Elle ne servait plus à rien.


Elle était devenu oméga, Gaor l'avait rétrogradé en détruisant ainsi sa vie. Puis il était parti et n'était pas encore revenu. Il lui avait donné de l'espoir, elle pouvait se racheter, mais Trinity y croyait peu. Sa famille, avant sa sentence, venait la voir tous les jours. Mais depuis qu'ils avaient appris son jugement, ils n'avaient plus pointé le bout de leur museau, reniant cette louve qui avait déshonoré la famille. Le bruit de sa rétrogradation avait fait le tour du clan en moins d'un jour. Pour certains, qui avaient perdu un proche lors de l'attaque, elle aurait du y crever à leur place. Et dans ceux là parfois, on ne se gênait pas de venir le lui dire en face.


Pendant un long moment, elle n'arrivait pas à bouger, ne pouvant que gesticuler la tête et la queue, au prix de douleurs terribles. Ainsi, elle était à la merci des médecins, et même si elle avait voulu se laisser mourir au début, elle ne pouvait rien faire face à eux. En plus, elle n'avait plus le droit de mourir. Elle avait tué deux des siens et la mort ne serait qu'une délivrance à sa souffrance. Elle n'en avait plus le droit.


Alors, dès qu'elle avait pu bouger les pattes un minimum, elle s'était trainée dans un coin, au risque de ré ouvrir les blessures. Ce qui n'avait pas manqué avec la plaie de sa cuisse, qui s'était déchirée à nouveau en lui arrachant un râle. Elle ne voulait pas être vue, elle ne voulait pas qu'on la trouve, qu'on lui pisse dessus comme on faisait toujours avec les omégas comme elle. Parce que de la pisse, elle en avait reçu, des moqueurs, des loups en colère. Elle n'avait rien dis, elle n'avait rien fait, car elle n'en avait plus le droit. Elle s'était contentée de rester stoïque, car sa neutralité était tout ce qui lui restait.


Donc dès qu'elle avait pu s'éloigner, elle l'avait fait. Maintenant, elle était couchée, prostrée dans cette pénombre qui lui faisait du bien. Elle n'avait pas pu se laver, parce qu'on restreignait l'eau. Aussi elle puait tout autant l'urine que quand elle avait délaissé sa place près des médecins, et c'est pour ça qu'on l'avait retrouvé si facilement. Elle n'avait pas pu empêcher les médecins de l'engueuler et de refaire son bandage, mais elle avait pu les empêcher de la déplacer. L'ombre lui faisait du bien, le gris de sa fourrure était presque noir de crasse, avec toute cette poussière collée à son poil humide par l'urine. Elle ne mangeait qu'à peine, et ne buvait pas, jugeant ne rien mériter de tout ça.

Un pas arriva, elle dressa légèrement une oreille, levant ses yeux blasés et ternes. Ce n'était pas un pas habituel, qui venait? Elle ne sentait plus que la puanteur émanant d'elle, et elle en était tragiquement habituée. Plus aucune autre odeur n'était assez forte pour percer cette armure de disgrâce et arriver à sa truffe. Fuurin? Elle distinguait plus ou moins son pelage, mais c'était surtout le bruit de son grelot qui lui avait mis la puce à l'oreille. Que venait elle faire?


Sa voix était inquiète. Tien, on s'inquiétait pour elle maintenant? première nouvelle. Trinity savait que si elle était encore en vie et soignée par les médecins, c'est juste que ces derniers avaient une éthique certaine, mais elle se doutait bien que ça les démangeaient de la laisser crever, rongée par l'infection de ses blessures. Trinity n'avait plus parlé, depuis sa dégradation. Sa voix était comme soufflée, cassée, quand elle lui répondis.


Elle était sérieuse. Trinity ne tuerai jamais les siens, et elle ne l'avait jamais fait, il lui était déjà arrivé de se battre, mais jamais de tuer, hors là elle en avait tué deux.

Dans son état, Trinity faisait pitié, mais elle ne cherchait pas celle des autres. De la pitié, elle n'en avait pas besoin. La pitié n'allait pas changer la sentence de Gaor. La pitié n'allait pas rendre son honneur à sa famille. La pitié n'allait pas rendre la vie aux morts. Trinityne faisait jamais attention à ce à quoi pensaient les autres d'elle. Elle se fichait de faire pitié. Depuis toujours, elle se fichait de ce qu'on pouvait penser d'elle. Mais plus que jamais, même si elle faisait de son mieux pour s'en ficher encore maintenant, c'était dur.

Elle semblait avoir mis la messagère en colère. Et quoi, elle aussi allait lui pisser dessus maintenant ? Une de plus une de moins, au point où elle en était, qu'est ce que ça allait changer ? Mais elle savait que Fuurin ne ferai pas ça. Trinity appréciait la messagère. Ne dépassant cependant pas sa faible capacité à aimer les autres, elle appréciait fuurin un peu plus que la majorité du reste du clan.




Elle avait été inconsciente longtemps mais elle savait que sans fuurin et Salvator elle serai certainement encore là. Normal. Qui aurait voulu la ramener après sa connerie ? Trinity secoua la tête.



Fuurin parlait et même si ça faisait naître en Trinity des centaines d'émotions différentes, elle n'en affichait rien. Sa neutralité c'était tout ce qui lui restait. Si elle se mettait à craquer maintenant, elle perdrait la dernière chose qui faisait d'elle ce qu'elle était et c'était hors de question.


Le silence s'installa et Trinity ne dis toujours rien. Là où un autre se serait levé, aurait posé une patte apaisante sur l'épaule de la messagère, aurait tenté de la calmer et de lui assurer qu'il allait bien, Trinity ne fis rien de tout ça. Elle se taisait, elle ne montrait rien. C'était sa manière à elle de se protéger. Au final, elle soutint le regard de la louve qui avait baissé la tête.



Elle attendit. Si elle déclanchait une tempête dans l'esprit de la messagère, tant pis.



Et on le lui rappelait assez. Si elle n'avait pas été là, ils seraient parmis eux dans les souterrains. Elle le savait, et ils s'evertuaient quand même à le lui rappeler. Et les médecins ne disaient rien, parce qu'eux ils étaient juste chargés de sauver le physique, au diable le mental d'une rebelle. Et personne ne disait rien, parce que tout le monde pensait pareil. Et Trinity était d'accord. C'était son fardaux jusqu'à la fin de sa vie.

Elle essayait de la rassurer, de la consoler, de quoi? ce n'était pas en mentant que Trinity pouvait aller mieux. Mais elle ne voulait pas aller mieux, montrer qu'elle vivait sa vie heureuse alors qu'elle avait privé deux familles de ça pouvait la faire vomir. Tout le clan était responsable? la bonne blague. Si Trinity n'était pas aussi stoique de nature, elle aurait rit. Il y avait un plan. Un plan pensé et réfléchis pour sauver le plus de monde possible, s'il y avait eu autant de morts c'était bien parce qu'elle n'avait pas obéis! Mais elle se garda bien de le dire à la messagère, elle était visiblement têtue et ne voyait pas l'évidence en face.

Le silence vint, et la louve bicolore salie sentit le regard de la louve au grelot se planter dans le sien, elle ne baissa le regard ni ne le détourna. Elle soutint ce point de vue. D'autres se seraient offusqués, avoir le regard soutenu par un oméga! Mais Fuurin n'était pas comme ça, et Trinity le savait. Fuurin lui parla de guerre, la guerre, de vengeance, de combat. Le clan avait besoin d'elle? La seule fois où le clan avait eu besoin de Trinity, elle avait tout fait de travers. Le coeur de la louve se serra à la fin de la phrase de la louve. Elle n'était plus une guerrière. Tout ça, ce n'était plus Trinity.


Elle soutint le regard de Fuurin avec force, elle manquait peut être de conviction, d'espoirs, elle était peut être têtue elle aussi, sans doute se voilait elle la face plus que quiconque d'autre. Gaor lui avait dis qu'elle pourrait se racheter un jour, mais comment? comment , alors qu'on lui pissait dessus, alors qu'elle n'avait plus ni famille ni amis.

Plus d'amis? Si, elle avait encore Fuurin. Un ami, Trinity n'en avait jamais cherché, elle vivait sa vie et prenait ce qui venait. Et si ça n'allait pas, elle le laissait aller de son côté. Mais elle n'avait jamais fait la quête de l'amitié. Elle soupira et ferma les yeux.


Elle avait levé la voix lentement. Elle se laissait aller et disait ce qu'elle avait sur le coeur et c'est accompagné de sanglots légers qu'elle finit de parler. Parler si fort lui avait fait très mal, elle grimaça de douleur mais n'émit plus aucun son, elle posa simplement la tête au sol et ferma les yeux. Elle n'était plus rien de toute façon, pourquoi Fuurin lui prêtait elle autant d'attention? Un oméga n'avait pas le droit à autant de bienveillance. Ce pêtage de plomb, Trinity ne l'aurai jamais fait normalement. Trinity ne pêtait jamais les plombs, mais elle n'était plus qu'un chiffon calciné.

Fuurin baissa la tête et les épaules, et Trinity se dit qu'elle y était sans doute allé un peu fort avec la messagère qui ne voulait que son bien. Mais même si elle n'avait pas encore craqué, il fallait que Fuurin comprenne que tout n'était pas rose. Le but de Trinity n'avait pas été de blesser la louve ni de la faire culpabiliser. Elle avait parlé parce qu'elle en avait besoin. Mais maintenant, il fallait toujours prier pour qu'elle recommence. Dans la faible lueur du souterrain, la guerrière déchue vit des éclats humides percer dans les yeux de son interlocutrice. Elle allait sans doute pleurer et c'était une mauvaise chose. Pleurer utilisait beaucoup d'eau contenue dans le corps et Fuurin allait s'assoiffer plus vite, ce qui lui ferai utiliser plus d'eau.

Quand elle s'approcha, Trinity ne tenta rien pour s'éloigner. Elle attendait, ni curieuse ni avide de savoir pourquoi elle venait. Ces derniers temps, elle n'avait reçu aucune marque d'affection, aucune marque d'amitié. Et même si Trinity n'en demandait jamais et en recevait très peu en général, elle n'en était pas moins une louve normale et manquer de ça, c'était très mauvais pour la santé mentale. L'affection, elle la trouvait tous les jours, avant que Guerre n'arrive. Dans les yeux un peu admiratifs de son élève, malgré que Trinity ne lui aie jamais dis à quel point elle était fière de ses progrès, elle les voyait dans les yeux des louveteaux qu'elle laissait courir entre ses pattes même si elle ne bougeait pas et qu'elle pouvait tout aussi bien les effrayer par sa mine neutre.


Seulement maintenant, tout ce à quoi elle avait eu droit, c'était à la haine et à la brutalité. Quand Fuurin s'approcha, Trinity ne s'attendait ni à de la haine, ni à de l'affection. Aussi quand elle sentit la truffe douce de la messagère effleurer son poil, elle fut surprise. Une fois encore, elle ne dit rien, n'affichait rien, et n'avait même pas tressailli. La messagère leva ensuite ses yeux embués vers elle et lui sourit.



Les oreilles de la louve tombèrent lentement sur son crâne. Elle ne dit rien et quand bien même elle s'empêchait de réagir, c'était plus fort qu'elle. Elle était touchée par ces mots. Ces mots bienveillants. ces mots plein d'amitié. Elle baissa les yeux et fixa la poussière du sol, Fuurin lui demanda à nouveau de boire. Elle hocha lentement la tête.



Sa voix s'était faite plus brute qu'elle ne l'aurait voulu. Sa difficulté à cacher cette émotion qui lui gonflait le coeur ressortait par la sécheresse et la froideur, mais elle ne leva pas les yeux vers la louve, ne voulant pas voir si cela lui avait causé du mal ou non. Parce qu'en plus de ça, Trinity avait honte, mais ça, pour ne rien changer, elle le cachait bien.

Elle sourit, puis fit demi tour. Trinity la regarda partir sans rien dire. Allait elle revenir apporter l'eau dont elle louait les vertus à la louve déchue? ou ne reviendrait elle pas, accablée d'autant de tâches qu'il en faudrai pour oublier celle qui l'avait fait venir ici? Trinity ne bougea pas, et même si elle le voulait, elle ne pourrait de toute façon pas. Elle se fichait de savoir si Fuurin allait revenir ou non, mais quand elle y pensa, voir quelqu'un la traiter autrement que tout loup ces derniers jours lui avait fait du bien. Même Lagherta n'était pas venue la voir. Même son élève depuis un an ne voulait pas la voir. Mais Fuurin si, Fuurin était venue.

Après dix longues minutes, la messagère finit par revenir, et Trinity ne la quitta pas des yeux durant sa progression dans le couloir. Ses grelots raisonnaient, carillonnant dans l’alcôve. C'est à cet instant que Trinity compris pourquoi la louve ne s'en séparait jamais. Le son teintant des objets la détendit, elle se sentit, pour une fois, apaisée, elle pu lâcher ses muscles sans se soucier de la douleur des brûlures. Ça c'était sur, plus jamais elle ne lui dirait de les enlever.

Fuurin se rapprocha et posa doucement le bol devant la truffe de Trinity qui leva la tête. La messagère glissa alors lentemnet le récipient vers la louve déchue, qui hocha une fois la tête pour la remercier, puis lapa l'eau à son rythme. Une fois la première goute dans sa gorge, elle se rendit compte d'à quel point elle avait faim, et à quel point elle avait soif, cependant elle termina le bol sans rien dire, puis posa la tête sur ses pattes, la truffe vers la louve, et ferma les yeux. Elle était fatiguée, aussi.