Cynthia rentrait tout juste d'un cours de chasse donné par sa mère. La petite lui avait demandé un cours particulier, sans son frère, afin de bien comprendre, écouter et étudier. Elle avait déjà compris que la présence de son frère la distrayait. Et si elle voulait devenir une grande chasseuse comme maman, car tel était son but, il lui fallait avoir plus de leçon sans son frangin adoré. Elle adorait la chasse : suivre une piste, guetter le gibier, lui courir après puis avoir la satisfaction de le ramener au clan.

La mère et la fille s'arrêtèrent dans l'espace verdoyant du campement. Ystrelle guetta l'horizon à la recherche de quelque chose. Cynthia, dans ses pattes, se secoua afin d'enlever le surplus de terre et de poussière présent dans son pelage. Elle était revenue de son cours avec un pelage poussiéreux, de la terre aux pattes et même de l'herbe dans la crinière. Tandis qu'elle essaya d'enlever l'herbe de ses cheveux, elle entendit sa mère appeler Verd. Elle leva en suivant le museau et le dirigea là où sa mère posait les yeux. Elle arbora un sourire et se leva. Elle s'élança en petite foulée vers sa sœur qui n'avait visiblement pas entendue l'appel de leur mère.

Un petit rire franchit les babines de Cynthia qui s'arrêta à quelques mètres de Verd. Elle se tapit au sol et avança furtivement comme venait tout juste de lui apprendre Ystrelle. Soudain, elle bondit sur sa sœur en poussant un crie, celle-ci ne semblait pas l'avoir vu.

Touchée !

Elle se dégagea de la louvette et s'assit.

Maman t'appelle ! Dis, qu'est-ce que tu fais ? Tu étais ailleurs.

A présent, Verd était attentive. Cynthia avait réussi à obtenir le résultat souhaité. Elle était contente et sourit à son tour à sa sœur.

Je n'ai pas entendu...

C'est bien ce qui me semblait, pensa-t-elle simplement. Sa sœur avait le don de faire abstraction de tout ce qui l'entourait quand elle se plongeait dans ses pensées ou qu'elle se concentrait sur quelque chose. Elle s'enfermait dans une sorte de bulle. Cela pouvait être pratique pour supprimer les nuisances sonores en tout genre.

A la question de sa sœur, Verd rayonna de plus belle. Elle répondit avec le même engouement :

J'étais en train d'écouter si je peux entendre la terre respirer. J'étais concentrée. Tu sais où il y aurait un endroit où on pourrait mieux l'entendre ?

Cynthia pencha la tête et fit une moue attendrissante, réfléchissant à cette question. Elle ne connaissait pas encore bien les terres. Ils étaient trop petits pour s'aventurer seuls au-delà des territoires de la Terre. Elle n'avait d'ailleurs pas vu grand chose chez les Eaux en compagnie de sa mère, se livrant à des cours des chasses le plus souvent. Du moins, quand Ystrelle arrivait à canaliser l'instinct bagarreur de Rahawk et Cynthia... Elle avait réussi à obtenir du temps libre de leur père qui les avait emmené à la plage. Quelle joie de découvrir les vagues, bien qu'ils n'avaient pas pu profiter longtemps de l'eau, celle-ci étant glacée !

Hum... Peut-être que dans le vieux arbre du campement on peut. Les plantes mouvantes bougent, alors, peut-être qu'on peut les entendre aussi.

Pendant qu'elle parlait, Verd s'était levée et s'était attelée à sa crinière, lui enlevant les brins d'herbe qu'elle voyait. Cynthia resta assise et ne bougea pas, gardant la tête sur le côté pour permettre à sa sœur d'émeraude de mener à bien sa mission.

- C'était bien la chasse ? Tu as attrapé quelque chose ?
- Non, fit-elle en affaissant les oreilles déçue. J'avais un lapin, mais il m'a échappé. Il a tourné et moi je me suis ramassée...

C'est d'ailleurs en partie à cause de cela qu'elle avait de la terre aux pattes et de l'herbe dans la crinière.
Ystrelle arriva à leur côté. En la voyant, Verd quitta sa sœur pour se blottir entre les pattes de la louve verte. Cynthia l'observa. Les petits cristaux présents sur le corps de sa sœur brillèrent sous le faible soleil. C'était jolie. En été, elle éblouira tout le monde.

Alors on se demande si on peut entendre la terre respirer aujourd'hui ? Laisse moi te raconter une histoire, Verd. As-tu déjà remarqué que les grands animaux respirent moins vite que les petits ? Et bougent moins vite ?

La petite Cynthia observa sa mère imiter un lapin puis un autre animal beaucoup plus imposant. Ces imitations la firent sourire et un rire s'échappa bientôt de sa gorge.

La terre est l'animal le plus gros qui ait jamais existé, il faut plus d'une vie de loup pour l'entendre inspirer, et cette inspiration est si profonde qu'elle fait trembler le sol, elle ouvre des crevasses dans les glaciers, provoque des avalanches... Si tu apportes un gros lapin juteux au vieux Rawlet, il te racontera la dernière fois que c'est arrivé, il avait à peu près ton âge à l'époque.

Cynthia leva le museau en l'air. Elle se mit à fixer un nuage. Le vieux, être jeune ? Cette chose était possible ? Elle plissa les yeux. Elle avait du mal à imaginer ce vieux loup tout jeune, avec tous ses crocs et surtout marcher ou courir convenablement. Après cet essai d'imagination, en vain, elle reporta son attention sur Verd qui l'interpella.

Cynthia, tu peux m'aider à attraper un lapin ? Je veux savoir ce qu'à vu Rawlet !

La petite Cynthia lui répondit un "Oui !" spontané et plein d’entrain. Elle se leva en suivant, prête à repartir à la chasse. Il n'était pas banal de voir Verd vouloir chasser. Alors, cette proposition de chasse entre mère et sœurs l'a ravit. Elle était contente que sa sœur s’intéresse à cet art et veuille y participer.

- Maman, on peut aller à la chasse toutes les trois ? S'il te plait ! Allez !
- Et cette fois, je l'attraperai ! Dit-elle à sa sœur. Par la suite, elle regarda sa mère et lui sourit de tous ses crocs.

La future chasseuse sembla réfléchir un instant, puisqu'elle baissa légèrement la tête. Après quelques petites secondes de réflexion, elle leva de nouveau son regard sur sa mère.

Maman, ton histoire, c'est comme les montagnes alors ? Elle poursuivit en regardant sa sœur. Rak m'a dit que son père lui a dit qu'à l'arrivée de l'été, elles grondent !