- Saloperie de bordel de poils de lièvre moisis...

Étendue sur la berge de la rivière se trouvait une petite louve bien bavarde, qui pestait et marmonnait des insanités et des insultes à la pochetée, si bien qu'après un moment, on pouvait bien se rendre compte qu'elle commençait à épuiser son sac de vulgarités, et commençait à puiser dans l'improvisation du moment. Les résultats n'étaient pas très convainquant, et donnaient plus envie de rire qu'autre chose.

Voilà ce qui se passait lorsqu'elle s'énervait comme une bonne. Au moins, elle n'avait pas eut d'éclat verbale. Enfin, si, mais une fois bien loin de la source de ses malheurs. Bref, elle avait terriblement mal, là. Allongée près de l'eau, elle était en train de gruger avec plus ou moins d'efficacité ses bandages à sa patte droite, la gauche étant déjà libre et flottait doucement dans l'eau, rendant la brûlure plus supportable déjà. En tirant un bon coup, elle réussit enfin à arracher ses bandages et enfuit aussitôt sa patte blanche dans la rivière fraîche qui lui faisait comme un baume. Ses pattes arrières n'avaient pas été épargnées, mais restaient tout de même moins douloureuse que ses antérieurs. Approchant son visage de l'eau qui filait, Hiro tourna sa patte pour observer le phénomène singulier qui s'y opérait. De la vapeur se dégageait de ses coussinets alors que la température refroidissait. Soupirant et fermant finalement son clapet, ayant épuisés sa réserve de mots salés, elle ferma les yeux et tenta de faire le vide. De se concentrer uniquement sur ce qui l'entourait, et non sur son coeur qui battait encore furieusement au souvenir des paroles qui l'avait mise en rage. * Non non non Hiro, pense à autre chose, comme ces petites bêtes qui courent dans les bois, ou ses oiseaux qui déplorent l'arrivée de l'automne...* D'ailleurs, une feuille d'arbre se détacha pour tomber sur le museau de la louve, qui ouvrit les yeux et se redressa, secouant la tête pour chasser la nouvelle venue.

Un bruit suspect attira son attention. Se postant de façon à bondir, elle attendit, oreilles plaquées contre son crâne, lèvres entrouvertes.

- Montrez-vous! cracha-t-elle, finalement impatiente.

Des arbres sortit une louve grise à la tignasse blonde (une blondasse, quoi. C'était son nouveau surnom jusqu'à ce qu'elle connaisse le nom de la femelle, et même là...) qui loin d'être impressionner par l'accueil plutôt refroidissant d'Hiro, en était plutôt amusée. Oui, amusée, il y avait un sourire orné sur la bouche de la louve inconnu, et déjà ça ne fit qu'agacer d'autant plus la jeune messagère.

"Hey du calme ! Je viens pas t'agresser"

Fronçant les sourcils et jetant de rapide coup d'oeil aux alentours par pure réflexe, la sablée relâcha la tension dans ses muscles. Oui, elle avait l'habitude des confrontations... frontales, mais également des coups bas venant des flancs. Mais cette louve-ci avait le mérite d'être seule, et semblait dire la vérité. Hori cessa de grogner et se donna contenance, mais garda tout de même les oreilles basses, à l'affût.

- Non, concéda-t-elle, acerbe, mais tu ne viens pas d'ici, en tout cas.

Ce n'était pas une question, mais une affirmation. Mais elle n'attendait pas vraiment de réponse, notamment parce qu'elle avait lâché la dernière phrase dans une voix rauque et basse, voix qu'elle avait quand elle n'était pas à l'aise. La blondasse vint s'asseoir à côté d'elle, et Hiro ne pu s'empêcher de remarquer le cran. Imagiez si elle avait eu le malheur de l'incendier sur place! Les gens n'étaient pas prudents... Elle l'observa du coin de l'oeil, faisant toutefois mine de s'intéresser à nouveau à ses pattes, qu'elles avaient momentanément oublié.

"wow, tu t'es arrangée comment pour obtenir toute ces brûlures ?

Fortement tentée de lui balancer un ''non mais ça te regarde peut-être?!'', Hiro ne fit que pousser un profond soupire et de lâcher lourdement un minable:

- C'est mon don...pourriture.

La jeune messagère, refusant d'en dire plus ou de se faire plaindre par une inconnue, retira ses pattes de l'eau fraîche et se redressa debout, posant délicatement ses pattes non bandées sur la berge froide de la rivière.

- Je ne me souviens pas de t'avoir vu au camp... tu t'es perdu?

Le jugement perçait presque dans sa voix. Quoi de mieux pour remonter son moral: tomber sur une incompétente...

Alors que Hiro peinait à remettre ses bandages, étendus un peu plus loin sur la berge, la louve grise et blonde à côté d'elle reprit la parole, surement pour lui demander des directions, paumée comme elle semblait l'être (enfin, pas dutout, mais Hiro n'avait pas prit la peine de le noter. Agacée comme elle l'était par les inconnus trop éxubérants - l'autre l'était-elle vraiment? -, elle était rarement d'humeur à passer au-dessus des stéréotypes et des préjugés. Mauvaise habitude que voilà).

" Un don ? à ce niveau là j’appelle plutôt ça une malédiction."

Les oreilles dressées, elle stoppa sa besogne, bandage coincé dans la gueule, effaçant enfin de ses traits cette expression irritée que la messagère avait eut jusque là. Elle fit un sourire appréciatif, quoique mince, à la louve, contente qu'elle partage son avis. Bien qu'elle ignorait tout ou presque de son don, c'était un bon point de départ pour bien s'entendre. Rien de mieux pour mettre Hiro de votre côté que d'acquiescer à ses plaintes. Surtout par rapport à son don. Rajouter une dose d'insulte à propos de sa mère adoptive et protester contre les incompétents, et vous voilà ami pour la vie. Ou presque.

"non, j'avais juste envie de me balader, je viens pas d'ici."

Hiro reprit ses pansements, hochant de la tête comme si c'était une évidence. Enfin, ce l'était quoi. La brune n'avait peut-être pas encore deviner d'où elle venait, mais elle l'avait déjà barrer de la possibilité qu'elle soit de son clan. De un, elle ne l'avait jamais vu. Dis comme ça, ça semblait facile, mais en étant messagère, Hiro se devait d'avoir une bonne mémoire pour les visages et les prénoms, tout du moins, et son clan, elle le connaissait dans sa grande majorité. Et puis, deuxième puce à l'oreille: son odeur. Un truc particulier, pas d'ici, pour ne pas dire plus précisément qu'elle sentait la même chose que lorsque Hiro se roulait dans la terre fraîchement retournée. Ou c'était son imagination... C'était peut-être la rivière et la berge humide qui l'enivrait ainsi. Et alors qu'Hiro continuait à la biffer de sa liste, la louve grise lâcha simplement:

"je m'appelle Karara et toi ?"

Et ça suffit à la message pour se raidir complètement. Sautant sur ses quatre pattes, elle fit face à la louve qui semblait être très calme, malgré cette lourde révélation. La bouche ouverte et les yeux écarquillés par la surprise, Hiro resta un moment sans voix.

- Hiro!, fit-elle, sur le choc, oubliant ses bonnes manières. Elle se secoua, puis reprit: Qu'est-ce qu'une haute gradée de la Terre vient faire par ici? Si ce n'est pas indiscret... De toute façon, je sais gardé des secrets, étant messagère, mais voilà, personne n'attend votre arrivé, enfin, je crois... Bref.

Se rendant compte qu'elle déparlait, la brune décida de fermer son clapet et de s'asseoir, une peu penaude, songeant à son attitude quelques minutes auparavant. *Merde, merde, merde. Nom d'un lièvre à trois pattes, c'est pas bon pour mon dossier ça...*

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