GAOR

Gaor avait enfin trouvé un moment pour souffler un peu. Depuis la mort de Karara, tout s'était enchaîné à vitesse grand V. La naissance de ses enfants, la mort d'edwin, le départ des cavernes. Il avait été constamment sollicité. Encore plus avec une Widys immobilisée dans la tanière. Il avait l'inquiétude constante qu'il ne leur arrive quelque chose en son absence, aussi multipliait-il les allers retours entre conseils et tanière. Mais aujourd'hui après avoir passé un moment avec sa famille, il avait demandé à Zephilian de prendre sa relève pour qu'il puisse prendre un peu de temps pour lui. Il faisait maintenant assez confiance en son nouveau bêta pour le laisser agir seul.

Il avait donc marché doucement jusqu'à la vallée arc en ciel. Pour une fois, il pouvait ménager ses membres constamment endoloris. Personne ne viendrait lui demander de venir régler une crise urgente. Plus aucune crise n'était urgente. Medee avait eu ce qu'elle voulait au clan de l'Eau, son regard était donc probablement tourné ailleurs, sinon elle serait déjà revenue les affronter. L'un des cavaliers d'Akui ne sortait jamais du château d'après leurs informations. Restaient donc deux cavaliers. L'un était mort au combat au clan du Désert. La dernière, le cavalier de la peste, n'attaquait jamais frontalement, du moins pas seule... Gaor était persuadé que le dieu blanc était sur la pente vertigineuse de la défaite, le clan ne risquait plus une attaque de grande envergure, juste quelques escarmouches aux frontières que Zephilian pouvait parfaitement gérer. Quant aux cavernes... Gaor s'inquiétait pour Amelia, mais il ne pouvait pour le moment rien faire pour la récupérer. De nombreux oshurs avaient probablement été emmenés contre leur gré, il faudrait les libérer, il devrait en parler avec Leone, mais il doutait que la chienne veuille risquer des guerriers dans cette entreprise.

Il secoua la tête pour en faire sortir toutes ses réflexions. Il avait pris son après midi pour se détendre, pas pour réfléchir aux événements du clan. Il trouva un coin agréablement ensoleillé. La chaleur calmait toujours la virulence de pyrrha, comme si elle l'endormait. Le géant soupira d'aise. Le soleil de printemps lui avait manqué. L'hiver était rude pour un loup aussi abîmé que lui... Heureusement le clan était déneigé régulièrement par les omegas.

Au bout d'un moment, il estima avoir assez apprécié le soleil, une longue marche l'attendait pour rentrer au clan et Widys serait sûrement heureuse qu'il lui garde les petits pour qu'elle puisse se dégourdir les pattes. Ses enfants étaient une lumière étincelante dans sa vie. Leurs caractères s'affirmaient déjà. Urielle et Balder étaient très calmes et câlins, Gladys, lui, était un petit bagarreur, se jetant dans les pattes de son père pour y planter ses crocs minuscules. Laïda, quant à elle, était un peu trop aventurière à son goût. Des qu'elle en avait été capable, elle avait tenté de ramper hors de la tanière.

Il se mettait en route quand il repéra le reflet de l'armure de sa fille dans les hautes herbes. Il pris donc la direction du reflet. Il n'avait pas eu l'occasion de lui parler de la mort de son petit frère. Il ne faisait aucun doute qu'elle devait beaucoup s'en vouloir.

Bonjour ma grande. Tu es venue prendre le soleil du printemps toi aussi ?

Il s'assit à côté d'elle. Il n'était pas sûr de pouvoir se relever s'il se couchait de nouveau. Il observa un moment l'horizon coloré d'arc-en-ciel avant de reprendre.

J'espère que tu ne te sens pas responsable de ce qui est arrivé à Edwin. Yogrenn est... Yogrenn a toujours su comment frapper au bon moment, comment faire mal. Il savait que nous serions tous distraits par la naissance de tes frères et sœurs.

Ce n'était pas pour rien que Widys n'avait pas été approchée une seule fois. Yogrenn avait voulu qu'il prenne confiance, qu'il pense qu'il n'oserait jamais s'attaquer à la famille de son alpha. Et il était arrivé à ses fins.

Ne vous tracassez pas trop toi et Keiss, vous avez fait au mieux. Si ça n'avait pas été là, c'aurait été un autre jour. Yogrenn arrive toujours à ses fins. Il aura patienté deux ans et demi pour finalement avoir Mya.


À la pensée de sa petite sœur, sa gorge se serra. Mijaw leur avait froidement raconté tous les détails de ce qu'il avait retrouvé du corps meurtri de sa mère. On avait arraché tous ses attributs félins. Il repensa à la longue queue souple de la belle louve russe. Il regrettait de n'avoir jamais pu la revoir. Il l'a retrouvait un peu dans ses neveux et nièces. Surtout dans la petite Nephtys, elle lui ressemblait tellement... Il soupira. Il était détendu

Je sais que j'ai été dur avec toi. J'ai tant perdu...

Il s'interrompit, il ne savait pas comment dire ce qu'il ressentait. Il ne le faisait jamais. Personne n'aurait pu le convaincre de se dévoiler autant. Mais lagherta étai Mt malheureuse, et il ne pouvait plus supporter de la voir ainsi. Il se rappelait les premiers pas chancelants qu'elle avait fait après sa longue convalescence, sa première course, sa première proie. Son premier bain dans le grand lac du clan, ils en frissonnait encore. Malgré son âge quand il l'avait recueillie, il avait pu participer à toutes les étapes qui faisait d'une petite boule de poil humide tetant sa mère, une louve accomplie. Tant de temps s'était passé. Tant de blessures. Tant de pertes et d'angoisses pour l'avenir. Mais aujourd'hui Gaor se sentait de nouveau en sécurité. Et s'il était en sécurité, lagherta ne risquait plus d'être triste. Alors il était temps d'effacer cette expression déchirée de son visage. Il n'était plus nécessaire de l'éloigner de lui. Les petits avaient besoin d'une grande sœur enjouée, pas d'une louve qui tirait la tronche !

GAOR

Les arc-en-ciels scintillaient dans le ciel. Etre assis là, sans crise à gérer, sans conflit à apaiser... Ça lui faisait beaucoup de bien. La partie défigurée de son visage s'était un peu détendue. Pyrrha semblait vouloir le laisser en paix à condition qu'il ne remue pas trop. Il était avec sa fille et avec un peu de chance ça ne finirait pas en engueulade.

Je suis désolée pour ta soeur P'pa... Je comprends que ce doit être dûr pour toi d'en parler... Mais c'est bon de t'entendre dire que tu ne nous en veux pas. J'ai été effondrée à la découverte de la mort d'Edwin alors que j'aurais dû le surveiller. Et Keiss appréhendait ta réaction face au départ de Sygrid. Yogrenn est venu la chercher, et elle a décidé, de son plein gré, de le suivre. Keiss n'a pas voulu intervenir et la retenir de force...

Il hocha la tête en silence, Mya avait toujours été un peu spéciale, ça le surprenait d'ailleurs toujours que Nansaa ait réussi à suffisamment l'apprivoiser pour fonder une famille avec elle. Et ses enfants étaient tout aussi étranges qu'elle. Saladem avait hérité de son coté séductrice, Nephtys de son coté entêté. Zelvect tenait plus de son père, même s'il ne le reconnaîtrait jamais. Quant à Mijaw... Mijaw avait hérité des tares génétique de la famille, il n'avais visiblement pas un esprit comme tout le monde, en plus de la malformation de son aile.

Sygrid a fait son choix. Keiss a bien fait de ne pas intervenir. Je doute qu'elle ait pu être heureuse ici, pas avec l'éducation qu'il lui a donné...

Elle rejetait tout ce qui faisait la diversité du clan. Elle se pliait aux règles, mais sans les reconnaître ni les respecter profondément. Tout du long, elle avait probablement attendu que Yogrenn vienne la chercher. Quand il aurait trouvé un moyen de défaire le chef des cavernes, il supposait que Sygrid choisirait une voie solitaire, si elle survivait aux prochains événements...

Je l'ai enterré tu sais ? J'ai trouvé une clairière, remplie de fleurs, avec un arbre énorme en son centre. J'ai creusé entre les racines de l'arbre et je l'ai installé là, faisant de mon mieux pour dissuader les charognards d'aller le chercher... Puis je suis restée avec lui, admirant le couché du soleil et lui souhaitant bon voyage, et ensuite, je suis rentrée...

Il acquiesça de nouveau. Il savait, il avait retrouvé la tombe et s'y était recueilli un moment. Le pauvre petit n'avait jamais vraiment vécu. Finalement, la mort était plus une délivrance qu'autre chose pour ce petit loup. Yogrenn ne l'avait pas trop brutalisé, il n'en avait pas eu le temps, il lui avait simplement brisé la nuque. Une mort relativement douce par rapport à celle de sa grande soeur Mya. Il espéra que la rousse accueillerai son petit frère à ses cotés et prendrait soin de lui dans l'au delà.

Quand il lui dit qu'il regrettait d'avoir été dur avec elle, il vit ses yeux se remplir de larmes. Son coeur se serra. Il détourna le regard.

Je sais P'pa. J'ai parlé avec Wydis, et elle m'a dit des choses... Je voulais justement t'en parler... Je comprends les raisons qui t'ont fait me repousser, mais pour moi, la douleur de te voir me repousser était bien pire que la douleur de te perdre, si tu avais été tué... Je veux que l'on retrouver notre complicité d'avant, un regard ou un sourire nous suffisait pour nous comprendre... Tu me manques P'pa, depuis si longtemps que je saurais compter... Je t'aime, tu seras toujours mon père, mon pilier, mon roc, même si tu es blessé... Ne me rejette plus, je t'en supplie, c'est pire que tout pour moi...

Ah Wydis... Evidemment il n'y avait qu'elle pour comprendre parfaitement comment il fonctionnait. Il soupira. Il n'avait pas envie de lutter. Il avait assez lutté.

GAOR

Peut-être aurait-elle eu une chance de changer d'idéaux si son séjour chez nous s'était produit plus tôt dans sa vie, et s'il avait duré plus longtemps ?

Peut-être oui... Mais ils n'en sauraient jamais rien. Gaor n'avait même pas eu l'occasion de parler vraiment avec sa petite soeur. Il n'avait jamais été doué pour ça. Après tout il n'avait pas non plus su protéger Mya, il semblait qu'il avait sa propre malédiction, il était incapable de protéger ceux qui comptaient pour lui. Il s'était néanmoins promis qu'il trouverait un moyen de libérer les cavernes du joug de son père. Privée de sa présence malsaine, peut-être Sygrid pourrait-elle devenir une bonne chef pour leur race? Lui ne chercherait pas à prendre cette place. Mais qui sait? Peut-être que guidée par Amelia, sa petite soeur pourrait être aimée de son peuple?

P'pa, j'aimerais revenir sur ce qu'il s'est passé lorsque je t'ai fais part du fait que je voulais partager ma vie avec Keiss. Ma réaction face à ta colère a été totalement inconvenante. Je n'aurais jamais du douter du fait que tu ne ferais jamais de mal à un membre de ta meute, et encore moins à moi... Mais lorsque je t'ai vu dans une si grande colère, brusquement, les souvenirs de mon passés se sont emparé de mon esprit, éliminant toute rationalité... Je ne t'ai jamais vu aussi en colère depuis que je te connais... Et pour je ne sais quelle raison, cela a fait ressurgir les souvenirs de mon passé, de mon géniteur qui me violentait si facilement... Je suis désolée P'pa, sincèrement... Jamais je n'aurais dû réagir comme ça. Pardonne-moi.

La voix de Lagherta le ramena à la réalité. Ces derniers temps il ne parvenait pas à garder sa conscience... l'âge peut-être. Il se recentra sur sa fille. Il l'écouta attentivement. Elle en faisait trop, comme d'habitude, quand la colère de Gaor s'apaisait, il n'y avait plus rien à pardonner. Un sourire doux, quoi que légèrement tordu par ses cicatrices, naquit sur son visage. Il s'assit sur ses postérieurs, et tangua un peu avant de se stabiliser. Il posa son unique antérieur sur l'épaule de sa fille, s'appuyant un peu plus sur elle qu'il ne l'aurait voulu.

Lagherta, il y a bien longtemps, quand je t'ai trouvée dans les bois, je me suis juré que personne ne te ferai plus jamais de mal, même ton futur compagnon. J'étais très sérieux quand j'ai dis que je le tuerai s'il te faisait du mal. Mais moi non plus je ne te ferai jamais de mal. Tu étais déjà pardonnée pour toutes les bêtises que tu ferais quand tu n'étais pas plus grosse qu'un lapereau affamé.

Il réfléchit un moment.

Oui, enfin, évite quand même d'en faire, ce n'est pas agréable de punir.

GAOR

Lagherta le prit entre ses pattes, faisant attention à ne pas le faire tomber en arrière. Il avait assez de douleurs comme ça pour ne pas y ajouter un souffle coupé brutalement. Il la laissa faire, cela faisait longtemps et elle en avait visiblement besoin.

Finalement elle s'écarta de lui en douceur avant de s'asseoir et il reposa sa patte sur le sol, retrouvant sa stabilité. Il restait encore à affronter Akui quand Verd et Ragnar auraient retrouvé l'artefact, mais étrangement, Gaor se sentait confiant en l'avenir. Lagherta lui proposa de garder les petits pour qu'ils puissent se retrouver avec widys. Le géant rit.

Si tu arrives à lui faire faire trois pas loin des petits! Sinon ne t'embête pas, je vais rester un peu ici, profiter du calme.