S’assombrir encore… Jusqu’à devenir ombre

Ai-je le droit de faire mal ? Pourquoi les autres peuvent-ils être si faibles ? Et moi, pourquoi suis-je parfois si noir ? D’où me viens cette envie morbide, qui, en voyant une créature faible et sans défense, me donne envie de voir quelle serait sa réaction face à la mort ? Quel jeu sordide habite mon âme ? Quel désir étrange me prend quand je vois un cadavre… Pourquoi ceux là me fascinent-ils autant ? Soufflant longuement, j’avançais dans les ombres de la forêt d’un pas lent et tranquille alors que mon ombre s’étendait pour aller caresser celles grandissantes des grands arbres. Dans la fraicheur du soir mon âme se refroidissait d’avantage. J’étais parti toute la journée sans en souffler un seul mot à mère, je n’en avais pas eus envie, cela ne m’avais pas semblé essentiel. Mijaw ne m’avait pas surveillé, je n’avais pas croisé Saladem, et j’avais aimé ma solitude silencieuse. Planant au dessus de moi, l’ombre noir de l’envie pressante de tuer une proie. Je marchais déjà sur les traces d’un marcassin. L’imbécile s’était égaré et avait perdu sa famille de vue. Il s’était condamné seul à une fin tragique et particulièrement douloureuse. Déboussolé, en détresse, et seul, le petit animal avait fait des cercles pendant un moment avant de se diriger en courent vers une direction que je connaissais. Qu’allait-il chercher vers le cimetière si ce n’est que la mort ? Un sourire sombre et malsain se dessina sur mes babines et je pris le trot maintenant qu’il était assez éloigné pour ne pas me voir arriver.

Arrivant aux abords de ce territoire aussi sombre que lugubre, mon œil violet luisait alors que le dorée brillait aussi fort qu’une étoile échouée sur terre. En arrivant, je m’arrêtais et cherchais le cochonnet du regard. Pour vu que je ne l’ai pas perdu de vue. Mais non j’entendis l’animal crier avant de voir un tas de feuille et de poussière se soulever. Pauvre créature il venait de tomber dans une tombe sans doute habité par le cadavre d’un de mes congénères. Ses hurlements et le bruit de la terre me fit comprendre qu’il cherchait à s’enfuir, mais c’était déjà trop tard pour lui. M’avançant lentement, je savourais la mélodie de détresse de ses hurlements ridicules. En arrivant vers la tombe je montais sur la stèle à côté et attendit qu’il sorte avec une impatience malsaine. Je voulais qu’il ai l’espoir de la vie avant de lui ôter le plus sadiquement du monde. Alors quand il sorti enfin de son trou et qu’il se secoua avant de se laisser tomber sur le sol, je descendis doucement de mon perchoir. Il voulu s’enfuir mais je posais ma patte sur son postérieur et y enfoncer profondément mes griffes avant de le ramener d’un coup vers moi. Il hurla plus fort avant que je ne commence à lui tirer sur une patte, le faisait crier plus fort. Mordant dans ses petits postérieurs je parvins à lui arracher les sabots alors qu’il s’agitait encore et qu’il me donnait des coups de pattes en hurlant sa douleur. Quand il n’eut plus de sabots et que l’hémorragie fut importante je me mis à mordre dans sa chair, le faisant souffrir jusqu’à ce que la douleur lui fasse perdre connaissance. C’est à ce moment là seulement que je pris soin de l’achever avant de lécher son sang et donner des coups de crocs dans son abdomen. Je ne voulais pas manger de poils, je me contentais de gratter dans la chair.

Mais alors que je commençais à manger un bruit me dérangea. Je sortis la tête des entrailles de ma proie. Les crocs et les babines couverts de sang comme mes pattes avant et mon poitrail, je détaillais les environs. Me léchant goulument les babines je cherchais le trouble fait du regard avant de voir le loup que j’avais déjà aperçu une fois. Ce loup don la prestance me plait et dans la présence sombre me fascine. Un sourire malsain et froid éclaira mes babines alors que je terminais de me les lécher.


Ma voix froide, lointaine et fantomatique allait parfaitement bien avec mes deux yeux luisant et mon sourire carnassier plein de sang. Dans l’ombre du soir installé je pourrais sans doute faire peur à un loup plus jeune. Mais lui je ne risquais pas de l’effrayer.

S’assombrir encore… Jusqu’à devenir ombre

La silhouette du mâle était grande, et il me cachait de la lumière de la fin du jour. Avec la brume ambiante je ne distinguais que ses couleurs les plus clairs. Mon regard impassible posé sur lui. Je me léchais les crocs en relevant à peine les babines pour arracher les petits bouts de chairs entre mes crocs. Une fois cela fait sa question me fit agiter les oreilles, immobile derrière ma proie je haussais calmement un sourcil et fit rouler mes épaules sous mon épais pelage comme pour les hausser.



Ma flegme habituel m’avait fait dire cela sur un ton neutre, lointain, presque fantomatique. Dire que je préférais tuer parce que c’était amusant était sortit tellement naturellement. Mais en même temps s’était vrai. Considérant que le mâle ne voulait pas ma proie sinon il me l’aurait fais comprendre, je continuais de vider le marcassin de ses tripes avant de m’attaquer à la chair à grands coups de crocs. Je mangeais sans vergogne et sans propreté, on ne m’avais pas apprit à me tenir pendant mes repas, et il était trop tard pour le faire. Me délectant de ma nourriture fraiche, je levais la tête quand je vis qu’Ades était encore là à me regarder bouffer.


Pour appuyer mes paroles j’avalais un morceau de chair en plus avant de reposer mes crocs dans la viande jusqu’à ce que je me mette à machouiller un os dans l’espoir de le briser. Etre observé en train de bouffer ne me dérangeait pas le moins du monde. De toute façon Ades était beaucoup moins inquiétant que Mijaw. Lui au moins on pouvait lire ses émotions, mon frère n’en ayant pas, la chose était beaucoup plus complexe. Puis, me souvenant de sa question je dressais les oreilles à nouveau vers lui. Donnant un coup de croc sec dans l’os je le crachais à côté et l’entendis se heurter à un autre cadavre avant de regarder le loup sombre en face de moi.


Mon c’est nul posé sur un ton de blasé incroyable comme si cale m’ennuyait au plus haut point, ce qui était tout de même vrai après tout. Si ma phrase était posé sur un ton sans émotion palpable le côté blasé et moqueur de mes trois derniers mots étaient bien marqués. Il était bien plus drôle de tuer, parce qu’avant on pouvait faire vivre la pire des horreurs à notre proie, et ça, c’était vraiment divertissant pour le coup. Je suis un loup qui m’ennuie, j’ai besoin de m’occuper, et la seule chose qui m’occupe vraiment, c’est la mort.

S’assombrir encore… Jusqu’à devenir ombre

J’avais conscience qu’il m’avait traqué, et que je lui avais sans doute manqué de respect par ma nonchalance. Mais la peur ne me connaissait pas, et je ne l’avais jamais croisé non plus. Si une fois, mais j’étais plus jeune encore, et plus inexpérimenté. Quand il se mit à gronder je continuais de le regarder très impassiblement. Il frôla ma nuque prêt à me tuer sans nul doute. Si mon esprit était calme, son souffle fit vibrer mes poils qui tentèrent de se hérisser avant de se calmer ensuite. Mais à ma grande surprise il n’en fit rien et se recula. Je me redressais alors pour m’asseoir avant de me relever lentement et de me mettre à le contourner pour m’asseoir à ses côtés et lever la tête vers lui.


Pour une fois ma voix avait eut une émotion, la lassitude. J’étais lassé d’une vie tranquille et sans mouvement. Je m’ennuyais, ce monde était aussi affligeant que sa population. Mais lui ne l’était pas, lui était différent et attrayant. Ma queue fit un mouvement dans mon dos avant que je n’agite les oreilles et le regarde à nouveau.


Oui j’étais diverti à l’idée d’être le chasseur d’une partie de la population et le chassé d’un individu. Cela m’amusait beaucoup. Je savais que je pourrais faire monter l’adrénaline en moi si jamais je voulais fuir. Mais je n’en avais pas envie. J’aimais le risque, le danger. J’étais sans doute fou, pourtant je n’avais aucune peur de lui, et mon calme était à faire peur. Parce que je ne semblais pas inquiet par sa présence, ni même stressé ou énervé, et que la chose était vrai. En fait, sa présence me sortait de l’ennuie et je l’appréciais contre toutes attentes. L’observant, je savais qu’un jour il m’abattrait, que j’étais sa proie, mais qui sait peut être qu’à ses côtés je deviendrais moi aussi un chasseur redoutait et qu’il finirait par être ma proie… Que le serpent qu’il est, finirait dans l’œil de l’oiseau que je suis.

S’assombrir encore… Jusqu’à devenir ombre

Terminant mon repas, mon attention était pourtant bien porté sur Ades. Je surveillais ses agissements histoire de ne pas mal finir non plus. Je tenais tout de même à mon existence misérable d’être parfaitement inutile. Ma queue se mouvant dans un rythme pendulaire quand il se mit à rire un soupire m’échappa. Chacun ses délires, chacun son humour. Lui semblait rire pour bien peu de chose. M’enfin qu’à cela ne tienne, ce fait ne le rend pas moins intéressant. Quand il affirma que j’étais stupide je fis rouler calmement mes épaules sous mon pelage, me redressant pour m’asseoir avant de replier calmement mes ailes sur mon dos et d’observer le loup qui se trouve en face de moi.



Il était la seule occupation que je trouvais un tant soit peut divertissante. Il ne se passait jamais rien ici, c’était d’un ennui mortel. Je m’étonnais d’ailleurs souvent de ne pas en être mort. Tout était redondant. Maman surveillait, Mijaw obéissait comme un bon toutou, Nephtys faisait l’idiote, Saladem se prenait pour une impératrice, et moi j’observais cela avec le plus d’ennui qu’il soit possible d’éprouver. Tout était tellement affligeant. Sauf maman, seul être vivant à ce monde auquel je voulais bien obéir, mais seulement lorsque j’en avais envie, et que ça avait une certaine capacité à me divertir. Ma queue s’agitant, je sentis bien son envie grandissante de me faire regretter mon indifférence. Mais j’étais ainsi, me changer sera sans doute une chose bien impossible.

Quand il se retourna et s’éloigna je me relevais, attraper un os de marcassin que je coinçais entre mes dents, et le rattrapais d’un battement d’ailes. Pas question que ma nouvelle source de divertissement se fasse la malle maintenant. Il pourrait bien finir par me dévorer, si j’ai pu m’occuper avant alors ça aura été donnant-donnant.



J’avais bien compris qu’il se nourrissait des plus jeunes que lui. Étrangement cela ne m’avait jamais dérangé. Pour moi si un louveteau n’était pas apte à fuir le danger alors il était faible. Et ici c’était la loi du plus fort. Tu ne peux pas vivre seul, tu meurs… Et comme tout doit servir à quelque chose, autant que les cadavres des plus faibles servent à renforcer les plus forts. Suivant le mâle, l’os coincé entre les crocs qui dépassait de ma babine, je me demandais où il allait se diriger.

S’assombrir encore… Jusqu’à devenir ombre

Quand il s’arrêta pour se retourner après quelques pas, j’en fis de même et l’écoutait. Penchant alors la tête pour me gratter l’oreille qui fit des flotti flotta sous ma patte, je crachais l’os d’un souffle sec et vif. Puis reposant lentement ma patte sur le sol, j’observais le mâle en face de moi. Ma queue fit un mouvement lent et tranquille, mon regard impénétrable et froid posé sur lui, j’ouvris la gueule dans un baillement avant de reposer mes yeux sur le mâle et de me remettre en route, suivant le chemin qu’il avait commencé à tracer. Je me mis alors à réfléchir à un divertissement sur longue durée pour nous deux, et là, l’idée me traversa la tête. A quelques pas de lui, je m’arrêtais et me tourner de trois quart.


L’idée était simple, le jeu aussi, mais il allait prendre du temps, il allait demander du savoir faire, et de la technique. Et moi il allait falloir que je grandisse encore un peu pour pouvoir achever la partie que j’avais en tête. Mais si son goût pour la mort et la chasse était aussi prononcé que je le croyais. Alors une chasse de plusieurs années lui plairait surement. Et moi l’idée même était en train de me fasciner.