Amélia n'avait pas bien dormis. Cela faisait des années qu'elle ne dormait pas bien. Depuis la mort de Sygrid, cela n'était plus arrivé. Son coeur se serra, cela ne servait à rien de penser à des fantômes... La louve avait fuit la tanière, prenant comme excuse qu'elle devait marcher beaucoup plus souvent. Amélia était en surpoids. La louve se trouvait laide... Mais ce n'était pas ça qui la défiguré. Non c'était toujours cet air triste, l'absence de lumière dans ses yeux qui la rendait comme ça. Amélia était fatigué, voyant peu à peu tout ceux qu'elle aimait disparaître.

Amélia aimait les plantes mouvantes. C'était un endroit près du camps. Elle pouvait s'y rendre sans que les sbires de Yogrenn ne la surveille constamment. Le lieu était assez grand pour éviter de croise d'autres loups. Elle pouvait essayer de penser à autre chose. Même si la douleur d'avoir perdu tant d'être chère ne pouvait pas être effacé. C'était bien plus qu'une brûlure, mais des blessures encore ouverte. Amélia était une mère qui avait perdu ses enfants. Elle avait perdu celle qu'elle aimait... Et même après tout ce temps, la douleur restait vive.

Alors qu'Amélia était en marche, elle vit une petite louve chercher quelque chose. Ce n'était pas une caverne, ce qui fut un soulagement pour Amélia. Elle en avait assez que tout le monde lui dise quoi faire ou que les gens se battent pour elle. La louve avait perdu l'espoir depuis longtemps...

Amélia demanda timidement :

-Tu cherches quelque chose ?

-Fuurin-

Une fois n'était pas coutume, la messagère n'avait pas reçu de travail pour la journée. Elle s'était levée tôt, dans le but d'aller faire sa course matinale, mais une petite voix dans sa tête ne cessait de la perturber. Elle revoyait encore l'ancienne beta, Pyrrha, lui expliquer qu'il existait un artefact capable de défaire Akui. Le clan entier connaissait à présent son existence, mais beaucoup de loups qu'elle avait croisé semblaient pessimistes : comment pourraient-ils trouver un objet capable de défaire un dieu, eux ?

Mais Fuurin n'avait pas ce pessimisme. Son esprit méthodique avait commencé à écumer les différents endroits possibles pendant des heures durant. Cela devenait presque une obsession : elle devait chercher. Elle s'était même rendue près de la statue de Dalnar le créateur, priant pour qu'il lui montre le chemin. Mais rien n'était venu. Heureusement, elle pouvait compter sur son plan pour chercher la pierre.

Ce matin là, elle avait décidé de commencer par les plantes mouvantes. Le territoire était grand, très grand, trop grand pour une petite louve seule comme elle, mais elle avait du courage. Elle déambulait parmi les plantes, soulevant les feuilles, reniflant autour d'elle et cherchant un quelconque signe parmi les arbres. Soudain, une petite voix timide la surpris :

-Tu cherches quelque chose ?

Elle se retourna, faisant tinter ses grelots. Devant elle se trouvait Amélia, la compagne de Yogrenn. Fuurin la connaissait de vue, et surtout parce qu'elle connaissait le caverne. C'était un des loups qu'elle avait le plus évité depuis la fusion. Mais la louve devant elle n'avait pas la même aura autoritaire que le chef Yten. Il émanait d'elle une sorte de mélancolie triste et douce, une lassitude aussi. Ses yeux semblaient éteint, comme si elle était exténuée. Elle était aussi en surpoids. Fuurin réfléchit : il était normale d'être très fatigué lorsqu'on avait du poids en trop, les muscles et les articulations étant beaucoup plus sollicités. Elle se contenta de cette explication. Elle sourit à la louve bleue, puis lui répondit :

"Oui, je suis à la recherche de l'artefact anti-Akui !"

Elle avait dit ça d'un ton légèrement trop enjoué. Elle avait cherché un loup pouvant l'aider, mais à part Ulfeym qui était très occupé avec ses entrainements, elle n'avait trouvé personne. Elle regarda autour d'elle, une ombre passant sur son visage.

"Ca fait quelques heures que je suis là mais je n'ai rien trouvé ... la jungle est vraiment grande."

Elle tourna de nouveau la tête vers Amélia, un éclat joueur dans le regard. Ses grelots s'agitèrent, comme pour appuyer ses propos.

"Si vous voulez, vous pouvez m'aider ! A deux, on ira deux fois plus vite."

Amélia avait son regard sur la petite louve quand elle lui répondit. C'était un membre venant du clan de l'eau. C'était curieux de la voir avec des grelots de la sorte... Cela devait être dérangeant pour chasser. La petite grise parlait d'un artefact pour contrer Akui ? Amélia en avait que très vaguement entendu parlé. Elle n'était pas vraiment concerné par ces choses là.

La petite grise avait beaucoup d'énergie et une innocence touchante. Chercher une pierre dans les plantes mouvante était particulièrement difficile... Sans doute impossible. Elle ne devait même pas être là. Amélia sourit doucement. L’enthousiasme de la petite était communicatif. Amélia se sentait en sécurité, il n'y avait rien dans cet individu qui pouvait énerver Yogrenn. Chercher une pierre, même pour rien, changerait les idées d'Amélia. Elle en avait profondément besoin.

-Oui, bien sûre, je vais t'aider...

Amélia s'avança vers la louve, essayant de porter un nouveau regard sur cet environnement si familier.

-Où as-tu déjà cherché ?

La louve finit par se présenter :

-Je m'appelle Amélia... Et toi ?

La reine caverne n'avait pas besoin de se présenter avec son titre. Elle était noble mais n'en avait plus la prestance. Pour une fois elle voulait être Amélia, juste Amélia.

-Fuurin-

La caverne accepta de m'aider, et Fuurin lui servit son plus beau sourire, le plus calme et le plus joyeux. Elle semblait en avoir besoin, et c'était naturel pour la messagère d'essayer de transmettre un peu de joie. Elle reprit alors ses recherches infructueuses. Elle était un peu frustrée de chercher sans aucun indices, mais au moins elle ne restait pas à ne rien faire face à Akui. S'il y avait bien quelque chose qu'elle avait appris ces derniers mois, c'est que même sans combattre elle avait le pouvoir de faire quelque chose. Son visage se teinta de détermination,et elle répondit à l'autre louve :

J'ai déjà cherché de là, elle montra du museau un endroit sur sa droite, à tout là-bas, elle désigna derrière elle un arbre au loin ou elle avait commencé ses recherches. Elle l'avait pris comme repère, mais la jungle était si dense qu'elle ne savait même pas si c'était bien celui la. Elle ignorait également si ses recherches avaient été efficaces... Finalement, ses recherches l'obnubilait tellement qu'elle en oubliais les bonnes manières :

"Moi c'est Fuurin, enchantée ! "

Elle se remit à fouiller les plantes, étudiant chaque roche qu'elle trouvait en dessous. Elle gromela presque pour elle-même, la tête dans un amat de plantes enchevêtrées.

"ce fichu truc doit bien être quelque part... Mais je ne sais même pas à quoi il ressemble !" elle sortit sa tête, des feuilles coincées dans son pelage lui enlevant toute crédibilité. "Franchement les religieux auraient pu être un peu plus précis... C'est pas eux qui se tapent tout le boulot !"

Chercher ainsi n'était sans doute pas une bonne idée, mais au moins cette petite louve faisait quelque chose. Amélia se demandait bien si c'était juste pour le geste ou si elle espérait vraiment découvrir cette pierre.

La caverne ne doutait pas de la nuisance du Dieu mauvais, mais il pouvait créer des choses intéressantes. Pandore lui avait donné espoir, même si c'était une créature ayant semée la mort. Tout bouleversement était bon à prendre car le situation était trop désespérée.

Amélia se mit elle aussi à chercher, moins enjouer que la petite, mais avec plus d'énergie qu'à son habitude. Les plantes mouvantes étaient immenses et danses, sans compter que cette pierre avait disparu depuis plusieurs siècles... Elle ne serait pas aisée à trouver.

Fuurin avait le visage de la naïveté avec son pelage recouvert de feuilles. Amélia sourit. Elle se sentait un peu plus légère, comme si le poids qui lui lestait le ventre c'était un peu allégé.

-Les religieux ont dû chercher mais ils n'ont rien trouvés... La pierre a disparu il y a plusieurs siècles, elle ne sera pas simple à trouver. Il doit y avoir de la mousse dessus, voir de la terre.

Malgré tout, la louve ne s'arrêta pas de chercher. Elle était beaucoup plus calme que Fuurin mais Amélia essayait de faire les choses bien, même maladroitement.

-Fuurin-

La caverne s'était également mise à chercher la pierre, avec moins d'entrain que Fuurin, mais elle était aussi plus vieille. La petite messagère avait l'atout de la jeunesse, et elle ne tenait pas en place aujourd'hui. Il fallait qu'elle fasse quelque chose ! L'inaction des membres de son clan la laissait perplexe, et elle se sentait mal de ne rien faire. C'était bien beau de courir chaque jour, mais il fallait également mettre à profit ses compétences !

En sortant du buisson, elle surpris le doux sourire d'Amélia, un sourire pas très franc mais un sourire tout de même. Fuurin lui rendit son sourire, prenant conscience des feuilles emmêlées dans ses poils. Elle s'ébroua, faisant virevolter autour d'elle quelques feuilles.

-Les religieux ont dû chercher mais ils n'ont rien trouvés... La pierre a disparu il y a plusieurs siècles, elle ne sera pas simple à trouver. Il doit y avoir de la mousse dessus, voir de la terre.

La louve grise hocha la tête. C'est vrai qu'elle avait tendance à être dure avec les religieux, mais elle n'avait aucune idée de ce qu'ils faisaient. Ils priaient ? En attendant, les signes des Dieux n'étaient pas très convaincants. Amélia avait raison, ils avaient probablement cherché, et c'était surement eux les plus utiles. Fuurin baissa légèrement les oreilles, essayant de ne pas se laisser envahir par un sentiment d'inutilité. Elle redoublerai d'effort, fouillerai chaque pierre de cette fichue forêt pour montrer aux Dieux que les mortels en valaient la peine !

Oui, tu as raison ... Ça m'agace juste d'avoir l'impression de piétiner, de ne pas y arriver. J'ai l'impression que beaucoup de loups perdent l'idée essentielle, qui est de battre Akui, préfèrent les querelles de clan et de race ...

Fuurin se tut d'un seul coup. Elle avait oublié pendant un instant à qui elle parlait. Amélia était à priori très proche de Yogrenn, et Fuurin ne tenait absolument pas à se frotter au grand loup des cavernes. Elle avait entendu des rumeurs mais rien de concret, et heureusement. Elle continua sa recherche, évitant le regard d'Amélia, les pensées agitées.

La petite louve était innocente. C'était apaisant de voir individu se comporter de cette façon. Amélia n'arrivait plus à être optimiste... Mais elle savait que l'espoir était ce qui était le plus précieux. C'était ce qui permettait de vivre réellement.

La messagère finit par exprimer ce qu'elle pensait réellement. Amélia n'était pas vraiment surprise. C'était ce qu'elle pensait aussi. Mais le comportement de la petite était révélateur, elle avait peur des conséquences de ses paroles. Amélia n'était pas cruel. Et puis, malheureusement, Furrin avait raison. La petite ne devait pas savoir que la caverne avait fait parti du clan de la morte. Mais c'était dans un autre temps et dans une autre vie.

-Les loups préfèrent se concentrer sur leurs petits malheurs. Celui des autres n'a pas d'importance. La destruction du clan de l'eau n'a même pas eut de réel impact sur le sentiment de sécurité. Notre altérité est tellement faible, que même ce qui arrive à notre ancien voisin ne nous concerne pas.

Amélia baissa la tête, regardant ses propres pattes. Elle avait su être terrible pendant une période de sa vie et aujourd'hui elle n'était plus qu'un sac de chair, incapable de donner un enfant mâle viable. La vie avait un humour cruel.

-Lors de la période de Pandore, les loups avaient finit par accepter de vivre de cette façon. Cela risque d'arriver de nouveau sous l'air d'Akui... Mais il y a quelques jeunes qui changeront peut-être la donne.

Amélia continua, repensant douloureusement à sa vie :

-Les loups se pavanent derrière des idéaux mais ils sont lâches. Ils disent vouloir combattre Akui mais rien n'est fait. Ils sont retenu par la peur et la fainéantise. Ils réagiront peut-être un jours, lorsqu'ils seront au seuil de l'agonie... Mais je n'en suis même pas certaine.

Amélia finit par prendre une respiration. Elle ne devait pas mettre en danger cette petite. Le mieux était de s'éloigner. Elle chuchota :

-Ce monde est pourri. La manifestation d'Akui n'est que l'expression des échecs successifs de ce monde.

La louve regarda la petite, se demandant si elle oserait croiser son regard.

-A bientôt petite.

Amélia n'eut pas de sourire et se mit en route vers le camps. Elle devait retrouver sa cage.

-Fuurin-

-Les loups préfèrent se concentrer sur leurs petits malheurs. Celui des autres n'a pas d'importance. La destruction du clan de l'eau n'a même pas eut de réel impact sur le sentiment de sécurité. Notre altérité est tellement faible, que même ce qui arrive à notre ancien voisin ne nous concerne pas.

Amélia avait répondu d'une voix plutôt faible, et elle baissa la tête. Toute l'énergie qu'elle semblait avoir difficilement regagné l'avait quittée, et le nuage noir dans ses yeux était revenu encore plus fort. Les babines de Fuurin s'affaissèrent légèrement. La louve en face d'elle semblait être le visage même d'une guerre perdue. Elle continua d'une voix monotone.

-Lors de la période de Pandore, les loups avaient finit par accepter de vivre de cette façon. Cela risque d'arriver de nouveau sous l'air d'Akui... Mais il y a quelques jeunes qui changeront peut-être la donne. Les loups se pavanent derrière des idéaux mais ils sont lâches. Ils disent vouloir combattre Akui mais rien n'est fait. Ils sont retenu par la peur et la fainéantise. Ils réagiront peut-être un jours, lorsqu'ils seront au seuil de l'agonie... Mais je n'en suis même pas certaine.

Les paroles de la louve firent mouche. Fuurin retroussa les babines, sentant une énergie battre dans ses veines. Elle ne voulait pas abandonner. Peut-être qu'Amélia avait vécu des choses qui lui donnait cette impression, mais la messagère refusait de croire que le monde ne voulait pas se battre. Elle avait vu Gaor, Pyrrha, Keiss se battre pour défaire Akui et ne pouvait croire que ces derniers lâcheraient le morceau. Devant elle, la caverne émit un dernier chuchotement.

-Ce monde est pourri. La manifestation d'Akui n'est que l'expression des échecs successifs de ce monde.

Fuurin serra les dents. Elle refusait cette vision du monde. Elle était trop optimiste pour y croire, et tant qu'elle était vivante elle continuerait de se battre. Mais Amélia ne se battrait plus, c'était à présent évident. Et ce n'était surement pas la louve grise qui la ferait changer d'avis. Elle sentit le regard de l'autre louve se poser sur elle, et releva la tête, plantant un regard gris dans les yeux éteint d'Amélia. Il n'y avait pas d'espoir dans ces yeux là, plus une once de combattivité. Mais Fuurin ne se laissa pas décourager, au contraire. Elle devait se battre pour montrer aux loups qui n'y croyait plus que gagner était encore possible.

Amélia s'éloigna d'un pas lent, abandonnant les recherches. Fuurin la laissa partir. Il n'y avait rien qu'elle puisse faire pour elle. Finalement après une minute, elle se détendit. Ses muscles s'étaient contractés sans même qu'elle ne s'en rende compte, comme si elle était face à un ennemi. Elle soupire, regardant le ciel. Les Dieux ne lui parlerait pas aujourd'hui. Elle décida également de rentrer au camp en trottinant, la tête fourmillant de pensées.