Aujourd’hui, je m’étais levé de bonne humeur. Comme tous les jours, me diriez-vous, mais aujourd’hui, j’étais vraiment, extrêmement de bonne humeur. Du coup, j’ai décidé de mettre toute cette énergie positive à profit ; et pour cela, quoi de mieux qu’une bonne exploration ? J’ai vite porté mon choix sur la rivière de la roche. Certes, je connaissais déjà cet endroit, mais j’ai entendu dire que si on la longeait, on finissait par tomber sur une cascade magique. Une cascade à l’envers. Je n’étais pas sûr que c’était vrai, mais ça valait le coup de vérifier. Bon, ça se trouvait en territoire ennemis, mais l’aventure n’a pas de frontière.

Je m’étais donc mis en route, trottinant joyeusement le long de la rivière. Petit à petit, je commençais à entendre le rugissement de l’eau. J’accélérais le pas, pressé de voir ce mystère de la nature. Comme je m’y attendais, je me retrouvais en haut de la cascade. J’allai descendre en riant bruyamment quand je remarquai la présence d’un loup. Il était grand et fin, de ce coté là, il me ressemblait. Je crois même qu’il était un peu plus grand que moi. Son pelage était noir comme du charbon, excepté à quelques endroits qui étaient bleutés. Je fus directement sûr d’une chose : c’était un très beau loup. Un très très beau loup.

Je le vis bondir avec grâce pour attraper une feuille tombante et la déchiqueter. Athlétique, avec ça. Puis il soupira sans que je ne comprenne pourquoi et s’approcha de l’eau pour s’observer. Après quelques instants, il envoya un coup de patte rageur dans son reflet. Bon, il était temps que je me montre, maintenant.

En quelques bonds, je me retrouvai au pied de la cascade – ou à sa base ? - et regardais le loup sombre tout en souriant. Je m’avançais, confiant, et m’arrêta à une trentaine de centimètres de lui.

- Hey. Il était encore plus beau de près. Moi c’est Till.

Je lui offris un sourire brillant et plein de joie. Peut-être serait-il sensible à mes charmes ? C’était peu probable vu que la plupart des loups de ces terres ne sont intéressés que par les femelles. Mais pourquoi se contenter de la moitié du monde quand on peut tout avoir ?

Il me sourit timidement, et je trouvais ça vraiment mignon. Et c’était déjà une petite victoire pour moi.

" Moi c'est Bloodtears. "

Il fit un pas vers moi et toucha du bout de la patte mon keffieh.

" Ca s'appelle comment ? On fait comment pour en avoir un ? A ton avis, ça m'irait ? "

Avant que je ne pu répondre, il me regarda dans les yeux. Le seul de ses yeux que je pouvais voir était bleuté, très beau. Je remarquai à ce moment que nos deux visage étaient très proches, et lui aussi semblait l’avoir vu, si bien que, gêné, il recula rapidement, s’emmêla les pattes et se retrouva sur le dos. Je souris à sa maladresse que je trouvais absolument toute mignonne et m’avançais pour passer au dessus de lui. Comme si la situation était tout à fait normale, je répondis à sa question :

- C’est un keffieh. Je ne sais pas comment en avoir un, j’ai eu le mien quand j’étais encore tout petit. Je lui souris encore une fois. Et pour savoir si ça te va, il suffit d’essayer, tiens, prends le mien.

Je tendis mon cou pour qu’il puise s’emparer du morceau de tissu.

Il m’enleva délicatement mon keffieh avant de le jeter en l’air, puis, sans que je n’ai le temps de réagir, il me fit rouler, de telle sorte que je me retrouvai non plus sur lui, mais sous lui, son doux poil ébène contre le mien. Je ne savais pas comment il avait fait, mais le keffieh lui retomba pile dessus. Je ris doucement. Il se mit lui aussi à rire, sûrement pour une autre raison, mais c’était peu important.

Il se leva un peu, me libérant de son poids. J’aurais pu me défaire de son étreinte, il n’était pas vraiment lourd. Mais j’étais bien, contre le poitrail du ténébreux. Je le regardais, un sourire aux lèvres. Il était vraiment beau. Enfin, il fallait dire qu’il se rapprochait fortement de mon idéal masculin.

Je me rendis compte que je n'avais pas arrêté de le fixer, et surtout que c'était plutôt indiscret. Je secouai doucement la tête en riant avant de remarquer que mon keffieh n’était pas très bien mit. Enfin, il était à l’envers, surtout.

- Attends, il est mal mit.

Je passai mes pattes autour de son cou pour le remettre à l’endroit. Une fois que j’eus fini, je laissa mes fines pattes contre son encolure. J’étais peut-être un peu trop rapide ou insistant pour lui. Surtout que je ne savais absolument rien de lui, et encore moins si je l’attirais un minimum. Je lui souris avant de dire :

- Voilà, c’est mieux comme ça.

Il me sourit. Ça le mettait vraiment en valeur. Ça illuminait son visage. Il se pencha vers moi et me lécha la joue. Je ne pu me retenir de frissonner et de sourire. Puis il me lécha le museau. Encore une fois, le contact de sa langue contre ma peau me fit frissonner de plaisir.

Le regard emplit de joie et d’un autre sentiment que je ne savais décrypter, je regardais le jeune loup noir. Il m’intriguait, j’avais envie de le connaître mieux et de rester avec lui. Je me rendis compte que j’étais encore en territoire ennemi. Si on nous surprenait... Déjà, j’allai me prendre une raclée, et en plus, Bloodtears allait avoir des problèmes. Enfin, peut-être pas. Vu la position où nous étions, il pourrait faire croire qu’il m’a plaqué au sol.

Je sortis de mes pensées pour me reconcentrer sur mon ami. Ami ? Je ne savais pas si c’était le terme exact. Alors que je plongeais mon regard dans le sien – ou plutôt dans le seul œil que je pouvais voir – une irrésistible envie me pris.

Sans réfléchir, je cambra le cou et posa mes lèvres sur les siennes pour lui donner un doux baiser. Une multitude de sentiments s’emparèrent de moi. Du bonheur, surtout, et ces étranges papillons qui me chatouillaient le ventre. Et si lui n’appréciait pas ? Et si je m’étais trompé sur la nature de notre relation naissante ? Et si, et si ?... Je reculai ma tête d’un coup et rougis.

- Je suis... Désolé, désolé...

Et voilà que je bafouillais, maintenant. Tout cela ne me ressemblait pas. Il n’empêche que j’étais terriblement mal à l’aise, et surtout que j’avais peur de la réaction du grand loup noir.

Il me tourna tête du bout de la patte pour me regarder dans les yeux.

" Tu n'as pas à t'excuser. Surtout ne t'excuses pas pour quelque chose qui est aussi bien. "

Je lui souris. Il baissa la tête vers moi, laissant sa mèche frôler mon visage. Je fus surpris quand il m’embrassa. Je ne m’attendais pas vraiment à ce qu’il prenne des initiatives, et j’en fus plutôt heureux. Quand sa langue se mêla à la mienne, je sentis un grand frisson parcourir mon corps, suivit de ses étranges chatouillements dans mon ventre. Je resserrais un peu mes pattes autour de son cou, comme pour qu’il ne se volatilise pas.

Puis je repensai au fait que j’étais en territoire ennemi. Un stress soudain m’envahit, non pas pour moi, mais pour le grand loup noir. S’il se faisait voir avec un loup ennemi...

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