. Ma voix était basse, comme un peu soufflée. Je la regardais, inquiet.