-Aymeric-

Le temps était doux et chaud au clan du Désert. La vie continuait, tout doucement, autour d'Aymeric. Ce dernier avait d'abord eu du mal à le réaliser, alors que son coeur tout entier était occupé à faire le deuil de ses deux parents à la fois. L'orphelin avait fermé les yeux sur le monde extérieur, un instant, suspendu dans le temps. Comme si pendant quelques temps, une partie de lui était aussi morte.

Mais la vie, elle, ne l'avait pas attendue. Tout autour de lui, les bourgeons avaient éclot, les fleurs avaient fleuris, les plants germés. Et sur la tombe de ses parents, côte à côte pour l’éternité, les lys s'étaient installés, et diffusaient désormais leurs douces odeurs. Le chasseur alors avait compris : la peine ne s'en irait jamais. Il pleurerait toujours ses deux parents, toujours avec autant de douleur. Mais seulement le temps lui permettrait d'avancer sans être étouffé par cette douleur. Et jamais, jamais il ne les oublierait.

Alors, il avait reprit sa vie. Revu ses amis, s'était occupé de ses enfants qui grandissaient bien trop vite à son goût. Nesseth, Savdar et Thakriss avaient presque un an, et déjà, la famille démonia avait commencé à les entraîner. Lui, continuait de leur parler de ce qui le faisait rêver, de leur raconter des histoires, de leur donner son goût du monde. Et cela semblait fonctionner, les trois étaient de petits êtres curieux, bien que tous différents. Et il les aimait tous, si forts que rien que la pensée d'en perdre un le faisait mourir de tristesse.

Cependant, il y a peu, Eris fut frappée elle aussi de la même tragédie que lui il y a quelques mois. Sa maman, Idryss la dragonne, s'était éteinte, de son propre chef après un empoisonnement. Aymeric n'avait pas assisté à la scène, de peur de se sentir de trop dans cette famille, mais ses trois enfants étaient proches de leur mamie. Pour eux, c'était la première véritable perte qu'ils devraient subir, alors qu'ils étaient si jeunes. Le chasseur avait attendu toute sa famille le soir, pour les réconforter comme il pouvait. Mais il sentait qu'évidemment, la situation pesait sa compagne. Alors ce jour là, il avait décidé de passer un peu de temps avec elle, seul à seul. Sans les enfants pour les embêter, ils pourraient parler et se câliner à loisir, enfin c'était ce qu'il espérait. Il remonta la piste de la femelle jusqu'à la trouver près de la rivière de la roche. Il s'avança, la détaillant des yeux. Elle était toujours aussi belle, et son cœur s'emballait un peu rien qu'à la voir. Joueur, il lança :

Bonjour, madame Eris. Je vous surprend au bain ?

-Aymeric-

La louve se retourna, lui rendant un regard pétillant et feignit d'être outrée par son comportement. Le Génésis fit frémir ses ailes, les dépliant légèrement, ne quittant pas la Démonia des yeux. Elle entra dans son jeu, lui tournant le dos, et il baissa le museau pour renifler le lac avant d'y entrer lentement, se rapprochant d'elle à la manière d'un prédateur. Evidemment, c'était purement pour jouer.

Le loup ailé entra lentement dans l'eau, gardant Eris à une certaine distance mais ne la quittant pas des yeux. Il prit une mine triste, secouant la tête en laissant sa mèche de cheveux couvrir un de ses yeux. Il continua :

Ha ! Qu'il serait dommage que votre famille m'aperçoive, moi, un roturier !

Il fait un pas dans la direction d'Eris, souriant d'un air presque carnassier. Il étend ses ailes dans l'eau, les laissant effleurer la surface sans les mouiller. Il ajoute, avec un clin d'oeil à sa belle :

Mais je ne peux rester loin de vous, ma chère, alors que vos yeux me subjugent