Mes yeux se posaient tout autour de moi avec émerveillement. De la neige! Je ne me souvenais plus que c’était si beau, de la neige! En avais-je vu de mon vivant? Peut-être. Étais-je venu sur ce territoire, quand mon cœur battait encore? Je ne pensais pas, l’endroit ne me disait rien du tout… Pourtant, une image d’une cascade me traversa l’esprit. Et… une jeune louve… du clan du feu, je dirais. Un loup de l’air et une louve du feu sur le territoire de l’eau? Étrange…

Mettant ça de côté (ça ne me concernait plus, de toute façon, puisque j’étais totalement différent), je continuai de marcher au milieu des arbres. La neige arrêtait lentement de tomber, ce qui me déplaisait un peu, puisque j’adorais la sensation fraîche de la neige mouillant ma fourrure. Maintenant, des gouttelettes d’eau coulaient le long de mes flancs, comme du sang d’une plaie mineure. Du sang… Pourquoi avais-je comparé au sang? Mes yeux s’écartèrent. Oh non… ça commençait… Grognant de haine, je continuai mon chemin. Je n’y pouvais rien, alors pourquoi faire quelque chose? J’espérais seulement croiser rapidement quelqu’un, pendant que j’étais assez lucide pour ne pas me jeter dessus sauvagement.

Un soupir de soulagement m’échappa alors que la neige se soulevait devant moi, révélant une louve. Humant l’air, je ne perçus aucune odeur. Une louve de l’eau… son odeur était la même que celle de l’environnement, je ne l’avais donc pas détectée. Mais maintenant que je la voyais… ses veines qui pulsaient au rythme des battements de son cœur… la chaleur qu’elle dégageait, celle des animaux vivants… celle de la vitalité… Tous les signes que j’avais devant moi ce dont j’avais besoin… Ma gueule produisait de la salive, j’avais faim… Mais je ne devais pas l’effrayer… je ne voulais pas la mordre si elle ne m’en donnait pas la permission… Je pouvais toujours trouver un autre loup, plus robuste peut-être? Remarque faite qu’elle n’était pas trop petite, la mordre ne lui causerait aucun problème à long terme… Oui, bon, la mettre en confiance, puis lui demander de l’aide… Maudite dépendance au sang… Maudite Pandore!

Elle était dos à moi, mais je ne m’en faisais pas. À la grosseur que j’avais, elle sentirait mon odeur cadavérique et entendrait mes pas faire crisser la neige lourdement. Je m’approchai donc lentement d’elle, essayant de ne pas avoir l’air menaçant, et adoptai mon ton le plus doux, espérant que mon état de manque ne modifierait pas trop les tonalités de ma gorge…

« Bien le bonjour, jeune louve du clan de l’eau. Je me présente : mon nom est Sylver. J’étais en train de prendre une marche et soudainement vous êtes apparue devant moi. Je me suis dit que je ne pouvais tout simplement pas m’en aller sans faire montre de la politesse de vous saluer. »

Wow… Je savais que j’étais un noble de mon vivant, j’ignorais que ça paraîtrait autant de ma façon de m’exprimer… Je ne parlais pas souvent, et les mots étaient sortis seul. Eh bien, semblerait que je n’étais pas totalement « mort ».

Snowball… comme ce nom allait bien avec la façon dont elle était apparue dans le décor. Comme une boule de neige… Cependant, elle me mettait mal à l’aise. Sa façon de me sentir, sa façon de réfléchir. Elle savait quelque chose, elle était familière de ce genre de situation. Savait-elle que j’étais un vampire? En tous cas, elle en connaissait sans doute un, car elle comprenait que j’étais en manque. C’était touchant un peu d’un côté. Elle me proposait d’étancher ma « soif », mais elle ne comprenait visiblement pas, finalement, que c’était de sang que j’avais besoin… Comment le lui dire? Voilà, j’étais gêné maintenant…

« Je… Je ne crois pas vraiment que vous puissiez aller me chercher ce don j’ai besoin, dame Snowball… Je n’ai consommé aucune herbe récemment et je n’ai pas été malade depuis plus d’un an… »

Quand je parlais, les mouvements de mes lèvres dévoilaient à répétition mes crocs vampiriques, qui reflétaient le soleil en un scintillement blanc pur. C’était immanquable, elle comprendrait que je suis un vampire, elle se sauverait… Mais je commençais à me sentir faiblir, mes geste était plus gourds, quand je parlais je sentais bien que je fatiguais. Il me fallait du sang… je ne pouvais pas attendre de croiser un autre loup. Si elle se sauvait, je devrais la mordre de force… Puis lui demander pardon et m’enfuir…

La regardant d’un regard qui devait se faire suppliant, maintenant, j’espérai qu’elle n’ait pas compris… Je pouvais toujours l’immobiliser, la mordre, puis lui expliquer… comme ça elle n’aurait pas à s’enfuir, je n’aurais pas à lui courir après, je ne me fatiguerais pas plus et j’aurais besoin de moins de sang… Je voulu ouvrir la bouche pour la mettre en garde, lui demander de rester calme, que ça ferait moins mal si elle ne résistait pas, mais une coulisse de bave coula le long de mon menton. Je retins un grognement. Être en présence d’un vivant ne faisait qu’augmenter mon sentiment de manque, et j’en étais déjà à baver de désir… Son odeur pur de neige, la chaleur du sang, sa fluidité visible au travers des veines de Snowball… Je me mettrais rapidement à trembler si ça continuait… je devais la mordre pendant que je me contrôlais assez pour ne pas la blesser gravement… mais je n’arrivais toujours pas à me décider à lui demander…

La jeune louve sembla pensive un moment. Elle était perdue dans quelque souvenir. Puis elle comprit. La terreur… c’était toujours cette peur… la peur de mourir… si seulement elle me laissait le temps de lui expliquer que je ne la tuerais pas… que je ne lui causerais aucune blessure grave… J’avais juste besoin d’un peu de sang. Mais alors que j’allais m’expliquer, elle se précipita et m’intima de la mordre. Ma réaction? Aucune! Mon corps se figea, mes yeux restèrent stupidement fixés au cou de la petite, et j’arrêtai de respirer. QUOI? Elle me demandait de la mordre? Pas peureuse, la petite! Elle n’avait même pas de preuve que j’étais amical! Cependant, je ne pouvais pas laisser passer l’occasion. Je devais la mordre…

Doucement, je la poussai au sol de ma patte. Pour l’installer sur le côté et dévoiler son flanc. Je ne pouvais pas mordre le cou, ça lui laisserais des séquelles. Aussi la maintint-je couchée d’une pression très légère, pour ne pas l’écraser.

« Je te demande pardon, petite, je n’ai jamais demandé à être dépendant de la souffrance des autres… »

Que dire de plus… Rien. Je devais agir, avant qu’il soit trop tard. Les larmes me venant aux yeux, et tombant sur le corps de Snowball, j’approchai ma gueule de son flanc. Si chaud… et son odeur était si délicieuse. Je ne pus empêcher un long filet de bave de coule sur elle alors que j’ouvrais ma gueule. Je devais à tout prix éviter de la blesser, de toucher un organe vital… Je savais comment m’y prendre, mais si elle remuait sur le coup de la douleur, je risquais de lui faire très mal… *Je t’en prie, petite, détend-toi, reste calme…* Voilà, ne restait qu’à mordre… Lentement, j’enfonçai mes crocs dans la chair. Doucement, pour atténuer la douleur, mais pas trop, pour pas la prolonger inutilement. En aspirant, je me permis de prendre trois gorgées. Elle allait se sentir faible, mais si je n’en prenais pas assez, ça servirait à rien. Tout aussi doucement, je retirai mes crocs. Puis je léchai la plaie pour l’aider à cicatriser. Je pleurais encore. Je pleurerais longtemps, comme à chaque fois. Je détestais faire ça. Je venais de blesser une jeune louve… Monstre était mon seul qualificatif possible… Me reculant de quelques pas, je m’assis dans la neige et plongeai mon regard sur le sol, pleurant toujours.

« Je suis un monstre… »

Regardant mes larmes couler sur le sol, maudissant ma condition, essayant d’oublier le goût horrible du sang qui m’avait laissé un arrière-goût dans la gueule, j’oubliai totalement la présence de Snowball. Ce que je venais de faire… la sensation de la chair tendre de la louve se déchirant sous mes crocs… le sang qui coule, la vie qui la quitte… Avais-je tué? Non… non… ce n’était pas la première fois que je mordais, je n’avais tué. Je n’avais pris que trois gorgées, pas assez pour tuer… Elle ne serait que faible… Oui, je n’avais pas tant fait de mal. Elle avait sûrement connu pire comme souffrance. Maintenant, je devais partir… je n’avais plus rien à faire ici. Pourquoi, de toute façon, est-ce que je devrais rester sur les lieux d’un crime? Qui voudrait bien garder la compagnie d’un monstre qui venait de le vider de son sang? Mais avant que je puisse me lever…

« Je suis désolée. Parce que vous êtes un vampire, j’ai cru que… que vous étiez mauvais, mais il n’en est rien. Je me suis basée sur les connaissances que j’avais sur les vampires, mais… je ne connais qu’un autre vampire. »

Je clignai des paupières. Mauvais? On ne tend pas le cou à un être qu’on juge mauvais. Cette petite était étrange… J’écoutai quand même la suite. Le vampire qu’elle avait connu était vraiment un être mauvais… elle avait sans doute cru que c’était racial… que le manque de sang rendait fou. Eh bien oui, il rendait fou! Mais moi je résistais. Moi je combattais. Moi j’avais des principes, et je refusais ma nature! Ce n’était probablement pas le cas de son cousin… J’eu envie de la réconforter un peu. Mais comment le pourrais-je? J’étais toujours le monstre qui l’avait blessée et affaiblie… Même si elle ne semblait pas du tout m’en vouloir… En même temps, elle connaissait la condition des vampires… Peut-être en me voyant pleurer avait-elle constaté que je n’étais pas comme le seul autre vampire qu’elle connaissait.

La suite me surpris. D’abord d’une mauvaise façon. De la pitié… cette gamine ressentait de la pitié? Bah oui, j’étais pitoyable… j’étais pathétique… j’en eu envie de sangloter, de me rouler en boule. Mais je n’en fis rien, à cause de la fin de ses dires. Elle… me proposait carrément de revenir la mordre si j’avais besoin de sang!! Je la regardai, surpris. Mes larmes se séchèrent. Elle… voulait m’aider? J’approchai mon museau de sa tête. Ce devait être effrayant un peu… mais je savais qu’elle ne reculerait pas. J’essayai de prendre une voix douce, malgré mon chagrin.

« Comprends-tu ce que tu m’offre, petite? Comprends-tu que je pourrais surgir n’importe quand, sans prévenir, afin de te mordre, peut-être même sans demander la permission, si mon état est trop avancé? Comprends-tu seulement que je suis dangereux, et que malgré tout le regret que j’ai du mal que je viens de te faire, je peux t’en faire plus sans le vouloir? Je ne tiens pas à blesser une louve aussi gentille que toi. Je vais être franc avec toi : si tu es certaine de ta décision, je vais m’imprégner de ton odeur afin de te retrouver facilement. Mais je t’en prie, réfléchit bien. Regardes-moi, je suis monstrueux… Ne fais pas de bêtise, et ne m’offre pas une chose si tu n’es pas en mesure de me la donner… »

Je ne voulais pas lui faire peur. Je voulais être franc. Gâcher sa vie était le dernier de mes souhaits. Le terrain sur lequel elle se lançait était dangereux. C’était très gentil de sa part, et si je n’étais pas si énorme, j’accepterais tout de suite, mais… je pouvais trouver un loup plus gros… un loup plus résistant, plus endurant… Mais serait-il aussi généreux? Et elle avait tellement bien fait ça… elle s’était laissé mordre avec tant de… naturel? Non, ce n’était pas naturel… À coup sûr cependant elle était habituer d’enfoncer des trucs dans de la chair, ou de se faire enfoncer des trucs dans sa chair à elle… Peu importe… Je reculai un peu ma tête, histoire de ne pas trop l’intimider et de la laisser réfléchir, et j’attendis qu’elle ne me fasse part de son choix.

Eh bien… si elle voulait vraiment m’aider en m’offrant de me laisser la mordre régulièrement, je n’étais pas pour dire non. Gentille et courageuse… et sûrement pas idiote. Je l’avais bien vu qu’elle pesait le pour et le contre. En final, cependant, elle ne semblait pas y voir beaucoup d’inconvénients. Ou alors pas assez pour annuler la valeur des avantages. Avantages? Pour elle? Non, bien sûr. Il y en avait pour moi, il y en avait pour tous les loups que j’aurais mordus et qui finalement, grâce à Snowball, éviteraient ce supplice. Elle était vraiment une guérisseuse, jusque dans son âme, qui accordait aux autres une place plus importante que la sienne. Enfin, dans la mesure où cela ne la tuait pas.

Un frémissement parcourut mes oreilles et ma tête se pencha d’elle-même sur le côté. Amie? Mon amie? D’accord, j’avais arrêté de la vouvoyer, mais c’était pour la mettre en confiance le temps de la mordre, je n’avais tout simplement pas pensé à arrêter de la tutoyer ensuite. Peut-être avait-elle pris cela pour une preuve de confiance? En fait, ce n’était pas que je ne lui faisais pas confiance, mais… Je venais à peine de la croiser, ma première réaction avait été de la vider de son sang, et elle voulait être mon amie? Je n’y comprenais pas grand-chose… elle y comprenait sans doute plus que moi. Et moi? Je devais réagir comment? Est-ce que je pouvais accepter d’être son ami? Est-ce que, si je le faisais, je pouvais me permettre de la mordre? Pourquoi voudrais-je blesser une amie? Que faire…? Accepter son amitié et trouver un autre loup volontaire pour me servir de repas, ou refuser son amitié et entretenir avec elle un rapport strictement professionnel? Elle semblait croire que l’option d’être mon amie ET mon repas était plausible, cependant… en serais-je capable?

Dans ma confusion, je sentis ma vue se brouiller, mes joues se mouiller. Je pleurais à nouveau… C’était terrible… et pourtant ça avait l’air si simple? Ne pouvais seulement sourire, lui donner un petit coup de langue sur le museau et dire : je serais ravi de te compter comme une amie? Non, bien sûr, j’en étais incapable.

« Dame Snowball, je… je ne sais que dire en réponse à l’affirmation que vous venez d’énoncer… Je… Je n’ai jamais… enfin… je veux dire… personne ne m’a… considéré comme un ami, avant. Et je ne sais si je dois accepter… Puis-je vous mordre alors que vous êtes une amie? Dois-je refuser d’entretenir un lien amical avec vous afin que vous puissiez m’aider? Je ne sais pas quoi faire… »

Détournant le regard et fermant les yeux, je tentai de réfléchir. En vain… Je trouvais horrible l’idée de mordre une amie, et je ne voulais pas refuser ce second cadeau qu’elle m’offrait. Qu’allait-elle dire? Peut-être cela m’aiderait. Alors j’écoutai. En silence. Pleurant toujours, mais sans faire de bruit.

Le contact de son museau, sur le miens… Jamais aucun loup ne m’avait touché, avant. Sinon pour essayer de m’empêcher de les mordre… Et… Et ça faisait du bien. Et ça me donnait envie d’entourer la jeune Snowball d’une patte, de la serrer contre moi, de lui dire, tout simplement : merci. Mais elle parlait et je ne voulais pas l’interrompre. Elle avait raison, sans doute. Si je la mordais, c’était parce qu’elle était un peu une amie… comme ça j’étais sûr de ne jamais la tuer. Encore une fois je voulu la remercier, de m’avoir éclairé, mais n’en eut pas le temps. Déjà elle se roulait dans la neige. C’était si beau à voir… La marque de mes crocs ne paraissait pas dans ce pelage épais, et la neige qui brillait lui donnait l’air… d’un ange… Oui, elle était un ange. Parce qu’elle me sauvait, me délivrait d’un mal… Un sourire anima ma gueule et je m’approchai. Mon corps fut bientôt au-dessus du sien, et ma truffe se posa avec légèreté, enfin pour moi, ce devait être un peu lourd pour elle, sur la sienne. Je laissai quelques secondes mon souffle sécher son museau, puis je pris la parole, espérant que mon haleine, imprégnée de l’odeur de son propre sang, ne la dégoûterait pas. Enfin, pas trop…

« Snow’… Tu es douce, tu es fraîche, tu es pure… À l’image de ton nom, tu es comme la neige qui couvre ta fourrure. Tu es agréable, et je me sens bien, avec toi. Tu balaie la chaleur de ma monstruosité, qui m’étouffe, m’assoiffe et me fait dépérir. Puis-je donc détester la neige, considérant cela? Cela reviendrait à te détester toi… mon amie… »

Sans le faire exprès, ou plutôt sans contrôler cette réaction, je laissai ma langue sortir et frotter avec douceur le museau de Snowball. Pui, pour ne pas trop l’écœurer de mon haleine, j’éloignai ma tête, avec un sourire joyeux. Ma queue se balançait près du sol et en faisait lever des petits tourbillons de neige, dont une partie retombait sur moi et sur la jeune guérisseuse. Préférant ne pas laisser le temps à la louve de me répondre, puisque de toute façon je m’étais vidé le cœur et ne souhaitais pas avoir de réaction, je répondis directement à sa question, sur un ton joyeux de louveteau enjoué.

« Bien sûr que j’adore la neige! »

Le regard plongé dans celui de la louve, et scrutant son visage paisible en souriant alors qu’elle fermait les yeux, je ne me rendis pas tout de suite compte de ce qui se passait. Je compris qu’il y avait quelque chose d’anormal lorsqu’une plume me caressa. Non, pas une plume, une sorte de nuage de neige qui brillait d’un éclat bleuté. Et il n’était pas seul. Ma queue s’immobilisa, et je regardai autour de moi. Cette vision était si magnifique… Un pouvoir pouvait donc faire cela? Tous les pouvoirs de loups que j’avais mordu et qui les avaient utilisé étaient des pouvoirs offensifs visant à me blesser. Jamais je n’avais vu une manifestation magique qui soit belle et bénéfique… J’en étais venu à me demander, plusieurs fois, si c’était possible. Eh bien oui, ce l’était, j’en avais maintenant la preuve.

Émerveillé, je regardai le spectacle un long moment, en silence. M’imprégnant de cette magie qui m’était offerte par ma nouvelle amie. Amie dont je devais m’imprégner aussi d’autre chose. De son odeur… Une partie de moi n’en avait plus envie. Une autre le souhaitait ardemment. Je tournai de nouveau mon museau pour regarder Snowball, et mes yeux croisèrent les siens. Un petit soupir m’échappa et tout doucement je pressai ma truffe contre son cou, la regardant toujours dans les yeux. J’inspirai un grand coup, et si ça ne dura que quelques secondes, j’eu l’impression que je prenais des heures à analyser les moindres petites particules de l’odeur de la louve, en retirant celles qui étaient dues à la neige, à l’air, à la poussière qui s’était coincé dans les poils de la fourrure. Finalement, je reconstituai l’odeur de mon amie et la gravai dans ma mémoire. Maintenant, je pourrais la sentir à une distance incroyable, pour peu qu’elle ait passé par l’endroit où je me trouvais au plus une semaine plus tôt.

Essayant de ne pas m’attarder là-dessus, pour pas me déprimer, j’étendis mes ailes. Sentir la neige magique de Snowball me remit rapidement un sourire aux babines et je me permis même de taquiner, tout enjoué, l’oreille de la louve, de mes crocs ordinaires.

« Je te remercie, Snow’… Jamais je n’oublierai ce moment, et je le conserverai à tout jamais dans ma mémoire, à côté de ton odeur. Comme ça, chaque fois que je te chercherai, je verrai ces magnifiques plumes de neiges, et j’espère qu’elles sauront m’apaiser. »

Voir Snowball si heureuse me réchauffa le cœur. Seulement ça ne dura pas… Rapidement elle sembla gênée. Et avec raison, à voir la question qu’elle me posa. Lui dire comment tuer un vampire? La première question était de savoir : est-ce que je le savais? Après tout, je n’étais pas un vampire ordinaire, n’importe quel loup pouvait me tuer s’il lui en prenait envie. J’étais coriace, ça oui, mais pas invincible. Oui, mais seulement depuis la mort de Pandore. Avant, je ne pouvais pas être tué. Enfin, si, par elle… Mais… il devait bien y avoir un moyen, non? Eh bien non, je ne trouvais rien. Seul un mort peut tuer un mort. Cela voulait-il dire que maintenant j’étais vivant? Non, je ne vieillissais pas, et je ne me nourrissais que de sang, je ne pouvais pas être vivant. J’étais juste… moins mort… Moins mort… cette idée me fit presque rire, mais vu le sérieux de la situation, je m’en abstins.

« Je te demande pardon, Snow’… mais je n’ai moi-même pas réponse à cette question. Vois-tu, je ne suis pas… normal… Tu pourrais me tuer facilement, si tu en avais vraiment envie. Enfin, non, pas facilement, puisque je me défendrais, mais en admettant que je me laisse faire, tu n’aurais qu’à m’arracher la gorge, comme n’importe quel loup vivant… »

Ce n’était pas d’une grande aide, mais c’était sincère… Aussi, un peu déçu de ne pas pouvoir l’aider, je m’enlevai d’au-dessus d’elle et me couchai à côté d’elle.

« Je te demande pardon… »

Lorsque la jeune Snowball  se releva et demanda son congé, je fus un peu triste. Bien entendu je comprenais qu’elle avait des obligations, et besoin de refaire des forces. Se faire vider de son sang par un vampire faisant plus de deux fois sa taille… ça laiiserait une marque… et dire que j’allais la mordre de nouveau, et plus d’une fois. J’étais toujours mitigé de ce côté, mais je croyais toujours que mieux valait accepter.
 
Rougissant au contact affectueux de la langue sur ma joue, je lui rendit sa marque d’affection.
 
« À la prochaine fois, gentille louve, et puisse notre rencontre prochaine être plus heureuse et moins sanglante. »
 

Je la regardai s’éloigner et se retourner. Elle ne voulait partir non plus. Aussi attendais-je encore de longues minutes après qu’elle ait disparu, au cas où elle reviendrait. Mais elle ne revenait pas. Tristement, je me détournai et quittai au pas de course.