Lagherta

Tout était noir, mon esprit, mon entourage, j'étais encore dans les limbes du sommeil. Ou plutôt les limbes de l'inconscience, car je m'y trouvais encore. Je ne saurais dire combien de temps j'y avais passé, mais vu l'état de mes blessures, probablement plusieurs jours. Ce n'était pas la première fois. Je dormais si rarement sur mes deux oreilles que lorsque je perdais connaissance suites aux mauvais traitements de mes parents, cela durait parfois des heures voir des jours. Et durant ce laps de temps, bien évidemment, mon père était furieux et ne pouvait s'empêcher de me faire du mal durant le temps que durait mes absences. Je commençais par entendre des sons lointains, comme des voix, mais je ne parvenais pas à comprendre ce qui se disait, ni si je les connaissais. Les derniers événements me revinrent en mémoire. Mon père, sa sauvage attaque envers moi après ma fuite. Puis le corps qui s'était installé près de moi et s'était mis ensuite à me laver.

Je m'accrochais aux sons que j'entendais au loin, histoire de revenir dans le présent, me réveiller enfin. Je tentais doucement d'ouvrir les yeux, et après quelques efforts, j'y parvins enfin. Peu à peu, les sensations de mon corps revinrent. La douleurs afflua aussitôt, violente, meurtrière, me prouvant ainsi que j'étais en vie. Je gémis doucement et tentais de bouger, mais j'en étais bien incapable. J'étais comme ligotée. Mais en baissant les yeux sur mon corps, je remarquais en fait qu'il s'agissait de multiples bandages destinés à soigner mes nombreuses plaies. Mon regard se posa ensuite tout autour de moi. Je me trouvais dans une tanière, apparemment, sur un lit de paille et de poils, très douillet, bien loin de celui que j'avais eu jusqu'à ce jour, de la terre meuble et dure, voir de la boue les jours de pluies. Et puis mon regard se posa ensuite sur les protagonistes originaires des bruits qui m'avaient sortis de mon inconscience. Mon regard se concentra surtout sur le plus grand des deux. Il avait l'air très grand, une fourrure épaisse mélangée d'orange et de bleu et sa mâchoire inférieure était blanche. Etait-ce lui qui m'avait sauvée ?

J'inspirais une grande bouffée d'air pour tenter d'analyser les odeurs qui se trouvaient dans cette tanière, mais l'extension de ma cage thoracique pour accueillir tout cet air me vrilla les côtes. Celles-ci devaient probablement être dans un sale état suite au choc avec l'arbre dans lequel mon père m'avait violemment balancée. La douleurs m'arracha un couinement que je tâchais d'atténuer du mieux que je le pouvais. Mon père ne supportait pas de nous entendre couiner ou gémir, cela nous valait une correction, toujours.

Lagherta
Les voix n'étaient finalement pas douces, au contraire, les loups qui étaient là semblaient plutôt se prendre le choux. Et si mon esprit ne me jouait pas de tours, ils se disputaient à propos de moi, enfin, plutôt mon état.

A peine avais-je émis le couinement de douleurs qu'un loup énorme se coucha devant moi et posa sa grosse tête juste devant la mienne. J'eu un sursaut de frayeur qui m'arracha encore un cri de douleurs. Puis je me mis à détaillé le grand loup. Il ne semblait pas me vouloir du mal, au contraire, son visage affichait un air autant soulagé qu'inquiet. Mais je n'eu pas vraiment le loisir d'approfondir la question car il fut bousculer par un autre loup qui prit sa place. Sans attendre d'avantage, il lança :

-" Alors, voilà enfin notre petite qui se réveille. Tu l'as échappée belle, petite, il s'en est fallu de peu pour que tu y reste... Comment tu te sens ?

Je le regardais un moment, perplexe, puis je tentais de bouger un peu. Impossible, une douleur atroce me vrilla le corps en entier. Je grimaçais, mais aucun son ne sortis de mes babines. Père ne supportais pas de nous entendre couiner ou émettre le moindre son. Les vieilles habitudes ont la vie dur.

-"J'avoue avoir connu mieux... Qui êtes-vous ? Et où suis-je ?"

Je me sentais quelque peu perdue, mais j'avais également ce sentiment qui me disait que j'étais bien ici, que je ne souhaitais pas partir. Et surtout pour retourner d'où je venais. Ici, j'étais installée sur un douillet lit de paille et de poils, apparemment, on s'inquiétait de mon état et on veillait sur moi. Je n'étais absolument pas habituée à cela, mais je sus, après une analyse rapide, que je pourrais m'y faire, que ça pourrait me plaire. Mais je ne me faisais pas d'illusion, c'était probablement trop beau pour être vrai. Je devais probablement encore dormir et être dans le coma.

Lagherta
Lorsque je sursauta en voyant cette grosse tête juste devant mes yeux, en les ouvrant, le propriétaire de la fameuse tête sursauta et recula, comme effrayer... Quoi, c'est moi qui lui faisait peur ? Je regardais mon petit corps couvert de bandages et là où il n'y en avait pas, il y avait des cicatrices. Alors, oui j'étonnais moins de sa réaction. Je devais faire peur à voir, j'avais probablement l'air pitoyable aussi... Lorsque l'autre loup le bouscula, il ne réagit même pas. Mais alors qu'il s'en allait, je vis que c'était un très grand loup, simplement il était très maigre, on lui voyait les côtes, ses joues étaient creusées et sa fourrure était terne et emmêlée par endroit, et même sale à d'autres. Mais en forme, il devait probablement être majestueux. A présent que j'y réfléchissais, dans ses yeux, en plus de la peur qui s'y était lue, j'avais également remarqué une grande tristesse qui devait être présente depuis un moment, car elle faisait comme partie de son regard.

Je connaissais ce genre de regard, car c'est celui qu'avait mon dernier frère depuis quelques temps avant qu'il ne se laisse mourir, me faisant ses adieux en disant qu'il ne pouvait plus supporter cette vie. Qu'il préférait ne pas en avoir plutôt que d'avoir celle-là. J'avais compris son choix, même si j'avais été incapable de faire de même. Et même s'il me manquait, j'étais bien incapable de lui en vouloir pour son choix. Puis, il s'était endormi et notre mère l'avait emmené pour l'abandonner dans la forêt. C'est la dernière fois que j'avais vu Ragnar. En repensant à mon frère, celui dont j'étais le plus proche, l'autre n'avait même pas survécu assez longtemps pour que nos parents le juge digne de recevoir un nom, m'évoqua à nouveau la profonde tristesse à l'idée que je serais à présent seule avec nos parents, que je m'étais prise à penser que plus jamais je n'aurais de soutient de la part d'un autre membre de ma famille. Qu'ils auraient tout le loisir de me maltraiter, il n'y avait plus de témoins désormais... Mon regard se fit triste en songeant à mon frère, si seulement il avait tenu bon, peut-être que lui aussi aurait pu s'enfuir avec moi, et qu'on aurait pu s'en sortir, ensembles... Tout cela pour dire que ce grand loup était rongé par un chagrin dévorant qui l'avait rendu maigre et son regard s'était éteint...


-"Ne vous en allez pas ! Et je n'ai pas peur de vous. Mais ouvrir les yeux et apercevoir votre tête énorme juste sous mon nez m'a surprise quelques peu... Vous êtes rongé par le chagrin, cela se voit dans vos yeux, votre regard est comme, éteint... Mon frère avait le même regard avant de se laisser mourir..."

J'espérais qu'il changerait d'avis et voudrait bien rester avec moi. Car même si mon odorat n'était pas total, son odeur était très présente dans cette tanière ce qui me faisait en déduire qu'il venait d'y passer les derniers jours. Et comme l'autre loup me semblait être médecin, lui, il devait donc être mon sauveur...

Lagherta
Il ne put s'empêcher de rire un peu suite à mon commentaire sur son énorme tête. Puis, quand je lui annonçais que je savais qu'il avait du chagrin et pourquoi, il parut profondément choqué. Pourquoi, je ne le savais pas, mais c'était le cas. Et il ne s'expliqua pas sur ses raisons, à la place, il secoua la tête et déclara :

-"Alors je vais seulement aller me chercher de quoi manger d'accord? Il est temps de remettre de la viande sur mon squelette tu ne crois pas? Je ne voudrais pas que tu ais honte de ton père."

Le mot père me mis quelque peu mal à l'aise, malgré tout, je cachais le plus possible et le laissais donc s'en aller pour aller chercher à manger, pour l'instant, il était bien trop tôt pour parler de père. Actuellement, j'étais plutôt perdue. Je ne savais même pas encore son nom... Et puis je n'étais pas vraiment certaine de vouloir un père... Le mien m'avait suffit...

Le guérisseur termina mes soins, du mieux qu'il put, en tentant de me faire le moins mal possible, mais cela relevait quasiment de l'impossible, alors malgré la douleurs, je fis de mon mieux pour ne pas couiner de douleurs à chacun de ses mouvements ou presque. Le pauvre n'y pouvait rien, il se faisait le plus doux possible. Malheureusement, mon père m'avait clairement bien massacrée. Une fois sa tâche terminée, le guérisseur s'en alla en me laissant pour consignes de rester allongée et de bouger le moins possible, m'annonçant que la plaie de mon dos pouvais me privée de mes pattes arrières pour toujours si jamais elle s'aggravait encore d'avantage. Un moment après que le guérisseur soit parti, je décidais de fermer un peu les yeux, de toute façon, seule et immobilisée comme je l'étais, je n'avais pas grand chose de mieux à faire.

J'entendis le loup revenir bien avant qu'il ne me pousse du museau, mais je souhaitais voir quelle serait sa réaction en pensant que je dormais. Et qu'elle ne fut pas ma surprise, m'attendant à l'habituel coup de patte dans le ventre ou coup de croc sur l'oreille, ce fut un doux petit coup de museau. J'ouvris immédiatement les yeux. Il déposa un lapin devant moi, tout simplement. Je me préparais à prendre un coup, ou quelque chose. La nourriture, ça se méritait, on ne l'avait jamais gratuitement. Comme rien ne vint, je lançais un regard soumis et demandais d'une petite voix :

-"Que voulez-vous que j'accomplisse pour mériter mon repas, Sire ?"

Aussitôt, je baissais les yeux, Père ne supportais pas que nous le regardions trop longuement dans les yeux et ses corrections étaient faites en sortes que nos erreurs ne se répètent pas. Effectivement j'avais faim, mais j'attendais de savoir comment j'allais pouvoir gagner ma pitance dans l'état où j'étais actuellement, mes options étaient très limitées. Ainsi, il se nommait Gaor. Il jura ensuite de prendre soin de moi, et même si une partie de mon cœur se réchauffa à cette simple idée, je m'empêchais de trop me réjouir, car tout se payait dans la vie, toujours. Alors je n'osais pas y croire complétement. Néanmoins, je lui offris mon meilleur sourire à cette nouvelle. Mais je n'osais toujours pas entamer mon repas.