Deux mois sont passés depuis son accouplement avec Exemon. Comme toutes les louves gestantes, son ventre s'était agrandit et la vie grandissait en elle. Cela fait environ une semaine qu'elle est montée définitivement au palais lumineux. À présent, elle allait y rester pendant trois ou quatre mois non-stop, sans jamais fouler autre chose que le sol de la demeure d’Éléonore ou de ses jardins. Le sevrage se faisait à deux mois, mais il serait inutile qu'elle descende pour remonter une dizaine de minutes après. Peut-être le fera-t-elle malgré tout, via Fralëth transport. Ça allait être dur... Les petits grandiront ici, minimum jusqu'à leurs six mois. Ils pourront compter sur la visite familiale et de d'autres juges qui feront office de nourrices. Quand cette heure viendra, ils seront aptes à descendre et explorer tout le reste du clan.

La juge cornue s'était fait sa tanière dans le jardin tropicale, endroit qu'elle affectionnait tout particulièrement dans ce palais. Les avantages : ses petits pourront grandir dans un territoire et connaître l'herbe et autres verdures en tout temps. Ils seront aussi bien au chaud. Ils se familiariseront également avec toutes sortes d'animaux, bien qu'ils ne pourront pas les rencontrer ailleurs. En tout cas, c'était ce qui se rapprochait le plus d'un territoire d'en bas, plutôt que de ne connaître que des murs et des pièces. Le palais d’Éléonore assurait aussi à Idryss une grande protection. Les adeptes ne pourraient jamais venir en ce lieu.

Idryss pouvait compter sur sa grande amie Kelekt pour cette aventure maternelle. Cela la rassurait, car elle ne savait pas vraiment si elle serait véritablement une bonne mère. Elle s'était résignée à engendrer une descendance, maintenant, il allait falloir les mettre au monde et les élever. Elle n'était pas sûre d'y arriver. Déjà, elle se disait qu'elle ne supporterait probablement pas d'être tout le temps cloîtrée dans sa tanière... C'était à voir. Peut-être que l'instinct maternel arrivera au contact des boules de poils.

La cornue faisait un petit tour autour de sa tanière, lorsque les contractions arrivèrent. Elle se crispa un instant, avant de se diriger vers la porte de verre du jardin. Il fallait qu'elle appelle quelqu'un. Les contractions s'accentuèrent. Cette fois, elle en était sûre : ils arrivent. Elle n'eut pas le temps de quitter le périmètre de sa tanière. Tant pis, elle les mettra au monde toute seule. Il ne servirait à rien de hurler à l'aide, car personne à l'extérieur ne l'entendra. Une louve ou un autre animal, n'a pas vraiment besoin d'aide pour mettre bas. Sa grossesse à elle s'est déroulée sans accros. Il lui suffisait de pousser en temps voulu de toute façon. La poche placentaire se brisa. Elle s'installa devant l'entrée de chez elle et commença le travail.

Tandis qu'elle se plaça sur le flanc, elle entendit la voix paniquée de Kelekt. Chouette, elle est là. Ses queues tapèrent un instant le sol et elle redressa le museau. Elle se plaça à côté d'elle, ne sachant quoi faire. Elle stressait et elle lâcha un petit couinement.

Ne t'inquiète pas. Les petits arrivent. Répondit-elle simplement.

Elle ne sut véritablement si ça lui faisait plaisir qu'elle soit là ou si elle s'en fichait. Elle en était persuadée : elle n'avait pas vraiment besoin de quelqu'un pour l'assister. Ce sera une mise bas normale. De plus, avec sa carrure, son bassin est assez large, ce qui permettait que ce soit plutôt facile en cas de gros bébé. Néanmoins, son ventre n'avait pas gonflé plus que la moyenne, donc ils devaient être de taille et poids normaux pour des nouveaux-nés.
Elle attendait, poussant de temps en temps. Son médecin lui avait dit que le premier serait le plus long à sortir. Néanmoins, elle sentait qu'ils étaient proches. Ils étaient pressés de sortir de là.

- Kelekt, ne t'inquiète pas, Idryss est en train de mettre bas, elle va avoir mal et elle aura besoin de tout le soutien qu'on peut lui apporter.
- J'ai pas besoin de soutient, je peux m'en sortir toute seule !

Elle lâcha un grognement à la fin de sa phrase. En cet instant, elle était vulnérable et son instinct lui dictait que personne ne devait l'approcher. Kelekt pouvait, car elle la connaissait très bien. Par contre, Aslan était un mâle. Bien qu'il ne soit pas du genre à lui voler ses petits et les tuer, elle ne tolérait tout de même pas qu'il s'approche trop. Et il n'était pas médecin non plus. Qui sait, un instinct quelconque peut survenir à tout moment. Si Exemon était là, sans doute que le bêta n'aurait pas pu traverser la porte vitrée. Mais il n'était pas là pour protéger le périmètre comme il est coutume qu'un mâle le fasse, et elle le maudit soudainement.
Le bêta s'était éloigné de lui-même, partant faire elle ne savait quoi. Elle avait reposé sa tête en le voyant partir.

Elle se mit à bloquer sa respiration en poussant fort. Une contraction plus importante avait lieu et elle lui sembla durer un moment. Elle respira fort par la suite et poussa de nouveau. A l'arrière, des petites pattes sortaient ainsi que bientôt un petit museau. Quelques efforts plus tard, le premier petit glissa définitivement par terre. Elle profita de l’accalmie pour se redresser et observer son petit. Elle le lécha, pour lui enlever le liquide placentaire et les résidus d'enveloppe. Il se mit à couiner et elle le retourna momentanément pour lui essuyer le ventre. Elle peut ainsi voir qu'il s'agissait d'un petit mâle à deux teintes de rouge dont l'un teinté de brun. Elle l'attrapa ensuite pour le soulever afin de le mettre à son ventre. Puis elle s'installa de nouveau.
Au bout de quelques minutes, la mise bas reprit avec le même niveau de difficulté. Les deux derniers sortirent presque l'un à la suite de l'autre. Elle reproduit le même schéma qu'avec son premier. Les trois étaient silencieux, tétant le colostrum de leur mère. Elle profita que ce soit finit et qu'ils soient occupés pour laper l'eau précédemment apportée par le bêta.

Trois nouveaux Démonia : deux femelles et un mâle.

Elle sourit en les regardant. Elle était fière de les avoir mis au monde sans accros, mais surtout d'avoir donné naissance à trois parfaits Démonia niveau couleur : deux dans les tons rouges et une cendrée. Ils rentreront les trois dans la famille. Leur croissance montrera l'absence de cornes ou non. Elle avait hâte de savoir qui serait cornu. Peut-être le seront-ils les trois ce qui serait très probable.
Elle était particulièrement heureuse d'avoir mis au monde un total loup-dragon. La femelle en question possède des petites ailes de peau et deux petites queues reptiliennes, ainsi que des écailles. Elle était grise, ce qui rappelle la cendre. Un dragon volcanique se fondant parfaitement dans le paysage des montagnes du Néant l'été. Son père serait très fier de voir un dragon au sein de cette portée, mais il ne pourrait jamais le savoir, puisqu'il n'est plus là... La seconde petite possède cinq queux ainsi qu'à plusieurs reprises sa marque en forme de bracelet et sa marque en forme de collier au cou. Ainsi que des petites griffes dorées. En somme, elle est une version quelque différente d'elle. On ne pourrait pas nier qu'elle était sa fille : elles se ressemblent bien trop.
Le seul mâle de la portée a, quant à lui, des écailles en plaques au niveau des épaules et du museau, comme pourrait en avoir son père si ce n'était pas des plaques de lave séchée le concernant. Il a aussi trois queues.
Aucun d'eux ne dépassent les cinq queues et elle trouvait cela un peu dommage. Elle aurait adoré se vanter avoir sorti un sept, huit ou même neuf queues. Néanmoins, l'une d'entre elle en a cinq, alors ça compensait ce semblant de compétition au sein des Démonia. Elle savait très bien que des paris avaient été fait sur leur nombre de queues. Elle-même le faisait. C'était le grand jeu de la famille quand une gestation est déclarée.

Kelekt n'appréciait guère la présence d'Aslan. En temps normal, elle n'aime pas les mâles, alors avec le stress et l'inquiétude l'habitant, elle se montrait exécrable. Aslan était peut-être bêta, mais ça ne l'empêchait pas de se retrouver face à des membres colériques ou menaçants. La présence de la blanche était un vrai plus finalement. Idryss pouvait se concentrer sur sa mise bas et laisser à Kelekt le soin d'éloigner le mâle et de la protéger en cas de besoin. Néanmoins, son attitude était très différente de d'habitude, elle ne l'avait jamais vu comme ça. Elle haussa même le ton face à son supérieur hiérarchique, lui sommant de s'éloigner.

Quand elle annonça le sexe des petits, Kelekt s'approcha un peu plus pour mieux les observer. Elle gratifia la mère en la complimentant sur leur apparence, disant qu'ils sont superbes. Elle ne savait pas si elle les trouvait réellement superbes ou si c'était une formule de politesse, mais ça fonctionna, car la cornue fut gonflée de fierté.

Tu as déjà pensé à des noms ?

Ah ! Non, elle n'y a pas pensé. Elle fit un léger sourire gêné à Kelekt avant de reporter son attention sur eux. Leur trouver des noms... Voyons...
Le plus facile fut pour la louve-dragon. Idryss aurait adoré en être une. Son père en est un véritable, son frère en est un dérivé, mais elle, elle n'en a rien hérité. Si ce n'est son pouvoir. Elle a la chance d'avoir un enfant qui allait probablement en devenir un totalement, alors elle n’hésita pas un seule seconde : il fallait qu'elle lui donne un nom dérivé du sien. Maintenant, comment déformer son nom pour qu'il soit bien ? Il fallait que ça commence par un I et que ça se finissent par le son IS au moins. Sinon, ce serait quelque chose de complètement différent. Elle pensa à enlever le R pour donner Idyss. Ensuite, elle eut : Illyss, Ityss et Ignyss. Elle s'arrêta sur le dernier qui lui vient en tête, car ce fut celui lui plaisant le plus. Elle décida de transformer encore un peut en remplaçant le Y et enlevant un S pour que ce soit plus joli, donnant ainsi Ignis. Un sur trois de trouvé. Les deux autres lui demandèrent plus de réflexion, mais elle eut rapidement l'illumination les concernant : Thildrill pour le mâle et Eris pour la femelle.

Félicitation

La voix du bêta venait de la tirer de sa réflexion. Elle leva le museau vers lui et le remercia. Il restait éloignée des deux femelles, gardant la porte vitrée, empêchant des trois juges attendant le signal de venir. Celles-ci sont certainement passés dans le coin et ont réussi à sentir l'odeur du placenta... Maintenant que les petits sont nés, pleins de visites allaient s'enchaîner. Elle reporta son regard sur Kelekt pour lui annoncer :

La dragonne est Ignis, le mâle Thildrill et la petite me ressemblant devient Eris.

Elle leur fit une léchouille chacun sur la tête avant de lever la tête vers Aslan. Elle avait une chose à lui demander.

Aslan, pouvez-vous transmettre à ma famille ma mise bas ? La nouvelle circulera vite. Vous n'aurez cas allumer la mèche avec ma mère et ça suffira amplement pour que tous le sache avant la fin de la journée.

D'ici demain, les membres de sa famille viendront. Peut-être même qu'elle en verra arriver avant la nuit. Idryss rigola de façon victorieuse intérieurement. Si Aslan acceptait, alors elle aurait un bêta comme porteur de nouvelle et ça, ça allait sidérer les autres ! Elle ne pouvait pas rêver mieux.