-Heindrick-

Le printemps était enfin là. Les arbres reprenaient des couleurs, les fleurs éclosaient timidement, et surtout, les proies revenaient. Heindrick revenait régulièrement à l'endroit ou, avant l'hiver, ils avaient construit le temps de concert avec Zedekiel. Il fallait continuer à l'entretenir, mais il semblait solide, et malgré les nombreuses traces d'animaux autour, il ne présentait pas de dégradations. Avec le printemps, l'herbe avait commencé à pousser autour, hérissée et piquante, offrant des cachettes de choix aux petites animaux venant s'abreuver. Heindrick avait laissé poussé l'herbe haute, préférant entourer le temple de proies comme le voudrait Mordor. Il avait néanmoins commencé à ramasser des pierres plates pour essayer de faire une sorte d'allée menant à l'eau, mais son entreprise n'était pas tout à fait un succès encore.

Néanmoins, il avait l'impression qu'avec l'été qui s'annonçait, les plaines devenaient de plus en plus giboyeuses. Il n'avait pas beaucoup vécu ici, mais son instinct de chasseur le lui disait : les traces étaient plus nombreuses, les brames et appel à la reproduction aussi. Il avait même repéré plusieurs fois des traces de gros prédateurs solitaires, attirés par la nouvelle nourriture. Bien sûr, cela pouvait être la conséquence de l'hiver plutôt clément qui venait de passer. Mais Heindrick ne croyait pas tellement aux coïncidences, et dès qu'il pouvait, allait rendre hommage à Mordor dans son temple improvisé, lui offrant des pièces de choix de ses chasses tout en gardant les meilleures pour Rahawk. Il ne se faisait pas d'illusion quant à la présence du Dieu ici, qui si elle existait, devait être bien ténue. Mais s'il pouvait faire de cette terre un endroit fertile ou son groupe, ou lui seul, pourrait s'épanouir plus facilement, alors il le ferait.

Il était parti la nuit, profitant de la fraîcheur de l'obscurité pour trotter le long des marais. Le cimetière n'était pas rassurant la nuit, mais Heindrick n'avait pas encore perdu son épais poil d'hiver. Sa génétique de caverne faisait que dès que ses printemps étaient souvent trop chauds, avant que le climat ne le fasse muer pour le rafraichir. En attendant, il voyageait de nuit. Il avait pour projet d'abattre aujourd'hui un cerf, ou un élan, seul. Sans utiliser son pouvoir. Le danger était présent, mais il savait traquer pendant des heures, fatiguer sa proies en prenant un minimum de risque. Evidemment, seul, la tâche serait extrêmement difficile. Mais il voulait ... se mettre à l'épreuve, pour Mordor, pour son groupe et pour lui-même.

Le petit matin pointait à peine lorsqu'Heindrick posa son premier coussinet sur les terres sèches et arides de la plaine. devant lui, coincé entre les montagnes Markors et les terres du clan de la Source, elles étaient là, le sol émanant déjà une certaine chaleur, les oiseaux piaillant entre les buissons. Heindrick inspira. Il e sentait chez lui ici, dans la terre de ses ancêtres. Il regrettait que leur groupe soient installés dans un espace aussi étroit, piégés entre deux clans et un cimetière lugubre. La plaine elle, représentait la liberté, sa liberté.

Il s'avança, ne perdant pas une seconde. Efficace dans ses gestes, mais ses pensées dérivaient. Il ne vit pas tout de suite les traces lupines fraîches, qui pourtant s'étalaient discrètement sous ses yeux. Peut-être que s'il les avait vues avant, il aurait fait un détour pour les éviter, ou bien se serait préparé. Mais il n'y fit pas attention, trop porté sur sa réflexion. Lorsqu'enfin il l'aperçut, il se figea, surpris. Immédiatement, il fut sur ses gardes : l'odeur était celle d'un congénère, et rien n'était plus sûr : ami, ennemi ? Danger, ou aide ? Il suivit la piste avec précaution, et n'eut pas à marcher longtemps pour trouver son origine : une masse de fourrure blanche, roulée en boule entre les racines d'un arbre. Le mâle hésita : l'autre semblait dormir. Mais même d'ici, il pouvait voir les côtes de la femelle se soulever, osseuses, et sa colonne vertébrale ressortir. L'hiver avait été rude pour certain. Il recula, lentement, ne cherchant pas les problèmes. Mais, coup du sort ou jeu des Dieu, il ne fit pas attention à ce qui se trouvait derrière lui, et trébucha sur un talus. Il finit sur les fesses, toute discrétion envolée, et laissa échapper un faible

Aie

L'hivers avait toujours été une saison plutôt rude. En tant qu'ancienne scientifique éclairée, Hywel était bien placé pour le savoir. les plantes mourraient, les proies disparaissaient ou se faisait dépiauter à la première occasion. Les forts s'efforçaient de survivre et les faibles mourraient à leurs dépend.

Et en tant que louve de la deuxième catégorie. En tant qu'ancienne clanique qui n'avait ni la force, ni la vitesse ou l'agilité de chasser correctement. Hywel avait passé un sale hivers en terre solitaire. Non seulement, elle peinait à trouver les carcasses aux os pas nettoyés ou quelques rongeurs. Mais elle avait également dut se confronter au fait de devoir fuir ou se protéger elle même de certains de ses congénères désespérés qui aurait bien pu passer outre leur moralité pour la proie facile qu'elle pouvait représenter.

Sa petite taille, sa fourrure blanche comme neige. Si ils étaient le plus souvent sa malédiction, elle devait bien admettre que pour le coup, ils l'avaient sauvé plus d'une fois. L'intelligence était rarement un avantage en terre solitaire.. Enfin du moins, c'était pas le meilleur avantage que l'on pouvait avoir.
Souvent, il valait mieux être rapide ou fort que malin.
Dans son cas, elle avait réussit à trouver une tanière entre les racines d'un arbre, assez petit pour que personne d'autre que sa carrure ne puisse y pénétrer. Cependant, cette année là, elle avait connu pour la première fois la douleur de la famine et ses conséquences.

Moins elle mangeait, plus elle avait mal et semblait épuisé. Et plus elle était épuisé, moins elle arrivait à chasser. c'était un cercle vicieux.
Le soir, elle se retrouvait souvent seule, épuisé et en colère à ruminer l'injustice de son passé. Personne ne l'avait jamais regretté ou cherché. Elle avait perdu Emilie..à moins que cette dernière l'ai abandonné. Et Svalrog devait certainement couler des jours heureux en terres sources, vu comme le héros qu'il n'avait jamais été.

Cet après midi là, elle rentra vers 14h dans son troue, si ce n'est bientôt sa tombe. Elle avait essayé de chasser toute la matinée mais n'avait pu attrapé qu'un vulgaire rongeur...
Mais elle se sentait fatigué..si fatigué.

Les yeux fermé, elle ne su pas combien de temps s'écoula exactement. cependant, elle entendit le bruit sourd qui la sortit de sa torpeur. Elle rouvrit les yeux dans la panique, un air un peu ahuris sur le visage alors qu'elle sentit l'odeur d'un congénère.
Rapidement, elle prit alors le reflexe de grogner tout en se terrant le plus possible au fond de son troue. De sa voix cassé, elle cracha:

P-partez, j'ai rien à vous offrir !

Elle ne prit même pas le temps de voir de qui il s'agissait, c'était un risque supplémentaire dont elle ne pouvait se permettre le luxe

-Heindrick-

Heindrick se releva prestement, mais le bruit avait éveillé la louve qui dormait entre les racines. Deux yeux bleus très pâles vinrent percer la semi-obscurité, se fixant sur Heindrick à le mettre mal à l'aise. Puis, un souffle, suivi très vite d'un grognement. La louve n'était plus louve, simplement un animal sauvage. Heindrick ne bougea pas : devait-il s'enfuir ? La blanche avait l'air très mal en point, surtout comparé à lui qui était nourri et protégé par son groupe. La pitié vint malgré lui s’immiscer dans ses pensées. Des erreurs, toujours des erreurs. C'était la pitié qui l'avait incité à protéger Nephtys, mais il en avait été incapable. S'il cherchait à aider celle-là, qui sait ? Peut-être que son père ... que Rahawk viendrait la lui prendre lui aussi. Il n'avait pas le droit, surtout pas avec une femelle. Une voix rauque sortis du trou :


Heindrick ne bougea pas. L'odeur de la peur puait tout autour d'elle, l'odeur de la mort aussi. Peut-être que s'il ne l'aidait pas maintenant, elle allait crever, comme n'importe quel solitaire trop faible pour se nourrir. De sa voix grave, sans émotion, il répondit simplement :

Je sais.

Son corps fut parcourut d'un léger tressaillement. Il n'avait pas prit sa décision, pas encore. Qu'aurait fait sa mère ? Elle ne protégeait pas les plus faibles, seulement ceux de son groupe. Mais un acte de bonté, alors que tout allait bien pour elle ... L'aurait-elle fait ? Oh et puis zut. Il n'était pas sa mère. Sans un bruit, il se recula avant de partir.

La plaine était parcourue d'une multitude de pistes de proies. Les plus intéressantes étaient bien sur celles des grands ongulés, celles qu'Heindrick avait eu pour objectif de suivre plus tôt. Mais là, il se concentrait sur les plus petites : les lapins, les rats et autres rongeurs. Les petites bêtes assez pour nourrir un seul loup, mais pas un groupe entier. Il en trouva vite une, la remonta et se mit en chasse. Après une petite heure d'essais, il parvint enfin à tuer un beau lièvre de Garrigues. Il émit une rapide prière à Mordor : cette fois-ci, quelqu'un avait plus besoin de la proie que le Dieu.

Il remonta sa propre piste pour retrouver la tanière de la blanche. Une fois arrivé, il posa la proie, pleine de poussière et de sang, devant ses pattes avant de faire un pas en arrière. Il ne dit rien, hésita à partir. Mais la louve avait-elle vu ce qu'il lui offrait ? Il se maudit lui-même : il devrait partir maintenant, pourtant, comme avec Nephtys, quelque chose l'e, empêchait. Quelque chose d'un peu étrange, dont il n'avait pas l'habitude. La curiosité ? La pitié ? L'amour ? L'instinct ? Il n'en savait fichtrement rien. Il espérait simplement ne pas trop le regretter plus tard.

Grognant, ayant clairement plus peur qu'elle ne parut agressive. les oreilles d'Hywel tiquèrent à la voix de l'étranger. Un voix rauque, froide mais pas pour autant agressive.

Je sais.

Clignant des yeux, à sa réponse, elle arrêta de grogner, pour autant, elle ne lui répondit pas, se terrant un peu plus dans le fond de sa tanière.
Si il ne lui voulait rien pourquoi il lui parlait ? est ce que c'était normal ? ou un piège ? Est ce qu'il était juste tombé devant sa cachette et qu'elle avait juste mal réagit ?
Alors qu'elle se posait un millier de questions dans sa tête, elle entendit les griffes du loup dans le sable s'activer à l'extérieur, comme si il partait.
Cependant, un peu paranoïaque comme elle l'était, elle attendit bien vingt minutes avant d'oser pointer sa truffe vers l'extérieur.
Elle sortit, observant avec curiosité les empreintes de l'étranger, reniflant ces dernières alors qu'elle essaya de retenir son odeur.

Rapidement, alors qu'elle reprenait doucement ses marques, Hywel le sentit de nouveau approcher, retournant alors en quatrième vitesse s'abriter derrière son cocon de racines alors que la silhouette d'un loup brun et noir perçait à l'horizon.
Elle l'entendit approcher de nouveau mais elle ne grogna, elle fit comme si elle n'était pas là. Cependant une odeur l'enivra rapidement, une qui lui tordu de nouveau l'estomac en lui rappelant qu'il était vide: celle du sang, d'une proie fraiche.

Un peu a l'affut, elle vu le loup le poser devant son antre avant de reculer de quelque pas. était ce un cadeau ? ou un piège ?
Si c'était un cadeau pourquoi lui en offrait il un alors qu'il ne se connaissait pas ?
Si c'était un piége pourquoi s'en prendre à elle alors qu'il était capable de chasser tel lièvre ?

Timidement, Hywel essaya de se retenir de céder à la tentation. Déglutissant alors que quelques minutes de silence passèrent. Elle décida de prendre son courage à deux pattes et montra finalement sa bouille alors que ses grand yeux ne quittèrent par la silhouette du solitaire.

Elle a coté semblait bien ridicule. Une fourrure blanche duveteuse comme celle d'un louveteau abandonné et ébouriffé, un poil sale, un carrure famélique et des grand yeux que certain auraient pu juger effrayant et qui pourtant exprimaient toute la tristesse d'un monde, celui d'un peur permanente d'un abandon.
Sans un mot, elle partagea alors ce regard avec le solitaire, semblant comme absente. Comme si ce moment était hors du temps.
A une époque, elle était une espionne, une noble au langage raffiné mais aujourd'hui, elle n'était plus qu'un petit animal sauvage même aux yeux des solitaires.
Elle posa alors sa patte sur le lièvre dont la chaire était encore chaude, le rapprochant doucement d'elle.

Elle n'avait rien à lui offrir en échange de ce repas, rien hormis le fait de voir sa minable apparence.
Elle baissa d'ailleurs légèrement la tête à cette pensée.

-Heindrick-

La mâle s'était posé en retrait. Il pouvait voir la masse blanche de la louve dans sa tanière. Elle aussi l'avait repéré, et l'observait de ses yeux pâles. Il ne bougea pas, fidèle à lui-même. Il avait prit la décision de rester à présent et même s'il le regrettait déjà, il s'y tiendrait. Les minutes s'écoulèrent lentement sans que la solitaire ne bouge, ni Heindrick. Petit jeu de patience alors qu'elle devait probablement évaluer les chances qu'elle avait face à lui, si cela avait été un piège. C'est ce que lui aurait fait, dans sa situation. Sauf que la différence entre elle et lui, c'était que si elle ne mangeait pas, elle mourrait probablement.

Lentement, la tête de la femelle sortit de sa tanière. Ses poils étaient duveteux, tout blancs, comme un oisillon. Heindrick n'avait jamais vu cela. En dehors de ses poils, elle avait la peau sur les os, son état était presque difficile à regarder. Son regard azur croisé celui d'Heindrick, qui ne cilla pas. Mais elle n'était pas agressive, pas dominante. Lui qui avait apprit à jouer du regard pour dominer ou être dominé, il ne fit que se noyer un instant dans le vide de ses yeux éteins par la faim d'un hiver trop dur. La louve tendit une patte maigre et attira la proie vers elle. Heindrick ne bougea pas d'une oreille, attendant qu'elle soit un peu éloignée pour s'asseoir lentement.

Ce n'était peut-être pas la meilleure des idées de faire manger la blanche d'un coup. Si elle avait été affamée pendant longtemps, son corps ne le supporterait pas. Heindrick détourna le regard afin d'éviter de rendre les choses plus difficiles qu'elles ne devaient l'être pour la louve, et dit d'une voix neutre :

Ne mange pas trop vite.

La faim, la vraie, il ne l'avait jamais connue. Seule sa mère lui avait raconté ce qu'elle avait vécu, lorsqu'elle était morte. Il espérait avoir toujours de quoi chasser et se nourrir, lui ainsi que ses proches, mais le doute persistait. Entre lui et la petite chose affamée, il n'y avait qu'une question de chance. Il tourna de nouveau la tête pour regarder la blanche. Il se demandait comment elle s'appelait, si elle avait même un nom, mais lui demander voulait dire s'attacher. Cela voulait dire donner un nom à la chose pour laquelle il avait pitié, et être triste si jamais elle mourrait. Il ne voulait pas, mais avait-il le choix ? La pitié était une arme bien cruelle.

Semblant assez calme, le fait de voir le loup en face d'elle, ne pas bouger, ne pas s'approcher ni même parler l'apaisa un peu. Il partagea son regard sans bouger la moindre griffe tandis que le lièvre mort était collé contre elle.
Lorsque son interlocuteur finnisa par tourner la tête, lui disant un:

Ne mange pas trop vite.

Hywel s'accorda de cligner des yeux, avant de baisser de nouveau le museau.
Elle hocha la tête. Elle savait bien ce qu'il en couter de se goinfrer quand on était dans un état comme le sien. Aussi elle savait qu'un lièvre comme ça lui tiendrait probablement quelques jours, juste assez avant que sa carcasse commence à attirer les vermines.
Hésitant un peu, elle finnisa par baisser le museau et ouvrir sa gueule en direction du pauvre animal, lançant un dernier regard au loup comme un enfant qui hésitait avant de faire quelque chose. Elle commença son repas, essayant de se contenir pour ne pas dévorer. Sentant alors une sensation étrange la traverser.
Alors que le gout du sang frais, de la vie traversait un nouvelle fois sa gueule, lui rappelant maintenant qu'elle avait presque oublié la saveur, elle sentit comme une boule dans sa gorge se former au fur et à mesure qu'elle mangea.

Un acte de bonté désintéressé. Est ce que finalement c'était ça le signe qu'elle attendait ? Pourquoi des solitaires qui ne savait rien d'elle, comme Maïshka avaient été toujours plus bon que ceux qu'elle avait pu connaitre pendant des années ? Ou est ce que c'était son esprit qui avait finit par déformer ses propres souvenir au fil de sa peine ?
Est ce que la solitude avait finit par la rendre un peu folle comme elle le redoutait ?

Doucement alors qu'elle grignota stratégiquement les parties le plus nutritive du rongeur, elle sentit ses yeux devenir flou puis une sensation humide couler le long de ces joues.
Elle se força à ne pas trop manger mais ne pu retenir un sanglot alors qu'elle releva son museau rougit par le repas.

M-merci..

Baffouilla t-elle avec difficulté alors qu'elle ferma les yeux, elle ne voulait pas voir son regard de pitié pour autant elle savait bien que c'était la seule chose qu'elle pouvait inspirer actuellement.
Pourquoi elle pleurait maintenant, devant cette personne qu'elle connaissait pas alors qu'elle s'était sentit si vide et si apathique ces derniers jours

-Heindrick-

La louve blanche le regarda d'un air un peu vide. Elle bougeait avec des mouvements lents, faibles, tremblants. Elle finit par baisser le museau et prendre une première bouchée du lièvre, puis une deuxième. Heindrick se détendit un peu, regardant la louve blanche manger. Il se rendait compte à quel point il avait eu de la chance. Il aurait pu être à sa place si sa mère n'avait pas été sauvée par Imryu. S'il n'avait pas été protégé par Rahawk ensuite, par son groupe. Ou tout simplement s'il été né moins fort. La loi des solitaires étaient bien cruelles, mais pour ceux comme la blanche, les clans existaient. La présence même de la louve amaigries était étrange : pourquoi n'avait-elle tout simplement pas rejoint un clan ?

Alors qu'il réfléchissait, il entendit soudain un sanglot. Il releva les yeux qu'il avait baissé pour regarder la viande, et aperçut les yeux rougis de la petite louve duveteuse. Elle pleurait. Heindrick pencha les oreilles en arrière, un peu étonné. Cela fait longtemps ... Très longtemps qu'il n'avait pas vu quelqu'un pleurer. La blanche releva son museau et bafouilla un remerciement. Heindrick détourna les yeux, un peu gêné. Il ne savait pas vraiment quoi dire, ne savait même pas s'il devait la réconforter ou bien juste ... attendre que ça passe. Il opta pour la deuxième option.

De ... De rien.

Il tiqua, le regard toujours écarté comme pour donner un peu d'intimité à la petite louve. Il n'avait pas été élevé pour montrer ses sentiments, ni même pour vraiment en avoir. Mais il comprenait, il comprenait. Lui aussi avait un peu pleuré, quand sa mère était morte. Il secoua la tête, essayant de chasser la tension qui l'habitait, avant de tenter un changement de conversation :

Pourquoi tu ... N'as pas rejoins de clan ?

Les dents serrés, essayant au possible de retenir le couinement de ses sanglots. Hywel ramena sa patte à son museau, essayant de sécher ses larmes dont le flot ne semblait vouloir cesser. Un peu coupable alors qu'elle vu le loup en face d'elle tourner la tête malaisé

De ... De rien.

Baisant un peu le museau à cette vision. gêné à son tour d'être source de malaise sans vraiment le vouloir. La petite louve blanche sentit ses oreilles se coucher sur sa nuque. Laissant un silence un peu malaisant s'instaurer entre les deux, entrecoupé par moment par quelques petits reniflements

J-je..bv..d-désolé..

Murmura elle entre ses babines. Retenant l'envie de se terrer une nouvelle fois dans sa tombe de racines.
Elle vit alors le loup rayé secouer la tête avant d'ajouter d'un timbre toujours aussi neutre:

Pourquoi tu ... N'as pas rejoins de clan ?

Hywel cligna des yeux avant de timidement les rouvrir à sa question. A une époque, une partie d'elle lui aurait dit de se taire. Mais elle se sentait fatigué de tout cacher. Après tout qui viendrait le lui reprocher maintenant ? C'était à peine si les clans se souvenait encore d'elle.
Essayant alors de rassembler ses pensées, elle sembla pensive quelque secondes, phasant un peu sur ses pattes tremblantes.

J'en ai fait partit..il y a longtemps

secouant la tête alors qu'elle parla tout lentement, histoire de rendre ses mots clairs, elle continua:

Je suis née dans le clan qui est aujourd'hui le désert... Mais comme la jeunesse fait mal les choses, j'ai fuis pour retrouver quelqu'un qui n'existe plus aujourd'hui..
J'étais espionne du temps des adeptes..Je..je crois que j'étais pas trop mauvaise..

Fermant les yeux, elle poussa un soupir assez douloureux avant de continuer

Mais lorsque la source à existé..on m'a mise aux pattes de certains ancien terres. Moi et mon physique minable...Je.. Elle déglutissa Un chef d'armé à fait de moi son jouet pendant des années. Sans que jamais personne s'en rende compte, pas même ceux qui étaient autrefois mes amis...alors avec les mois qui passait j'ai...J'ai préféré mourir solitaire que de continuer à vivre ainsi

Elle regarda de nouveau ses pattes, l'air un peu vide malgré son corp tout tremblant et ses larmes

J'ai plus ma place nulle part.. Elle secoua la tête avant d'avoir un rictus gêné Enfin je...enfin désolé..tu dois probablement pas en avoir grand chose à faire..

reculant un peu comme pour retourner dans sa tanière avec le cadavre du lièvre, elle le salua du museau

Vraiment désolé...m-merci pour le repas..

-Heindrick-

La louve semblait avoir calmé ses pleurs, même si elle continuait à renifler. Heindrick se détendit un petit peu, voyant qu'à défaut de la consoler, il arrivait à dévier la conversation vers un terrain moins émotionnel. Il se demandait comment la petite louve blanche avait survécu en terres solitaires : bien qu'il n'y ai à priori aucun solitaire dangereux mis à part leur groupe, elle avait l'air particulièrement faible, et en période de chaleur, il n'aurait pas donné cher de sa peau. Peut-être même qu'elle était déjà pleine, ou qu'elle n'avait pas réussi à mener sa grossesse jusqu'au terme. Ou encore, que ses petits étaient morts, qui sait. Il repensa alors à Nephtys, à ces petits pour lesquels il avait fait voeu de protection. Il ne savait même pas ou ils étaient, ce qu'ils étaient devenus. Il faisaient un bien piètre protecteur.

La blanche le regarda, de ses grands yeux dont la pureté n'avait pas été entachée par ce qu'elle avait vécu, avant de lui raconter son histoire. Heindrick écouta, d'abord un peu gêné, puis se laissant guider par la voix de la solitaire. Son histoire était bien macabre, et il comprit à demi-mot qu'elle ne pouvait ni revenir au Desert, ni retourner à la Source. Elle était seule, donc. Une fois qu'elle eut terminé, Heindrick réfléchit. Jamais Rahawk ne l'accepterai dans son groupe, elle était bien trop faible. Cela dit, si elle se requinquait un petit peu, qu'elle savait chasser et peut-être se défendre, alors il dirait oui. Heindrick avait encore sur le cœur l'histoire avec Nephtys, peut-être que le grand crêteux accepterait une femelle en plus ramenée par le mi-caverne, pour se faire pardonner.

Ne t'inquiète pas.

Il se redressa. Il avait une idée, qu'il maudissait déjà d'avoir eue. Mais il ne pouvait pas faire demi-tour maintenant. Il avait aidé la petite, l'avait nourrie, l'avait écoutée. Il ne pouvait pas juste ... Partir, sans rien dire. Il regarda vers l'Est, vers les tanières, avant de continuer d'une voix neutre :

Un peu plus loin dans la plaine, si tu suis le cours du ruisseau, tu trouveras un point d'eau. L'endroit est fréquenté par beaucoup de gibier. J'y ... Ai construit un petit édifice, j'y laisse régulièrement des offrandes à Mordor.

Il tourna lentement son regard azur, le posant dans celui bien plus clair de la louve duveteuse. Il ne l'aiderait pas, pas officiellement. Mais elle était faible, il se pouvait bien de lui donner quelques informations.

Si jamais ces offrandes venaient à disparaître ... Je ne serais pas en colère.

L’attitude du mâle était toujours neutre, tout comme son ton. Il espérait que la femelle comprendrait qu'il cherchait indirectement à l'aider. De plus, le printemps était, pour un groupe fort, une saison parfaite pour la chasse. Il pourrait bien laisser quelques morceaux de viande en plus à Mordor, et il savait que le Dieu accepterait de partager ses repas, du moins pour un temps.