Cela faisait déjà quelques jours que Karara lui avait confié une future mission : trouver et ramener Opale de grès ou de force, entier ou non. Ce loup de pierre commençait à lui taper sur le système ! Depuis le jour où il l'avait trouvé avec Dastel et Wisona dans ce coin paumé des plantes mouvantes, et qu'il avait pris l'initiative de l’amener au clan, ce loup n'apportait que des emmerdes ! À cet instant, l'assassin se fit la promesse que la prochaine fois qu'il rencontre quelqu'un semblant être perdu, il ne le fera pas rencontrer l'alpha. Hors de question qu'il réitère cette expérience. Il ne voulait pas être le responsable d'un autre désastre. Depuis que Karara lui avait donné cette mission, il attendait sagement qu'elle lui donne le feu vert pour l'entamer. Il ne savait pas pourquoi il devait attendre pour commencer, il ne lui avait pas demandé. Surement qu'elle allait désigner une ou deux personnes de plus pour accomplir cette tâche et qu'elle devait choisir qui. C'est ainsi qu'il passa les jours qui suivirent : attendant et se tenant près pour le départ de la chasse.

Les jours passèrent et finalement, Karara vint à sa rencontre une nouvelle fois pour l'informer qu'il exécutera sa mission accompagnée. Une akita du nom de Léone sera sa coéquipière. Souhaitant intégrer le clan, elle devait faire ses preuves et l'alpha fut certaine que c'était une mission pour elle. Le cendré accepta sans broncher : il n'allait pas contester ses ordres alors qu'il ne connaissait pas cette nouvelle. De plus, cela ne l'embêtait pas plus que cela. Il aurait été couplé à quelqu'un qu'il n'aimait pas, là, il aurait émis une objection.

Le lendemain, aujourd'hui, fut le fameux départ de cette mission. Il rencontra l'akita. Ce fut la première fois qu'il vit cette race de chien. En premier, il scruta son physique. Elle était bicolore : doré et blanc cassé. Ses yeux dorés transperçaient tout sur son passage. Elle était grande et robuste, plutôt bien musclée pour une femelle sans enlever sa féminité. Elle ferait sans doute une excellente guerrière, assassin ou chasseuse. Au premiers abords, elle lui fit penser à son amie Sound. Ses premiers mots envers elle furent :

Léone je suppose ? Je suis Gothic. Allons y.

Sans attendre de réponse, il emboîta le pas. La tâche allait sans doute être difficile. Opale n'était pas le genre de loup que l'on pouvait flairer, qui sait où il pouvait être ! Cela leur prendrait plusieurs jours avant de le retrouver, moins s'il était resté sur leurs territoires. Il s'avança dans le campement et scruta les abords ainsi que les recoins permettant de s'y cacher. On ne sait jamais, peut-être était-il dans les parages après tout, se cachant parmi eux et attendant le moment opportun pour venir et faire il ne savait quoi. Les plantes mouvantes constituaient d'ailleurs une excellente cachette pour quelqu'un n'émanant aucune odeur. Sans arrêter de regarder minutieusement dans tous les sens, il s'adressa de nouveau à sa coéquipière :

Alors, pourquoi choisir notre clan ? As-tu déjà une idée du rang à exercer ?

Ils allaient bientôt quitter le campement pour s'aventurer chez les plantes mouvantes, quand il entendit une louve annoncer que quelqu'un de menaçant arrivé. De plus, cette personne portait quelque chose dans sa gueule, elle n'avait trop su distinguer l'objet, mais c'était quelque chose d'orange. Ni une ni deux, Gothic s'arrêta et fit un signe de tête à Léone pour l'intimer de le suivre et il bifurqua en leur direction. Il se planta devant eux, les regarda de ses yeux de démons et prononça simplement :

On s'en occupe.

Le garde hocha la tête tandis que le crêteux se remit en marche en oubliant déjà leur présence. Quittant la limite du campement, ils foulèrent le domaine des plantes et trouvèrent rapidement l'individue. Elle n'était plus qu'à quelques mètres du campement. Il l'observa et aperçut bien évidemment Opale prisonnier de sa gueule et en miette. C'était une chienne, elle aussi. La tête ensanglantée, elle était mal en point. Son corps montrait des signes de fatigue. Pas étonnant puisqu'il distingua l'odeur du clan de l'Air, elle l'avait trainé jusqu'ici. Et Gothic savait à quel point cet emmerdeur était lourd, alors en étant blessé, il était bien plus difficile de le transporter. Cette femelle avait beaucoup de mérite. L'assassin tourna la tête vers l'akita.

Dommage. Nous n'aurons pas à le chasser et le détruire nous-même...

La déception se sentit dans sa voix. Quelque part, ça le soulageait qu'il n'ait pas à effectuer cette mission qui aurait pu durer plusieurs jours, voir plusieurs semaines ou des mois. Mais l'autre part, bien plus présente dans son esprit, aurait voulu le trouver et le mettre en pièces détachées à la place de la dogue. Il lâcha un soupir et posa les yeux sur l'autre chienne.

Et bien, merci pour ce cadeau., dit-il d'un ton sarcastique. Nous partions justement à sa recherche, mais ce n'est plus la peine... En tout cas, il a du t'en faire baver, rien que pour le transporter de l'Air jusqu'ici.

Il posa un regard dur sur Opale, pendant sans retenu dans cette gueule.

A la vue de l'inconnue, Léone réagit au quart de tour, juste après Gothic.

Je ne pensais pas que ce serait toi qui nous faciliterais la tâche, Platalya. Tu as l’air gravement blessée, tu devrais te faire soigner un minimum ici avant de rentrer chez toi, histoire d’y arriver en vie. Dommage, j’aurai apprécié la mettre en pièces moi-même, cette caillasse.

Elles se connaissaient donc. Cela ne surprit qu'à moitie l'assassin. Après tout, Léone est une solitaire, elle traine un peu partout et a plus de chance, qu'un clanique normal, de rencontrer facilement des gens de différente origine. Surtout qu'elle cherche un clan, par conséquent, elle a dû rendre visite aux différents clans avant d'effectuer son choix.
Léone était tout aussi déçue que lui en voyant l'état d'Opale. Elle rêvait visiblement de le mettre en pièces elle aussi.
La dogue argentin ne sembla pas du tout d'accord avec eux. Elle posa une patte brusque sur la tête, baissa la tête et grogna. D'une voix rude, elle dit :

C'est à moi... Je dois l'amener à Karara. Je ne m'occuperai pas de moi tant que ma mission ne sera pas menée à bien.

Un autre grognement franchit ses babines. Elle était prête à en découdre pour garder son précieux prisonnier. Gothic n'aimait pas ça. Cette histoire va partir en steak s'ils n'arrivent pas à résonner la chienne.

Eh on se calme ! On n'est pas là pour créer des ennuis. C'est Karara qui nous envoie.

La diplomatie n'était guère son truc. Il était plutôt du genre à faire du sarcasme et maintenir l'énervement de son interlocuteur. Cependant, il n'avait aucun intérêt à se battre avec elle. Elle est gravement blessée : le combat ne serait pas juste ni intéressant. Elle pouvait tomber de fatigue à n'importe quel moment ou même mourir avec cette blessure à la tête. Alors, il se garda de faire l'imbécile et essaya de la calmer.

Donne nous ce qu'il en reste, pour que l'un de nous d'eux le transporte à ta place. Suis nous au campement sans te soucier de le trainer. Un médecin te soignera, puis on te rendra cet imbécile et tu pourras le donner toi-même à Karara puisque tu le souhaites. Ou l'inverse.

Vu son état, il voyait clairement que cela ne servait à rien de discuter avec elle à propos de sa mission. Elle était déterminée à remettre en patte propre son fardeau à leur alpha. Elle prenait à cœur sa mission et l'exécuterait jusqu'au bout, même si elle devait se battre et blesser des loups de la Terre pour cela. Elle voudrait certainement traîner Opale elle-même jusqu'au campement. Gothic avait tenté un compromis pour la soulager et la laisser terminer sa mission. Il lui fallait maintenant l’appui de Léone. L'akita semblait connaître plutôt bien la dogue argentin. Elle était plus apte que lui à parlementer avec elle, connaissant sans doute son caractère.

L'akita enchaîna à la suite de Gothic. D'une voix aussi aimable et douce que possible, elle déclara, en allant dans le sens de l'assassin :

Laisse nous t’aider. Tu pourras remettre cette chose à Karara toi-même, mais accepte au moins qu’on te soulage un moment de ce poids afin qu’un médecin puisse te soigner. Tu n’es pas menacée ici, au contraire on te remercie pour ton aide précieuse.

Par la suite, elle vient murmurer à son oreille :

Il se pourrait que ça dégénère. Si jamais ça arrive, fait bien attention aux parties métalliques de ses oreilles. Si tu les entend vibrer, tu ferais mieux de ne pas rester trop près d’elle. J’ai vu ces projectiles couper net un arbre quand je l’ai rencontré.

Gothic observa la coiffe métallique de la dogue. A la moindre vibration, il faudra y faire attention. Il n'avait pas envie de se faire tuer par une lame. Ce serait une mort assez stupide pour lui : la gorge tranchée par un projectile non esquivé, même pas au cours d'un combat. L'assassin jeta un œil à Léone et hocha simplement la tête.

Face à la proposition des deux Terres, la dogue argentin se mit à grogner. Ses plumes d'acier vibrèrent faiblement. L'assassin se tient sur ses gardes. Elle protestait encore ! Elle tenait vraiment à finir sa mission jusqu'au bout, sans aide. Quelle entêtée ! Elle ne se rendait pas compte qu'elle n'y arriverait pas seule ? Finalement, la chienne de l'Air enleva sa patte de la tête d'Opale, capitulant vraisemblablement. Une fois qu'elle secoua sa tête, la fatigue la submergea. Ses pattes tremblèrent, commençant à ne plus soutenir son propre poids. Elle allait sans doute s'écrouler d'un moment à l'autre.

Elle, elle porte avec moi... toi tu marches devant, pas trop près. Il va revenir. Adressa-t-elle au crêteux qui ne broncha pas.

Il ? C'était qui ce "Il" ? Il scruta Platalya un instant avant de tourner les talons. Il n'avait pas envie de lui poser la question au risque d'y passer un moment. Après tout, cette chienne était un peu dérangée sur les bords. Si ça se trouve, elle parlait de quelqu'un qui n'existait même pas. Sauf dans sa tête.

Maintenant que c'est réglé, allons-y... Dit-il tout en emboitant le pas vers le campement. Conformément à ce qu'elle lui avait demandé, il garda une certaine distance entre les deux femelles. Puisque ça peut éviter une confrontation inutile, alors il se plie à cette demande. Et puis, il n'avait pas non plus besoin d'être collé à elles. Léone portait déjà assistance à Platalya. Cette demande l’arrangeait et de toute manière, il l'aurait fait naturellement.

Pendant le trajet, il avait jeté quelques coups d’œil pour voir si elles suivaient toujours. Il voyait Platalya décliner de plus en plus et Léone supporter de plus en plus le poids de La Pierre. La dogue argentin n'allait pas tarder à s'écrouler de fatigue. La résistance de son corps lâchait de minutes en minutes. Chaque pas était à présent une épreuve plus elle, bien plus qu’auparavant. Après un regard à l'akita, le mâle cendré prit les devants et abandonna les deux femelles. Elles n'étaient plus très loin, le campement s’apercevait entre la végétation. Elles n'allaient plus se perdre sans lui, encore une dizaine de mètres plus ou moins. Son but était simple : arriver avant elles pour avertir les gardes qu'ils devaient aller chercher Karara et un médecin.

Gothic arriva donc aux abords du campement, seul. Il trouva un groupe de quatre gardes et leur expliqua brièvement la situation. D'eux d'entre eux partirent à la rencontre de Karara, un autre partit chercher le médecin le plus compétant disponible tandis que le dernier resta avec Gothic et accueillit les deux femelles. Les deux mâles aidèrent les deux femelles à poser cet énergumène au sol. Puis, ils attendirent. Il n'y avait que ça à faire maintenant. Il ne fallut pas longtemps pour voir les deux gardes revenir en courant avec l'alpha devant eux. Karara venait sans doute de tout envoyer en l'air pour se précipiter vers le lieu où se trouvait Le Caillou. Après tout, c'était son objectif principal de retrouver Opale.

L'assassin s'écarta, laissant le champ libre à sa reine. Il regarda Platalya s'avancer vers la grise, surement pour lui faire part de sa venue. Néanmoins, elle n'eut pas le temps d'aligner un seul mot que la guerrière s'écroula devant elle. Sa force d'esprit venait tout simplement de la lâcher, la fatigue l'ayant complètement submergée. Elle allait sans doute restait plusieurs jours chez le médecin avant de pouvoir repartir. En parlant de celui-ci, il arriva également avec le dernier garde et commença à la prendre en charge après avoir salué son alpha.

Le crêteux s'apprêtait à parler au nom de Platalya quand il fut coupé par Opale.
Ka...Kara...Karara... Je suis dé... Désolé... Je ne voulais pas... Un craquement retentis, puis un dernier mot : Pitié...

L'assassin le regarda, haussant un sourcil. Avoir de la pitié ? Il était peu probable qu'elle en ait en sachant ce qu'il avait fait. Il détourna le regard du tas de pierres gisant sur le sol pour poursuivre ce qu'il voulait faire.

C'est cette femelle de l'Air qui l'a trouvé. Elle l'a mis elle-même en pièces et l'a transporté de son clan à chez nous.

Face aux supplications d'Opale, Karara le fit taire en lui donnant un coup de patte brusque. Cela eut pour effet de décrocher la tête de ce maigre corps, achevant Opale. Par la suite, elle n'en resta pas là et vint écraser sa patte brutalement sur la tête, l'arrêtant de rouler par la même occasion. Karara continua ses remontrances envers la tête tout en appuyant sa patte dessus. Une petite fissure se forma. Fort heureusement, Léone réagit au bruit causé par la fissure et stoppa la grise. Cela n'aurait pas été le cas de Gothic. Celui-ci était plutôt fasciné par l'attitude colérique de son alpha et surtout par les remontrances que se prenait Opale. C'est pour cela que si sa tête aurait été brisée, cela ne l'aurait aucunement atteint. Justement, si Opale n'était plus là, alors il ne ferait plus chier le monde. Et ça aurait été un sacré poids en moins pour le clan de la Terre. Par contre, Akui perdrait son sbire et ça, ça aurait pu retomber dans leur gueule... Quoiqu'il en soit, Opale était hors-service et il n'était pas près de déguerpir de nouveau.