Deux jours sont passés depuis l'assaut des loups des cavernes. Ce jour-là, Yogrenn avait franchi la frontière de la vallée des arcs-en-ciel, vers les collines Nivéus, et galopait en direction des plantes mouvantes avec les Ytens, les croisés et les Oshurs pouvant se battre. Une sentinelle avait donné l'alerte, vite relayée par un autre pour la porter plus distinctement au campement. Ceux pouvant se battre étaient partis en vitesse. Lagherta, encore convalescente et fort déprimée par la perte de son frère biologique, était restée au campement. Elle s'était postée devant la tanière de Widys et Gaor, protégeant la mère et les louveteaux d'éventuels cavernes qui parviendraient à les atteindre. Si ça arrive, ils seront des cibles. Widys était inquiète de ça, mais elle pouvait compter sur Lagherta pour les protéger ainsi que d'autres éléments du clan restés. Fort heureusement, aucun caverne ne rentra dans le campement durant toute la durée de l'attaque.
Un autre élément avait inquiété la jolie caverne : Gaor. Celui-ci était dans les plantes mouvantes lorsque le cri d'alerte fut entendu. Il n'était pas rentré auprès d'eux, ce qui signifiait qu'il était allé combattre comme un idiot ! Il savait pourtant qu'il ne ferait pas le poids contre un caverne en forme physiquement, ayant ses quatre membres et sa queue, ayant donc un équilibre parfait. Elle se doutait bien qui il allait combattre : Yogrenn. Elle aurait aimé être sûre et certaine qu'il reviendrait auprès d'eux, mais il n'en fut rien. Elle fut partagée et prête à avoir la mauvaise nouvelle qu'elle ne voulait pas entendre. En y pensant, ses yeux s'étaient humidifiés et quelques larmes avaient coulé. L'un de ses petits lui avait demandé pourquoi elle pleurait et elle avait dû expliquer que c'était parce qu'elle avait peur de ce qu'il se passait à la vallée. Sans rentrer dans les détails, elle leur avait dit que les loups de l'espèce dont ils font partie, attaquaient le clan de la Source.
Widys était restée cloîtrée au fond de sa tanière tout du long, gardant ses chers petits contre elle, les léchant affectueusement et leur racontant des histoires pour leur faire passer le temps. Au départ, elle leur avait expliqué qu'il y avait du danger dehors et qu'il ne fallait pas sortir jusqu'à ce que Lagherta dise que c'était bon et qu'elle aussi, elle en donne l'autorisation. Un moment, il lui sembla que Lagherta s'était réveillée de son état monotone, mais elle ne sut pas pourquoi, car la guerrière ne lui avait pas dis. La médecin n'avait pas insisté face au mutisme de la jeune adulte.
Une heure plus tard environ, les Sources partis au combat revinrent. Widys et les petits avaient pu sortir. On leur avait apporté une nouvelle concernant Gaor. Ce n'était pas sa mort qu'ils leur annoncèrent à elle et Lagherta. Seulement, il fut sauvé in-extrémiste par Odine, grâce au hurlement d'appel à l'aide de Bélial. En ce moment, il était donc chez un médecin avec la représentante de La Vie. Le fait qu'il soit avec la remarquable louve soulagea Widys et l'empêcha de foncer à toute berzingue dans la dite tanière infirmerie. Ainsi, la mère se tourna vers Lagherta.

Lagherta, est-ce que tu serais d'accord pour garder tes frères et sœurs pendant deux ou trois jours ? Je dois être au chevet de Gaor pour poursuivre les soins et surveiller son état. Je ne pourrai plus être disponible pour eux.

Widys aurait pu les confier à une nourrice, vu l'état de Lagherta, mais c'était à elle qu'elle le demandait. Elle se disait qu'en les lui confiant, ça lui remonterait un peu le moral. Être avec ses frères et sœurs, avoir leur présence, voir leurs bêtises et leur joie de vivre : ça occupera ses pensées, ça lui redonnera peut-être le sourire. Cela lui changera aussi les idées de devoir les surveiller et les garder, car forcément, elle devra penser à eux et non plus à Ragnar et ce qu'elle aurait pu faire de différent pour l'avoir en vie actuellement. Lorsque la guerrière accepta, la mère repartit voir ses petits et leur expliqua :

Mes chéris, maman vous confie à votre grande-sœur pendant quelques jours. Je dois rester auprès de papa. Soyez gentils et obéissants avec elle. Ne l'énervez pas et ne soyez pas turbulents, s'il vous plaît : elle n'en a pas besoin. Vous savez ce qu'elle traverse...

Ensuite, elle quitta Laïda, Urielle, Gladys, Balder et Lagherta. Elle fit transporter Gaor dans sa tanière professionnelle afin de poursuivre les soins et le surveiller en tout temps.

Durant le reste de cette journée et les deux jours suivants, elle ne quitta pas sa tanière, sauf pour aller chercher à boire ou à manger. Elle ne s'occupa de personne d'autre durant ces deux jours, se concentrant uniquement sur son mâle. Il y eut juste un guerrier ayant eut besoin d'un bandage à sa patte foulée.

Actuellement, Widys s'affairait sur le bandage entourant le cou de son mâle, lorsque celui-ci se réveilla. Gaor fut inconscient depuis sa défaite. Widys n'avait donc pas pu lui parler, devant attendre qu'il se réveille. Du moins, elle espérait fortement qu'il se réveillerait. Il avait perdu beaucoup de sang, il pourrait lui faire un coup à la Ragnar... Elle était fatiguée, n'ayant pas dormi plus de trois heures par jour depuis son retour. Elle ne se rendit même pas compte que Gaor avait ouvert les yeux. Elle appliqua une pommade sur les morsures profondes que Yogrenn lui avait faites.

Heureusement, ce tyran était mort. Les frères cendrés l'avaient massacré au point d'avoir récupéré sa tête comme trophée... Ils faisaient bien ce qu'ils voulaient de leur victoire, en tout cas, Yogrenn fut totalement souillé. Elle avait entendu dire qu'ils avaient même pissé sur son corps avant de partir complètement du champ de bataille. Elle ne savait pas si c'était vrai, n'ayant pas cherché à le savoir. En tout cas, Gothic était fièrement revenu au campement avec la tête dans la gueule. Elle l'avait bien vu, car les frères cendrés faisaient partie de l'escorte d'Odine et Gaor. Le reste de cette journée, les deux mâles avaient ensuite parlé de leurs exploits et montré le trophée à qui voulait bien l'entendre, surtout auprès des apprentis et jeunes adultes. Leur cote de popularité et leur réputation furent ainsi ravivées. En revanche, Widys n'était pas certaine qu'Ystrelle soit contente et à l'aise avec l'idée d'avoir la tête d'un ennemi chez elle... Sans doute l'avaient-ils envoyé dans les plantes mouvantes après qu'ils aient finis de dire à tout le monde qu'ils avaient tué le chef des cavernes et sauvé de la mort l'alpha borgne. Widys n'avaient rien eut contre le fait qu'eux et d'autres fêtent leur victoire. C'était même une bonne chose de fêter ses victoires. Ils avaient fais les deux choses qu'il fallait : vaincre Yogrenn et permettre à Gaor de revenir.

Gaor se mit à bouger, mais elle ne fit pas attention, se disant que c'était dans son sommeil. Elle maintenue le bandage pas encore noué. Lorsqu'il arrêta de s'agiter, elle finit son travail. Elle soupira lasse et fatiguée. Elle se frotta les yeux et bailla.

Un gémissement se fit entendre et une patte se posa sur sa fourrure. Elle entendit une voix fortement éraillée. Elle cligna des yeux et regarda son amour. Il la regardait, pleurant, mais de joie. S'il avait encore sa queue, elle battrait la palliasse. Widys resta interdite quelques instants, bouche bée. Elle n'y croyait pas. Il s'était réveillé. Elle secoua un peu la tête, croyant qu'elle commençait à avoir des hallucinations à cause du manque de sommeil, mais non. Gaor était toujours réveillé. Si elle avait toute son énergie, elle se serait écroulé sur lui avec une immense joie et frotterait sa tête contre lui. Mais, là, elle n'était pas dans son état habituel. C'était peut-être mieux, car elle ne lui fera pas mal en étant brusque. Elle eut un grand sourire et s'assit, posant sa tête contre son poitrail, les yeux fermés pour profiter pleinement du moment. Elle soupira d'aise et de soulagement. D'une voix enrouée, elle déclara :

Tu es là, tu es vivant. J'avais peur... J'avais peur que tu fasses comme Ragnar.

Des larmes coulaient sous ses paupières, dévalant ses joues. La chute de Ragnar fut soudaine, alors qu'il était stable dans son inconscience. On pensait qu'il se réveillerait et vivrait. Gaor aurait pu avoir la même réaction. Maintenant, il était réveillé, alors il était sauvé. Widys, en bon médecin compétent, s'était assurée que ses blessures ne s'infectent pas et soient toujours saines. Aussi, elle surveillait souvent son état, surtout à cause de la blessure au cou. Elle rouvrit les yeux, évitant de justesse de s'endormir, puis tourna la tête vers lui.

Yogrenn est mort. Ce sont Gothic et Bélial qui s'en sont occupés. Et c'est aussi grâce à eux que tu es vivant. Ils ont appelé Odine et elle a pu te sauver.

Il faudra que je les remercie de t'avoir sauvée alors.

Widys dut tendre l'oreille pour bien entendre. La voix de son amour était faible et éraillée. C'était peut-être à cause de ces trois jours de sommeil. À moins que ce soit ses cordes vocales qui aient été endommagées à cause de la morsure. Il y avait deux hypothèses, qui s'élucideront plus tard.

La jolie caverne lui donna un coup de langue sur la truffe. Oui, grâce à eux, Yogrenn n'avait pas pu mener ses troupes jusqu'au campement. Mais sans eux, le clan et les plantes mouvantes auraient fait barrière aussi. Enfin, ce qu'ils avaient fait été non négligeable, ça avait permis de mettre fin à l'assaut plus tôt que prévu et ça avait réglé le plus gros problème concernant les cavernes. Heureusement, les cavernes n'avaient pas eu l'idée de passer par les souterrains pour arriver aux plantes mouvantes. Ou un groupe aurait pu contourner le champ de bataille pour venir à eux. En tout cas, personne n'était venu. Widys n'aurait pas pu protéger convenablement ses petits. Lagherta aurait fait le gros du travail, Widys se serait rebiffé et aurait donné quelques coups de crocs et de pattes, mais elle aurait vite été mise à terre. Et ses petits seraient morts sous ses yeux ou capturés. Heureusement, ce chemin cauchemardesque ne fut pas emprunté. Maintenant que Yogrenn est mort, ils n'ont plus rien à craindre.

Widys, nos enfants, mes enfants... Je voudrais les voir eux aussi, j'ai cru vous perdre quand Yogrenn m'a vaincu. Je ne veux plus jamais ressentir cela. Je veux vous avoir tous toujours auprès de moi.

Parler demandait beaucoup d'effort à Gaor, surtout quand il enchaînait les phrases. Il s'efforçait de parler plus fort que ce que ses cordes vocales lui permettaient. Avec son extinction de voix, on peut dire qu'il était en train de crier.

Je vais les chercher ! Dit-elle avec un léger regain d'énergie.

Elle s’éloigna de son mâle, quittant la tanière du pas le plus rapide possible que lui permettait son état. Elle voulait faire vite pour revenir. Une peur viscérale lui prit soudain. Et si, en revenant, Gaor était mort ? Ou qu'il s'était d'un coup affaibli, pas encore mort, mais qu'il succombe après avoir vu ses enfants et sa louve réunis ? S'il ne tenait que par cette volonté ? Elle secoua la tête. Non, elle ne devait pas penser à ça ! Gaor était sortie du coma, il allait bien, il n'allait pas lui faire ce coup-là ! Elle se ressaisit et accéléra.

Les petits et Lagherta seront super contents de pouvoir le voir. Le sourire aux babines, elle se dirigea vers la tanière de la guerrière. Elle les trouva sans mal : ils étaient là. Certains à l'intérieur, d'autres juste devant. Elle leur annonça, fatiguée, mais heureuse que leur père s'était réveillé et qu'ils pouvaient tous aller les voir. Elle précisa quand même qu'il ne fallait pas s'agiter et lui sauter dessus, pour ne pas lui faire mal, car il était encore dans le floue après ces jours d’inconscience. Par la suite, elle dirigea la troupe jusqu'au chevet de Gaor.

La nouvelle fut accueillit avec joie, bien entendue. Urielle fut la plus agitée des quatre petits, ce qui était normal venant d'elle. Elle était un véritable rayon de soleil et le bonheur incarné, malgré son handicap. Elle ne se laissait pas abattre. Elle était innocente et insouciante du monde qui l'entourait, elle ressemblait beaucoup à sa mère lorsqu'elle avait le même âge. Lagherta se mit auprès d'elle et lui donna un signe d'affection en une lèche sur la joue.

Comment va-t-il ? Et toi ? Tu as l'air totalement épuisée. Appuies-toi sur moi pour t'aider à marcher si tu le souhaites.

Widys ne fit qu'acquiescer d'une grimace lorsqu'elle parla de sa fatigue. C'était à se demander comment elle arrivait à tenir debout avec les cernes qu'elle avait. Sans doute à cause du stress et de la tension vis-à-vis de l'état de Gaor qui fut préoccupant.

Bien, sa voix est cassée. Soit ce sont ses cordes vocales, soit c'est juste passager.

Les petits furent bien plus rapides qu'elles. Excités chacun à leur manière, ils partirent en galopant ou trottant en direction de la tanière de fonction de leur mère. Ils savaient exactement où c'était, y étant déjà allé plusieurs fois. Notamment, lorsqu'elle leur faisait des leçons théoriques sur des herbes et végétaux sans aller sur le terrain. Ils furent bien trop rapides pour elle qui se traînait. Elle ne pouvait que trotter lentement au maximum. Elle avait l'aide et l'appui de Lagherta qui restait à côté d'elle, au cas où.

Lorsque les deux femelles adultes arrivèrent, les petits s'étaient déjà blottis contre leur père. Widys entra d'un pas lasse, observant néanmoins la scène d'un faible sourire, car c'est tout ce qu'il lui restait en réserve comme énergie. Elle se coucha sur le second couchage de sa tanière, la tête posée entre ses pattes. Ses paupières, bien trop lourdes, finirent par tomber, n'arrivant plus à les retenir. Elle sombra dans le sommeil en une fraction de seconde, apaisée par le fait que Gaor soit là, vivant et entouré de tous. Il pourrait bien y avoir un fort orage, que Widys ne se réveillerait pas, plongée dans un lourd et profond sommeil.