Le pelage bleu du mâle faisant presque tâche, autant dire qu’il ne cherchait clairement pas à se cacher. Le repos bien mérité de Requiem était un problème plus qu’un bien fait pour lui. Il n’avait pas passé une seule seconde dans le campement. Il ne s’y sentait pas à l’aise et avait préféré fuir vers son isolement personnel qu’il soit mental ou physique. S’il aime la compagnie, il ne l’aime pas en grosse quantité. Il ne savait de toute façon pas quoi dire aux autres. Les relations amoureuses, les relations amicales, les relations dans leur ensemble, c’est pas sa tasse de thé. Horik le sort de sa solitude mais en dehors de lui… Bah… C’est le néant.

Le bleuté se pencha sur la rivière pour laper un peu avant d’entendre des pas, agitant les oreilles. Pourvu qu’on lui donne un travail à l’autre bout du territoire ! Il se redressa pour saluer l’individu mais en croisant le regard de l’élégante prêtresse il se contenta d’ouvrir la bouche et de perdre tout le liquide qui s’était trouvé à l’intérieur quelques secondes plus tôt. Il referma les mâchoires et se pourlécha les babines en la fixant d’un regard incertain.

« Dame Shaya, je peux vous aider d’une quelconque manière ? »

Crétin … Bien sûr que non que tu ne peux pas l’aider ! C’est une prêtresse ! Déjà t’ose lui adresser la paroles, c’est que tu prends tes aises mon vieux… Voilà les pensées qui le traversèrent suite à ses mots. Il s’était incliné avec respect devant la femelle, avant de s’asseoir et de rabattre sa queue sur ses pattes. Légèrement nerveux, et pourtant impassible. Il ne savait pas comment réagir face à elle. Elle avait sans doute tellement mieux à faire comme… prier pour la meute ! S’occuper de guider les jeunes âmes sur le droit chemin. Soulager la conscience d’autrui. Tant de belles actions qu’il ne ferait jamais.

Arf il doit avoir l’air tellement ridicule… Requiem se sentait très gêné de sentir le regard de la femelle sur lui. Il ne voulait surtout pas entendre son jugement sur sa personne. Il agita les oreilles, alors que sa voix s’élevait dans le silence passager qui s’était installé. L’aider à enlever les feuilles qui s’agglutinent le long de la rivière ? Pas de souci. Il agita les oreilles en secouant son pelage se relevant dans le même mouvement.

« A votre service Dame Shaya »

En plus ce n’était pas un travail pour elle. C’était une louve magnifique, délicate, et intelligente qui ne méritait pas de faire ce genre de tâche ingrate. Surtout avec sa santé fragile. Si Requiem n’était pas souvent au campement il n’était pas sans connaître les petits problèmes de chacun. Il emboita le pas à la femelle, gardant le silence. De toute façon quoi qu’il puisse dire c’était sans intérêt et sans grande importance non plus. La Sainte avait peut être besoin de silence, peut être même qu’elle profitait de sa promenade pour prier en même temps ?

Il agita les oreilles, observant la louve une seconde, mais pas de trop. Il ne voulait pas se montrer indélicat ou indécent avec elle. Surtout qu’il n’était pas sans savoir la proximité et l’affection qui se jouait entre la louve et Gladys. Certes Requiem n’avait jamais réfléchis à quel individu dans le clan pouvait bien l’attirer en termes d’amour. Mais il ne voulait pas créer de problèmes à la louve, ni que Gladys ne soit en colère contre lui.

« Dame Shaya, si je peux me permettre, pourquoi une louve aussi noble que vous s’attèle-t-elle à une tâche pareille ? Avec votre santé en plus n’est ce pas un peu dangereux ? »

Il secoua la tête, pauvre idiot te voilà bien entreprenant ! Comment oses-tu poser toutes ces questions et l’importuner par la même occasion. Il agita les oreilles et se racla la gorge en détournant la tête.

« Excusez moi… ça ne me regarde pas… Je suis cependant ravi de pouvoir vous aider. »

Oui c’est ça ! ça ne te regarde en aucune manière et d’aucune façon. Estime toi heureux si elle ne te gronde pas ou ne te puni pas ! Quel impertinent tu fais ! Contente toi de l’aider, de la soutenir et de te taire ! Ou de ne répondre qu’à ses questions, pauvre créature égarée et misérable que tu es ! Tu n'as pas à t'inquiéter pour elle en plus, son père et son amant le font sans doute déjà suffisamment ! Toi tout ce que tu peux faire, c'est la soutenir ! Les pensées toutes agressives et mélangées, le mâl se demandait pourquoi il avait été doté d'une langue...

Mes yeux de loup bleu te suivent du regard, toi fille de mon Alpha, te détaillant de manière hésitante avant d’aller se poser sur un élément quelconque du paysage. Quelque part dans le fond de mon être c’est la gêne et l’inquiétude de mal faire qui m’habite. Alors à ton approche douce femelle le corps bleuté qui est mien se crispe, il ne s’attend à rien, surtout pas à cela. Alors mon corps se fige, comme arrêté, stoppé net dans ses fonctions. J’ai comme été frappé par Méduse…. Ma tête s’est redressée, inerte, seul un souffle m’a échappé. J’en ai omis de respirer, moi loup maladroit, benêt mais bien loin d’être mauvais…

Tu n’aurais guère dû faire tel acte de tendresse femelle brune. Cela à surpris ce corps empli de solitude que seul Horik vient casser par instant. C’est mon ami le plus précieux, le seul sans doute, mais c’est avec lui que je me sens unique, et je le sais unique à mes côtés. Personne ne pourrait remplacer le bien être exquis qu’il m’apporte. Mais toi Shaya tu sembles avoir voulu briser la glace, tout du moins tu as déstabilisé ma conscience. Tu as fais vaciller mon âme un instant, si seulement tu savais depuis combien de mois, si ce n’est d’années je n’ai point ressenti le contact d’une femelle. C’est les chaleurs fille de l’alpha, fait attention à toi, tous n’auront pas ma conscience d’esprit. Je sais que c’est Gladys qui court après ton corps, c’est un loup bien, tu l’aimes et moi je le respecte. Lui le loup puissant qui m’impressionne quand je l’ai observé de loin une fois ou deux.

Mais ta voix s’élève, douce mélodie subtile. Tu m’es passée devant dans ta grâce divine. Une apparition divine c’est ce que tu sembles être. Entre ces couleurs automnales qui te ressemblent et que ton corps délicat épouse à merveille. Tu vas bien dans cet environnement, te fondant dans le décor comme si il était ton créateur. J’en ai oublié tes mots. Tu m’as juste fait comprendre que je n’étais coupable de rien, mais suis-je alors autorisé à être moi-même ? Un sourire fend mes babines et mon pas se remet en route.

Tu m’as rendu plus léger, comme si ta bienveillance avait enlevé le poids sur mes épaules. Le travail se poursuis, des foulées calmes, un pas tranquille, une atmosphère douce nous suit. Comme si ta déesse c’était glissée entre nous. Je ne peux te regarder trop longtemps, ce serait dérangeant, et peut être alors le prendrais tu mal. Quand enfin mes yeux se pose sur ce que nous étions venus chercher, ou plutôt chasser, un amas de feuilles et de branches plutôt imposant.

« En voilà un ! Je vais m’en occuper. »

Un quoi exactement ? Pas un tas de feuilles enfin si c’est bien ce qui se trouve là, mais ce n’est pas ce que je vois avant tout. Alors un quoi ? Un moyen de ne pas te regarder sans doute. Un moyen d’oublier que tu es belle. Et que tu m’as montré un intérêt et une douceur que je suis loin de mériter. Je ne suis qu’un pauvre bougre insignifiant et mes frontières tout au bout du camp me vont bien. De toute façon entre les tiens qui sont miens je me sens gêné. Je ne suis pas moi. Je ne peux être moi. Il y a trop de chose qui se battent dans ma tête. Mon envie actuelle de te sourire, contre ma cervelle qui me dit que ce n’est pas bien. Que ce n’est pas correcte de le faire, car on ne se connait pas.

Oui en voilà un moyen de s’échapper de toutes ces pensées inutiles qui pullulent et polluent comme les feuilles bloquent la rivière. M’approchant du bord, je plonge une patte dans l’eau, et de l’autre commence par la mettre dans le tas. Je veux connaître la structure de ce tas, savoir s’il n’y a pas moyen de l’enlever d’un seul coup facilement. Une possibilité que tu n’es rien à faire d’autre que de te reposer, de profiter de ta balade et de ta sortie sans avoir à te fatiguer inutilement. Je vais y arriver seul, j’en suis sûr, j’en suis convaincu. Finalement ma patte trouve la branche qui s’était coincé dans les pierres et ainsi retenue les feuilles.

Mais ce fut l’échec critique pour moi et le reste de mon corps glissa dans l’eau. Poussé par la terre trop meuble qui s’effondre sous mon poids. Qu’elle est fraîche, elle en est grisante et réveille avec tant de force. Un bond agile et me revoilà sur la terre ferme, m’éloignant de toi pour secouer mon pelage bleu désormais détrempé.

Je te lance un regard, timide, vérifiant sans doute que tu n’es pas mouillée par ma faute. Tu as le droit de rire princesse d’Iria. C’est normal je suis un vrai poltron, et si ma maladresse peut faire rire, alors c’est qu’elle est utile elle aussi. Un sourire éclaire mes babines, un sourire idiot, un peu con, mais rien que pour toi. Oh par contre, ne t’approche pas, j’ai accidenté le terrain vers l’eau. Alors s’il te plait ne t’en approche pas et laisse moi y retourner. Je n’ai pas besoin de te le dire non, mon regard et ma cascade devraient suffire ? Je l’espère car je sais que toi tu n’es pas bête, que ton intelligence dépasses de loin la mienne. Je suis mauvais juge de ma personne, mais toi tu es trop exquise pour être idiote.

L'eau est glaciale louve délicate. N'y entre pas une patte où tu attraperas la mort. Moi ça ne me dérange pas, je me sais plus résistant que toi, habitué à dormir sous la pluie, et à marcher des heures contre la neige. Métier de gardien de nos frontières pour que toujours tu puisses vivre dans le calme et la sérénité. Mais j'aime ce travail qui est le mien, et je n'en changerais pour rien au monde. Secouant mon pelage le plus loin possible de toi, je ne te regarde plus, mais ta voix parviens à mes oreilles et ma truffe se relève en ta direction. Redressant mon corps, je me mets à bomber le torse tel un idiot que je peux être, et mon sourire s'élargie.

"Tout va très bien dame Shaya ! Pas de problème."

Il ne faut pas se faire de souci pour moi jeune dame, c'est inutile, de toute façon, je ne manquerais à personne si je venais à disparaître. Enfin si peut être à Horik, ce cher Horik, doux ami de mon coeur auquel je pense bien souvent. Te voilà qui avance, louve incertaine, puis qui recule. Nous voilà bien séparés par quelques centimètres. Une hésitation me traverse puis je recule. Je prend de l'élan et agilement je saute les quelques centimètres qui nous sépare. Crétin que je suis j'ai mal jugé la distance, me voilà la truffe coller contre la tienne. Ta truffe est aussi fraîche que la mienne, cela me fait bleuir, puisque je ne peux rougir. Et je détourne la truffe en me raclant la gorge.

"Excusez-moi..."

Trop prêt ! Tu es trop prêt ! Non, c'est moi qui le suis : je suis envahissant et stupide, et surtout bien maladroit. Pardon pardon. Me revoilà tout gêné, me détournant de toi gente dame, pour chercher une solution à ton problème devenu mien, devenu notre. Il faut enlever ce tas, pour que la rivière puisse couler correctement, que les temples de nos dieux et déesses ne soit pas salis par ces déchets de la nature. Je ne sais que faire pour aider, mon regard parcours les grands arbres puis la rivière... Comment s'y prendre si à coup de pattes ça n'est guère possible ? Une idée, une seule me traverse, et je disparaîs un instant dans les fourrés.

"J'arrive !"

m'exclamais-je juste avant de disparaître, revenant un instant plus tard avec une branche bien solide et surtout bien longue. Retournant vers le bord, mais gardant la distance, je glisse ma branche entre le bord et le tas de feuilles coagulé. Il me suffit maintenant de faire levier. [dés 12] Posant mes pattes sur le manche, usant de ma branche comme d'une pelle, appuyant tout mon corps sur le morceau que je tenais préalablement, voilà le taille de feuille qui quitte le lit de la rivière et s'égoutte. Attrapant ma branche dans la gueule, je reculais doucement, amenant le tas de feuille sur la rive, avant de tourner pour l'envoyer dans les fourrés où elles finiront de se décomposer et de devenir engrais. Fier de mon travail, lâchant ma prise, ma queue s'agite, je crois que j'attend ton approbation.

"Et voilà dame Shaya !"

Je suis fier comme un paon idiot qui se pavane devant toi. Si jolie femelle, je ne cherche pas spécialement à t'impressionner. Je veux juste te venir en aide au fond. Et je suis bien aise d'avoir enlevé ce tas de feuille qui m'aura tout de même valu un petit bain.