RAHAWK

Enfin Rahawk arrivait à la frontière du clan du Désert. Le chemin lui avait paru interminable avec les petits à conduire à travers les chemins escarpés de la montage. Surtout avec celle qui souffrait. Elle avait titillé son pouvoir pendant tout le trajet, lui donnant parfois envie d'abréger sa vie. Il n'avait même pas pu la porter puisqu'un simple contact semblait décupler sa souffrance et elle se mettait en plus à couiner. Son frère sombre la regardait alors avec un air mauvais qui ne disait rien qui vaille au creteux. Mais ils ne seraient de toute façon bientôt plus son problème.

Alors qu'il avançait vers la frontière, cherchant du regard la sentinelle qu'il avait senti depuis quelques minutes, celle-ci sauta d'un arbre devant lui pour lui barrer le passage. Il la regarda avec un air consterné, alors maintenant les sentinelles du désert se prenaient pour des chats ?

Ne fait pas un pas de plus sale solitaire. Tu n'as aucuns droit en terre du Désert

Rahawk sourit, elle pensait vraiment qu'elle aurait pu l'empêcher de passer s'il l'avait voulu ? Mais après réflexion la louve semblait jeune, ça faisait peut être a peine un an ou deux qu'elle était en poste, elle ne savait donc probablement pas à qui elle s'adressait. Quoi qu'ils devaient bien avoir eu des cours d'histoire, elle devait bien connaître la description du dernier cavalier encore en vie... Il secoua la tête.

j'ai pas l'intention de passer. J'ai trouvé ces mioches sur les anciennes terres cavernes. Leur mère est morte, ils ont aucune chance de survivre tout seuls. Ton clan pourrait les accueillir non ?

Il s'assit, prouvant qu'il n'avait pas l'intention de faire un pas de plus sur le territoire de la louve. Il aurait bien voulu voir sa demi-sœur cela dit, sa dernière rencontre avec un membre de sa famille remontait à loin

RAHAWK

Le regard de la sentinelle alla des petits à lui, de lui aux petits, puis elle pencha la tête. Elle n'était pas dupe sur qui était le géniteur de ces louveteaux, mais il n'en avait que faire. Ce n'était pas SES petits. Akeba, Alexis et Vince étaient ses petits, pour eux et pour leur mère, il était prêt à mettre tout le pays à feu et à sang pour eux, il était même prêt à laisser son pouvoir prendre le dessus sur lui. Pour ces quatre louveteau par contre, il répugnait juste à l'idée qu'ils meurent de faim et de froid tout seuls, comme il l'aurait fait pour n'importe quel bébé trouvé seul. Il ne leur avait guère adressé la parole du trajet, même quand ils lui avaient demandé si leur mère viendrait les chercher, ou qui il était. Il ne leur avait pas dit son nom, et n'avait pas demandé le leur. Cela n'avait pas d'importance pour lui. Bientôt, il ne seraient plus dans ses pattes et il pourrait ramener la preuve de la mort de Nephtys à Anvie, et il pourrait reprendre une vie normale.

Peu lui importait que la louve le juge. Elle ne savait pas que la mère avait usé de stratagème pour le forcer à lui faire ces petits, et qu'il n'avait donc aucune obligation envers eux, et pourtant il les avait quand même menés en sécurité. Si le Désert ne voulait pas d'eux, il se résoudrait à les emmener à la Source, sa mère les prendrait probablement sous son aile, elle n'était pas du genre à accepter qu'on laisse des louveteaux sans personne pour prendre soin d'eux.

La sentinelle appela néanmoins un haut gradé, après tout la décision ne lui revenait pas. Elle attendit que le message se relaye avant de se retourner vers lui.

Notre camp est un peu loin, il faudrait que tu avance avec moi en direction du chef.

Il hocha la tête, se relevant. Il connaissait la majeure partie des hauts gradés du Désert, il avait pris ses ordres d'eux directement quand il avait dû exterminer ce qu'il restait des adeptes d'Akui, il serait probablement enclins à lui faire cette faveur d'accepter les mioches s'il était avec eux. Il poussa les trois plus forts devant lui, pour suivre la sentinelle avant de se tourner vers la plus fragile. Il soupira, elle souffrait trop pour marcher seule, seulement il savait qu'elle hurlerait de douleur s'il la prenait entre ses mâchoires... Il réfléchit, s'il la laissait marcher ça serait interminable, s'il la portait, la douleur serait intense mais durerait moins longtemps. Malheureusement son pouvoir ne lui permettait pas d'absorber la douleur de l'autre, juste de l'intensifier.

Il savait à quel point ce territoire était grand, il leur faudrait probablement un ou deux jours de marche pour retrouver son chef, la petite ne tiendrait jamais aussi longtemps. Il s'approcha d'elle et la pris aussi délicatement que possible entre ses crocs. Elle couina de douleur et il se figea, sentant son pouvoir pulser plus que jamais dans son ventre, il se retint de serrer les mâchoires, même si dans son cas, l'achever relèverait très probablement de la miséricorde... Peut-être les médecins du clan trouveraient-il une solution pour elle?

Il se mit en marche, sentant sa fourrure se hérisser à chaque couinement de douleur de la petite louve. Quand enfin la nuit arriva et qu'ils durent faire halte, il la posa à l'écart des autres, tremblante de douleur. Il était difficile d'atteindre le coeur de Rahawk, mais il se tordait devant la souffrance de cette petite qui, s'il refusait de le reconnaître était sa fille. Il se coucha à coté d'elle, sans la toucher et tenant les autres petits à l'écart, elle aurait moins chaud que si elle avait été contre lui, mais il l'avait placée derrière un rocher, elle serait donc au moins à l'abri du vent. Les petits se couchèrent et s'endormirent rapidement, épuisés après toute cette marche. Mais quand la lune fut haute dans le ciel, le petit noir se réveilla, plein d'une énergie folle, il se mit à courir partout, se jetant sur les queues du crêteux et sur son frère et sa soeur, il dut l'assommer pour qu'enfin le calme revienne.

Au petit matin, la petite souffreteuse gémissait doucement, soupirant de nouveau, Rahawk la pris entre ses crocs avec encore plus de douceur que la veille, mais il savait que ça n'y changerait rien, elle hurla et perdit connaissance. Au moins elle n'aurait pas mal pendant le trajet. Il regarda la sentinelle.

Elle est vivante, t'inquiète.

Les nuages étaient épais et bloquaient la lumière du soleil, les forçant à marcher dans une neige épaisse, le regard perdus dans un épais brouillard gris. Vers midi, un hurlement leur signala que le Bêta était proche. Ils s'arrêtèrent alors. Le soleil commençait à percer à travers les nuages quand le petit noir s'affaissa. Rahawk cru d'abord qu'il était juste fatigué, entre les jours de marche et ses exploits de la nuit, mais il commença à sentir son pouvoir s'éveiller. Pourquoi avait-il mal lui aussi maintenant?! C'était quoi ces gosses fragiles bon sang! Alexis, Akeba et Vince avaient toujours eu une santé de fer, ils étaient increvables.

J'espère que ton chef arrivera vite, ça en fait deux qui ont besoin d'un médecin maintenant...

Il sépara les deux souffrants du reste de la fratrie, s'asseyant entre eux. Il ne lui restait plus qu'à attendre. En son fort intérieur, il remercia les dieux qu'il fasse froid, son trophée ne puerai pas avant un bon moment.

RAHAWK

La sentinelle regarda les petits avec un air mi-désolé, mi-dégoûté, avant de lui répondre qu'il n'était pas certain que le clan accepte des louveteaux malades dans ses rangs. Il haussa les épaules, s'il ne pouvait les faire soigner, il abrègerai leurs souffrances. Lui mieux que quiconque savait quel type de douleur était supportable à long terme ou non. Et clairement, même s'il finissait par devoir les prendre avec lui, ces deux là n'auraient jamais aucune chance de survie en restant solitaires, les tuer serait faire preuve d'une grande clémence.

Enfin une nouvelle odeur lui parvint à la truffe et il se redressa. Aslan émergea des hautes herbes. Le vieux bêta avait sacrément perdu de sa superbe depuis la dernière fois qu'il l'avait vu; il boitait et des poils blancs colonisaient peu à peu son museau. Mais il avait gardé ses manières, il fit un signe de tête à sa sentinelle ainsi qu'à lui. Le crêteux dévoila vaguement ses crocs. Les signes de respect venant d'un loup sensé être supérieur et puissant l'avaient toujours mis mal à l'aise. Pour lui, c'était les plus faible qui s'écrasaient devant les plus forts. C'était ainsi qu'avait été l'école d'Akui.

Merci Rox pour ton travail. Bonjour Rahawk, nous ne pensions pas te revoir un jour ici.

Aslan. Moi non plus j'avais pas vraiment envie de me pointer ici.

Il grimaça, lui non plus ne pensait pas refoutre les pattes par ici un jour, sauf pour prendre leur territoire si Anvie le lui avait demandé, mais la superficie du sien suffisait pour l'instant largement à sa meute. Le bêta baissa le regard et remarqua enfin les petits à ses pattes.

Qu'est ce que le désert peut faire pour toi?

Il devait s'en douter non, qu'est-ce qu'un loup comme Rahawk viendrait foutre dans un clan avec des chiards ? Si ça avait été les siens, jamais il ne les aurait amené aussi près du danger. Si le Désert lui devait bien un service, beaucoup de membres du clan avait des raisons de le vouloir mort. Après tout il avait torturé et tué plusieurs membres de tous les clans. Il s'étira la nuque, essayant de se détendre alors qu'il avait pénétré profondément en territoire ennemi.

Ces petits ont perdu leur mère. Ils n'ont aucune chance de survie sans un clan. Je les ai amené pour que vous les preniez.

RAHAWK

Avant qu'Aslan n'ait pu répondre, la sentinelle se permit d'intervenir. Il n'aimait pas la façon accusatrice dont elle le regardait. Pour autant qu'il sache, elle n'avait aucune idée de qui il était et de ce qu'il avait dû faire pour survivre. Cette demi portion avec toute l'arrogance d'une jeune clanique pour qui la guerre n'était qu'un mot. Son poil se hérissa. Que savait-elle de la vie de solitaire? Rien, rien que ce qu'elle voyait depuis le prisme de son bout de frontière.

Si je peux me permettre Aslan ... Ceux-ci sont malades, ils ne tiennent même plus debout et les autres ... Enfin ils ont l'air d'avoir un père.

Pensait-elle son bêta trop idiot pour se rendre compte qu'il était le père des petits? Il n'avait jamais dit qu'il n'était pas leur père. De fait il était leur père biologique, mais il ne se considérait aucun devoir envers eux si ce n'est de s'assurer qu'ils aient une chance de survie, ce qui, en présence d'Anvie, mais surtout d'Alexis et d'Akeba, était peu probable. Il dévoila ses crocs, il n'aimait pas le manque de respect dont elle faisait preuve depuis le début, et ne prenait sur lui que pour le bien être des petits de Nephtys. Aslan la regarda avec un air froid avant de se retourner vers lui.

Très bien Rahawk, nous allons nous occuper d'eux. Ces deux là ont l'air malade, on va faire ce qu'on peut pour les soigner.

Le crêteux hocha la tête, la souffrance des deux louveteaux commençait à être difficilement supportable, s'il restait trop longtemps en leur présence il ne pourrait plus contrôler son pouvoir. Aslan hurla et quelques secondes plus tard, un loup apparut avec un baluchon. Il y plaça délicatement les deux malades et disparut aussitôt, probablement les amenait-il chez un médecin. Aussitôt, son pouvoir se calma, mais son titillement ne disparut pas. Il n'avait pas pu le sentir avec la douleur forte des petits à coté de lui, mais le bêta souffrait aussi, sa boiterie n'était pas uniquement mécanique... La dernière fois qu'il l'avait vu il était en pleine forme, était-ce l'âge qui le faisait souffrir ? Son père devait être dans le même état aujourd'hui...

Le bêta se pencha pour s'adresser aux petits, leur disant qu'ils étaient maintenant en sécurité. Les deux en bonne santé hésitèrent et levèrent le nez vers lui, il leur fit un signe de tête, les encourageant à partir avec le loup du Désert. Quand ils eurent quitté son coté, il se senti enfin plus détendu, déchargé d'un poids. Celui-ci hurla qu'on le laisse passer tant qu'il se dirigeait bien vers la frontière puis il releva la sentinelle de ses fonctions. Quelque chose lui disait cependant qu'elle était du genre à contourner l'ordre pour le suivre discrètement. Si elle venait le chercher elle trouverait des crocs.

Nous verrons ce que nous pouvons faire pour les deux malades, quand à eu deux, je vais leur trouver une nourrice chez qui rester. Le trajet du retour t'es laissé libre Rahawk, si le temps t'impose de passer une nuit de plus sur nos terres, tu as l'autorisation d'y chasser.

Le loup à dents de sabre hocha la tête et remercia le bêta avant de partir d'un pas tranquille. Il ne leur donnerai pas la satisfaction de se presser pour rentrer en courant. Il ne leur montrerai pas une trace d'inquiétude, sinon ils en profiterai pour l'éliminer. Malgré son envie de courir et d'enfin mettre fin à cette histoire, il s'imposa un rythme ferme mais tranquille.