C'est le jour J. Les petits ont eut tout récemment six mois. Il est temps pour Ignis, Eris et Thildrill d'enfin quitter le palais. De la fin de la quarantaine à maintenant, ils purent avoir quelques escapades au pied de l'escalier de nuages, bien gardées par leur mère et Fralëth, mais jamais trop longtemps et sans trop s'éloigner. À partir d'aujourd'hui, ils vont pouvoir fouler le sol de la forêt plus souvent, voir le campement pour la première fois ainsi que les autres territoires en compagnie de leur mère ou un membre de leur famille. Il était temps pour Idryss de réaménager dans le campement pour parfaire l'éducation sociale et commencer les cours militaire, de chasse et autre de ses enfants. Ils logeront toujours au palais de temps en temps pour ne pas oublier l'endroit, mais ils seront la majorité de leur temps en habitation au campement à présent. Les petits allaient pouvoir connaître les autres louveteaux et jouer avec eux. Ils pourront avoir de nouveaux compagnons de jeu et de nouveaux endroits à explorer, tout cela attisera leur curiosité et leur soif de découverte. Ils découvriront aussi le service de "garderie" des nourrices. Elle sera plus tranquille comme ça, car ils commençaient à être intenables... Elle allait pouvoir reprendre sa place de conseillère et reprendre quelques entraînements lorsqu'il n'y a pas de conseil.

La cornue traversait la forêt en compagnie de ses trois louveteaux forts agités et accaparés à chaque instant par ce qui les entoure. Ils se chamaillaient aussi. Après plusieurs mètres où ils jappèrent et coururent dans tous les sens, elle soupira d'exaspération. Malgré qu'elle avance sans s'arrêter, elle faisait attention qu'ils ne s'éparpillent pas trop loin. Elle devait aller à l'arène, elle n'avait pas le temps pour jouer à "cherche moi" dans la forêt. Thildrill avait la truffe au sol, reniflant tout ce qui lui passait à porter. Bien qu'il renifle toutes les odeurs, il semblait aussi chercher quelque chose. Surement quelque chose comme une pierre renfermant des minéraux ou une roche renfermant du métal. Dans le palais, il essayait toujours d'emporter les choses en or, en argent ou autre métaux, même si c'était une "peinture" ou une écriture apposée sur une pierre, une fontaine, une colonne ou un mur... La balance d'Elénore lui avait fait de l’œil à plusieurs reprises, si bien que les juges le surveillaient intensément à chaque fois qu'il posait les pattes dans le tribunal. Il ne manquerait plus qu'il la dérobe et que la déesse lui foudroie les fesses en guise de claque divine.

Ils arrivèrent finalement à l'arène. Elle laissa à ses enfants le temps d'admirer l'édifice de l'extérieur avant d'entrer avec eux. La porte de bois se refermant derrière eux, ils étaient à présent piégés. La cornue n'avait pas choisi cet endroit au hasard. En principe, elle aurait dû aller directement au campement, mais elle souhaitait d'abord voir une certaine personne. Et cette personne était là, heureusement. Elle n'eut aucun mal à la voir, puisqu'il était sur la piste.

Maintenant, allez jouer. Vous pouvez vous défouler et courir comme vous voulez et n'importe où.

Elle savait pertinemment qu'ils ne pouvaient pas s'enfuir d'ici. Ainsi donc, elle n'avait pas de peur quant à leur escapade. Elle pouvait les laisser totalement sans surveillance ici. C'était une combine que les nourrices usaient sans doute parfois pour avoir la paix totale sans devoir jeter un œil sur ce qui se passe. Aucun risque que les petits puissent emprunter le passage souterrain menant à la liberté sans combattre, car il fallait en ouvrir l’accès d'abord.

Tandis que les mioches se dispersaient, elle prit un temps pour observer le mâle. Celui-ci devait s'attendre depuis quelques jours à ce qu'elle vienne, étant donné qu'elle lui avait dit avant qu'ils ne s'accouplent, qu'elle leur dirait qui est leur père. Elle aurait pu ne pas venir. Elle aurait pu lui laisser les découvrir au sein du campement, mais elle avait préféré lui faire part de qui ils sont. Elle n'avait pas encore révélé aux petits l'identité de leur père et ils ne le seront que lorsqu'ils seront au campement, pour éviter un éventuel débordement. Elle ne savait pas comment Exemon pourrait réagir, alors elle préférait parler seul à seul avec lui tandis qu'il voyait les mioches vadrouiller. Plutôt que de les lui mettre sous la truffe pendant qu'elle fasse les présentations. Au moins, s'il y a des paroles blessantes ou de désintérêt, ça ne fera pas de peine aux louveteaux.

Elle s'avança vers lui avec l'assurance dont elle fait toujours preuve. Son pas se fait lourd lorsqu'elle arrive prêt de lui et une envie grisante l'envahit. Les muscles de ses pattes bandèrent et ses oreilles se dressèrent. Tel un taureau sur le qui-vive, elle scrutait ses mouvements. Elle eut la furieuse envie de lui bondir dessus. Non pas par agressivité, mais juste par envie de se battre. Le voir lui rappela ce fameux jour où ils se combattirent. Elle avait perdu, mais elle s'était juré d'avoir une revanche. De le combattre tant qu'elle puisse, jusqu'à un jour lui enfoncer le museau dans ce sable. Elle ne s'était pas entraînée au combat depuis environ sept mois. Elle avait de fortes chances de perdre, mais puisqu'elle est Idryss, elle n'excluait pas le résultat où elle gagnait.

Bonjour Exemon. Belle journée n'est-ce pas ? Tu dois savoir pourquoi je suis là et qui ils sont.

Exemon arrêta son entraînement solitaire lorsqu'elle lui parla. Il ne grogna pas, pour l'instant, mais en guise d'avertissement, sa queue était haute et il se tenait droit, posture de dominance. Il n'était pas content de la voir, ou plutôt de les voir. Elle s'était attendue à ce qu'il fasse la gueule. S'il souhaitait aller plus loin en se battant, alors elle était prête.

Ouais, une belle journée pour aller te faire foutre avec tes mioches...

Elle grogna face à ces paroles. Il pourrait lui témoigner du respect à défaut de s'investir en tant que père ! Ils s'étaient dits au revoir en bons termes. Même si la présence de la famille l'emmerdait, ce n'était pas une raison pour l'insultait.

J'avais été très clair... Et si tu penses que tu peux me faire changer d'avis parce que ton glaçon de copine a appris ce qui s'est passé dans le nord, tu te fourres les griffes dans l’œil. Sur ce, il s'ébroua, faisant voler des gouttes de lave, avant de se remettre à sa tâche.

Elle n'était pas stupide. Elle respectait les termes d'un contrat. Elle avait eut un petit espoir de le voir souhaitant s'investir un minima en les voyant, mais elle savait bien que c'était courut d'avance. Et c'était bel et bien mort, comme il l'avait souligné avant qu'ils ne s'accouplent. Elle se redressa, ne le lâchant pas des yeux, avant de rétorquer d'une voix forte :

Pour qui tu me prends ? Je suis une Démonia et une juge de surcroit : je sais respecter les termes d'un contrat ! Elle se rapprocha de lui, restant tout de même à bonne distance pour ne pas se prendre un coup. Elle reprit un ton normal : Quand à moi, je te rappelle que je t'avais bien précisé que je leur dirai qui est leur père !

Elle prit une inspiration avant de poursuivre.

Mais je ne l'ai pas encore fait. Ils ne le sauront que quand nous serons au campement. Je venais simplement te les montrer, que tu saches au moins à quoi ils ressemblent si jamais ils te pistent en sachant qui tu seras. Ça t'évitera la mauvaise surprise d'avoir un potentiel gamin te sautant dessus sans que tu saches qui il est. Ou alors, tu pourras encore mieux les éviter maintenant ! Tu devrais plutôt me remercier pour avoir pensé à ça. Mais visiblement, tu aurais préféré avoir la surprise... Je suppose qu'avec ton intelligence de mâle en rut, tu avais oublié ce terme du contrat !

Elle ne le lâcha pas des yeux, montrant qu'elle était prête à le défier. Elle n'allait surement pas se soumettre à lui et minauder ou s'excuser pour lui dire qu'il a raison, parce qu'il n'a pas raison.

Exemon avait mentionné à sa manière Kelekt et ce qu'elle savait de son passé. Ce fait l'intrigua, même si elle ne le montra pas directement. Idryss avait, bien entendu, eut connaissance de la quarantaine s'étant mise en place après la seconde attaque. Pendant cela, elle avait entendu dire qu'un guerrier était enchaîné à l'arène parce qu'il avait l'alcool mauvais. Bourré perpétuellement à cause de sa maladie... Bien sûr, la brute en question fut Exemon... Visiblement, Kelekt était venue lui rendre visite. Depuis son jugement, la juge polaire essayait de soutirer de plus amples renseignements sur le passé du dragon de lave. Avec fourberie, elle avait su tirer avantage de son état. Brillant... Néanmoins, Idryss ne savait rien. Elle ne savait pas que Kelekt était allée le voir et qu'elle avait réussi à obtenir ces informations. Le guerrier venait de le lui révéler. Elle s'assit, un sourire victorieux peint sur le visage.

Il y a plus important que les gamins. Tu viens de m'apprendre quelque chose d’intéressant. C'est quoi cette histoire avec Kelekt ?

Si elle n'en savait pas plus de sa part, elle n'aurait plus qu'à soutirer ces informations à son "glaçon de copine". Elle ne s'était jamais intéressée au passé d'Exemon, laissant à sa consœur blanche le bon soin de s'en soucier. Néanmoins, c'était une autre histoire maintenant, car Kelekt savait et elle aussi, elle le saura bientôt.

Tout au long de ses paroles, Exemon ne la regarda pas, continuant ses mouvements dans le vide. Il dévoila un instant les crocs avant de porter un regard sur les trois petits Démonia. Les deux femelles jouaient dans le sable, s'y roulant, s'y chamaillant comme des louveteaux lambdas. Connaître le sable est tout nouveau pour eux. Thildrill était au pied d'une statue d'un loup ailé portant le tronc d'une vraie armure et un vrai casque surmonté d'une corne placée au front. Il tournait autour. Sans doute essayait-il de voir pour y grimper et ensuite essayer de décrocher tout ça. Idryss se demandait parfois d'où lui venait cette attirance pour les métaux.

Elle s'était assise et était passée à un autre sujet. À son regard et à ses muscles se crispant dace au nouveau sujet, elle sut qu'il avait compris qu'il s'était vendu tout seul. Sa fourrure se hérissa de nouveau et elle se retient de soupirer. Cela faisait la troisième ou quatrième fois depuis le début qu'il effectuait ce mouvement de fourrure... Il ne rétorqua pas et n'attaqua pas non plus. Elle en conclut qu'Exemon ne savait pas quoi faire : comment réagir exactement et quoi dire. Il s'était même arrêté dans ses mouvements d'entraînements.

Idryss attendit, mais rien ne vint. Au bout d'un moment, elle soupira pour de bons. S'il continuait de rester bloqué et de réfléchir comme ça, il allait finir par saigner de la truffe... Elle se dit alors que ça devait vraiment être terrible pour lui, ce qu'il s'était passé dans sa contrée d'origine. Quelque chose dont il ne voulait pas du tout parler : une guerre, un traumatisme, sa famille massacrée ou son clan, voir tout lié en même temps. Il y avait plusieurs possibilités pour ne pas raconter ce qu'il avait vécu.

C'est bon, ça va, respire, tu vas finir par te griller quelque chose...

Elle laissait tomber, pour cette fois. Elle pourrait essayer de fouiner du côté de Kelekt plus tard, mais si elle la renvoie à Exemon avec la fameuse phrase : "C'est à lui de te le dire", ça ne l'avancera pas.

À la base, j'étais pas venue pour m'engueuler avec toi... J'espérai pouvoir me battre, et même si notre petite engueulade m'a donné envie de t'en coller une, il est préférable que nous partions.

Elle se leva, se tourna vers ses louveteaux et s'avança d'un pas lent vers eux, afin de voir si Exemon réagirait face à l'optique de se battre ou pas. Après avoir franchi trois pas, elle tourna légèrement la tête, assez pour que son regard se porte en arrière.

Lorsqu'elle avait tourné son regard vers l'arrière, elle avait vu Exemon semblant être abattu. La perspective de se battre n'avait pas éveillé son sens de guerrier. Elle reporta son regard droit devant elle, après avoir vu quelque chose en particulier. Enfin, elle n'était pas sûre, mais avait-elle vu Exemon... Pleurer ? L'idée qu'il soit en train de verser des larmes la choqua. Elle fit un pas hésitant, puis secoua la tête. Non, elle avait dû mal voir...

Il vaut mieux que tu partes oui. Viens seule si tu veux te battre.

Revenir seule pour se battre. Très bien. Elle comptait bien honorer ce rendez-vous sans date. Pas aujourd'hui, ni demain, mais peut-être d'ici une dizaine de jours. Elle n'allait pas tout de suite mettre ses petits dragons à la garderie. Elle devait d'abord leur consacrer du temps pour leur apprendre comment se comporter dans le campement et leur montrer les territoires alentours.
La cornue s'arrêta devant ses deux filles qui semblaient faire une pause dans leur lutte, car elles étaient toutes deux assises en face à face en train de haleter. Son fils était toujours fidèle au poste.

Allez mes dragons. La pause est finie, on s'en va.

Les deux femelles se levèrent et vinrent se mettre entre ses pattes. Thildrill tourna un instant la tête vers elle avant de reporter son attention vers la statue. Elle l'appela une fois, mais le petit mâle fit semblant de ne pas avoir entendu. Alors Idryss dut aller le chercher et l'attraper par la peau du cou. Ignis et Eris la suivaient à la trace. La mère et les trois petits disparurent dans un couloir de l'arène et finirent par en sortir via le passage souterrain.