Août 269, hiver

Lorsque que Thildrill était arrivé la toute première fois avec une géode de métal, Idryss avait naturellement demandé où est-ce qu'il l'avait trouvé. Ce fut le début d'un trésor qui grandirait au fil du temps. Son fils était devenu un explorateur et un aventurier des montagnes du Néant, souvent secondé par Djama, une fille d'Okazeh et Aslan.
Au cours de ces années, son fils ramenait parfois de vieux bijoux métalliques, abîmés et sales, qu'il avait probablement trouvé incrustés dans de la roche volcanique ou dans des trous des montagnes, perdus. Parfois, il lui arrivait de convoiter les possessions des autres, les négociants contre des services. La juge rouge avait très vite eut vent de ce stratagème. Thildrill était donc prêt à tout pour avoir une pièce en plus dans sa collection. Il est vrai qu'Idryss en avait profité, cherchant elle-même ou récupérant des objets qui intéresseraient son fils pour profiter de quelques services sans le lui ordonner. Bien que son fils lui obéissent sans ça, elle trouvait amusant d'user de cette technique. Et puis, c'était une récompense à son travail.

La mère des dragons avait souvent espéré qu'il lui offre quelques-unes de ses trouvailles. D'ailleurs, elle avait au départ cru que ce fut pour elle, lorsque la première fois, il lui avait dit "Regarde ce que j'ai trouvé aujourd'hui", avec les yeux pétillants. Seulement, il lui avait vite fait comprendre en une crise de colère que tout était pour lui et qu'il ne fallait pas y toucher.

Tous ses enfants ont au moins un gros trait du dragon. Thildrill avait le côté gardien de trésor de ces espèces. Il amassait toute sorte de choses en métal et des géodes et il les gardait pour lui seul. Impossible d'y toucher, sauf avec les yeux, et il n'y avait pas intérêt à tenter d'en dérober. Idryss était sûre que si quelqu'un enlevait une pièce du butin en son absence, il le remarquerait quand même à son retour. Idryss ainsi que les autres juges connaissent son repère : le jardin tropical. Cependant, juste une poignée savent exactement où le trésor grandissant encore de jour en jour se trouve, dont la mère bien évidemment. Thildrill devait souvent batailler et courir après les animaux endémiques de ce jardin, car naturellement, certains dérobaient sans doute des pièces à son fils. En tant qu'ennemi à son trésor, il y avait Fralëth. La dragonne de l'air avait aussi la fibre du trésor, bien moindre que le loup, et celui du loup était attrayant après tout. Elle avait quelques fois réussi son coup et était partie planquer ses vols dans sa pile de trésors à elle. Celle-ci était aussi dans le jardin tropical, bien loin du repère de Thildrill. Après tout, Fralëth ayant aussi vécu dans ce palais, il est bien normal qu'elle ait fait son nid dans le coin. Le jardin tropical étant l'endroit parfait du palais et du pays, car il s'agissait d'un monde à part.

Le trésor de Thildrill deviendrait, un jour, aussi énorme que la caverne d'Alibaba, célèbre dragon de feu dont il paraîtrait que son trésor se trouve sous le désert et est étalé sous toute son étendue tant il est énorme.

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La juge rouge alternait toujours domiciliation au sein du campement et domiciliation au palais lumineux. Son mode de vie était ainsi et il le resterait pour le restant de ses jours. Maintenant que ses enfants ont 2 ans, elle revient plus souvent au sein du palais, dormant de préférence dans le jardin tropical, car la température extérieure de l'hiver n'était pas des plus agréables. Alors qu'ici, il fait chaud toute l'année, bien qu'il y ait une phase de saison des pluies, mais qui est cependant terminée.

Idryss s'était réveillée, il y a de ça une heure, et avait fait un tour dans cette dimension à part, comme elle le faisait la plupart du temps. Elle avait trouvé une proie à abattre : un jeune tapir. Une chasse seule, qu'elle avait gagné. Après avoir mangé son déjeuné, elle avait traîné la proie jusqu'au repère familial d'ici. Aucun de ses enfants n'y étaient. Elle sait que Thildrill rentre tous les soirs ici, mais il a dû dormir une fois de plus auprès de son trésor. Elle partit à sa rencontre, voir s'il était toujours là, ne sachant pas vraiment si aujourd'hui il était de poste ou non.

Idryss trouva son fils allongé, le ventre présenté au soleil pour qu'il le chauffe. Malheureusement pour lui, elle lui cacha sa source de chaleur via son ombre. Elle attendit quelques instants, jugeant s'il dormait ou non.

Thildrill, tu n'es pas de garde aujourd'hui ?

Août 269, hiver

Thildrill se mit en boule, se cachant le visage de ses pattes. Il se mit à ronchonner encore et encore, montrant qu'il ne souhaitait pas être dérangé, se comportant tel un petit louveteau mécontent. Finalement, sentant qu'elle ne bougeait toujours pas, il finit par s'exprimer :

Mèèèère... Tu me prives du soleil....

La dite mère soupira et fit un pas de côté, rendant quelque peu les rayons du soleil obstrués. Allait-il arrêter de grogner maintenant ? Finalement, il soupira lui aussi et se redressa lentement, puis étira son corps plusieurs fois, de plusieurs façons. Il se leva, finissant ses étirements. Son attention fut ensuite captée par quelque chose qui le dérangea et il s'empressa de remédier à ça. Il prit un bracelet d'or et le frotta de sa patte, enlevant sans doute une saleté, puis le remit précautionneusement à sa place.

Non mère, je suis de repos aujourd'hui. Que veux-tu ? Si c'est un bijoux, la réponse est toujours non.

Idryss soupira de moitié, levant les yeux au ciel.

Tu pourrais au moins m'en faire profiter un peu, je suis ta mère. Même tes créations, tu ne veux pas qu'on y touche... Tu n'as pas envie que le clan voit de quoi tu es capable ? Je serai très bonne pour les mettre en valeur.

Si Idryss avait un pouvoir de forgeron, elle se serait perfectionnée à l'emploi de son pouvoir pour créer de sublimes objets qui rendraient le clan pantois. Elle ferait également du troc pour toujours plus avoir, bâtissant ainsi un commerce. Thildrill adorait son pouvoir, naturellement puisqu'il allait de paire avec son côté dragon, et ses créations devenaient de plus en plus travaillées.
Les bijoux de grande classe comme les vraies dames aiment en porter n'étaient pas vraiment au goût d'Idryss. Les brillants scintillants d'une pierre ne l'attiraient pas spécialement. Tel son côté garçon manqué, il s'agissait des bijoux type masculin qui l'attirait. Ainsi que des choses alliant l’occultisme. Idryss avait souvent des bijoux fait d'os ou de petits crânes en guise d'accessoires ou des bijoux de métaux noirs ou aux lignes brutes. Voir des morceaux d'armures et des bracelets de forces. Son fils faisait des créations qu'elle aimerait à porter.

Enfin, il y a toujours Fralëth pour parfois m'offrir des choses... Dit-elle avec un sourire narquois en coin et un regard vite fait dirigé vers le trésor du loup, insinuant que ce que la dragonne lui volait des fois, revenait à sa mère. La petite insinuation allait-elle faire mouche et faire râler un peu plus son fils ?

Août 269, hiver

Thildrill grogna à chaque fois face aux paroles de sa mère. Elle ne comprenait pas pourquoi son fils refusait à ce point de partager ses créations et ses trouvailles. Même le simple fait de les montrer s'était vite estompé. Aussi, elle essayait de l'encourager dans la persévérance de l'emploi de son pouvoir, mais visiblement, cela n'attisait que la colère de son fils plutôt que de lui insuffler un peu plus de détermination.

La taquinerie d'Idryss fut de trop, car Thildrill se gonfla, grogna plus fort et dévoila même ses dents. La mère se mit sur ses gardes et fronça des sourcils en réponse. Elle sait très bien que son trésor ne doit être touché ou convoité, mais cela n'empêchait pas de le taquiner un peu... Seulement, son fils prenait tout cela bien trop au sérieux et on ne pouvait pas plaisanter un temps soit peu.

La prochaine fois que ton animal de compagnie s'approche de mon trésor, mère, j'irai m'offrir une couverture en peau de dragon !

Le sourire d'Idryss s'était effacé et son air avait définitivement changé. La juge rouge faisait maintenant la gueule, son attitude piquée de colère. Pourquoi faillait-il qu'il soit si impétueux envers elle ? Elle ne lui avait pourtant rien fait et elle voulait juste le taquiner un peu. Depuis quand leur relation était-elle si négative ? De plus, il osait maintenant menacer Fralëth de mort alors que pourtant, il l'adore. Des fois, Idryss en fut secrètement jalouse que son fils passe plus de temps avec sa dragonne qu'elle. Souvent, la dragonne et le loup furent ensemble, mais ce temps-là aussi serait révolu ? Ce fut au tour d'Idryss de grogner et de dévoiler les crocs.

Tu ne lui feras pas mal ! Tu l'aimes trop, même plus que moi. Alors si tu oses lui faire du mal, tu en paieras le prix fort, soit en sûr. À moins que la famille n'ait plus de sens pour toi ?

La pente glissante dans laquelle Idryss les emmenait pourrait bien avoir un grand impact. La relation entre la mère et le fils pourrait bien s'arrêter ici...

Août 269, hiver

Jusqu'à aujourd'hui, jamais la mère et le fils ne s'étaient battus. Via des joutes verbales, oui, comme tous, mais jamais physiquement. La stature d'Idryss et l'autorité qu'elle représentait suffisaient. Cela avait néanmoins failli à plusieurs reprises avec Igniss, mais pour l'instant, Idryss n'avait pas eu à en venir aux crocs avec elle, mise à part de léger pincements comme il se fait naturellement pour vraiment dissuader. Concernant Thildrill, il devenait un mâle imposant tout comme elle et son père. Il était peut-être plus fort qu'elle, étant dans la force de l'âge et avec toutes les choses quotidiennes qu'il faisait pour chercher les trésors des montagnes. Idryss continuait les entrainements d'escadron, se battant avec Exemon, car Lord Jarodin les mettait souvent ensemble, puisqu'ils étaient un duo fonctionnant, l'un et l'autre voulant toujours triompher sur l'adversaire. Pour l'instant, le chef d'armée n'avait pas encore mis la mère et le fils en confrontation. Peut-être le fera-t-il un jour ? Quoiqu'il en soit, Idryss n'avait pas peur de son fils et tenait la position à chaque fois qu'il le fallait.

Les babines de Thildrill recouvrirent sa dentition et sa tête se baissa quelque peu. Le mâle fut vexé par les paroles de sa mère.

Quelle famille !? Tu ne nous voulais même pas ! Tu as choisi un père comme ça pour qu'en fin la dite famille arrête de te gonfler avec la descendance ! Ignis est un démon, tout ça parce qu'elle a eu le malheur de ressembler à un dragon et que tu la chouchoutais ! Tu voulais juste de nouveaux Fralëth ! Eris et moi nous n'avions pas la même valeur ! Oui, on est des Démonia, mais nous ne sommes que des loups, et t'en as toujours été déçue ! Alors non, j'irai pas tuer Fralëth, et simplement croire que je puisse le faire prouve à quel point tu ne me connais pas. Tu t'intéresses à moi pour mon pouvoir ! Tu ne t'intéresse aux autres que pour ce qu'ils t'apportent ! Comme notre père !

Au fil de ses paroles, la colère de son fils mua. Ses queues s'agitaient et sa tête s'était baissée un peu plus. Idryss venait de le blesser. Ce n'était pas le premier à subir les réflexions tranchantes de la juge manquant de tact. Comme souvent, lorsqu'elle se mettait en colère contre quelqu'un, elle n'avait plus de retenu dans ses propos, insultant, injuriant et menaçant véritablement de mort parfois. Le côté dragon d'Idryss résidant dans son caractère. Les dragons volcaniques sont dits impulsifs, directs, violents, impatients et fonceurs. L'élément du feu peu se montrer violent et de plus, les parents d'Idryss ne se sont pas trompés en lui donnant ce nom.

Ce fut au tour de la mère de se calmer. Ses queues reprirent une position neutre et ses muscles se détendirent. La colère disparut peu à peu de son visage pour laisser l'étonnement se faire visible. La stupeur passée, elle baissa les oreilles et fit une moue. Il avait raison. Idryss resta silencieuse, digérant, ruminant ces informations. Thildrill avait tout ceci sur la conscience depuis un moment. Les non-dits sont des bombes devenant de plus en plus grosses si on ne les avoue pas de façon calme et rapidement. Idryss devait se remettre en question maintenant et donner une réponse sincère et correcte. De toute façon, elle ne pouvait pas nier et elle ne ferait pas l'affront de le faire, sachant reconnaître ses erreurs.

Oui, elle n'avait pas souhaité engendrer une descendance et avait bien dû s'y résoudre pourtant. Perpétuer la lignée, c'était son devoir tandis qu'il n'y avait plus qu'elle pour assurer ce rôle dans cette branche de la famille. Son cœur n'était pas épris par des sentiments amoureux envers quelqu'un qui lui aurait fait vivre une vie de couple. Bien que depuis, il y avait chez elle quelque chose d'indescriptible envers Exemon et Kelekt... Mais était-ce de l'amour amical un peu trop fort ou de véritables sentiments pour un partenaire de couple ?
Quoiqu'il en soit, au moment de choisir un géniteur, tous les mâles passèrent une sélection de critères pour Idryss. Exemon fut choisi et il fut d'accord pour ce plan de perpétuation de la lignée Démonia. Il avait la gloire d'avoir été le seul mâle à toucher de cette façon la noble juge guerrière. Le fait que ses gênes soient maintenant au sein de la famille Démonia, il n'avait pas l'air de s'en attribuer de la fierté comme certains l'auraient fait. Elle avait tenté de faire revenir le père sur sa décision de ne jamais prendre part à leur éducation, mais ce fut un échec cuisant.

Concernant Igniss, Kelekt lui avait dit à plusieurs reprises, lorsqu'ils étaient tout petits, qu'elle la choyait trop, au détriment des deux autres. Au départ, Idryss avait nié les faits, disant qu'elle s'en occupait pareillement. Puis, à force de réflexions, il avait bien fallu qu'elle s'avoue que c'était parce qu'elle était bien trop gaga de sa fille louve-dragon. Lorsque l'erreur fut avoué, elle s'était mise à s'occuper d'Eris et de Thildrill de façon plus conséquente pour rattraper, mais Igniss ayant pris l'habitude d'avoir l'attention de sa mère, ce ne fut pas facile. Au final, c'est maintenant une peste, qu'on se le dise.

Par contre, Thildrill se trompait. Elle n'avait pas souhaité de nouveaux Fralëth, sinon ce sont des œufs de dragons qu'elle se serait risqué à aller voler. Même s'il est vrai qu'elle espérait parfois que sa dragonne revienne avec des petits dans le ventre, car elle adore les dragons et avoir des petits Fralëth serait merveilleux. Si elle le pouvait, Idryss collectionnerait les dragons tout comme Thildrill collectionne les métaux de toutes formes et de tous genres. Cependant, il est vrai qu'Idryss souhaitait que ses petits aient des gènes de dragons, mais était-ce mal ?
Elle n'avait jamais été déçu de ses petits, les félicitant et se montrant fier dès qu'ils faisaient quelque chose, encourageant leurs avancées. Le rôle de mère ne sciait pas à Idryss, pourtant elle s'en était occupée elle-même, avec beaucoup d'aide de Kelekt. Alors qu'elle aurait pu les abandonner aux Démonia pour leur croissance, leur éducation et leur vie. Elle avait appris à être une bonne mère. Du moins aussi bonne qu'elle pouvait l'être, puisqu'elle n'avait pas pu valider des aptitudes, vu les reproches légitimes de son fils.

Je... Tu as raison sur plusieurs points et je m'en excuse. C'est vrai, je ne voulais pas être mère et les Démonia m'ont poussé à perpétuer la lignée, car il ne restait plus que moi pour faire exister cette branche. Seulement, vous avoir n'a pas été un fardeau et ne l'ait pas. Je vous ai choyé, fait grandir, élevé et éduqué. Avec beaucoup d'aide de Kelekt, certes, mais j'ai appris à être mère en même temps que vous grandissiez. Je ne vous ais pas abandonné. J'ai fais des erreurs. La première : Choisir un mâle qui se montrerait totalement indifférent à vous. J'ai essayé malgré tout de le faire participer à votre éducation et votre vie, mais il a toujours refusé. La deuxième : Être trop gaga d'Igniss. Oui, ta sœur était le saint Graal dès que je l'ai vu, la plus belle des louveteaux et celle pour qui mes yeux ont le plus brillé. Mais met toi à ma place à ce moment là. Je venais de vous mettre au monde, la parentalité venait de me frapper avec force, me rappelant à la dure réalité que j'étais mère maintenant, que je devrai vous faire grandir et vous éduquer alors que je n'avais aucune expérience et que vous risquiez de mourir à cause de ça. Tu connais mon amour des dragons, alors oui, quand j'ai vu que je venais de donner naissance à un dragon, mon cœur a fondu. Imagine toi. Imagine si un jour, l'un de tes enfants possède un gène de métal, qu'il en est recouvert en partie. Ne serais-tu pas plus gaga de lui même sans le vouloir ?

Elle marqua une pause, et enchaîna avant qu'il ne puisse rétorquer.

Ce n'est pas une excuse valable, je te l'accorde. Je ne me rendais pas compte que je chouchoutais votre sœur plus que vous deux. J'ai essayé de rattraper mon erreur ensuite, lorsque je m'en suis rendue compte, mais visiblement, c'était trop tard... Si je voulais d'autres Fralëth comme tu le dis, j'aurai volé des œufs de dragons. Je lui aurai même trouver un prétendant peut-être pour qu'elle ait des petits à son tour. Mais je n'ai pas fais ça, parce que les dragons ne sont pas des objets de collections. Les dragons sont des êtres qu'il faut respecter et ce sont les enfants de Solar. D'eux, je ne collectionne que des objets. J'ai été trop aveuglé avec ta sœur, c'est vrai et je me suis laissée emportée. Mais même si physiquement vous n'y ressemblait pas, toi et Eris vous êtes aussi mes petits dragons. Par contre, tu as faux sur certains points.

Hésitante, elle finit par se rapprocher de lui et lui fit une lèche timide sur la joue, essayant le sillon de larmes commençant à s'écouler. Puis, elle se recula de nouveau et essaya de planter un regard montrant autant que possible sa fierté en poursuivant :

Je n'ai jamais été déçue de vous et bien sûr que je suis fier de vous ! Je vous ai toujours encouragé et vous ais poussé dans les voies que vous avez choisi pour que vous ne lâchiez pas vos objectifs. Je ne m’intéresse pas à toi pour ton pouvoir. Tu en aurais eu un autre, que ça aurait été pareil. Si tu le perçois comme ça, alors mes encouragements ne sont pas bien perçus. Pourquoi est-ce que tu crois que je m’intéresse à ton trésor ? Tu crois que je veux faire quoi avec ? Je n'ai pas cette addiction aux métaux et je ne comptes pas ouvrir une bijouterie... J'essaie de te pousser à aller plus loin dans tes créations qui sont déjà bien. Je suis sûre que tu feras un excellent forgeron. Je trouve par contre dommage que tu ne souhaites pas partager ta passion avec moi alors que j'essaie de te montrer que je m’intéresse à toi et ce que tu fais. Nous ne rigolons jamais tous les deux et ne partageons rien. Je te connais assez pour savoir au fond que tu ne feras pas de mal à Fralëth, mais on ne la menace pas pour autant ! Comme, on ne vous menace pas devant moi.

Idryss se tut, enfin. Tout ce qu'elle venait de dire, allait-il calmer la situation ou au contraire ajouter un peu plus de rancœur de la part de Thildrill ? Ce n'était pas dans ses habitudes de parler autant, de tenir un discours ou des excuses si longues ou des explications. Elle aurait peut-être pu s'abstenir de dire certaines parties, comme s'étaler sur le cas d'Igniss en essayant de faire comprendre ce qu'elle avait ressenti, car Thildrill n'allait sans doute pas comprendre le fait que sa mère ait été aveuglée par l'apparence de la petite louve et ait ressenti autant d'extase.

Août 269, hiver

Lorsqu'elle avait posé la question fatidique ayant fait exploser Thildrill, avant qu'il ne réponde, elle eut peur un instant. Une peur soudaine qui lui avait momentanément traversé l'esprit. Peur que la réponse ne lui convienne pas, qu'elle la fasse exploser elle d'autant plus. Que prise de colère, elle prononce des paroles qui auraient tirés un trait à leur relation mère-fils. Heureusement, ce scénario catastrophe du destin ne se produisit pas.
Ce qui venait de se passer leur avait fait du mal, mais aussi du bien. Ils avaient pu s'exprimer sur des choses enfuies qui seraient sorties tôt ou tard, un autre jour, si ça n'avait pas été aujourd'hui. Ces problèmes plus ou moins réglés, ils pourraient repartir sur une base plutôt bonne ou neutre.
Idryss avait bien remarqué l'étonnement de son fils face à son discours d'excuses et d'explications. Il en fut bouchée-bée et en même temps, c'était bien normal. La juge cornue n'est pas du genre à se lancer dans de longues excuses. C'était même une première de mémoire. Un acte à inscrire dans la pierre pour ne pas qu'il soit oublié. Aussi, elle avait bien vu que sa plaidoirie ne l'avait pas totalement convaincue pour lui pardonner de tout ce qu'il lui reprochait. À sa place, elle ferait de même... Ainsi, elle se dit qu'elle n'allait plus tenter de taquiner son fils avec son trésor et qu'elle ne lui en parlerait tout simplement plus pendant un grand moment. Le fait qu'on lui pose trop des questions là-dessus, qu'on s’intéresse à sa collection, crée une psychose et le rend méfiant alors qu'il n'y a pas lieu d'être... De ce fait, ça atténuera les tensions entre eux sur le long terme. Pour le reste, eh bien, elle allait tenter de montrer son intérêt pour ce qu'il fait d'une autre manière.

Ils ne sont pas satisfaisants. Quand ils le seront je les montrerai.

Elle comprit pourquoi il refuse tout le temps de montrer ses créations et pourquoi il s'énerve si facilement à ce sujet. Mais pour le coup, si elle ne peut plus se renseigner sur ce qu'il fait, et qu'il refuse toujours de montrer ses créations pour savoir ce que les gens en pensent, elle ne saura pas comment s'y prendre pour l'encourager et démontrer sa fierté... Peut-être vaut mieux t-il tout simplement arrêter ça aussi ? Peut-être n'a-t-il pas envie qu'on lui dise quoi que ce soit.

Je comprend mieux. J'attendrai que tu les juges satisfaisants d'être regardés.

Elle lui adressa un sourire et lui donna un petit coup de museau dans l'épaule, bien que pas très à l'aise avec la situation. C'est toujours un peu difficile de revenir à la normal, de faire "comme si de rien n'était", après une discussion mouvementée comme ils viennent d'avoir...

Si tu as faim, j'ai attrapé un tapir avant de venir. Il est à la tanière. Tes sœurs n'étaient pas là, alors il y a encore de bons morceaux, en principe.

Elle lui tourna le dos pour partir. Elle s'arrêta néanmoins quelques pas après pour voir s'il la suivait ou non. Une information lui traversa l'esprit, alors par la même occasion, elle ajouta :

Au fait. Je sais où se trouve la forge ayant servi pour la quête de l'Artefact. Si ça t’intéresse de voir à quoi ça ressemble, je t'y amènerais. À voir après si tu veux et peux t'en servir, mais il te faudra de l'aide.

Puis elle repartit, pour de bon cette fois, à moins qu'il l'arrête dans sa lancée.
Le fait d' avoir parler de la forge fut l'élément déclencheur pour Thildrill : il la rejoignit. Elle n'avait pas prévu d'y aller aujourd'hui, mais maintenant que son intérêt a été suscité et qu'il la suit, ils se mettront probablement en route tout à l'heure pour aller là-bas.