j'avais grandi. Devenu adulte, j'avais pris du muscle, et de la force. A peine deux ans et je battais déjà quelques guerriers plus vieux. Aux entrainements, j'étais impitoyable, brutal. je me donnais à fond, et les autres avaient de plus en plus de récitence à s'entrainer avec moi. Cependant je trouvais toujours preneur. Maintenant que j'étais guerrier, le conseil avait décidé de me mettre dans l'escadron de mon père. J'avais parlé à Abby, mais pas encore à lui. Je sentais constamment le regard du cerf sur moi, et ça me motivais à me battre encore plus.

maintenant que j'étais adulte, et que j'avais perdu toutes les rondeurs de l'enfance, je faisais peur aux plus jeunes. Mes canines avaient poussé au point de sortir de ma gueule. Ma crinière était devenue plus rebelle encore, et mon écharpe constamment nouée autour du cou me donnait un air de brigand, et c'était sans parler de mes grosses pattes. Tout ça ne me dérangeait pas le moins du monde, ce n'étaient que des outils de plus me permettant d'accomplir mon objectif final.

Ce jour là, j'étais à l'entrainement et je venais de finir mon combat quotidien, mettant avec difficulté mon adversaire au tapis. Tanyxoth signifia la fin de la séance du jour à cause de la pluie qui tombait drue, et l'escadron se dispersa, certains se dirigeant en groupe vers les tanières, riants et bavardant en bons camarades. L'escadron était soudé, fort. Je me mis à l'écart et commença à m'étirer, histoire de ne pas me retrouver plein de courbatures le lendemain. Cela fait, je décidais d'aller profiter de la fraicheur sous l'ombre des plantes mouvantes.

De l'eau avait coulé sous les ponts, quand j'étais petit, j'avais peur de cette zone du territoire, maintenant je me sentais tout aussi bien là dedans qu'ailleurs dans le clan. Je m'y enfonçais sans crainte, savourant l'ombre et les légers courants d'air. L'épaisseur des plantes me protégeais un peu de la pluie, mais elle était si forte qu'elle arrivait à percer le toit naturel. Je m'assis devant une petite source pour laper l'eau, quand j'entendis quelqu'un courir vers moi. Je souris.

Pour m'approcher comme ça, ça ne pouvait qu'être elle. Et le pas lourd de sa patte gauche me le confirma. Je ne bougeais pas d'un pouce, me préparant plutôt au choc. En effet, la louve cristalline se jeta sur moi et nous fîmes plusieurs roulades avant de nous arrêter, freinés par le terrain qui remontait en pente douce. Nous voilà couverts de crasse, ça ne me dérangeais guère. Je ris un petit peu en l'observant. Bien que j'appréciais profondément sa famille, il n'y avait qu'avec elle que je me sentais si bien. La louve me sourit et je l'observai, toujours sur le dos. Ce sourire si rare sur son visage la rendait si lumineuse. Je souris.


Elle posa ensuite sa tête contre mon poitrail et je la regardais faire, sans bouger. Cette position n'était pas très confortable, mais au moins son corps me protégeais de la pluie. Et puis vouloir bouger alors qu'elle semblait si confortablement installée, c'était un rien méchant. Elle était venue me demander un service, depuis le temps que nous ne nous étions pas vu tous les deux seuls, c'était pour un service qu'elle venait me voir. Soit, je l'écouterai, et après je me vengerai comme il se doit.

La mine de Verd s'assombris. Alors qu'elle se redressait pour se secouer et se débarrasser de toute l'eau, je roulai sur le côté pour m'assoir à mon tour. Je vis la mine de mon amie perdre tout son éclat, devenant sérieuse et peut être un peu triste. Je restai assis, un peu inquiet, ne demandant rien ni ne prononçant mot. Je sentais qu'elle allait parler, j'attendis donc qu'elle commence. Elle avait l'air de réfléchir et je ne voulais pas l'interrompre.

Elle ferma les yeux, comme rassemblant un peu de courage. Je souris. A ces mots je savais déjà ce qu'elle allait me demander. Elle ouvrit les yeux et me regarda, je la fixais sans rien dire, dissimulant mon sourire. Evidemment qu'elle avait un garde du corps. Je me levais et me rapprochais d'elle.


Nous n'étions qu'à quelques centimètres de distances, j'étais prêt. Nous pouvions partir, je n'attendrais que le signal du départ.


Depuis qu'elle m'avait demandé ça, quand nous étions petits, je m'y étais préparé jour et nuit. Si je n'étais pas prêt maintenant, je ne le serai jamais. Je savais que ça allait être dangereux et potentiellement sans retour, mais je savais également que je n'arriverai pas à la convaincre de rester, alors à défaut de lui barrer la route, j'avais décidé dès le début de l'accompagner, c'était tout ce que je pouvais faire de mieux pour elle. Je fermais les yeux et je posais mon front contre le sien. Je la savais inquiète. Je ne dis rien, laissant le silence s'installer. Je tentais de lui montrer que je ferai ça pour elle, que je serai là pour elle. Je ne savais comment le dire clairement, et j'avais peur de le faire maladroitement, alors ce silence était d'une aide implacable, et j’espérais qu'elle entendrait tout ce qu'il avait à lui dire.

A mes mots, je la sentais plus détendue. Je reculais pour la regarder. Nous allions affronter énormément de dangers. Nous allions avoir peur, et il était normal que nous soyons complètement terrifiés à l'idée de partir. Mais elle était convainque de la réussite de sa mission, et quand bien même je l'étais moins, je ferai tout pour qu'elle y arrive. Oui, des sacrifices il y en aurait. Il y aurait des gens sur notre route, voulant nous empêcher d'accomplir cette mission. Elle n'avait été confiée par personne, mais personne ne semblait vouloir le faire. Alors que cette quête allait potentiellement sauver le pays, ils comprendraient, quand nous aurons réussis.

Je la fixais, d'une patte, je relevais doucement son menton, avec autant de douceur que j'en était capable. Nos regards se croisèrent et je lui montrait le mien, déterminé.


Affronter Bêta Léone était difficile, surtout pour ça. C'était le premier niveau. Le plus facile. Une fois fais, une fois partis, tout ce que nous affronterons dehors sera pire encore que la bêta en furie. Je le savais. J'étais prêt.

Elle parlait peu mais disait beaucoup. De tous les loups du clan, je ne me comportais comme ça qu'avec elle, je la connaissais bien, sans vouloir prétendre la connaitre par cœur. Mais je savais qu'une tempête faisait rage en elle. Elle sourit, s'illuminant à nouveau. Je reposai ma patte à terre, satisfait de la voir sourire encore. Elle baissa encore le regard, prévisible. Je ne fis rien cette fois, j'étais pas un pot de colle non plus. Si j'arrivais pas à lui remonter le moral maintenant, j'essayerai plus tard, maintenant je devais la laisser respirer.

Elle finit par faire demi tour, et je restais sur place quelques instants. J'avais senti cet instant. j'avais eu pendant une fraction de seconde l'impression que tout pouvait se produire et pourtant c'était comme si nous étions seuls dans l'univers. Elle me convia à la suivre et je sortis de mes pensée, lui emboitant le pas silencieusement.