Amélia ne se remettait pas son dernier accouchement. Ses relations allaient au plus mal avec les deux petits. Edwin était toujours muet et complétement fermé. Sygrid était bouffé par son père et tout les efforts qu'Amélia réalisaient ne servaient à rien. La louve était fatiguée, constamment. Parfois, elle n'arrivait plus à bouger ses pattes arrières. Elles restaient paralysées, comme cela c'était produit pendant son accouchement. La louve avait hésité à se rendre chez Wydis... Mais depuis leur dernier accrochage, elle en avait trop honte pour venir lui en parler. Son compte qu'elle était très proche de Gaor et cela ne pourrait qu'envenimer la situation. Yogrenn risquait de voir des complots partout.

La louve s'était donc rendu à la tanière de Natasha. C'était une ancienne médecin, elle pourrait l'aider. Amélia ne pouvait pas trop quitter le camps, sentant bien qu'elle était suivi. La louve avait l'impression que les choses allaient empirer. Il y avait trop de tension dans le camps, cela finirait par exploser d'une manière ou d'une autre.

Elle se posa à l'entrée de la tanière et demanda poliment :

-Il y a quelqu'un ?

Amélia vit rapidement qu'elle dérangeait l'ex médecin. Mais la louve avait besoin de discuter. Depuis sa dernière portée, depuis l'évolution de sa dernière fille, plus il y avait de jour où elle avait envie d'en finir. La louve n'était pas suicidaire, mais elle savait qu'elle avait fait tout en son pouvoir pour aider les autre. Son rôle était terminé. Elle n'avait plus aucune raison d'être là... L'envie de tout arrêter devenait de plus en plus fort. La louve se rassura mentalement, elle avait juste une baisse de morale. Elle avait besoin de parler. Mais pas sous le regard des sbires de Yogrenn.

Amélia abusait rarement de son rang. Elle répondit simplement :

-Alors rentrons à l'intérieur. Il fait trop froid pour rester dehors.

Ce qui n'était pas faut en sois. Une fois l'intérieur, les yeux d'Amélia finirent par s'habituer à l'obscurité. Elle se posa, épuisée. La louve ne faisait rien de ses journées mais c'était suffisant pour se sentir mal. Elle était fatiguée par tout ça... Tellement fatiguée. Malgré tout, elle finit par remarquer les entailles sur la joue de Natasha :

-Vous vous êtes fait mal ?

Amélia s'inquiétait juste pour elle.

Amélia rentra dans la tanière et de posa. Natasha vivait seul depuis longtemps. Elle avait perdu un fils. Elles avaient ça en commun, savoir ce que c'était la douleur de perdre un enfant. Il n'y avait pas pire événement, pas pire chose qu'il puisse arriver à un parent.

Amélia répondit doucement :

-Je viens voir une vielle et pas une folle, à moins que vous ayez à m'apprendre quelque chose.

La louve sourit, plus détendu qu'à son habitude. Amélia finit par secouer la tête et prendre un air plus sérieux :

-En réalité, depuis mon dernier accouchement j'ai régulièrement une sorte de paralysies des pattes arrières. Cela arrive de plus en plus souvent... C'est assez douloureux et cela peu durer plusieurs heures. Savez-vous s'il est possible de faire quelque chose ? Ou si c'est une problème de vieillerie ?

Quand Natasha lui demanda si elle sortait régulièrement, Amélia se mura dans le silence. C'était une question idiote. Tout le monde savait ce qu'il se passait. La louve n'était pas aller chasser depuis des lustres. Elle passait son temps à surveiller Edwin où faire le tour du camp. Elle pouvait parfois aller prier, mais c'était tout. Amélia était un chien en laisse, enfermé et muselé.

Amélia obéit à la médecin et se coucha. Les actions de la vielles louves furent douloureux à plusieurs reprises. Amélia hésita un instant, puis finit par se décider. Elle s'assit et regarda Natasha, la sondant. La louve avait la tête basse. Elle soupira. Elle était épuisée. Cela faisait longtemps qu'elle avait perdu. Sygrid était le symbole de cette défaite... Amélia n'était même pas capable d'aimer sa fille correctement. La louve avait fait son deuil de cet enfant. Quelque part, elle était morte pour elle. Yogrenn lui avait volé. Comme pour les autres.

Amélia était immensément triste et désespérée. Elle ne croyait plus en rien... L'espoir était mort depuis longtemps. Elle chuchota, incapable de parler plus fort :

-Tout ça, c'est à cause de ma tête, n'est-ce pas ?

Sans avoir réellement conscience, elle se recroquevilla sur elle-même. La louve commença à s'exprimer, sans filtre, laissant apparaître ce qu'elle était vraiment. Sa voix se cassa par moment et des larmes lui montèrent aux yeux.

-J'ai fait ce que j'avais à faire ici. Ma présence n'a plus aucune importance... Si ce n'est qu'à donner de faux espoirs...

Amélia repensa à son fils Gaor. A Nephtys. Ils voulaient la sauver... Mais faire ça les amènerait au suicide. Et la louve ne pouvait pas l'accepter.

-Natasha, tout mes faits et gestes sont surveiller. Je sais que c'est lâche de ma part de vous demander ça mais...

La louve ne pu continuer. Amélia vérifia une nouvelle fois qu'elles étaient bien seules. Personne ne devait savoir ce qu'il se passait ici.

-Aidez moi à m'empoisonner.

Amélia regardait le sol et parlait à voix basse, elle finit par relever la tête. Elle pleurait, encore. Cela faisait des années qu'elle pleurait tout les jours. Cela faisait des années qu'elle luttait. Mais maintenant tout devait se terminer.

-Je n'ai pas été maître de ma vie, aidez moi à décider ma propre mort.

Amélia sentie très clairement la médecin se raidir. Elle n'avait pas parlé mais désapprouvé le projet de la louve... Ce qui était normal. Tout le monde le désapprouvait. Yogrenn perdrait un otage et pour les autres cela serait le signe qu'ils auraient définitivement perdu. C'était la raison pour lequel Amélia devait réussir à faire cesser tout ça, la défaite ou la victoire n'avait plus d'importante, il fallait juste que cela s'arrête. Amélia était toujours définit par ce qu'elle représentait, un reine, une otage ou une mère. Cela faisait longtemps qu'elle n'était plus rien d'autre. La louve était un symbole, plus un individu... Personne ne la connaissait réellement. La louve était terriblement seule.

Les paroles de Natasha étaient claires. Avant de venir la voir Amélia savait déjà que tout était déjà de sa faute. Ses pattes qui se paralysaient venait de sa fainéantise. Cette sensation de mort intérieur venait de sa vision négative de la vie. C'était de sa faute. Amélia le savait. On lui disait tout les jours, tout le temps, à chaque instant. La louve baissa la tête et se ratatina sur elle-même.

Oui, elle était lâche. Oui, était épuisée... Mais cela faisait des années d'humiliation et de brimades constantes. La mort de ses proches. Les violes. La disparation de ses enfants. Amélia était cassée, beaucoup trop abimée pour avancer de nouveau. Elle n'y croyait plus. Tout ce qu'elle souhaitait, c'était que ça s'arrête. C'était égoïste. Mais elle ne voulait plus subir, plus souffrir, ne plus être la raison pour que les loups meurent. L'espoir était un poison. Et Amélia voulait mourir.

Attendre était ce qu'elle faisait depuis des années. Attendre c'était ce qui constitué ses journées. Respirer. Marcher. Dormir. Tout ça juste pour attendre. Amélia voulait juste prendre un raccourcie. Tout arrêter. La louve était incapable de regarder Natasha. Elle arrêta de respirer, bloquant sa respiration dans le fonds de sa gorge. Elle se replia un peu plus sur elle-même.

Il eut un silence puis Natasha continua. Elle parlait de quelqu'un qui était mort depuis longtemps. Amélia avait vu son cadavre. Elle avait entendu ses cris d'agonis. C'était des mensonges, encore. Natasha ne voulait pas l'aider, lui faire croire que Sygrid était encore en vie était le meilleur moyen de lui redonner des forces. Mais c'était des mensonges. Encore.

Mais Amélia aurait tellement voulu y croire.

Elle secoua la tête, ouvrit la gueule et prit une longue respiration tirant dans les aigus. Ce n'était plus la peine d'essayer de lui faire croire que les choses allaient changer. Cela faisait plus de six ans que les choses devaient changer. Rien. Les saisons passent. Les viols et les portés reviennent, mais cela reste toujours la même chose. Il fallait attendre, attendre, attendre...

Attendre.

Amélia ne bougea pas. Elle aurait pu crier, gesticuler, se mettre en colère. Elle aurait pu essayer de faire quelque chose. N'importe quoi. Mais à quoi cela pouvait servir ? Il fallait attendre...

La louve essaya tant bien que mal de retenir sa respiration de nouveau, comme pour essayer de rester stoique mais cela ne servait à rien. Un symbole ne pleure pas. Un symbole ne souffre pas. Mais Amélia n'était pas tout ça. Elle n'était pas ce que tout le monde s'efforçait de la faire devenir. Elle même ne savait plus ce qu'elle était... Car au final Amélia n'était plus rien.

Amélia resta dans le silence puis finit par dire tout doucement :

-Sygrid est morte depuis des années.

Elle secoua la tête, puis commença à se relever. Son corps était lourds, mais le fardeau qu'elle portait l'écrasé beaucoup plus. On avait vu en elle quelqu'un qui ne pouvait pas être brisé, mais le temps avait réussi à la détruire.

-Je vais vous laisser. Je sais que le problème vient de moi.

La louve haussa les épaules.

-Il suffit d'attendre.

Amélia baissa la tête. Natasha parlait d'espoir mais cela faisait longtemps que la louve bleu n'en avait plus. Elle prit une longue respiration, restant immobile. C'était tellement ironique... Amélia devait continuer de faire ce qu'elle faisait de puis longtemps : vivre exclusivement pour les autres. C'était terrible d'en arriver là, la louve avait l'impression que sa propre vie ne lui appartenait plus. Elle se sentait enfermée, cassée, abandonnée...

Elle répondit faiblement :

-Alors je reviendrai demain.

La louve prit une longue respiration puis fit l'effort de se tenir un peu plus droite. Elle secoua la tête puis se mit en marche, sortant du trou de la guérisseuse. Elle devait continuer de tenir... Et les abrutis qui la suivaient ne devaient se douter de rien. Amélia ne voulait pas qu'il arrive des problèmes à Natasha, la médecin en avait assez vu.