Voilà une semaine qu'il est ici, dans la prairie du monde. Ce soir, deux personnes viendront le relayer lui et son collègue. Lorsqu'il avait rejoint le clan, c'était encore le clan de l'Air. On l'avait entraîné ici pour son rôle de sentinelle. C'était le meilleur territoire pour ça, car il ne pouvait pas aller au désert et donc il ne pouvait pas aller au puits aux vœux non plus. Après la fusion, on lui avait fait surveiller les frontières de la forêt des lys de feu, puis de la forêt Talaïala quand les Désert en prirent une moitié. Quand on lui avait annoncé qu'il repartait à la prairie du monde pour une semaine de surveillance, il n'y était pas allé depuis X jours. Faire son rôle de sentinelle pendant une semaine ne l'embêtait pas. Il est un vampire, un immortel. Il traîne ses pattes sur ce pays depuis environ 260 ans. Il a le temps. De plus, vu où est placé le campement, une semaine est devenu une période moyenne de surveillance en ce lieu.

Durant la semaine, tout s'était bien passé, RAS. En même temps, si action il doit y avoir, il y a peu de chance que ce soit par ici vu où sont placés Akui et ses adeptes. Néanmoins, il arrive qu'un solitaire s'introduise ici en courant, suivit par un adepte et là, les sentinelles agissent. Parfois, le solitaire décide de rejoindre le clan, c'est comme ça que la plupart sont venus, ou alors il repart pour tenter de survivre encore tout seul... Au départ c'était fréquent, maintenant, ça n'arrive que très peu.
Durant la semaine, les sentinelles de la prairie et des montagnes alentours à celle des anciens Airs avaient eut vent de ce qu'il s'était passé au campement. Un collègue ailé s'était posé dans l'ancien camp de l'Air et leur avait apporté la triste nouvelle. Un cavalier d'Akui s'était introduit dans leurs terres. Le plan fut exécuté et il fut appâté au campement. Il y eut des morts durant son trajet... Puis, quand il fut l'heure de l'attaquer, Quoltzec fut tué le premier. Certaines sentinelles durent rentrer en avance, mais Adrian et son collègue furent de ceux qui restèrent.
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Adrian et son collègue s'étaient séparés. Ils étaient partis chacun de leur côté pour effectuer une petite ronde. Comme à son habitude, Adrian marchait silencieusement. C'était sa marche habituelle, l'ayant développé au fil des années pour finalement l'adopter et la voilà maintenant se faisant naturellement. La discrétion est un art dans lequel il excelle.

Ses oreilles captèrent des bruits d'ailes anarchiques. Il leva le museau, mais ne vit rien à travers les quelques fenêtres qui permettaient de voir le ciel. Il se déplaça grâce à son ouïe particulièrement développé pour un canin. Il entendit l'animal chuter lourdement. Vu le poids, ce n'était pas petit. Peut-être un comparse ailé ? Il se mit à courir vers l'origine de la chute et arriva rapidement. Il s'arrêta parmi des hautes herbes, ne se dévoilant pas pour le moment.

Au sol, une louve ailée qu'il n'avait jamais vu. Elle n'était pas du clan de l'Air c'était sûre. Vu ses couleurs d'ailes, il l'aurait déjà remarqué sinon. Et il n'avait pas vu d'ailés parmi les Feux. Elle ne sentait aucun des deux clans. Elle était paniquée. Néanmoins, elle se calma au bout d'un moment. Son corps était marqué de blessures : elle s'était battue. Fait-elle partie des rares solitaires ? Un adepte lui ait sans doute tombé dessus, ou plusieurs. Elle essaya de se lever, mais échoua. Bon, il était tant de se dévoiler.

Le vampire sortit doucement des herbes et avança avec la même quiétude vers elle. Il s'avança en demi-cercle, étant arrivé dans son dos, en gardant une bonne distance. Il l'observa tout du long et s'arrêta en face d'elle, toujours avec cette distance les séparant. Il affichait un air neutre et calme malgré cette intrusion. Elle ne pouvait pas se lever, elle n'était donc pas un danger pour lui. Aucun besoin de se montrer sur la défensive.

Mademoiselle, est-ce que vous vous êtes fait attaquer par des adeptes d'Akui ? Si oui, sont-ils encore à vos trousses ?

Aucun cris d'alerte ne retentissait. Peut-être n'ont-ils pas franchit la frontière ou peut-être que si et qu'ils n'ont pas encore été découvert... Suivant sa réponse, il en lancerait une ou non.

Vous avez atterrit dans la prairie du monde, ancien territoire de l'Air et maintenant territoire du clan du Désert.

Il devait la resituer. En tant que solitaire, elle connait cette prairie et sait que c'est une terre clanique. Néanmoins, les rares solitaires doivent être loin de connaître les fusions. Ils avaient bien d'autre chose à faire, survivre essentiellement. Ils n'avaient pas le temps d’avoir des échos de ce qui se passe dans les clans.

L'inconnue continua d'afficher son air d'incompréhension. Visiblement, les renseignements de lieu du vampire ne l'avait pas aidé. A ses questions, elle répondit qu'elle ne savait pas. Conclusion : elle ne savait pas qui fut ses agresseurs et elle ne savait s'ils sont encore à sa poursuite. Adrian était attentif aux moindres bruits. Ils pouvaient avoir franchit la frontière en volant comme elle ou en passant dans le dos de sentinelles. Il fit un regard circulaire, tout aussi attentif. Il n'y avait rien autant visuellement que sonorement.

Mes deux cousins, ils sont la bas. il faut aller les aider.... Ils vont... Ils vont...

Elle ne fut pas seule. Il y avait deux autres solitaires en danger. Ils s'étaient retrouvés séparés, sinon ils seraient ici aussi. Ou alors, ils ont atterrit avant elle. Il ne pouvait pas savoir d'où elle avait décollé, mais elle avait réussi à fuir jusque là. Elle était sauve, pour l'instant.
La louve ailée essaya de se lever de nouveau. Elle n'y parvint toujours pas. Un animal blessé est une proie facile. Une animal blessé et à terre l'est encore plus. Avec son hybridation d'oiseau, c'est tout naturellement qu'elle cherche à se lever. Des prédateurs non canins pourraient essayer de l'attaquer. C'est l'analyse qu'en tira le vampire. Mais aussi, elle voulait aller sauver ses cousins. Elle déploya ses ailes magnifiques en couinant de douleur. Elle se remit à parler, la respiration saccadée par la peur, l'angoisse, la tristesse.

Ils nous ont attaqué par surprise. Je n'ai rien pu faire. J'ai juste réussi à m'envoler, mais... Je suis la seule à avoir fait ça. J'ai volé, volé, mais je ne sais pas si les autres loups m'ont poursuivi. Je ne sais pas. Aidez-moi.

Adrian poussa un hurlement pour indiquer aux autres sentinelles ce qu'il se passait. D'abord une alerte, pour avoir leur attention, puis il leur transmit une potentielle attaque d'adeptes contre trois solitaires. L'une rescapée, étant avec lui et deux autres en danger sans doute non loin de la frontière. Il obtient une réponse positive. Deux duos allaient patrouiller à leur recherche. Bien qu'Hydromos ne soit pas friand des étrangers, face à la menace planant sur le pays, son éthique l'empêchait de renvoyer simplement les victimes qui demandaient asile ou qui s'introduisaient ici momentanément pour échapper à leurs agresseurs. Néanmoins, c'est avant tout ses bêtas qui l'avaient convaincu d'appliquer cette aide jusqu'à soigner ces victimes en cas de besoin. Cela avait permis de nouveaux membres, car la plupart ont abandonné cette vie devenue trop dangereuse. Cela avait aussi permis des dettes pour ceux étant repartis.

Ils vont chercher. Puis-je vous aider à vous lever ? Je ne suis pas un professionnel des soins, mais le fleuve vous permettra d'atténuer les douleurs. Il faudrait aller jusqu'à là-bas...

Si la louve ne pouvait vraiment pas se lever et tenir, alors il aurait un soucis. Il ne saurait pas comment lui venir en aide plus que ça. Quand il arrive qu'il se blesse, il lui suffisait de se nourrir pour que ça aille un peu mieux et accélère quelque peu le processus de régénération. Seulement, de mémoire, il ne fut jamais blessé comme elle l'est. Il connaissait quelques trucs pour apaiser et guérir, mais sans plus.

La louve la regarda longuement sans un mot. Finalement, elle accepta son offre. Il fit deux pas et malgré qu'elle continue de ne pas être rassurée, elle le laissa approcher. C'était bon signe : elle acceptait son aide. Si elle avait refusé, ils seraient bloqués sur place sans savoir quoi faire.
La femelle ne pleurait plus et son regard changea. Ça aussi, c'était bon signe : elle se reprenait.
Il se plaça à côté d'elle et baissa la tête afin de pouvoir la passer sous elle quand elle se lèvera. L'inconnue poussa une nouvelle fois sur ses pattes et Adrian s'empressa de se mettre un peu sous elle pour la soutenir. Elle était lourde. Elle était presque en mode poids mort et les ailes rajoutaient encore du poids à celui du corps. Le vampire tint bon et poussa, l'aidant à se redresser. L'inconnue fut sur ses quatre pattes, il se redressa. Il la regarda, attendant de savoir si elle tenait ou non. Ses pattes avant se dérobèrent et il l'attrapa en suivant par la peau du cou pour l'empêcher de tomber. Il la lâcha presque en suivant, dès qu'elle s'appuya de nouveau.

Je... Je crois que c'est bon. Allons-y.

Il hocha la tête et passa devant elle. Après deux foulées, il tourna la tête vers elle pour s'assurer qu'elle pouvait bien marcher. En cas de besoin, il resterait quand même proche d'elle pour pouvoir la rattraper. La proximité qu'il avait avec cette inconnue le gênait, mais depuis qu'il a réintégré un clan, son côté très solitaire et peut emprunt aux contacts s'est arrangé. Néanmoins, il fallait bien qu'il soit présent pour lui venir en aide si jamais elle tombe ou qu'elle flanche.
Ils avançaient lentement. Le chemin jusqu'au fleuve risquait de durer. En soit, ce n'était pas très loin, mais l'état de la louve les empêchait d'avancer à une allure normale.
C'est au bout d'une vingtaine de minutes qu'ils arrivèrent au bord du fleuve. Adrian l'avait aidé à se rattraper une fois. Bien qu'elle soit salement amochée, la pause forcée qu'elle a eut, a dû faire du bien à son corps. Ils étaient à un endroit où l'eau rouge était calme. Cassiopée pourrait y tremper les pattes pour boire sans risque.

L'eau vous atténuera les douleurs ou les endormira. Par contre, votre esprit sera lui aussi moins clair, plus dans un état de béatitude. N'en buvez pas trop. Quand vous commencerez à vous sentir légère, arrêtez, même si c'est tentant d'aller plus loin.

La première fois que quelqu'un vient en boire pour anesthésier la douleur comme Cassiopée, beaucoup se font avoir par le bienfait de l'eau. Ils continuent de boire, car l'eau apaise aussi l'esprit. Mais à trop en boire, on finit par carrément faire la sieste ici. Ou à marcher de travers. Ou à halluciner. Bref, ils se font avoir. Au moins, les blessés sont requinqués après ça. Au moins, l'inconnue n'est pas seule. Si elle va trop loin, il pourra la ramener sur l'herbe.
De l'autre côté de la rive, entre deux buissons, il vit un félin chanceler. Celui-là par exemple venait d'en abuser.

La louve s'exécuta et alla boire l'eau sans se poser de question. Il l'observa tout du long, guettant si elle en buvait trop. L'inconnue arrêta de boire d'elle-même et se recula sur la berge pour s'y assoir. Elle observa les alentours. Elle était calme.

Merci pour votre aide Adrian. Je me sens mieux.

L'inconnue avait retenu son nom. Il ne lui avait pas directement dit, mais lors de son message aux autres, il avait dû le prononcer.
Il hocha la tête avant de dire :

Tout le plaisir est pour moi mademoiselle. Je dois vous laisser un instant. Il me semble avoir aperçut quelqu'un qui pourra vous aider mieux que moi. Vous ne craignez rien ici. Continuez de vous reposer.

Sur ces mots, il tourna des talons et partit en trottinant puis en courant, faisant voler sa cape au balancement de son corps. En l’amenant au fleuve, du coin de l’œil, il avait aperçu une silhouette blanche. Il avait levé le museau, pour y voir un loup blanc parsemé de noir passer derrière un énorme champignon. Il ne connaissait pas cet individu. Adrian savait juste que c'était un nouveau médecin. Lorsque l'inconnu a intégré le clan, deux jours plus tard, le vampire venait à son poste ici. Il n'avait pas eu le temps de faire connaissance avec lui. Faire connaissance avec un étranger nouvellement arrivé, ce serait un bon exercice pour lui. Ce sera aussi peut-être plus facile... Enfin, pour l'instant, il devait le trouver pour autre chose.

Arrivé à côté du champignon en question, il renifla le sol pour y sentir une présence lupine et la suivit, ne reconnaissant pas l'un de ses collègues, ça devait forcément être lui. Puis, il n'y avait ni l'odeur du Désert, ni celle presque éteinte de l'Air ou du Feu. Il suivit la piste, se fiant aussi à son ouïe. Après plusieurs mètres parcourut, il vit la silhouette blanche et courut vers lui.

Hey ! L'interpella-t-il. Arrivant à quelques mètres de lui, il arrêta sa course et poursuivit entre des halètements : J'ai une inconnue blessée, il faut aller la soigner, vous êtes bien médecin ?

Le mâle blanc se tourna vers lui. Ni une, ni deux, il parcourut la distance entre eux comme si un signal venait d'être donné.

Oui. Je vous suis. Quelle est la gravité de sa blessure ? Sont-elles multiples ? Est-ce qu’elle perd du sang ?

Adrian fut un peu décontenancé face aux questions. Il y en avait peu, mais elles furent énoncées assez rapidement. Puis, il n'avait pas encore tout à fait l'habitude qu'on le sollicite. Il hésita un instant avant de répondre en marchant d'un rythme soutenu.

Elle doit avoir une aile foulée ou cassée : elle a mal quand elle la bouge. Elle est blessée à plusieurs endroits. Certaines sont des morsures profondes : on voit bien les trous des canines. Elle ne saigne plus. Elle m'a dit avoir été attaquée par surprise. Elle n'a pas l'air d'être une habitante de ce pays...

Il ne fallait pas perdre de temps. Il se mit ensuite courir. Lorsqu'il avait donné son message d'alerte aux autres sentinelles, il leur avait décrit la louve. Ainsi, ils ne devraient pas la chasser en la voyant. Néanmoins, Adrian ne savait toujours pas si les attaquants sont dans la prairie ou non et combien ils sont. Ils pourraient très bien la retrouver et finir le travail. Il fallait limiter son temps toute seule.
Après environ cinq minutes, la louve ailée apparut dans leurs champs de vision. Elle était toujours seule et elle était toujours tranquillement allongée. Bien. Arrivant aux côtés de la louve, il lui dit :

Mademoiselle, voici... Le médecin dont je vous ai brièvement parlé. Il va s'occuper de vous.

Suite à cela, il se recula un peu et s'assit. Il fut impossible pour lui de sortir le nom de ce médecin pour la simple raison qu'il ne le connaissait pas...

Le médecin blanc se présenta. Ainsi, Adrian put découvrir som nom : Irwell. Celui-ci s'attela ensuite à son travail, examinant la louve ailée et lui posant un onguent sur ses blessures.

Le vampire resta silencieux et à sa place, regardant la scène. L'eau du fleuve faisait son effet. Ses pupilles sont plus dilatées qu'avant et elle arbore air bien plus détendu. Aussi, elle ne dit rien lorsque le médecin la manipule. Surtout lorsqu'il touche ses ailes. Bien qu'elle pourrait grimacer ou gémir, son sens de la douleur était quelque peu anesthésié, ce qui facilité grandement la tâche autant pour le soignant que pour la patiente.

Pourquoi le fleuve est rouge ?

Adrian leva le museau, regardant le fleuve en question derrière eux. La question était pour lui. Irwell ne pourrait pas y répondre. Seul lui pouvait. Il lui donna l'explication véridique, car il s'agissait d'une adulte. Elle n'avait pas besoin de connaître ce qu'il se dit sur le fleuve pour effrayer les louveteaux. Enfin, ce ne serait qu'un bonus.

C'est dû à une espèce d'algue rouge vivant au fond du fleuve. Elle libère de sa couleur, colorant l'eau. Pour ce qui est de son effet, cela vient aussi de cette algue. Néanmoins, vous entendrez une version de légende pour les jeunes, si vous restez à notre clan. Il ne faudrait pas que les jeunes se regroupent tous ici pour se droguer sans cesse avec le fleuve...

Ce serait catasthrophique.
Au bout de plusieurs minutes, Irwell annonça qu'il avait fini. En plus de l'onguent, il avait appliqué des bandages çà et là et avait immobilisé ses ailes pour ne pas qu'elle se fasse plus de mal avec. Adrian se leva à cette annonce. Il fallait maintenant la transporter jusqu'au campement et ce ne serait sans doute pas aisé. D'un commun accord, Irwell resta au chevet de la louve, tandis qu'Adrian partit chercher un grand morceau de bois faisant office de planche et deux lianes pour faire office de cordage. Lorsqu'il revient, les deux mâles fixèrent la corde au bois, mirent Cassiopée dessus et se harnachèrent pour la tirer. Ils allèrent en direction des montagnes du Néant, afin de passer dans les souterrains.